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Source
Nikolski - Jancovici https://youtu.be/B2SI1zMN5ho?si=PwdXJdM_VjtLwmOR
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Réponses au quiz de fin :

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Par quel facteur la capacité de transport de marchandise de la marine mondiale a-t-elle été multipliée depuis 2 siècles ?
100.

Quels éléments sont encore instables après arrêt des émissions de GES ?
Température océanique, calotte glaciaire, niveau de l'océan, écosystèmes.

Depuis quand les bactéries existent-elles ?
Plus de 3 milliards d'années.

#jancovici #nikolski #écologie #risque #avenir #futur #alimentation #femme #droit #pétrole #oil #stopoil #charbon #marine #janco #frontpopulaire #interview #extrait #ethiqueettac
Transcription
00:00:00 En matière d'environnement, la quasi-totalité de ce qui aujourd'hui s'applique en France,
00:00:03 en fait, est d'origine européenne.
00:00:04 On ne fait pas sa vie de la même façon si on sait que les enfants qu'on va mettre au monde vont vivre,
00:00:09 ou si on pense qu'ils vont peut-être mourir, et même qu'il y a de très bonnes chances qu'ils meurent.
00:00:12 Jamais le monde n'a consommé autant de charbon qu'aujourd'hui.
00:00:15 Les gens qui aujourd'hui s'expatrient, vont vivre à l'étranger en disant "c'est pas grave,
00:00:18 parce que tous les ans je prendrai l'avion pour aller passer Noël en famille",
00:00:21 viendra un jour où on retombera dans le contexte des Italiens qui émigraient à Manhattan
00:00:26 et ils y restaient pour de bon et ils ne revoyaient pas leur famille.
00:00:30 Des moments où il y a une déplétion, une raréfaction des ressources,
00:00:31 sont rarement des moments propices à un fonctionnement routinier, pacifique et calme.
00:00:35 Pour enrayer le réchauffement climatique, on ne peut plus rien faire.
00:00:38 Certaines conséquences du réchauffement climatique sont maintenant inarrêtables
00:00:41 pour des siècles ou des millénaires.
00:00:42 Parmi les libertés qu'on risque de perdre, moi j'aurais ajouté aussi la liberté pour les femmes
00:00:45 de ne pas avoir à faire si sous 7 enfants.
00:00:47 Quelle est la fraction des personnages politiques français qui ont compris que
00:00:51 le sujet dont on vient de parler longuement est un sujet qui se rattache à l'énergie,
00:00:54 je pense qu'il n'y en a quand même pas beaucoup.
00:00:56 Elles nous ont tant apporté, elles ont tant nous manqué plus tard.
00:01:05 Elles, ce sont les énergies fossiles dont on prédit la disparition dans quelques décennies pour certaines.
00:01:10 Une disparition qui pourrait avoir des conséquences absolument dramatiques.
00:01:13 Pour en parler, j'ai le plaisir de recevoir Vera Nikolsky, fonctionnaire et docteur en sciences politiques
00:01:19 et également auteur de féminicène aux éditions Fayard.
00:01:23 J'ai également le plaisir de recevoir Jean-Marc Jancovici, président du Shift Project
00:01:27 et co-auteur de la pente dessinée "Le monde sans fin" dessinée par Christophe Blain et éditée chez Dargaud.
00:01:33 Bonjour à tous les deux.
00:01:35 Alors ce qui est frappant à la lecture de votre livre, c'est la complémentarité des deux ouvrages
00:01:40 et de leur façon d'aborder les énergies, leur rapport à notre civilisation.
00:01:45 Alors Jean-Marc Jancovici, pour commencer cet entretien, je voudrais qu'on revienne un peu aux sources.
00:01:49 On a tendance à oublier à quel point cette énergie est ancrée dans notre quotidien.
00:01:55 Est-ce que vous pouvez nous dire à quel point la civilisation du pétrole nous entoure ?
00:01:59 C'est la civilisation des énergies fossiles plus largement
00:02:02 parce qu'aujourd'hui on est encore entouré d'énormément de charbon.
00:02:04 Jamais le monde n'a consommé autant de charbon qu'aujourd'hui.
00:02:08 Quand on raisonne en proportion, on pense parfois que le charbon est une énergie du passé.
00:02:11 Quand on raisonne en valeur absolue, en fait non.
00:02:13 Les énergies sont toutes empilées les unes sur les autres, si on regarde les deux derniers siècles.
00:02:18 Et on ne se rend pas compte de ça parce qu'en France,
00:02:21 nous n'avons pas de puits de pétrole, enfin de manière très marginale,
00:02:23 il y en a quelques-uns dans le bassin parisien.
00:02:25 Nous n'avons plus de gisements de gaz exploités.
00:02:27 Et comme nous sommes tous un peu comme saint Thomas, c'est-à-dire qu'on croit ce qu'on voit,
00:02:31 comme on ne voit pas de puits de pétrole autour de nous,
00:02:33 et puis qu'on ne voit pas les raffineries, et puis qu'on ne voit pas les vapeurs-craqueurs,
00:02:36 et puis qu'on ne voit pas les usines, et puis qu'on ne voit pas etc.,
00:02:39 on a tendance à oublier que les énergies fossiles sont absolument partout autour de nous.
00:02:43 Elles sont partout, je suis venu ici par les transports en commun,
00:02:46 pourtant pour fabriquer le bus, il a fallu du charbon.
00:02:48 Je porte une fourrure polaire, c'est un dérivé du pétrole.
00:02:51 Ce soir, j'ai l'intention de manger, je mangerai de la nourriture
00:02:54 qui a été fertilisée avec des engrais azotés qui proviennent du gaz.
00:02:58 Je sortirai ma nourriture de mon frigo,
00:03:00 mon frigo, il est arrivé par un porte-conteneur,
00:03:02 parce que maintenant on ne fabrique plus de frigo en France, ou très marginalement,
00:03:05 de Dieu sait quel pays lointain,
00:03:07 où il a été fabriqué avec aussi du pétrole, du gaz, du charbon, etc.
00:03:11 Donc en fait, les énergies fossiles, elles sont absolument partout
00:03:14 dans tout geste de notre quotidien,
00:03:15 simplement, comme on ne se le martèle pas,
00:03:17 comme on ne se le répète pas toutes les 30 secondes,
00:03:19 eh bien, on a un peu tendance à l'oublier
00:03:21 et on a tendance à faire place dans notre quotidien
00:03:23 simplement aux objets qu'on voit autour de nous
00:03:25 et il n'y a pas marqué pétrole dessus.
00:03:27 Si on refait un petit point avec l'histoire finalement,
00:03:29 à quel point justement cette société a été modelée
00:03:32 par rapport au précédent R finalement ?
00:03:34 Il y a eu une énorme rupture avec la révolution industrielle,
00:03:36 donc comment ça s'est matérialisé ?
00:03:41 Alors, la rupture importante,
00:03:44 en fait, des ruptures importantes, il y en a eu plusieurs.
00:03:46 Si vous lisez un autre excellent livre
00:03:49 qui s'appelle "De l'inégalité parmi les sociétés" de Jared Diamond,
00:03:52 vous vous rendrez compte qu'en fait, le déterminisme géographique,
00:03:55 le déterminisme biologique et le déterminisme climatique
00:03:59 a été majeur dans l'émergence des civilisations au moyen de latitude
00:04:02 et ça, ça a également été quelque chose de central
00:04:05 dans le fait qu'aujourd'hui, on ait des civilisations occidentales
00:04:08 dopées aux énergies fossiles.
00:04:10 Et quand on retrace la chronologie,
00:04:12 il y a effectivement eu une rupture très significative
00:04:15 ou plus exactement une inflexion extrêmement significative il y a deux siècles.
00:04:18 C'est quand on a commencé à utiliser de manière significative,
00:04:20 parce qu'on les connaissait d'avant,
00:04:22 les énergies fossiles, donc d'abord le charbon,
00:04:24 puis on y a rajouté le pétrole et plus récemment, on y a rajouté le gaz.
00:04:28 Alors, ce que ça a eu...
00:04:29 Pardon, un autre point important,
00:04:32 c'est que ces énergies, on a été capable de les utiliser,
00:04:34 non seulement parce qu'elles existaient sur Terre,
00:04:36 mais également parce qu'on a découvert le moyen de s'en servir à large échelle
00:04:39 avec la machine à vapeur et le moteur à combustion interne,
00:04:42 qui sont encore aujourd'hui les deux esclaves mécaniques
00:04:45 qui dominent la machinerie mondiale.
00:04:46 C'est encore ça qui domine la machinerie mondiale.
00:04:48 Il y a aussi également des moteurs électriques absolument partout,
00:04:50 mais le moteur à combustion interne et la machine à vapeur,
00:04:54 c'est-à-dire les centrales électriques,
00:04:55 sont des choses qui sont encore dominantes
00:04:58 dans le système énergétique mondial.
00:05:00 Et ça, ça nous a permis de démultiplier par plusieurs centaines
00:05:04 la force musculaire des individus.
00:05:06 Et donc, ça nous a permis de cultiver beaucoup plus vite,
00:05:09 de cultiver de façon beaucoup plus importante.
00:05:11 Ça a engendré la révolution agricole,
00:05:12 qui a également eu des implications majeures pour la thèse de Vera.
00:05:16 Ça a déclenché la société d'opulence et de consommation
00:05:21 que nous connaissons aujourd'hui.
00:05:22 Ça a déclenché le temps libre,
00:05:23 parce que comme les machines travaillent à notre place,
00:05:24 on a le temps de se poser dans un canapé et de se raconter la vie,
00:05:27 ce qu'on est en train de faire en ce moment.
00:05:28 Ça a déclenché les études longues, ça a déclenché les retraites,
00:05:31 ça a déclenché l'urbanisation et la concentration des populations dans les villes.
00:05:35 Ça a déclenché la mondialisation.
00:05:36 La mondialisation, c'est des bateaux, c'est des camions,
00:05:38 et c'est plus marginalement des avions et Internet.
00:05:41 Enfin bon bref, ça a déclenché la totalité de ce que nous connaissons aujourd'hui
00:05:45 par ce simple, paradoxalement, facteur multiplicatif,
00:05:49 qui est la différence entre la puissance de toutes ces machines
00:05:52 qui utilisent des énergies fossiles
00:05:54 et la puissance de nos maigres carcasses en comparaison.
00:05:56 Alors Vera Nikolsky, votre livre analyse l'évolution du rôle de la femme
00:06:00 dans la société en parallèle de l'utilisation notamment des énergies fossiles.
00:06:04 Alors justement, est-ce que vous pouvez nous dire un petit peu
00:06:06 comment un monde sans énergies fossiles, ou en tout cas marginal,
00:06:10 a très concrètement affecté la société, les rapports entre les hommes et les femmes ?
00:06:16 Oui, alors c'est un peu la même idée que ce que vient d'exposer Jean-Marc,
00:06:20 dont je me suis beaucoup inspirée.
00:06:21 Je me suis beaucoup inspirée de ses travaux, de ses livres, en écrivant ce livre.
00:06:25 C'était vraiment quelque chose qui m'avait beaucoup marquée,
00:06:27 cette idée que l'usage démultiplié des énergies fossiles
00:06:32 a profondément transformé le monde matériel qui nous entoure.
00:06:36 Et ce qui est drôle d'ailleurs, c'est que dans des conférences publiques et autres,
00:06:39 souvent que donne Jean-Marc, lorsqu'il évoque cette idée de cette transformation colossale,
00:06:44 alors avec le temps je trouve que la sidération est moindre,
00:06:47 mais je me souviens il y a quelques années,
00:06:48 il y avait vraiment beaucoup de surprises dans le public, ça provoquait toujours.
00:06:52 Il y en a encore parfois.
00:06:53 Il y en a encore parfois.
00:06:54 C'est vraiment une idée qui nous est devenue, comment dire,
00:06:57 peu familière pour la raison que Jean-Marc vient d'évoquer,
00:06:59 c'est-à-dire que ça ne se voit pas forcément,
00:07:02 le monde qui nous entoure nous semble naturel,
00:07:04 et on est aujourd'hui dans des générations qui sont déjà nées à l'intérieur de ce monde.
00:07:07 La mémoire du monde d'avant, elle se perd peu à peu,
00:07:10 ce qui est tout à fait normal.
00:07:11 C'est normal, ça fait longtemps,
00:07:13 donc c'est vraiment en renvoyer au temps de nos aïeux,
00:07:17 aux films en costume, aux fictions, etc.
00:07:19 Et dans la vie normale, ça se passe comme ici, comme dans ce studio, etc.
00:07:24 Alors qu'est-ce que ça signifie pour les femmes ?
00:07:26 Alors ça, c'est la question que je me suis posée.
00:07:28 Je me suis posée cette question d'abord parce que
00:07:30 quand on réfléchit à la condition des femmes, à leur rôle dans la société,
00:07:34 on est souvent concentré sur les idées, les idéologies,
00:07:38 les écrits, les droits,
00:07:41 donc tout ce domaine qui relève, on peut dire, de la superstructure, n'est-ce pas ?
00:07:46 Et on pense beaucoup moins au matériel,
00:07:48 on pense beaucoup moins aux conditions qui rendent cette superstructure possible.
00:07:52 Et bon, ça c'est une question que Jean-Marc n'avait pas abordée.
00:07:57 Au moment où je me suis dit que je vais écrire ce livre,
00:07:59 je me suis dit que ça allait faire un complément aux autres domaines
00:08:05 dans lesquels il avait bien montré l'importance de ce facteur.
00:08:08 Alors en quoi ça a influencé,
00:08:10 en quoi ça a provoqué un changement dans le statut des femmes ?
00:08:13 Eh bien pour toute une série de raisons.
00:08:15 En fait, il faut, pour commencer, imaginer quel était ce monde d'avant,
00:08:19 ce monde d'avant dans lequel les énergies fossiles
00:08:23 ne jouaient pas le même rôle qu'aujourd'hui.
00:08:24 C'était un monde où la force physique avait beaucoup plus d'importance,
00:08:28 où les êtres humains, enfin l'humanité,
00:08:31 étaient beaucoup moins "protégées" des facteurs naturels de son environnement,
00:08:36 parce que toutes ces transformations du monde matériel
00:08:38 nous ont permis de construire des ramparts et des digues
00:08:40 qui nous protègent du froid, de la faim, des maladies également,
00:08:44 par le progrès technique cumulatif.
00:08:46 Eh bien dans ce monde d'avant, les rôles des hommes et les rôles des femmes
00:08:49 étaient forcément beaucoup plus normés et beaucoup plus hétérogènes,
00:08:54 parce que, pour commencer, dans ce monde,
00:08:58 la mortalité infantile était très haute,
00:09:00 et la mortalité infantile était très haute,
00:09:02 la natalité devait suivre, donc il fallait faire beaucoup d'enfants
00:09:05 pour que chaque famille et le groupe dans son ensemble puissent se reproduire.
00:09:09 Et donc le temps biographique des femmes était forcément très limité,
00:09:12 il était très limité par ce rôle reproductif qui était essentiel.
00:09:16 Et puis les tâches domestiques également prenaient un temps très considérable,
00:09:20 parce qu'il fallait tout faire soi-même.
00:09:22 Tout ce qui aujourd'hui est externalisé à la faveur justement
00:09:24 de cette infrastructure technologique qui fait les choses à notre place,
00:09:28 des gens ailleurs, des machines ailleurs qui fonctionnent dans des usines en acier
00:09:32 mais qu'on ne voit pas, parce qu'elles ne sont pas à côté,
00:09:33 elles sont loin, on ne les voit pas.
00:09:35 Eh bien tout ça, avant, les gens devaient le faire eux-mêmes,
00:09:37 à l'intérieur de chaque foyer, et du fait de leur fonction reproductive
00:09:41 qui faisait qu'elles s'occupaient des enfants,
00:09:43 eh bien c'était aussi les femmes qui effectuaient la majorité de ces tâches.
00:09:47 Et la révolution industrielle et ses conséquences,
00:09:50 ça n'a pas été instantané évidemment,
00:09:52 parce que les effets sociaux prennent toujours un peu de temps pour se manifester,
00:09:56 mais dans les décennies qui ont suivi la révolution industrielle,
00:10:00 cette technologisation croissante du quotidien a libéré un temps considérable
00:10:05 dans la biographie des femmes, collectivement parlant.
00:10:08 Évidemment il y a des différences selon les milieux sociaux, etc.,
00:10:11 on peut entrer dans les détails.
00:10:12 Mais c'est cette libération du temps, grâce à la diminution drastique des tâches domestiques,
00:10:17 mais aussi à la diminution de la natalité,
00:10:19 qui elle-même a été permise par la diminution de la mortalité enfantile,
00:10:22 qui ont permis aux femmes d'avoir du temps pour faire des études,
00:10:26 pour travailler à l'extérieur,
00:10:28 et donc d'avoir une autonomie, y compris financière,
00:10:31 par rapport à leur conjoint,
00:10:32 ce qui est évidemment le premier pas vers une plus d'égalité.
00:10:37 Vous Jean-Marc Jancovici, est-ce que vous observez justement
00:10:40 une corrélation entre l'évolution de l'utilisation des énergies fossiles
00:10:46 depuis l'ère industrielle,
00:10:47 et l'accroissement démographique ?
00:10:49 Est-ce qu'on peut faire un lien direct ?
00:10:51 Alors oui, le lien, enfin, objectivement,
00:10:53 le lien, je ne sais pas, en tout cas il y a une corrélation évidente,
00:10:56 qui est que dans les pays dans lesquels le PIB est plus important,
00:11:00 la natalité a tendance à être plus basse,
00:11:01 quand on fait un panorama mondial.
00:11:03 Après, il y a un débat sur la cause réelle,
00:11:06 parce qu'il y a des gens qui disent,
00:11:07 en fait ce n'est pas la richesse qui est la cause réelle dans cette histoire,
00:11:11 c'est un certain nombre d'éléments qui, par ailleurs,
00:11:13 sont également à l'origine de l'augmentation du PIB,
00:11:16 l'éducation,
00:11:18 et le temps disponible effectivement pour les études, etc.
00:11:24 Et alors il y a un truc que moi j'ai beaucoup apprécié,
00:11:26 enfin j'ai beaucoup apprécié,
00:11:26 que j'ai trouvé très amusant, plus exactement,
00:11:28 dans le livre de Vera,
00:11:30 c'est qu'elle y met également l'émergence du capitalisme,
00:11:34 en disant, comme les capitalistes sont sans scrupules,
00:11:36 ils ont tendance à vouloir faire travailler tous les gens qui peuvent travailler,
00:11:39 et donc ils ont contribué au salariat des femmes,
00:11:41 et donc à leur émancipation économique,
00:11:42 je trouve ça assez rigolo comme thèse,
00:11:45 parce que j'ai envie de dire, autant pour la convergence des luttes,
00:11:48 mais c'est quand, pour revenir à votre question,
00:11:52 oui, il y a une corrélation évidente, encore une fois,
00:11:57 dont l'interprétation fait débat,
00:11:58 parce qu'il y a une histoire de poule et d'œufs dans cette histoire,
00:12:02 entre les revenus économiques et la démographie.
00:12:06 En tout cas, ce qui me semble évident comme lien,
00:12:08 c'est le lien entre cet usage croissant de l'énergie,
00:12:12 et donc le progrès économique et technique cumulatif,
00:12:15 et la baisse de la mortalité.
00:12:16 Oui, oui, parce qu'effectivement, j'ai oublié de le dire,
00:12:18 l'économie c'est de l'énergie.
00:12:19 D'ailleurs autrement, les pays dans lesquels il y a un revenu économique important,
00:12:25 c'est parce qu'il y a beaucoup de machines qui travaillent, c'est essentiellement ça.
00:12:27 Est-ce qu'on peut faire un lien entre la science et la médecine,
00:12:31 et le développement des énergies ?
00:12:32 Est-ce que c'est ça ?
00:12:33 Sur ce point-là, je n'ai pas su forcément me situer en vous lisant, Théra.
00:12:38 Est-ce que ce lien est faisable, cohérent ?
00:12:42 La science fonctionne par progrès cumulatif,
00:12:45 et le progrès cumulatif, je suppose,
00:12:46 pour commencer, c'est qu'il y ait suffisamment de gens qui s'en occupent.
00:12:48 Et pour qu'il y ait suffisamment de gens qui s'en occupent,
00:12:50 il faut qu'ils aient du temps et du loisir à y consacrer.
00:12:53 Dans les sociétés pré-industrielles, il y avait des gens qui s'occupaient,
00:12:56 des choses de l'esprit, etc., des lettrés,
00:12:58 mais leur nombre était très réduit,
00:12:59 parce que la majorité des gens devaient travailler la terre
00:13:02 et produire des choses utiles à consommer, etc.,
00:13:04 pour que la société subsiste.
00:13:07 L'usage des énergies croissants a permis à un plus grand nombre de gens
00:13:10 d'occuper des fonctions non productives au sens strict,
00:13:12 c'est-à-dire non liées à la production directe d'aliments, d'objets, etc.
00:13:16 Donc déjà, il y a ça.
00:13:17 Et puis ensuite, la révolution industrielle n'a pas inventé la science.
00:13:22 Ça a été une espèce d'interaction entre le développement scientifique
00:13:25 et puis son incarnation dans des objets, des artefacts techniques.
00:13:29 Mais c'est clair que c'est une relation circulaire
00:13:31 avec les gains de productivité,
00:13:35 et donc l'enrichissement qui en résulte,
00:13:36 qui stimule le financement de la recherche.
00:13:38 Et puis, oui, le processus de l'économie capitaliste également,
00:13:44 qui évidemment a été aussi très important dans l'équation
00:13:48 parce que les inventions technologiques permettent d'augmenter la productivité,
00:13:52 donc d'augmenter les rendements et donc d'avoir plus de profit.
00:13:57 Oui, je suis d'accord que c'est assez ironique,
00:14:00 d'autant plus que beaucoup de féministes
00:14:03 ont tendance à séparer complètement les deux,
00:14:06 le progrès de la condition des femmes et puis le capitalisme,
00:14:09 voire à les opposer, c'est-à-dire en se disant
00:14:11 que le capitalisme est forcément patriarcal.
00:14:13 À mon avis, c'est une erreur totale.
00:14:15 Au contraire, le capitalisme, c'est un...
00:14:17 Historiquement, je ne dis pas du tout qu'il y a un lien consubstantiel
00:14:20 entre capitalisme et libération des formes, pas du tout.
00:14:22 On peut obtenir exactement le même effet avec un autre type d'économie
00:14:25 à condition qu'il s'accompagne d'une industrialisation.
00:14:28 Mais historiquement, l'industrialisation est née en Occident
00:14:31 dans le cadre d'un des développements du capitalisme
00:14:34 qui a pris cette forme-là.
00:14:36 Et c'est comme ça. C'est de l'histoire.
00:14:39 Même si on remonte plus loin, en fait,
00:14:41 dans le livre de Diamond dont je parlais tout à l'heure,
00:14:43 lui fait également un lien entre les progrès techniques
00:14:45 aux époques plus anciennes et la productivité agricole des civilisations.
00:14:49 C'est-à-dire qu'il dit que les civilisations
00:14:51 qui, les premières, ont démarré une agriculture productive
00:14:55 parce qu'elles ont eu la chance de trouver dans leur environnement
00:14:59 des plantes qui étaient facilement adaptables
00:15:01 pour faire des cultures productives,
00:15:02 sont également celles qui ont réussi,
00:15:04 parce qu'il y avait des surplus significatifs par paysans,
00:15:07 ou on peut dire non négligeables par paysans,
00:15:10 étaient capables d'entretenir une superstructure
00:15:13 de chercheurs, de technocrates, etc.
00:15:15 Et c'est ça qui a fait la force des civilisations anciennes.
00:15:18 Donc la science s'est toujours nourrie, quelque part,
00:15:20 du fait que le travail productif des gens
00:15:22 qui fournissent la nourriture, les logements, etc.
00:15:25 était suffisamment important pour leur permettre à eux
00:15:28 de ne pas avoir à s'en occuper
00:15:29 et de regarder dans les étoiles ou de sonder les tribes du macro.
00:15:34 Et ça, c'est quelque chose qui s'est considérablement démultiplié,
00:15:38 mais qui n'a pas changé de nature.
00:15:39 Ça existait déjà il y a des siècles, voire des millénaires.
00:15:43 C'est quelque chose à l'époque des pharaons
00:15:44 ou à l'époque de la Rome antique.
00:15:46 Ça a juste changé d'ordre de grandeur
00:15:48 avec la productivité du travail qui a elle-même changé d'ordre de grandeur
00:15:52 quand les machines sont venues à notre secours.
00:15:54 Et juste pour compléter par la suite,
00:15:58 Jean-Marc a raison de dire que les causes exactes
00:16:00 de la baisse de la natalité sont démattues.
00:16:04 En revanche, les causes de la baisse de la mortalité,
00:16:07 notamment de la mortalité infantile,
00:16:08 elles, elles ne font pas vraiment débat.
00:16:10 Elles sont vraiment très précises.
00:16:12 C'est l'assainissement de l'eau, c'est la pasteurisation du lait,
00:16:16 c'est la vaccination, c'est l'enrichissement
00:16:19 qui fait reculer les famines et donc le rachitisme
00:16:21 et donc qui renforce l'immunité.
00:16:23 Et puis, le dernier coup de masse suce, ce sont les antibiotiques
00:16:28 qui ont permis d'enrayer complètement les maladies infectieuses
00:16:31 qui décimaient les petits-enfants.
00:16:33 Et là, on peut voir ça sur la courbe de la mortalité.
00:16:36 Il y a vraiment des chutes qui correspondent à ces étapes.
00:16:39 Et c'est très récent.
00:16:40 Elle commence vraiment à chuter de façon très forte au 19e siècle,
00:16:43 voire à la fin du 19e siècle.
00:16:45 Ça a chamboulé la structure familiale.
00:16:47 Et à quel point, justement,
00:16:49 les énergies ont pu modeler les structures familiales ?
00:16:52 C'est une question que je me suis posée.
00:16:53 Vous l'abordez tous les deux plus ou moins différemment, d'ailleurs.
00:16:57 Moi, je m'intéresse à cette question de l'enfant,
00:17:00 à cette question des enfants.
00:17:03 Est-ce que l'enfant qui naît va vivre ou pas ?
00:17:06 À mon avis, une société dans laquelle les enfants naissent
00:17:10 et ne vivent peut-être pas,
00:17:11 et une société dans laquelle les enfants naissent et vont vivre,
00:17:14 sauf exception, sauf accident, etc.,
00:17:17 ce sont deux sociétés profondément différentes
00:17:19 dans la manière des gens d'envisager leur vie,
00:17:21 en fait, leur investissement, je ne sais pas, familial, parental,
00:17:25 et leur trajectoire de vie.
00:17:27 On ne fait pas sa vie de la même façon
00:17:28 si on sait que les enfants qu'on va mettre au monde vont vivre,
00:17:31 ou si on pense qu'ils vont peut-être mourir,
00:17:33 et même qu'il y a de très bonnes chances qu'ils meurent.
00:17:35 C'est-à-dire que ce qu'on a complètement oublié
00:17:37 parmi les choses qu'on a oubliées du passé, il me semble,
00:17:40 et on l'a vraiment oublié parce que c'est très désagréable,
00:17:42 c'est très éprouvant pour l'être humain de l'imaginer,
00:17:44 surtout aujourd'hui que c'est devenu très exceptionnel,
00:17:47 c'est le fait qu'avant la fin du 19e siècle,
00:17:50 la mort des enfants était la chose la plus banale pour les familles.
00:17:54 Il n'y avait quasiment pas de famille
00:17:55 où il n'y avait pas d'enfants qui mourraient.
00:17:57 Donc toutes les familles pratiquement
00:17:58 perdaient des enfants, souvent beaucoup,
00:18:00 souvent à la suite les uns des autres.
00:18:02 Je cite dans le livre Harari qui parle d'une reine,
00:18:06 la reine Eléanor, qui avait perdu dix enfants,
00:18:09 je crois, les uns après les autres.
00:18:11 Elle en avait fait seize pour avoir un héritier mâle qui survive.
00:18:14 Bon, ça, ça donne un peu le ton, alors que c'était une reine,
00:18:17 donc elle avait les conditions a priori les meilleures de l'époque.
00:18:20 Et donc aujourd'hui, nous vivons au contraire
00:18:22 dans un monde dans lequel les enfants qui naissent
00:18:24 sont des enfants qui vont vivre.
00:18:26 Et à mon avis, ça change déjà la manière dont on envisage sa vie.
00:18:30 On peut faire des enfants beaucoup plus tard.
00:18:32 Et donc, comme on les fait plus tard,
00:18:33 eh bien, on peut en faire beaucoup moins.
00:18:35 C'est à dire que des artefacts comme la pilule, par exemple,
00:18:38 la contraception, ils deviennent réellement utiles
00:18:41 dans un monde où le slogan "un enfant si je veux, quand je veux"
00:18:45 devient une réalité.
00:18:47 Parce que si je veux, et surtout quand je veux,
00:18:50 ça marche justement si vous êtes sûr
00:18:51 que les enfants qui vont naître, ils vont vivre.
00:18:54 Parce qu'avant, il fallait commencer tôt.
00:18:57 Et donc là, toutes ces innovations, elles prennent tous leur sens.
00:19:00 Donc ça change complètement, oui, la manière d'envisager son corps.
00:19:05 On peut réfléchir à ce droit de disposer de son corps
00:19:08 qui est aujourd'hui si important pour les femmes.
00:19:10 Mais c'est un droit qui n'a pas beaucoup de sens
00:19:12 dans une société où les gens luttent surtout pour que les enfants survivent.
00:19:15 La préoccupation première est un petit peu différente.
00:19:19 Et puis, par le biais de l'enrichissement
00:19:20 et de l'autonomie nouvelle des femmes,
00:19:22 donc leur accès à un monde autonome où elles peuvent travailler,
00:19:25 eh bien, il y a aussi la stabilité de la cellule familiale
00:19:28 qui prend un coup, c'est-à-dire que la possibilité de divorcer,
00:19:32 c'est également quelque chose qui est entièrement lié
00:19:34 à cette émancipation nouvelle des femmes,
00:19:36 et donc indirectement à cet enrichissement global des sociétés
00:19:40 par le biais de l'usage des énergies fossiles.
00:19:43 Alors moi, c'était ça l'angle en fait, ou le complément,
00:19:45 puis j'en ai un autre.
00:19:46 Le premier complément que je veux apporter,
00:19:48 c'est effectivement la possibilité de séparation.
00:19:51 Le divorce, c'est quelque chose qui existe depuis un certain temps,
00:19:53 mais il était matériellement hors de portée
00:19:55 de la quasi-totalité des couples
00:19:57 avant qu'effectivement l'énergie,
00:20:00 c'est-à-dire les moyens de supplé
00:20:02 autage domestique par des machines,
00:20:03 parce que quand on se retrouve de deux à un
00:20:06 dans un monde sans énergie, on n'arrive pas à faire face.
00:20:10 Dans un monde avec énergie, on a frigo,
00:20:11 machines à laver, supermarché, qu'est-ce que je sais.
00:20:15 Donc, on n'a pas de problème.
00:20:16 On n'a pas de problème non plus pour faire communiquer les enfants
00:20:18 parce qu'on a des moyens de transport
00:20:19 qui permettent de les envoyer d'un côté et de l'autre, etc.
00:20:22 On n'a pas de problème pour multiplier par deux
00:20:24 les surfaces de logement,
00:20:26 et on a un peu de problème, mais beaucoup moins
00:20:29 pour fabriquer deux fois le lit, la table, les chaises,
00:20:32 les frigos, justement, les machines à laver, etc.
00:20:34 Donc, en fait, c'est l'énergie qui a permis
00:20:36 la matérialisation du droit au divorce
00:20:38 qui existait avant, mais qui en pratique
00:20:40 n'était que très peu pratiqué.
00:20:42 Et il y a même des chercheurs américains
00:20:43 qui se sont amusés à faire le calcul.
00:20:45 Quand un couple divorce, en fait,
00:20:47 les ex-conjoints augmentent instantanément
00:20:49 leur consommation d'énergie d'à peu près 40%.
00:20:52 Donc, c'est bien la preuve que l'énergie a permis
00:20:55 cette première modification des structures familiales,
00:20:58 qui est la possibilité de divorcer, de se séparer,
00:21:02 ou inversement, la possibilité d'élever des enfants en étant seul.
00:21:05 Parce qu'encore une fois,
00:21:07 avant, quand il fallait laver son linge soi-même,
00:21:09 faire la cuisine soi-même, etc.,
00:21:10 élever des enfants en étant seul,
00:21:12 c'était quelque chose qui était à la limite du supportable.
00:21:15 La deuxième chose que ça a permis,
00:21:17 c'est l'éclatement géographique des familles entre générations.
00:21:20 Avant, l'énergie abondante,
00:21:21 et du reste, on le voit bien dans des pays
00:21:23 qui ont accédé à l'énergie abondante plus tard que nous,
00:21:26 les cellules familiales sont restées plus regroupées entre générations.
00:21:29 Regardez l'Espagne, par exemple,
00:21:30 où les générations habitent facilement au même endroit.
00:21:34 En France, comme dans énormément de pays,
00:21:36 l'archétype, c'est les États-Unis,
00:21:37 c'est exceptionnel que les enfants,
00:21:40 enfin, sauf Tanguy, mais c'est exceptionnel
00:21:41 que les enfants habitent dans le logement de leurs parents.
00:21:44 C'est encore plus exceptionnel
00:21:46 qu'il y ait trois générations sous le même toit.
00:21:48 Donc, en fait, la norme aujourd'hui,
00:21:49 c'est devenue que les enfants habitent loin des parents, etc.
00:21:52 Et ça, c'est quelque chose qui a été permis
00:21:54 par l'abondance énergétique aussi,
00:21:56 et qui ne pose pas de problème
00:21:57 pour organiser les regroupements familiaux à Noël,
00:21:59 et qu'est-ce que je sais,
00:22:00 parce que les gens prennent la voiture, le train, l'avion.
00:22:03 Mais ça, c'est aussi un fruit de l'abondance énergétique.
00:22:07 Dans un monde sobre en énergie,
00:22:08 ce genre d'éclatement géographique des familles
00:22:11 devient beaucoup plus limité.
00:22:13 Oui, c'est ce que vous dites quand,
00:22:14 notamment, vous parlez des voyages en avion
00:22:16 et de l'expatriation.
00:22:18 C'est un argument qui...
00:22:19 C'est très clair que les gens qui, aujourd'hui, s'expatrient,
00:22:22 vont vivre à l'étranger en disant "C'est pas grave,
00:22:24 parce que tous les ans, je prendrai l'avion
00:22:25 pour aller passer Noël en famille",
00:22:27 viendra un jour où on retombera dans le contexte
00:22:30 des Italiens qui émigraient à Manhattan
00:22:31 et ils y restaient pour de bon,
00:22:32 et ils ne revoyaient pas leur famille.
00:22:34 Voilà.
00:22:35 Je ne sais pas quand,
00:22:36 en fait, ça va être progressif.
00:22:38 C'est-à-dire que les riches vont pouvoir
00:22:39 continuer à faire ce genre de choses,
00:22:40 les moins riches, ils feront un peu moins
00:22:42 ce genre de choses, etc.
00:22:43 Voilà.
00:22:44 Ce que je dis souvent,
00:22:45 c'est que le transport aérien de masse
00:22:46 est né avec le pétrole et mourra avec le pétrole
00:22:48 parce qu'il n'y a pas d'alternative à l'échelle
00:22:50 quand vous regardez.
00:22:51 Donc, c'est évident que...
00:22:52 Et le regroupement familial,
00:22:53 c'est, je crois, un quart des déplacements en avion.
00:22:55 Globalement, les motifs loisirs famille,
00:22:58 c'est trois quarts.
00:22:59 Et là-dedans, les regroupements familiaux,
00:23:00 c'est un quart.
00:23:01 Enfin, aller voir sa famille ou des amis,
00:23:03 c'est un quart.
00:23:04 Donc, ce n'est quand même pas complètement négligeable
00:23:05 dans le transport aérien mondial.
00:23:07 Et ça, c'est quelque chose qui deviendra avec le temps
00:23:09 de plus en plus difficile d'accès.
00:23:11 Alors, justement, on va commencer à parler
00:23:13 de ce qui va nous manquer,
00:23:15 c'est-à-dire que le monde que nous connaissons aujourd'hui
00:23:17 est appelé à disparaître,
00:23:19 c'est peut-être un petit peu excessif,
00:23:20 mais en tout cas, profondément...
00:23:21 D'ici à 4,5 milliards d'années,
00:23:23 c'est une certitude absolue
00:23:24 puisqu'à ce moment-là, le soleil mangera la Terre.
00:23:26 C'est juste une question de temps.
00:23:28 D'ici là, on peut patienter un peu,
00:23:30 mais en tout cas, il va profondément changer.
00:23:32 Et vous venez de donner une illustration.
00:23:34 On a dépassé le pic pétrolier conventionnel,
00:23:39 si je ne dis pas de bêtises,
00:23:40 et c'est en 2008.
00:23:41 Vous m'arrêtez si je ne dis pas de bêtises.
00:23:42 Oui, absolument.
00:23:43 Celui du gaz, ça devrait devenir...
00:23:44 Et à date, tout pétrole, c'est 2018.
00:23:46 C'est-à-dire que c'est un peu tôt
00:23:47 pour savoir si c'est définitif,
00:23:49 mais le maximum historique à date
00:23:50 de la production de pétrole, c'est 2018.
00:23:52 Celui du gaz doit intervenir dans quelques décennies.
00:23:55 2030, 2040, disent les gens du même secteur.
00:24:00 Donc, la question qu'on peut se poser assez naturellement,
00:24:03 c'est est-ce qu'il existe un monde envisageable
00:24:05 sans énergie fossile ?
00:24:06 En tout cas, beaucoup moins.
00:24:08 La réponse est oui.
00:24:09 Et l'autre question qu'on va poser,
00:24:11 c'est est-ce qu'un retour en arrière de 150 ans,
00:24:14 de 200 ans est possible ?
00:24:16 Et plus protéiquement,
00:24:18 qu'est-ce qu'on va perdre dans cette affaire ?
00:24:20 Alors, pour commencer par une réponse
00:24:23 sur la partie strictement énergétique,
00:24:25 est-ce qu'une décrue fossile est inexorable ?
00:24:29 La réponse est oui.
00:24:30 Elle peut être partiellement pilotée
00:24:33 pour des raisons climatiques
00:24:35 et elle peut être partiellement subie
00:24:37 pour des raisons géologiques.
00:24:38 Sachant qu'en plus, la raison géologique,
00:24:40 elle ne va pas être homogène dans le monde.
00:24:42 Le pétrole est une énergie qui se transporte
00:24:44 très facilement parce que c'est liquide et que c'est dense.
00:24:46 Le gaz est une énergie qui se transporte
00:24:48 plus difficilement et le charbon
00:24:50 plus difficilement encore parce que c'est un pont
00:24:52 d'éreuse solide et que transporter des milliards
00:24:54 de tonnes de par la planète,
00:24:56 ce n'est quand même pas si simple que ça.
00:24:57 Ce qui veut dire que sur la partie géologique,
00:24:59 la décrue, si c'est la partie géologique
00:25:02 qui provoque la décrue,
00:25:03 elle ne sera pas du tout homogène dans le monde.
00:25:05 Elle va frapper en premier les États
00:25:07 qui sont loin des sources d'approvisionnement
00:25:10 et qui sont très dépendants de sources
00:25:13 qui se transportent facilement
00:25:14 et qui deviennent moins accessibles.
00:25:16 Et elle frappera en dernier les pays
00:25:18 qui sont très richement dotés sur leur sol
00:25:20 de ressources énergétiques très abondantes.
00:25:22 Et là, il y en a un en particulier,
00:25:23 qui est les États-Unis,
00:25:24 qui sera probablement celui qui sera frappé
00:25:26 en dernier par le problème
00:25:28 parce qu'il a les premières réserves de charbon
00:25:30 au monde ou à peu près
00:25:31 et qu'il a du pétrole sous lequel il croule.
00:25:35 Donc, les pays ne vont pas du tout
00:25:37 être logés à la même enseigne.
00:25:39 Donc, est-ce que cette décrue,
00:25:40 elle est inexorable ?
00:25:41 Un jour, la réponse est oui.
00:25:43 Qu'est-ce qu'on peut donner comme horizon de temps ?
00:25:45 On va dire le siècle.
00:25:46 C'est-à-dire que si le pic...
00:25:48 Bon, le pétrole, il est né
00:25:50 il y a maintenant un gros siècle.
00:25:52 Il est né au milieu du 19e siècle,
00:25:54 on va dire, mais enfin,
00:25:55 il a été très peu significatif
00:25:57 jusqu'au début du 20e siècle.
00:25:59 Et il faudra de l'ordre du siècle
00:26:02 pour qu'on passe de la production actuelle
00:26:04 à quelque chose qui redevienne
00:26:06 assez peu significatif en valeur absolue.
00:26:10 En ce qui concerne le charbon,
00:26:12 les horizons de temps sont différents.
00:26:14 On va dire qu'il y en a plus,
00:26:16 mais les réserves sont mal connues
00:26:18 parce qu'il n'y a pas d'inventaire mondial
00:26:20 fiable disponible sur le charbon.
00:26:22 C'est compliqué.
00:26:23 Et pour le gaz,
00:26:24 on est à peu près dans les mêmes eaux que le pétrole.
00:26:26 Ça a démarré un peu plus tard,
00:26:28 mais en gros, on est à peu près
00:26:29 dans les mêmes eaux que le pétrole.
00:26:31 Alors après, la bonne question,
00:26:32 c'est qu'est-ce que tout ça
00:26:33 peut avoir comme conséquence ?
00:26:34 Là, ça va être très différent
00:26:35 selon qu'on le pilote ou qu'on le subit.
00:26:37 Parce que quand on subit,
00:26:39 en gros, on subit ça,
00:26:40 c'est de la tectonique des plaques,
00:26:41 c'est-à-dire que ça craque de temps en temps,
00:26:42 le truc se met en tension,
00:26:43 puis de temps en temps, ça pète.
00:26:44 Et on ne sait pas exactement dire
00:26:46 où, quand, comment,
00:26:47 et avec quelles conséquences exactement.
00:26:49 Si on le pilote, on planifie,
00:26:51 donc on voit quand même un peu mieux
00:26:53 où on part.
00:26:54 Est-ce que ça veut dire que dans un siècle,
00:26:56 on sera revenu en 1900 ?
00:26:57 Ça, c'est la bouteille à l'encre.
00:26:58 Je suis incapable de vous répondre.
00:27:00 J'espère que non,
00:27:02 même si moi, je serais mort depuis longtemps.
00:27:04 Mais les descendants des descendants
00:27:06 des descendants des asticots
00:27:07 qui m'auront boulotté,
00:27:08 j'espère que ça ne sera pas trop dramatique.
00:27:10 Mais voilà, c'est difficile de dire.
00:27:13 À ce stade,
00:27:15 ce dont on peut faire état,
00:27:18 c'est de crainte ou d'espoir.
00:27:21 Les espoirs, c'est,
00:27:22 on aimerait que ça se passe comme ça,
00:27:23 et on va essayer de s'organiser pour que.
00:27:25 Et les craintes, c'est,
00:27:26 on risque de perdre ça et ça.
00:27:28 Et là, donc, je vais immédiatement passer la parole
00:27:30 à ma voisine de droite,
00:27:31 parce qu'elle a justement une thèse là-dessus.
00:27:33 Ce qu'on va perdre, c'est ça.
00:27:35 Ce qu'on risque de perdre.
00:27:36 En l'occurrence, les femmes.
00:27:37 Oui, en l'occurrence, les femmes,
00:27:38 mais on pourrait généraliser la question
00:27:40 à tout le monde.
00:27:42 C'est vrai que les femmes,
00:27:44 c'est un peu spécial,
00:27:45 parce qu'elles étaient assujetties
00:27:46 dans le monde pré-industriel
00:27:48 à des contraintes spécifiques
00:27:49 par rapport aux hommes.
00:27:50 Toute l'humanité était assujettie
00:27:52 à plus de contraintes matérielles qu'aujourd'hui.
00:27:54 Mais les femmes, par rapport aux hommes,
00:27:56 étaient assujetties à une série de contraintes autres
00:27:58 du fait de leur rôle dans le processus reproductif.
00:28:00 Elles n'ont pas perdu ces contraintes
00:28:03 dans le monde d'aujourd'hui,
00:28:04 mais ces contraintes se sont considérablement affaiblies.
00:28:06 Donc, c'est logiquement ces contraintes
00:28:10 qui risquent de revenir sous une forme ou une autre,
00:28:12 une forme accrue,
00:28:13 à la faveur d'une décrue énergétique.
00:28:15 Alors, moi non plus,
00:28:17 évidemment, si Jean-Marc était capable de dire
00:28:20 et moi, je suis encore moins capable de le dire,
00:28:23 mais il me semble qu'on ne revient de toute façon jamais
00:28:26 à quoi que ce soit qui se soit déjà produit.
00:28:28 Ça n'existe pas.
00:28:29 C'est toujours quelque chose de différent qui arrive,
00:28:32 sauf peut-être vraiment un terme chiffré,
00:28:35 le niveau de production de 1900, etc.
00:28:37 Mais ce qui va venir sera nécessairement autre chose,
00:28:40 probablement un monde hybride entre le monde d'aujourd'hui
00:28:43 et puis peut-être quelques éléments d'avant
00:28:45 et puis des choses nouvelles.
00:28:46 Mais parmi les risques qui me semblent essentiels,
00:28:49 - Je me permets juste de dire quand même que,
00:28:52 justement, dans le monde qui vient,
00:28:54 notamment d'un point de vue santé,
00:28:56 vous êtes extrêmement pessimiste.
00:28:57 - Oui, effectivement, je suis extrêmement pessimiste,
00:28:59 peut-être parce que ce livre est parti,
00:29:01 il est né en fait d'une interrogation relative à la santé,
00:29:04 parce que j'ai beaucoup de gens dans ma famille
00:29:06 qui s'occupent de ces questions
00:29:07 et qui travaillent sur des questions de santé.
00:29:09 Et notamment la question des médicaments efficaces,
00:29:11 des antibiotiques, etc.,
00:29:12 de tout ce qu'on leur doit dans notre quotidien
00:29:14 par rapport aux enfants et donc à la structure familiale,
00:29:17 ça a toujours été très présent dans mon esprit.
00:29:20 Ma mère a failli mourir d'une septicémie
00:29:23 après la naissance de son frère.
00:29:25 Ma grand-mère a failli mourir d'une septicémie
00:29:27 à la naissance du frère de ma mère.
00:29:29 Et elle a été sauvée grâce à des antibiotiques
00:29:31 qui ont été apportés à la campagne à l'époque de Moscou.
00:29:33 Enfin, ça n'existait presque pas,
00:29:35 c'était la pénicilline, les premiers médicaments disponibles.
00:29:38 Et en deux jours, elle s'est relevée
00:29:40 et puis elle est revenue à la vie, etc.
00:29:42 C'est-à-dire que ça a un petit aspect magique
00:29:43 qu'on oublie complètement.
00:29:45 Donc je caricature, ou je parodie, ou je reprends,
00:29:48 je paraphrase l'expression "baignoire de pétrole"
00:29:50 en parlant d'une piscine d'antibiotiques.
00:29:52 Alors les antibiotiques, c'est très spécial
00:29:54 parce que ce n'est pas exactement, comment dire,
00:29:57 le problème des antibiotiques,
00:29:59 si les antibiotiques risquent de perdre en efficacité
00:30:02 dans le monde de demain,
00:30:03 ce n'est pas exactement une conséquence
00:30:05 de la décrue énergétique,
00:30:06 mais c'est une sorte de métaphore de ce monde
00:30:09 d'une énergie abondante
00:30:11 et de cette abondance matérielle qui l'accompagne.
00:30:14 Parce que les antibiotiques,
00:30:16 c'est l'un des dérivés du progrès technologique et médical.
00:30:19 On en a énormément usé et abusé,
00:30:21 un peu comme pour l'énergie,
00:30:22 qu'on a utilisé d'une manière vraiment très importante,
00:30:24 peut-être parfois un peu inconsidérée,
00:30:26 sans réfléchir aux conséquences sur l'environnement
00:30:28 et aussi à la quantité disponible,
00:30:30 sans planifier sur le long terme.
00:30:32 Et les antibiotiques, ça a été la solution miracle
00:30:34 pour enrayer les maladies infantiles, etc.
00:30:36 Et le problème, c'est que
00:30:37 dès qu'on commence à les utiliser à grande échelle,
00:30:39 eh bien il y a l'antibiorésistance qui monte de l'autre côté
00:30:42 parce que les bactéries, elles sont très très vieilles,
00:30:44 elles ont plus de 3 milliards d'années,
00:30:46 elles en ont vu d'autres.
00:30:47 Donc elles se sont très rapidement adaptées.
00:30:49 Pour elles, c'est rien du tout, c'est quelques décennies,
00:30:51 c'est même pas un clin d'ment de leurs petits yeux.
00:30:53 Et donc aujourd'hui,
00:30:55 beaucoup d'antibiotiques sont devenus inefficaces,
00:30:57 il y a des multirésistances qui montent,
00:30:59 des bactéries résistantes à tous les antibiotiques
00:31:01 qui apparaissent, qui se développent.
00:31:02 Et l'OMS place ce problème
00:31:04 parmi les tout premiers à l'échelle du siècle
00:31:07 comme problème de santé.
00:31:08 C'est-à-dire que
00:31:09 on chiffre dès aujourd'hui en millions de morts,
00:31:12 les décès liés à l'antibiorésistance dans le monde.
00:31:15 Et ça risque de s'accentuer,
00:31:17 notamment parce que les crises sanitaires
00:31:19 aussi risquent de s'accentuer avec le changement climatique,
00:31:22 l'émergence des nouvelles zoonoses, etc.
00:31:24 Même si ce sont des maladies virales,
00:31:26 on a vu avec le Covid que l'usage des antibiotiques
00:31:28 a été massif pour soigner notamment des personnes fragiles
00:31:32 qui risquent de développer des complications.
00:31:34 Et ça, ça nous amène dans un monde où à la fois
00:31:37 on va avoir probablement beaucoup de structures
00:31:40 qui nous sont familières qui seront déstabilisées,
00:31:43 qui ne vont peut-être pas marcher aussi bien.
00:31:44 Tout ce qui concerne le monde médical,
00:31:46 qui lui aussi marche avec des machines,
00:31:48 avec des technologies, avec de l'énergie.
00:31:50 Et également des médicaments miracle
00:31:53 qui nous ont permis de nous sortir
00:31:55 de cette mortalité infantile forte,
00:31:57 qui eux aussi vont perdre en efficacité
00:32:00 avec des maladies qui, elles, risquent de reprendre de la vigueur.
00:32:04 Donc oui, c'est une conjonction qui n'est pas...
00:32:07 Et puis oui, la question de la diminution
00:32:09 de la production agricole notamment,
00:32:11 et quelle forme ça va prendre.
00:32:13 Est-ce qu'on va réussir à éviter des famines,
00:32:16 des manques vraiment importants
00:32:18 pour l'alimentation des populations ?
00:32:20 Et qui dit manque d'alimentation, dit baisse d'immunité.
00:32:23 Enfin bref, il y a vraiment toute une série de facteurs
00:32:25 que j'essaie de classer dans cette partie exploratoire du livre
00:32:29 qui tendent à suggérer qu'on risque,
00:32:33 c'est un risque, c'est pas...
00:32:35 qu'on risque d'avoir une mortalité qui va augmenter,
00:32:39 notamment la mortalité infantile,
00:32:41 la mortalité des plus fragiles,
00:32:43 des enfants qui risquent de remonter.
00:32:45 Et ça, ça aura beaucoup de conséquences
00:32:46 sur le statut des femmes.
00:32:47 Parce que pour moi, cette mortalité infantile,
00:32:49 c'est vraiment la pierre angulaire.
00:32:51 On y reviendra tout à l'heure sur les solutions.
00:32:54 À quel point justement cette baisse
00:32:57 de la disponibilité énergétique
00:33:00 va ébranler notre sphère économique ?
00:33:04 Parce que je reviens sur ce que vous disiez tout à l'heure,
00:33:06 notamment, Vera, je l'avais noté,
00:33:08 que le capitalisme ne rend pas seulement
00:33:10 le travail des femmes possible,
00:33:11 il le rend nécessaire.
00:33:13 C'est ce que vous avez écrit.
00:33:14 Et vous, Jean-Marc Jancovici,
00:33:16 vous faites une critique sur un système
00:33:18 basé sur une croissance folle qui s'auto-alimente
00:33:21 et qui aboutit à un monde justement sans fin.
00:33:23 Sauf qu'on se rend compte que ce monde,
00:33:25 il a une fin finalement.
00:33:26 Est-ce qu'il existe un système qui permette
00:33:28 de concilier émancipation,
00:33:31 démocratie, régime démocratique
00:33:33 et bon sens énergétique et écologique ?
00:33:36 Il faudrait définir déjà ce que c'est
00:33:37 que le bon sens énergétique et écologique.
00:33:39 Il y a une blague que
00:33:41 un de mes partenaires professionnels
00:33:43 fait souvent qui est de dire
00:33:44 "quel que soit ce que vous gagnez,
00:33:46 le salaire minimum se définit comme
00:33:48 ce que je gagne +10%".
00:33:50 Et j'ai une autre définition moi
00:33:52 qui concerne le gaspillage,
00:33:54 qui est "Gaspille celui qui ne consomme pas comme moi".
00:33:56 Donc pour nous, un américain est un gaspilleur
00:33:58 mais je peux vous assurer que pour un malien,
00:33:59 vous êtes un horrible gaspilleur.
00:34:00 Et moi aussi du reste.
00:34:02 Donc c'est très difficile d'utiliser
00:34:05 des mots qui n'ont pas de contenu normatif.
00:34:07 Qu'on ne peut pas quantifier.
00:34:10 Donc le bon sens, ça ne se quantifie pas.
00:34:12 Il n'y a pas une unité de bon sens.
00:34:14 Vous auriez 95 unités de bon sens.
00:34:16 Moi j'en aurais 80, donc vous sauriez...
00:34:18 Ça n'existe pas.
00:34:20 Donc on ne peut pas compter sur le bon sens.
00:34:22 On peut compter éventuellement
00:34:24 sur des choses qu'on est capable de décrire.
00:34:26 Alors, pour en revenir à la question des risques
00:34:28 qui a été évoqué par Véran,
00:34:30 en fait les risques, ils sont en creux
00:34:32 la perte de ce que l'énergie nous a amené.
00:34:34 D'accord ?
00:34:35 Donc qu'est-ce que l'énergie nous a amené ?
00:34:37 L'abondance alimentaire par exemple.
00:34:39 Bon ben un risque dans une décrue énergétique
00:34:41 subie trop rapide, etc.
00:34:43 c'est de perdre une partie de cette abondance alimentaire.
00:34:45 On peut la perdre soit parce que
00:34:47 le rendement des cultures baisse,
00:34:48 alors en plus vient le problème du changement climatique
00:34:49 qui se rajoute là-dessus,
00:34:50 vient le problème de l'érosion des sols
00:34:51 qui se rajoute là-dessus,
00:34:52 enfin bon bref.
00:34:54 Mais on peut aussi la perdre localement
00:34:56 parce qu'on perd l'acheminement des denrées alimentaires.
00:34:58 Aujourd'hui, il faut savoir que sans camions,
00:35:02 vous et moi, on meurt de faim dans les trois jours.
00:35:04 - Exactement.
00:35:05 - D'accord ?
00:35:06 Le sang aujourd'hui du système alimentaire urbain,
00:35:09 enfin désurbain plus exactement,
00:35:11 ça s'appelle des bateaux et des camions.
00:35:13 C'est ça.
00:35:15 Donc,
00:35:17 qu'est-ce qu'on est capable de garder comme gens dans une ville,
00:35:19 dans un monde dans lequel il n'y a plus
00:35:21 de transport de marchandises qu'on connaît aujourd'hui ?
00:35:23 Je ne sais pas.
00:35:24 Ça fait partie des...
00:35:25 Donc ça, c'est aussi un facteur de risque.
00:35:27 Que deviennent les gens s'ils se retrouvent
00:35:28 mis en marge de la société dans les villes
00:35:30 et qu'ils n'ont plus soit d'emploi,
00:35:31 soit à bouffer, soit les deux, etc.
00:35:33 Je ne sais pas.
00:35:34 Donc en fait,
00:35:35 quand on regarde de ce que nous a amené l'énergie abondante
00:35:37 en termes d'évolution historique,
00:35:39 eh bien les risques,
00:35:40 ils sont dans le renversement non anticipé,
00:35:42 non géré ou non désiré
00:35:44 et donc qui génère des crispations
00:35:48 de tout ce que l'énergie a amené dans l'autre sens.
00:35:50 D'accord ?
00:35:51 Quel est le risque lié à la perte
00:35:53 ou à la décrue de la production alimentaire ?
00:35:56 On a évoqué certains,
00:35:57 par exemple la hausse de la mortalité infantile,
00:35:59 etc.
00:36:00 Même si aujourd'hui,
00:36:01 on souffre d'un excès d'alimentation globalement.
00:36:03 Bon, c'est un risque.
00:36:05 Quel est le risque lié à la démobilité trop rapide
00:36:08 pour que l'aménagement du territoire
00:36:10 ait le temps de s'y adapter ?
00:36:12 Je ne sais pas.
00:36:13 Je ne sais pas vous le décrire, ce risque.
00:36:14 Je sais vous le nommer.
00:36:15 D'accord ?
00:36:16 Je vais vous dire, ben voilà, il existe.
00:36:17 Tiens.
00:36:18 La structure des métiers a radicalement changé
00:36:20 à cause de l'énergie.
00:36:21 On est devenu,
00:36:22 comme on l'a expliqué dans le Monde sans fin,
00:36:23 une armée d'employés de bureaux,
00:36:24 enfin une armée de gens travaillant dans un bureau,
00:36:26 vous, moi, y compris.
00:36:27 Ici, on est dans un équivalent de bureau.
00:36:29 L'Assemblée nationale s'en est un aussi.
00:36:32 Un gros du reste.
00:36:35 Que devient tout ce système
00:36:37 dans un monde dans lequel
00:36:39 ce ne sont plus les machines
00:36:40 qui assurent les tâches productives
00:36:41 et où on est réobligé, nous,
00:36:42 de s'occuper, de produire en direct
00:36:44 une partie de notre nourriture,
00:36:45 de nos vêtements, de nos logements, etc.
00:36:47 Je ne sais pas vous...
00:36:49 Comment est-ce qu'on assure la mutation des emplois ?
00:36:51 L'énergie a assuré la hausse du pouvoir d'achat.
00:36:55 Comment est-ce qu'on gère la décrue du pouvoir d'achat ?
00:36:57 La montée du populisme un peu partout
00:36:59 ou le pouvoir d'achat baisse
00:37:00 vous montre que ça se passe moyen, quoi.
00:37:01 Bon, alors, peut-être que ce n'est pas si grave
00:37:04 si on le gère bien.
00:37:05 Peut-être que c'est très grave.
00:37:06 Je n'en sais rien.
00:37:07 En tout cas, c'est un risque.
00:37:08 Voilà.
00:37:09 Et des risques comme ça, vous en avez plein.
00:37:10 Vous avez également des risques.
00:37:11 Aujourd'hui, on a une économie mondialisée.
00:37:13 Et le grand paradoxe,
00:37:14 c'est que tous les plans de transition qu'on fait
00:37:16 pour s'affranchir des énergies fossiles,
00:37:18 on les fait dans une économie qui reste mondialisée
00:37:21 et où ça ne pose aucun problème
00:37:23 de disposer partout dans le monde
00:37:25 des métaux, des compétences,
00:37:27 de tout ce qu'on veut pour assurer la transition.
00:37:30 Mais sauf que la mondialisation, je le redis,
00:37:32 c'est des bateaux et des camions.
00:37:33 C'est-à-dire que c'est du pétrole.
00:37:34 Et on n'a pas les moyens de décarboner tout ça
00:37:37 très rapidement, en quelques décennies,
00:37:39 en gardant les mêmes volumes de transports de marchandises.
00:37:42 Pardon de vous abrutir avec des chiffres,
00:37:43 mais entre la marine à voile du milieu du 19e siècle
00:37:49 et la marine marchande moderne à pétrole,
00:37:51 on a gagné quasiment un facteur 100
00:37:54 sur la capacité de transport de marchandises.
00:37:56 Donc si on voulait revenir à la marine à voile,
00:37:59 première approximation,
00:38:01 on divise par quelques dizaines
00:38:03 le flux de marchandises internationales.
00:38:05 Donc en gros, vous n'avez plus de mondialisation.
00:38:07 Qu'est-ce que ça porte comme risque
00:38:09 dans les pays qui sont fondamentalement dépendants
00:38:12 pour leur approvisionnement en objets manufacturés,
00:38:14 pour faire fonctionner... Je ne sais pas.
00:38:15 Donc là, je viens de vous en nommer quelques-uns.
00:38:17 En fait, on a un milliard de déstabilisations
00:38:20 qui sont possibles avec l'évolution,
00:38:21 ou on renverserait trop rapidement
00:38:23 pour qu'on soit capable de le gérer
00:38:25 ou de l'accepter, les évolutions historiques.
00:38:27 Et tout ça, au bout du bout,
00:38:29 c'est des risques sociaux, c'est des risques sanitaires.
00:38:31 C'est des risques de déstabilisation des systèmes politiques,
00:38:34 dictature, quelle qu'en soit la forme,
00:38:37 guerre, etc.
00:38:38 C'est des risques sanitaires,
00:38:40 c'est des risques de baisse d'espérance de vie,
00:38:41 c'est des risques de baisse du confort de vie.
00:38:43 C'est des risques de cette nature.
00:38:45 Voilà, c'est ça qu'on risque.
00:38:47 C'est une question complémentaire
00:38:49 et qui va peut-être vous paraître un peu naïve,
00:38:50 mais qu'est-ce qu'on doit le plus craindre ?
00:38:52 La disparition des énergies fossiles,
00:38:53 ou en tout cas la baisse drastique,
00:38:55 ou les conséquences du réchauffement climatique ?
00:38:57 Eh bien, je ne sais pas,
00:38:59 parce que les conséquences du réchauffement climatique,
00:39:01 aujourd'hui, on n'est pas capable non plus
00:39:03 de les décrire quantitativement,
00:39:04 dans toute leur finesse,
00:39:06 parce qu'on est en train de faire une expérience
00:39:08 pour la première fois.
00:39:09 Et quand on fait une expérience pour la première fois,
00:39:11 en général, on n'est pas capable de tout prévoir à l'avance.
00:39:13 Donc, je ne sais pas répondre à cette question.
00:39:16 Et de toute façon, la bonne nouvelle pour vous,
00:39:18 c'est qu'on va avoir les deux en même temps,
00:39:19 parce que le changement climatique
00:39:21 est un processus qui dispose d'une inertie
00:39:23 absolument considérable.
00:39:24 Il faut savoir qu'après arrêt des émissions,
00:39:27 je dis bien après arrêt, je ne dis pas après début de la décrue,
00:39:29 après arrêt des émissions,
00:39:30 vous avez la température atmosphérique
00:39:32 qui se stabilise,
00:39:33 la température océanique va mettre des siècles
00:39:35 avant de se stabiliser,
00:39:36 voire des milliers d'années.
00:39:38 Les canotes glaciaires vont mettre des milliers d'années
00:39:40 avant de se stabiliser,
00:39:41 ce qui veut dire que le niveau de l'océan
00:39:42 va mettre des milliers d'années avant de se stabiliser.
00:39:44 Les écosystèmes vont mettre des décennies à des siècles
00:39:47 à se stabiliser après arrêt des émissions,
00:39:49 j'insiste, après arrêt des émissions.
00:39:51 Donc, ça veut dire qu'en fait,
00:39:52 la perturbation climatique qu'on a mise en route,
00:39:55 aujourd'hui, il y a un côté, comment dire,
00:39:59 il y a une perturbation permanente et croissante
00:40:02 à laquelle on va devoir faire face,
00:40:04 en même temps que les combustibles fossiles
00:40:06 vont décroître pour des raisons géologiques
00:40:07 ou des raisons politiques
00:40:08 ou une combinaison des deux.
00:40:10 Donc, en fait, la bonne réponse à votre question,
00:40:11 c'est qu'on va avoir les deux, en général.
00:40:13 Et d'ailleurs, l'une des choses qui m'avait frappée,
00:40:16 je crois que c'était dans Dormez Tranquilles,
00:40:19 jusqu'en 2100,
00:40:21 c'est l'idée de l'effet ciseau entre les deux.
00:40:25 Parce qu'effectivement, si on a juste un des deux,
00:40:28 l'un des deux problèmes,
00:40:29 par exemple le changement climatique,
00:40:31 on peut avoir plus ou moins confiance dans la science,
00:40:33 ou en tout cas espérer que la science
00:40:35 va nous permettre de trouver des solutions technologiques
00:40:38 pour y faire face.
00:40:39 Je ne sais pas, n'importe quoi,
00:40:40 dessaler l'eau pour...
00:40:42 On construit des dikes phénoménales,
00:40:44 on déplace toutes les cultures.
00:40:45 C'est une affaire d'énergie, en fait.
00:40:46 Si on a plein d'énergie, on s'adapte.
00:40:47 C'est une affaire d'énergie, exactement.
00:40:48 Si on a plein d'énergie,
00:40:49 on peut imaginer énormément de solutions
00:40:51 qui sont faisables tout de suite et on y va.
00:40:53 On peut être raisonnablement optimiste.
00:40:55 En revanche, si en même temps,
00:40:57 vous avez l'énergie qui n'est plus disponible
00:41:00 ou très chère, pour commencer,
00:41:01 ça devient beaucoup plus compliqué.
00:41:03 Et donc cet effet ciseau, il est effectivement,
00:41:05 à mon avis, enfin moi,
00:41:07 c'est ce qui me semble inquiétant dans cette conjoncture,
00:41:09 c'est que les deux crises se télescopent.
00:41:11 Elles vont se matérialiser.
00:41:12 Et l'Europe est particulièrement mal placée.
00:41:13 L'Europe est très mal placée.
00:41:14 On est d'accord.
00:41:15 L'Europe est très mal placée.
00:41:16 Et je voulais aussi ajouter quelque chose
00:41:18 par rapport à cette question d'une décrue subie
00:41:21 ou voulue ou planifiée,
00:41:23 c'est qu'il y a d'un côté la science.
00:41:26 Qu'est-ce qu'on est capable d'imaginer
00:41:27 du point de vue scientifique
00:41:28 comme nouvelle source d'énergie,
00:41:30 comme nouvelle façon de produire,
00:41:32 de aménager le territoire, etc.
00:41:34 pour s'adapter à la nouvelle donne.
00:41:36 Et puis à côté,
00:41:37 il y a la question de l'acceptabilité de ces changements.
00:41:41 Et pas seulement de l'acceptabilité,
00:41:43 mais aussi de la volonté de conduire ce changement.
00:41:46 Est-ce qu'il y a une réelle volonté
00:41:48 de la part des dirigeants ou du monde économique
00:41:51 de conduire ces changements ?
00:41:52 Ça, c'est la première question.
00:41:53 Et ensuite, s'ils ont réellement cette volonté
00:41:55 et qu'ils essaient de mettre ces changements en œuvre,
00:41:57 quelle est la réponse de la population à ces changements ?
00:41:59 Est-ce que ça va être accepté ?
00:42:01 Dans quelle mesure ?
00:42:02 Qui va payer plus ?
00:42:03 Qui va payer moins ?
00:42:04 Quelle sera la nouvelle configuration ?
00:42:05 Et ça, ce sont des questions vertigineuses,
00:42:07 parce que ce sont des changements très importants.
00:42:09 Personne n'a jamais eu à mener ce genre de transformation.
00:42:12 Donc là non plus,
00:42:13 on ne peut pas du tout avoir de prédiction fiable.
00:42:16 Et on manque cruellement de matière académique là-dessus.
00:42:20 C'est-à-dire qu'il y a très peu de gens qui cherchent
00:42:22 dans cette direction-là.
00:42:25 Exactement.
00:42:26 Aussi peut-être parce que ça fait un peu
00:42:28 de prédiction à la Madame Irma.
00:42:31 Vous avez soulevé beaucoup de points.
00:42:33 On va y revenir tout à l'heure.
00:42:34 Les économistes ne sont pas avares de prédiction à la Madame Irma.
00:42:37 Ils se trompent tout le temps.
00:42:39 Par ailleurs, il y a quand même beaucoup,
00:42:40 beaucoup de centres de recherche en économie.
00:42:42 Exactement, bien financés.
00:42:46 Il y a la question de l'état de providence,
00:42:48 la question de la redistribution de la richesse
00:42:51 liée au capitalisme et donc liée aussi aux énergies.
00:42:54 Avec la baisse de l'énergie,
00:42:57 comment on arrive à faire maintenir cet état de providence ?
00:42:59 Est-ce qu'on peut le maintenir ?
00:43:01 Et comment on fait survivre le système finalement ?
00:43:04 On ne peut pas du tout répondre à cette question.
00:43:07 En revanche, ce qui me semble évident,
00:43:09 c'est que des moments où il y a une déplétion,
00:43:11 une raréfaction des ressources,
00:43:13 sont rarement des moments propices
00:43:15 à un fonctionnement routinier, pacifique et calme
00:43:20 des pays ou des ensembles géographiques.
00:43:23 En général, quand vous avez des ressources qui diminuent,
00:43:26 ce sont les tensions qui montent
00:43:28 parce que tout le monde veut avoir accès à ces ressources.
00:43:31 C'est vrai que dans mon livre,
00:43:33 je suis assez pessimiste sur le devenir institutionnel,
00:43:37 y compris de nos sociétés.
00:43:39 Je pense que nos institutions risquent d'être très fortement percutées
00:43:42 par cette diminution des ressources.
00:43:44 Parce que ça fait des décennies, voire des siècles,
00:43:47 que nous sommes dans des courbes qui montent.
00:43:49 Des courbes qui montent, les courbes de croissance,
00:43:51 les courbes matérielles, les courbes de confort.
00:43:53 Tout monte, population, etc.
00:43:55 On ne sait pas faire, on n'a pas cette expérience.
00:43:58 Les quelques pays dans lesquels nous avons assisté
00:44:00 à des courbes qui ont commencé à descendre,
00:44:02 et encore, elles ne sont jamais descendues aussi loin,
00:44:04 n'ont pas donné exactement un spectacle très réjouissant,
00:44:07 ni du point de vue institutionnel,
00:44:09 ni du point de vue du niveau de vie de la population,
00:44:12 de l'égalité,
00:44:14 c'est souvent des inégalités qui se creusent encore plus,
00:44:17 et voilà, instabilité sociale, instabilité politique,
00:44:21 et éventuellement, une réponse en face autoritaire
00:44:24 et qui correspond aussi.
00:44:26 Ou une soumission à ceux qui ont toujours les ressources.
00:44:28 Exactement, parce qu'il y a aussi l'aspect géopolitique.
00:44:31 Parce que ça sera inhomogène.
00:44:33 Exactement.
00:44:34 Parce que ça sera inhomogène.
00:44:35 Je l'avais évoqué pour les Etats-Unis,
00:44:37 mais voilà, on peut imaginer des ensembles
00:44:39 mieux dotés que d'autres.
00:44:41 Je voulais juste faire une précision dans la question,
00:44:43 l'État-providence, pour moi, il n'est pas lié au capitalisme,
00:44:45 il est lié à l'abondance des ressources.
00:44:47 Dans la Russie soviétique, il y avait une forme d'État-providence.
00:44:50 On garantissait pas les libertés,
00:44:52 mais on garantissait le logement à tous.
00:44:54 Oui, tout à fait.
00:44:55 Donc il y avait tout à fait une forme d'État-providence.
00:44:57 Et par ailleurs, il y avait tout à fait une recherche de la productivité,
00:45:01 exactement comme dans les États capitalistes.
00:45:03 Exactement, comme dans les États capitalistes.
00:45:04 Donc moi, il y a quelque chose, quand on me dit
00:45:06 "c'est la faute au capitalisme",
00:45:08 j'ai toujours envie de dire "euh, quand vous regardez l'histoire,
00:45:10 vous voyez que ça se discute un peu".
00:45:12 Je pense que malheureusement, la cause,
00:45:14 elle est plus profonde que ça.
00:45:15 Elle est plus à chercher dans la nature humaine
00:45:17 que véritablement dans un modèle d'organisation
00:45:21 de la société productive,
00:45:23 qui aurait tous les vis,
00:45:26 alors que si on se débarrasse simplement du modèle,
00:45:29 en gardant le même code génétique chez les bipèdes que nous sommes,
00:45:32 on a plus que du bonheur.
00:45:34 Malheureusement, je pense que c'est un peu plus compliqué que ça.
00:45:36 Qu'est-ce qu'on doit faire à court terme
00:45:39 pour enrayer le réchauffement climatique
00:45:41 et se prévenir de la crise énergétique ?
00:45:44 Alors, pour enrayer le réchauffement climatique,
00:45:47 on ne peut plus rien faire,
00:45:48 parce que comme je l'ai dit tout à l'heure,
00:45:50 certaines conséquences du réchauffement climatique
00:45:52 sont maintenant inarrêtables pour des siècles ou des millénaires.
00:45:55 Si on veut atténuer le réchauffement climatique,
00:45:58 c'est très simple, il faut arrêter le plus vite possible
00:46:00 de mettre des gaz à effet de serre additionnels dans l'atmosphère,
00:46:02 et en particulier du gaz carbonique.
00:46:04 Pourquoi est-ce qu'il faut tout simplement arrêter d'en mettre ?
00:46:07 Alors là, c'est malheureusement, on est prisonnier de la chimie.
00:46:10 Le dioxyde de carbone est un oxyde,
00:46:12 donc une molécule chimiquement extrêmement stable,
00:46:14 et en fait, c'est une molécule tellement stable
00:46:16 que quand elle est dans l'atmosphère,
00:46:17 elle est chimiquement inerte,
00:46:18 c'est-à-dire qu'elle n'a pas de processus d'épuration,
00:46:20 et que ces seuls processus d'épuration
00:46:22 sont pilotés par la surface de contact avec la planète,
00:46:25 soit par la dissolution dans l'océan,
00:46:27 soit par la reprise par la photosynthèse des plantes.
00:46:30 Et c'est des processus qui sont très lents.
00:46:32 Ce qui veut dire que pour arrêter d'enrichir l'atmosphère en CO2,
00:46:35 il faut tout simplement arrêter d'émettre.
00:46:37 Tant qu'on émet, il y a une partie du CO2 qu'on met
00:46:39 qui reste dans l'atmosphère,
00:46:40 et qui augmente l'effet de serre,
00:46:41 et donc qui augmente le réchauffement climatique global.
00:46:45 Donc on est renvoyé au problème précédent,
00:46:47 c'est-à-dire supprimer les émissions de gaz à effet de serre,
00:46:52 c'est en particulier supprimer l'utilisation des combustibles fossiles,
00:46:55 c'est également supprimer la déforestation,
00:46:57 c'est également supprimer les émissions de méthane du cheptel animal.
00:47:01 Les émissions de méthane sont encore plus anciennes que les émissions de CO2,
00:47:05 dans l'histoire des émissions de gaz à effet de serre des êtres humains.
00:47:08 Et donc on est renvoyé à la question précédente,
00:47:11 qui est à quel monde est-ce que ça ressemble,
00:47:13 et la réponse c'est j'en sais rien.
00:47:15 Ce que je sais, c'est vous dire à 10 ou 15 ans,
00:47:20 quelles sont les émissions dont il serait raisonnablement facile de se passer,
00:47:24 ou plus exactement, quelles sont les émissions pour lesquelles on va renvoyer
00:47:28 à la notion institutionnelle qui a été évoquée juste avant,
00:47:31 pour laquelle la privation de liberté que ça nous occasionnerait à court terme,
00:47:35 de liberté individuelle,
00:47:36 parce que les énergies fossiles c'est ça qu'elles nous ont amené,
00:47:38 elles nous ont amené la civilisation de la liberté individuelle,
00:47:41 la liberté de mouvement, la liberté de métier, l'univers de choix.
00:47:44 Quand vous êtes capable de vous déplacer de 50 km par jour dans une voiture,
00:47:47 votre univers de choix pour votre métier il est considérable,
00:47:50 beaucoup plus considérable que si vous avez juste 2 km à pied comme possibilité.
00:47:55 Donc ce monde de la liberté, la question, le bon arbitrage aujourd'hui,
00:48:00 c'est qu'est-ce qu'on est prêt à en abandonner à court terme,
00:48:02 pour se préserver collectivement des libertés futures,
00:48:05 dont par exemple celle de vivre en démocratie plutôt qu'en dictature.
00:48:08 Alors ça aujourd'hui c'est un arbitrage que très peu de gens sont capables de visualiser,
00:48:12 et en fait les réactions épidermiques que vous avez quand il y a une question de dire
00:48:16 "Ah on va limiter la vitesse à 110 sur autoroute"
00:48:18 ou "Ah on va limiter le poids des voitures"
00:48:20 ou "Ah on va dire aux gens qu'ils ne vont pas prendre l'avion tous les 4 matins"
00:48:23 c'est une privation de liberté abominable.
00:48:25 En fait on ne se rend pas compte que la sanction à exercer cette liberté à court terme
00:48:30 est peut-être une privation de liberté bien plus grave demain,
00:48:34 y compris pour un certain nombre d'entre nous peut-être,
00:48:36 ou de nos descendants, la liberté de manger,
00:48:38 la liberté d'aller et venir, la liberté de voter,
00:48:40 la liberté d'être en bonne santé.
00:48:42 Voilà.
00:48:43 Et donc c'est ça les arbitrages qu'on a abordés aujourd'hui,
00:48:47 et pour renvoyer à ce que je disais tout à l'heure,
00:48:50 comme il y a très peu de production intellectuelle là-dessus,
00:48:52 c'est-à-dire que, ok ça serait peut-être un peu du Madame Yerma et un peu de la boule de cristal,
00:48:56 mais en attendant si on essayait de faire sérieusement des investigations dans cette direction,
00:49:01 je pense quand même qu'on en retirerait de la matière exploitable intéressante,
00:49:04 et ça serait mieux que de ne rien faire du tout,
00:49:06 et de se dire, tranquille, tout va continuer comme avant,
00:49:10 de toute façon faisons confiance à la science, et c'est ce qui va se passer.
00:49:13 Alors qu'il y a déjà des signes avant-coureurs qui montrent à droite et à gauche
00:49:16 que c'est déjà plus en train de se passer par petites touches.
00:49:19 Mais voilà, cet arbitrage des risques, en fait il est très difficile à faire toucher du doigt.
00:49:25 Très difficile.
00:49:26 Et c'est, pour revenir à votre question,
00:49:29 une des difficultés majeures dans le passage à l'action
00:49:33 sur la baisse des émissions de gaz à effet de serre,
00:49:35 et la compréhension des efforts collectifs qui sont pertinents
00:49:40 dans un monde dans lequel on cherche à préserver l'essentiel pour l'avenir.
00:49:44 Ça pose la question de la décroissance,
00:49:46 la question aussi de la réindustrialisation, circuit court.
00:49:50 Alors justement, Vera Nikoski, par rapport à cette histoire de réindustrialisation,
00:49:55 je sais que vous en parlez également,
00:49:57 je me suis demandé en vous lisant si ça ne marquait pas finalement
00:50:02 le retour de la place de la force physique au sein de l'économie française,
00:50:07 et donc si ça ne posait pas la question d'un péril peut-être
00:50:10 pour la place des femmes dans la société.
00:50:13 Oui, bien sûr que ça pose la question de la force physique
00:50:16 puisque l'énergie nous a libérés de la nécessité de tout faire avec nos mains.
00:50:20 Ce sont des machines qui font beaucoup de choses à notre place.
00:50:22 Donc si on doit de nouveau confier beaucoup de tâches à l'humain,
00:50:25 oui, la force physique recouvrera de l'importance.
00:50:29 Et avec elle d'ailleurs, les capacités différentes des hommes et des femmes,
00:50:34 surtout que parmi les libertés qu'on risque de perdre,
00:50:36 moi j'aurais ajouté aussi la liberté pour les femmes
00:50:38 de ne pas avoir à faire six ou sept enfants.
00:50:41 Parce que dans le monde d'avant, c'est ce qui se passait.
00:50:44 Aujourd'hui, on a la liberté de faire autrement.
00:50:47 C'est aussi quelque chose à garder en tête, ça fait partie de l'équation.
00:50:50 Donc dans un monde où la force physique recouvre de l'importance,
00:50:53 oui, la différenciation entre les hommes et les femmes
00:50:55 dans les tâches qui sont appelées à faire dans le cadre d'une division du travail.
00:51:01 Parce que ce qui s'est passé finalement, c'est le remplacement d'une division,
00:51:04 d'un type de division du travail par un autre type.
00:51:07 On était, pendant toute l'histoire humaine, surtout au début,
00:51:11 la division était essentiellement sexuelle selon les hommes, les femmes.
00:51:14 Ensuite, il y a eu plus de diversité évidemment,
00:51:17 avec la complexification des sociétés sédentaires.
00:51:20 Mais c'est avec l'industrialisation que la division du travail
00:51:22 prend un essor absolument colossal.
00:51:24 C'est pour ça que, comme le disait Jean-Marc tout à l'heure,
00:51:27 il y a une foule absolument considérable de métiers,
00:51:30 y compris non physiques, que nous pouvons faire,
00:51:32 et énormément de métiers que les femmes peuvent assurer
00:51:34 avec exactement le même succès que les hommes.
00:51:37 Ce qui n'est pas forcément le cas dans une société plus manuelle
00:51:40 et où la fonction reproductive retrouve de l'importance.
00:51:45 Donc oui, ça risque de changer beaucoup de choses pour les femmes.
00:51:47 Mais pour ce qui concerne la décroissance,
00:51:50 je voulais ajouter à ces facteurs, ou à ces domaines plutôt,
00:51:54 dans lesquels le changement va opérer.
00:51:57 Donc j'avais parlé de la science, de la politique,
00:52:00 de l'acceptabilité sociale, mais il y a aussi le domaine proprement économique.
00:52:04 Et le domaine proprement économique, c'est très délicat aussi,
00:52:08 parce qu'une économie qu'on essaie de faire décroître,
00:52:11 on peut appeler ça autrement, on peut appeler ça une économie en récession.
00:52:15 On peut essayer de piloter cette récession, mais on ne sait pas faire ça.
00:52:19 Disons que jusqu'à aujourd'hui, on n'a jamais su le principe de l'économie capitaliste.
00:52:24 C'est une économie qui s'auto-gère, et elle s'auto-gère en croissant.
00:52:30 Est-ce qu'on va arriver à avoir une économie qui décroît
00:52:33 sans que ça ressemble trop à une récession ?
00:52:35 Ou est-ce qu'une fois qu'on entre dans le processus récessif,
00:52:39 on va avoir un effondrement en cascade, et puis des effets délétères sur des faillites,
00:52:44 des gens qui… les ajustements qui ne se font pas,
00:52:47 comme on aurait aimé qu'ils se fassent.
00:52:49 Tout ça, c'est des questions auxquelles on ne peut pas avoir des réponses.
00:52:53 Encore une fois, oui. Donc bon, oui, c'est un peu frustrant, mais…
00:52:57 On n'essaie même pas d'avoir des réponses, moi j'insiste.
00:53:00 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, dans la recherche en économie, par exemple,
00:53:03 ces questions-là sont des questions qui ne sont quasiment pas abordées,
00:53:09 alors que j'ai envie de dire que ce sont des questions sans parti pris pour un chercheur.
00:53:13 C'est-à-dire un chercheur qui regarde un système en se disant
00:53:15 « qu'est-ce qui se passe si le système se comporte comme ça ? »
00:53:17 Exactement.
00:53:18 C'est une question sans parti pris.
00:53:20 Et pour autant, il y a extrêmement peu de matière… j'insiste,
00:53:26 il y a extrêmement peu de matière académique disponible sur le sujet.
00:53:29 Exactement. Et bon, il y a quelques débats quand même, mais c'est vrai que c'est très limité.
00:53:33 Par exemple, si on prend l'excellent livre de Timothée Parry, « Que ralentir ou périr »,
00:53:37 il y a des économistes qui lui répondent, David Cayla par exemple,
00:53:40 qui lui répond « oui, mais c'est bien beau, mais quand même, ça décrit quand même une décrue du PIB,
00:53:44 et pour un économiste, la décrue du PIB, ça s'appelle une récession,
00:53:47 et en plus une récession massive, parce qu'il faut que le PIB décroisse sensiblement
00:53:50 pour qu'il y ait des effets sur l'écologie, sur le réchauffement climatique.
00:53:54 Et qu'est-ce qui se passe dans un monde en vraie crise économique, en vraie récession ? »
00:54:00 Ben, c'est pas… voilà, c'est pas évident.
00:54:03 Dans le livre, on insiste beaucoup sur l'idée qu'on peut reorienter la production
00:54:07 vers des choses plus socialement utiles, etc., moins polluantes, etc., etc.
00:54:11 Mais ce n'est pas certain que ce soit possible.
00:54:14 Les économistes ne donnent aucune assurance.
00:54:16 Le terme de croissance verte, par exemple, c'est quelque chose… vous êtes assez dubitatif.
00:54:21 Moi, j'y crois pas.
00:54:23 Alors, je vais donner une explication physique un peu large.
00:54:27 C'est lié au deuxième principe de la thermodynamique.
00:54:31 Le deuxième principe de la thermodynamique, il dit un truc assez simple,
00:54:34 il dit « dans un système qui ne communique pas avec l'extérieur,
00:54:37 la quantité de désordre ne peut que croître au cours du temps ».
00:54:40 D'accord ? Il dit ça.
00:54:43 Ce qui veut dire que pour faire une… alors, qu'est-ce que c'est que l'économie ?
00:54:47 L'économie, en fait, c'est un système qui vise à créer de l'ordre.
00:54:50 D'accord ? Vous aviez du minerai de fer, c'est pas très ordonné.
00:54:53 Vous en faites un pied de table, c'est beaucoup plus ordonné, ça a une fonction.
00:54:57 Le minerai de fer a assez peu de fonctions.
00:54:59 Donc, vous avez créé de l'ordre.
00:55:01 À cause du deuxième principe de la thermodynamique,
00:55:03 en créant cet ordre, en passant d'une poignée de minerai de fer à ce pied de table,
00:55:07 vous êtes obligé de créer à l'extérieur du système qui a produit ce pied de table
00:55:11 encore plus de désordre que vous n'avez créé d'ordre en créant ce pied de table.
00:55:15 D'accord ? Créer du désordre, c'est quoi ? C'est de la pollution.
00:55:18 C'est du bazar. D'accord ? C'est perturber l'environnement.
00:55:21 Donc, en fait, vous avez quelque chose d'absolument fondamental à avoir en tête,
00:55:26 c'est que quand vous créez une économie qui est plus grosse,
00:55:31 avec donc plus de production et donc plus de création d'ordre, d'accord ?
00:55:36 Vous aviez de la matière première, ce n'est pas très ordonné.
00:55:39 Vous en faites des objets, c'est beaucoup plus ordonné.
00:55:41 Eh bien, plus vous en faites, plus vous créez de désordre à l'extérieur de la production.
00:55:46 D'accord ? Or, l'idée de la croissance verte, c'est qu'on serait capable d'avoir en même temps
00:55:50 une économie qui croît, c'est-à-dire une production de plus en plus de choses,
00:55:55 tout en étant vert, c'est-à-dire en étant de moins en moins perturbateur
00:55:59 sur l'environnement extérieur.
00:56:01 Eh bien, le deuxième principe de la thermodynamique vous dit que ce n'est pas possible.
00:56:04 Alors, c'est possible qu'à une seule condition, c'est que vous commencez à tendre le PIB
00:56:08 en valorisant au fil du temps des objets identiques de plus en plus cher.
00:56:13 D'accord ? Le prochain verre que vous servirez à votre invité avec de l'eau dedans,
00:56:17 il ne sera pas blanc, il sera bleu.
00:56:18 Vous direz, du coup, ce n'est plus le même verre qu'avant,
00:56:21 et donc si je le paye deux fois plus cher, ce n'est pas grave,
00:56:23 ce n'est pas de l'inflation, c'est une augmentation de la valeur.
00:56:25 Alors, ok, si vous jouez à ce petit jeu-là, vous pouvez avoir de la croissance verte pour l'éternité.
00:56:29 Par contre, si vous jouez à mesurer l'économie avec ce qui se mesure en tonnes,
00:56:34 en litres, en mètres cubes, en mètres carrés, en kilos, etc.,
00:56:39 donc si vous prenez les kilos de verre, là, vous ne pouvez absolument pas faire de la croissance verte,
00:56:44 c'est-à-dire faire croître tout ce qui se mesure en unité physique,
00:56:47 tout en faisant décroître la pression de façon globale.
00:56:50 Alors après, vous pouvez faire un transfert localement,
00:56:52 vous pouvez faire un peu moins de telles pollutions au prix d'un peu plus de telles autres.
00:56:56 Je vous donne un exemple idiot, on désulfure les carburants actuellement dans les raffineries
00:57:00 pour éviter que l'utilisation des voitures engendre des émissions de dioxyde de soufre.
00:57:04 Pour faire ça, on a besoin d'hydrogène,
00:57:05 petite moitié de l'hydrogène qu'on produit dans le monde aujourd'hui sert à ça.
00:57:08 Pour faire de l'hydrogène, vous avez besoin d'émettre du CO2, d'accord ?
00:57:11 Donc vous avez troqué une pollution locale au dioxyde de soufre contre une pollution globale au CO2,
00:57:17 mais vous n'avez pas fait vert, vous avez changé de nature de pollution.
00:57:20 Est-ce que c'est mieux ou moins bien ? C'est un débat, d'accord ?
00:57:22 Donc l'idée qu'on peut faire croître globalement le système transformatif de ressources naturelles
00:57:27 qui s'appelle l'économie en ayant une pression sur l'environnement qui va en diminuant,
00:57:32 malheureusement c'est impossible.
00:57:33 Vous Jean-Marc au niveau des énergies,
00:57:36 alors si on les liste tous, il va y avoir les 4e génération de réacteurs nucléaires, pardonnez-moi,
00:57:42 les SMR, la fusion nucléaire, on peut même parler de l'hydrogène blanc dont on commence à découvrir les vertus.
00:57:48 Et si on fait de la science-fiction, peut-être, vous l'avez dit vous-même,
00:57:51 Vera, une source d'énergie dont on ignore l'existence aujourd'hui.
00:57:55 À quel point c'est de la science-fiction de penser que ça pourrait suffire finalement
00:58:01 à remplacer les énergies fossiles qu'on va perdre ?
00:58:04 Alors je vais redire une chose que j'ai dit tout à l'heure.
00:58:07 Historiquement, on n'a jamais remplacé une énergie par une autre à l'échelle mondiale, d'accord ?
00:58:11 Donc déjà, il faudrait qu'on soit capable de faire la preuve qu'on est capable de remplacer une énergie par une autre.
00:58:17 On les a empilées les unes sur les autres jusqu'à maintenant.
00:58:19 Ensuite, tout ça est une affaire d'ordre de grandeur.
00:58:21 Si vous êtes une entreprise qui fabrique des voitures, prenons par exemple Renault qui fabrique des voitures,
00:58:27 eh bien, vous savez, avec de l'acier, vous pouvez aussi faire des trombones.
00:58:30 Donc Renault peut très bien dire "je vais arrêter de fabriquer des voitures et je vais faire des trombones".
00:58:33 Bon, sauf que s'ils disent qu'avec ça, ils vont faire le même chiffre d'affaires qu'en fabriquant des voitures,
00:58:37 je pense que les gens vont un peu rigoler.
00:58:39 Eh bien là, c'est exactement pareil.
00:58:41 Quand on dit "on va remplacer une énergie par une autre", de quelle ordre de grandeur est-ce qu'on parle ?
00:58:45 Aujourd'hui, l'hydrogène blanc par exemple, qui est de l'hydrogène natif dans le sous-sol.
00:58:49 Alors il y a de l'hydrogène natif dans le sous-sol, moi pendant longtemps j'ai dit "il n'y a pas d'hydrogène natif sur Terre".
00:58:53 En fait, si, il y en a un peu, mais enfin, quantité infinitésimale.
00:58:56 Il y en a un peu par réaction de l'eau qu'on trouve dans le sous-sol avec des roches qui contiennent du fer.
00:59:01 Vous avez un village au Mali qui fait une centaine de personnes et qui réussit à extraire de l'hydrogène natif du sous-sol.
00:59:06 Il y a un exemple dans le monde, comme ça, 100 personnes sur 8 milliards d'individus,
00:59:09 où ils réussissent à faire un peu d'électricité avec de l'hydrogène qui sort du sous-sol.
00:59:13 Ok, 100 personnes sur 8 milliards d'individus.
00:59:15 Bon, ça ou rien, c'est pareil.
00:59:18 La fusion, vous serez morts et vos enfants aussi, que ça ne sera toujours pas quelque chose d'industrialisable.
00:59:23 Pas le temps aujourd'hui, mais enfin, il me faudrait 10 minutes, mais enfin je peux vous expliquer pourquoi.
00:59:27 En ce qui concerne le nucléaire, dont je suis un grand partisan,
00:59:30 le nucléaire ne sauvera pas la civilisation industrielle, c'est une question d'échelle.
00:59:34 Aujourd'hui, le nucléaire, ça je l'ai toujours dit,
00:59:36 le nucléaire aujourd'hui c'est 10% de l'électricité mondiale,
00:59:39 l'électricité c'est 20% de l'énergie consommée par les machines.
00:59:42 D'accord ? Donc le nucléaire aujourd'hui c'est 2% de l'énergie consommée par les machines.
00:59:46 Il a été question à la COM 28 de le tripler d'ici à 2050.
00:59:50 Admettons que la consommation d'énergie des machines reste constante,
00:59:53 admettons, ça passe de 2 à 6%.
00:59:55 Il reste toujours 94% pour lesquels il faut faire autre chose.
00:59:58 Donc, en fait, tout ça est une affaire...
01:00:01 Le propre de l'énergie, c'est que contrairement au bon sens, ça se compte.
01:00:05 Il y a une unité pour compter l'énergie, ça s'appelle le joule,
01:00:08 où c'est multiple, le kWh, etc.
01:00:11 Donc on est capable, quand on a un problème qui vaut 1000,
01:00:15 de savoir si la solution qu'on imagine en face, elle vaut 0,1, 1, 500, 1000 ou 10 000.
01:00:20 Et aujourd'hui, face à un problème qui vaut 1000,
01:00:23 si je regarde les combustibles fossiles,
01:00:25 quand vous empilez les bouts de solution auxquels on peut penser à droite à gauche, etc.
01:00:29 et que vous regardez le calendrier de mise en œuvre,
01:00:31 même en version crash programme,
01:00:33 économie de guerre, bon, le bas de combat, etc.
01:00:35 Une blague que je dis souvent, c'est...
01:00:37 Vous pouvez payer une femme aussi chère que vous voulez,
01:00:39 il faut toujours 9 mois pour faire un bébé.
01:00:41 L'argent ne fait strictement aucune différence dans cette histoire.
01:00:44 Et vous pouvez payer les gens aussi chers que vous voulez,
01:00:46 même les Chinois qui font ça à marge forcée,
01:00:48 il vous faut quand même 5 ans pour faire un réacteur.
01:00:50 Vous ne le ferez pas en une semaine.
01:00:52 Donc, quand vous regardez le potentiel de ces marges de manœuvre,
01:00:56 vous vous rendez compte qu'on ne voit pas comment on va arriver à couper
01:01:00 à ce qui nous a occupé pendant la séquence précédente,
01:01:04 c'est-à-dire une décrue globale de l'approvisionnement énergétique,
01:01:08 c'est-à-dire une décrue globale du parc de machines qui fonctionnent pendant.
01:01:12 Donc, il y a une question absolument centrale
01:01:16 que aucun débat technologique n'évacue,
01:01:18 qui est quelle est notre gestion des priorités là-dedans,
01:01:21 et est-ce qu'on préfère que l'électricité résiduelle
01:01:24 serve à faire fonctionner des pompes à eau
01:01:26 pour qu'il y ait de l'eau potable et que les enfants ne meurent pas en bas âge,
01:01:30 des tracteurs pour qu'on ait suffisamment à manger,
01:01:33 et des machines à laver pour pas que les femmes retournent la voir,
01:01:36 plutôt que de s'envoyer en l'air dans la fusée de Jeff Bezos.
01:01:40 Voilà, c'est ça la question qu'il faut qu'on se pose aujourd'hui,
01:01:43 et donc ça c'est des débats qui sont fondamentalement des débats moraux,
01:01:47 et sociétaux.
01:01:49 Est-ce qu'on préfère collectivement l'émancipation des femmes
01:01:51 ou le tourisme spatial ?
01:01:53 Alors ça peut paraître totalement farfelu de poser le problème comme ça,
01:01:55 mais c'est quand même un peu comme ça qu'il se pose.
01:01:57 C'est quand même un peu comme ça qu'il se pose.
01:01:59 Justement, ça m'amène à la future question que je voulais vous poser,
01:02:02 c'est sur comment on y arrive,
01:02:05 comment on arrive à trancher ces débats moraux,
01:02:07 ces débats sociétaux,
01:02:09 parce que je voudrais vous poser sur un point
01:02:11 sur lequel vous n'êtes peut-être pas d'accord,
01:02:13 c'est le rôle de la démocratie participative.
01:02:15 Je crois, Vera Nikolsky, que vous êtes plutôt sceptique,
01:02:19 et Jean-Marc Jancovici, que vous êtes plutôt fagorant.
01:02:21 Vera fréquente la démocratie de plus près que moi.
01:02:23 [Rires]
01:02:25 J'aimerais bien entendre les arguments de l'un et de l'autre sur le sujet.
01:02:29 Moi, je ne demande qu'à être convaincue.
01:02:31 La Convention citoyenne sur le climat, ça ne vous a pas...
01:02:36 C'est très bien que les gens débattent du climat,
01:02:38 ne serait-ce que parce que ça fait parler du climat
01:02:40 et que les gens s'approprient un peu ces questions.
01:02:42 Après, je n'ai pas eu l'impression que les conclusions
01:02:44 de la Convention citoyenne sur le climat
01:02:46 aient été massivement reprises
01:02:48 ou matérialisées dans des décisions révolutionnaires
01:02:51 qui sont d'ores et déjà en train de transformer notre quotidien.
01:02:54 Ce sont quand même beaucoup des débats, comme vous dites,
01:02:57 qui sont utiles, mais qui ne suffisent pas.
01:03:00 Moi, je suis très inquiète par le manque de...
01:03:04 Comment dire ? La difficulté à piloter, en fait,
01:03:07 les grands systèmes économiques ou politiques,
01:03:10 comme le sont nos pays, nos sociétés.
01:03:13 Les fois dans l'histoire où on a essayé de les piloter
01:03:17 de façon volontariste n'ont pas été exactement
01:03:19 des réussites brillantes sous tout rapport,
01:03:21 même si ce sont des pays qui ont réussi dans plusieurs domaines.
01:03:25 Globalement, il y a plusieurs effets de bord
01:03:27 qu'il s'agirait d'éviter.
01:03:30 L'économie capitaliste, qui est quand même fondée
01:03:34 sur la croissance, on ne sait pas ce qu'elle va devenir
01:03:36 si elle décroît. L'acceptabilité de ces changements,
01:03:39 on ne sait pas comment ça va se passer.
01:03:41 Est-ce que la démocratie participative peut nous aider
01:03:43 dans ce processus ? Certainement, parce que les gens
01:03:46 peuvent s'approprier ces questions-là, débattre
01:03:48 et peut-être comprendre mieux les enjeux.
01:03:51 Justement, qu'est-ce qu'on va y perdre,
01:03:52 qu'est-ce qu'on va y gagner, etc.
01:03:56 Certainement, oui. Le débat ne peut jamais faire de mal.
01:03:58 Ça, au moins, c'est certain. Je pense que là-dessus,
01:04:01 on est d'accord. Mais quant à la faisabilité concrète
01:04:03 de la chose, oui, j'avoue que je n'ai pas d'avis
01:04:07 bien défini. J'attends de le voir.
01:04:11 Il faudrait également se mettre d'accord
01:04:13 sur ce qu'on appelle la démocratie participative.
01:04:15 Oui, aussi. Parce qu'en fait, nous avons plein...
01:04:19 Je veux dire, tout débat dans les médias
01:04:21 peut être considéré comme de la démocratie participative.
01:04:24 Donc, voilà. C'est...
01:04:27 On va dire le processus décisionnel.
01:04:29 Oui, à ce moment, on verra raison.
01:04:32 La Convention citoyenne pour le climat,
01:04:35 c'était un exercice de débat. Est-ce que ça a eu
01:04:38 un impact sur le processus décisionnel ?
01:04:40 Faible. D'accord. On a en France
01:04:43 le Conseil économique, social et environnemental.
01:04:46 C'est assurément un lieu de débat.
01:04:48 Quel est son rôle dans le processus décisionnel ?
01:04:50 Très faible. Alors que c'est,
01:04:53 dans l'ordre protocolaire, quelque chose qui est...
01:04:57 Le président du CESE, il est assez bien placé.
01:04:59 Je ne sais plus où il est, mais il est assez bien placé.
01:05:01 Donc, il faut qu'on se mette d'accord, encore une fois,
01:05:05 sur ce qu'on appelle démocratie participative.
01:05:08 Participation, j'insiste, c'est dès que vous avez
01:05:10 un débat qui est un peu médiatisé quelque part,
01:05:12 c'est une forme de participation.
01:05:13 Et les Gilets jaunes sur les ronds-points,
01:05:14 c'était une forme de participation au débat.
01:05:16 Donc, voilà. Si la question, c'est comment
01:05:19 est-ce que ça impacte le processus décisionnel,
01:05:22 là, j'ai envie de dire, on tombe sur des processus
01:05:25 qui sont un peu plus normés, par exemple le référendum.
01:05:28 Le référendum, ça marche bien dans certains pays,
01:05:31 ça marche moins bien dans d'autres.
01:05:32 Je suis assez d'accord avec l'idée que je pense
01:05:34 que ça marche assez bien quand on a des problèmes
01:05:36 qui sont locaux et des pays qui ne sont pas trop gros.
01:05:38 Voilà. Dans un pays comme le nôtre,
01:05:41 ça ne marche pas bien parce que les Français
01:05:43 sont ainsi faits que quand il y a un référendum,
01:05:45 ils répondent à la personne qui pose la question
01:05:47 au moins autant qu'ils répondent à la question.
01:05:49 D'accord ? C'est au moins autant pris
01:05:52 comme une déclaration d'amour à la personne
01:05:54 qui pose la question qu'une réponse
01:05:56 à la question elle-même.
01:05:58 Donc, c'est difficile dans ce genre de cas de figure
01:06:00 d'avoir une gestion saine. Voilà.
01:06:04 Donc, voilà. La pétition est une forme
01:06:08 de démocratie participative.
01:06:10 Et des fois, du reste, ça produit des effets.
01:06:12 Donc, ce qui est sûr, c'est que
01:06:18 quand il y a un sujet dont il est important
01:06:20 de discuter, plus globalement,
01:06:22 il y a des canaux d'expression
01:06:24 qui permettent de le mettre à plat
01:06:26 pas juste en 20 secondes, en ayant un peu de temps
01:06:28 pour le dire. Eh bien, on se porte. Voilà.
01:06:30 Une fois qu'on a dit ça...
01:06:32 - Véra Nikoski, pour préserver les acquis sociaux
01:06:36 et notamment ceux des femmes,
01:06:38 ce que vous abordez dans votre dernière partie
01:06:40 de votre livre, c'est justement les solutions.
01:06:42 Qu'est-ce qu'il faudrait faire pour justement
01:06:44 préserver les acquis sociaux des femmes
01:06:46 pour ne pas retomber sur une situation similaire
01:06:49 à celle des 150 dernières années,
01:06:51 il y a 150 ans, même si j'ai bien compris
01:06:53 qu'on ne revenait jamais totalement en arrière ?
01:06:56 - Eh bien, en fait, déjà, ça dépend fortement
01:06:59 du scénario du futur qui va se réaliser.
01:07:03 On parlait tout à l'heure du fait qu'on ne peut pas
01:07:05 vraiment prévoir, mais il y a différents types
01:07:07 de scénarios qui se dessinent.
01:07:09 Il y a une fourchette très large, en fait,
01:07:11 de ce qui peut nous arriver.
01:07:13 Ça peut aller d'une dégradation maîtrisée,
01:07:15 limitée des conditions de vie,
01:07:17 d'une adaptation quand même assez bonne
01:07:19 à ces nouvelles conditions,
01:07:21 jusqu'à un effondrement total,
01:07:23 qui est évoqué par les collapsologues,
01:07:25 les effondristes, etc.
01:07:27 Et entre ces deux solutions,
01:07:29 toute une gradation de solutions,
01:07:31 de chemin, de scénario intermédiaire.
01:07:33 Et en fait, les solutions que je propose
01:07:35 - Antoine Bueno m'a fait cette remarque -
01:07:37 que les solutions que j'évoque dans mon livre
01:07:39 correspondent aux scénarios intermédiaires.
01:07:41 Parce qu'en fait, effectivement,
01:07:43 il a totalement raison.
01:07:45 Si jamais il y a un effondrement total,
01:07:47 les petites pistes très modestes
01:07:49 que j'évoque dans mon livre ne serviront à rien.
01:07:51 Parce que si, effectivement, on en revient
01:07:53 à un monde complètement privé
01:07:55 du confort matériel moderne,
01:07:57 avec une production par tête alimentaire
01:07:59 et industrielle très très basse
01:08:01 comme au Moyen-Âge,
01:08:03 oui, on pourra faire autant d'efforts qu'on voudra,
01:08:05 le principe de réalité fera que
01:08:07 certaines choses ne seront pas possibles.
01:08:09 Si il y a juste une dégradation
01:08:11 très légère des conditions de vie,
01:08:13 dans ce cas-là, ce n'est peut-être pas assez utile.
01:08:15 On peut peut-être continuer comme avant, et puis ça ira.
01:08:17 En revanche, si on a une dégradation
01:08:19 quand même substantielle, mais néanmoins
01:08:21 pas catastrophique des conditions de vie,
01:08:23 moi, ce qui me semble - encore une fois,
01:08:25 je ne suis pas du tout anti-science -
01:08:27 ce qui me semble essentiel, c'est de travailler
01:08:29 sur toutes les solutions concrètes
01:08:31 pour permettre à nos sociétés de s'adapter
01:08:33 à ce nouveau monde qui vient,
01:08:35 de s'adapter du point de vue matériel,
01:08:37 de s'adapter aussi du point de vue social,
01:08:39 du point de vue de la division du travail,
01:08:41 du point de vue de l'aménagement du territoire,
01:08:43 des nouveaux métiers, etc.
01:08:45 Et il me semble, particulièrement pour les femmes,
01:08:47 parce que mon livre porte spécifiquement sur les femmes,
01:08:49 c'est que les femmes devraient y prendre toute leur place.
01:08:51 Elles devraient y prendre toute leur place
01:08:53 pour deux raisons.
01:08:55 En tout cas, les femmes qui sont, comment dire,
01:08:57 préoccupées par leur place, leur rôle, leur statut,
01:08:59 préoccupées d'égalité pour elles,
01:09:01 et surtout pour leurs enfants, pour leurs filles,
01:09:03 pour leurs petites filles.
01:09:05 D'abord parce qu'en travaillant sur ces sujets,
01:09:07 elles contribueront à l'effort collectif
01:09:09 pour adapter nos sociétés,
01:09:11 donc elles limiteront, elles contribueront
01:09:13 à limiter peut-être la casse,
01:09:15 le niveau d'effondrement,
01:09:17 et donc elles préserveront par là même
01:09:19 les conditions qui permettent
01:09:21 leur émancipation.
01:09:23 Et la deuxième raison pour laquelle
01:09:25 je pense que les femmes elles-mêmes devraient
01:09:27 investir dans ces domaines, c'est-à-dire les domaines
01:09:29 scientifiques et techniques pour simplifier,
01:09:31 qui seront essentiels dans ce monde
01:09:33 en transformation pour l'équiper, pour l'outiller,
01:09:35 etc., eh bien c'est que
01:09:37 quand vous êtes au cœur d'un processus,
01:09:39 vous avez un petit peu davantage prise sur la direction
01:09:41 que prend ce processus.
01:09:43 Pour prendre un exemple simple,
01:09:45 je ne sais pas, si vous travaillez
01:09:47 sur les antibiotiques et que vous êtes une femme,
01:09:49 vous avez peut-être une chance d'orienter un peu plus
01:09:51 la recherche vers des maladies infectieuses
01:09:53 qui affectent les enfants, parce que vous avez en tête
01:09:55 l'idée que le fait que les enfants
01:09:57 puissent survivre dans leur grande majorité,
01:09:59 eh bien il est favorable au statut des femmes,
01:10:01 plutôt que de travailler sur des maladies
01:10:03 ou autres
01:10:05 qui n'auraient aucun impact
01:10:07 sur le statut de la femme.
01:10:09 Donc le fait de participer soi-même à ces processus
01:10:11 peut influencer la direction que prend la recherche,
01:10:13 et puis ça élève
01:10:15 aussi le coût pour
01:10:17 la société du renvoi des femmes
01:10:19 à un statut de, simplement
01:10:21 reproductif, donc un peu ce qui fait référence
01:10:23 au monde d'avant. Parce que si vous avez des femmes
01:10:25 qui sont, dans leur grande majorité,
01:10:27 employées à des métiers non productifs,
01:10:29 disons non essentiels, on a parlé des métiers essentiels
01:10:31 pendant le Covid, eh bien non essentiels.
01:10:33 Bien sûr c'est essentiel, la poésie c'est essentiel,
01:10:35 l'écriture c'est essentiel, le journalisme
01:10:37 c'est essentiel, mais quand il faut manger et survivre,
01:10:39 eh bien tout d'un coup, dans ces conditions-là,
01:10:41 ça devient moins essentiel.
01:10:43 Ce sont des métiers de luxe au bon sens du terme,
01:10:45 ce sont des métiers de civilisation.
01:10:47 Si vous avez plus de femmes qui travaillent à des métiers
01:10:49 productifs essentiels au processus
01:10:51 de transition,
01:10:53 eh bien ça sera un petit peu plus coûteux
01:10:55 de leur dire "eh bien maintenant toi qui as des compétences
01:10:57 uniques en matière de, je ne sais pas, réacteur
01:10:59 de 17ème génération, tu vas t'occuper
01:11:01 des enfants parce qu'il faut en faire
01:11:03 plein". Non, si vous avez beaucoup de compétences
01:11:05 et que vous êtes très utile dans le processus productif,
01:11:07 vous avez une chance de garder
01:11:09 cette possibilité d'y contribuer
01:11:11 et donc de garder cette autonomie qui vient
01:11:13 avec le travail indépendant. Donc moi
01:11:15 les petites pistes que je vous propose sont celles-là,
01:11:17 ça ne ressemble pas vraiment au grand soir féministe
01:11:19 ni à une panacée,
01:11:21 une garantie que les femmes pourront préserver leur statut
01:11:23 et encore une fois j'insiste, ça dépend
01:11:25 complètement du scénario auquel on va devoir
01:11:27 faire face. Les choses que je propose
01:11:29 correspondent à un scénario un peu
01:11:31 intermédiaire. Voilà.
01:11:33 Vous, la formation des femmes
01:11:35 dans les métiers
01:11:37 à plus forte concentration féminine, donc en effet
01:11:39 vous avez même parlé de l'armée.
01:11:41 Oui tout à fait.
01:11:43 Ce que j'ai remarqué
01:11:45 en regardant une de vos conférences, que vous
01:11:47 assistiez pour qu'il y ait une parité dans les profils
01:11:49 des personnes qui me posaient des questions.
01:11:51 Donc je me suis demandé, tiens, est-ce que justement
01:11:53 vous étiez plus ou moins sensible
01:11:55 au discours de Vera Nikolsky dans son livre ?
01:11:57 Alors non, ça s'est arrivé d'une façon
01:11:59 totalement
01:12:01 différente, enfin indépendante.
01:12:03 J'avais été
01:12:05 invité à faire une intervention dans un
01:12:07 institut d'agronomie,
01:12:09 sauf erreur de ma part, je crois que c'était Taren,
01:12:11 et je ne sais pas si vous êtes au courant
01:12:13 mais l'agronomie aujourd'hui est très fortement féminisée.
01:12:15 C'est à peu près
01:12:17 deux tiers de femmes
01:12:19 dans les études d'agro.
01:12:21 Et il y avait une séquence de questions du public,
01:12:23 donc c'est les étudiants qui me posaient des questions.
01:12:25 Et à la sixième question, j'ai réalisé que c'était
01:12:27 toujours un homme.
01:12:29 J'ai eu six questions d'hommes, et alors là j'ai dit
01:12:31 il y a un truc qui ne va pas.
01:12:33 Donc j'ai pris la décision ce jour-là, et à cet instant-là
01:12:35 j'ai dit à partir de maintenant, ça sera un homme
01:12:37 et une femme dans les questions qui me seront posées.
01:12:39 Et maintenant
01:12:41 j'applique cette règle, quelle que soit la répartition
01:12:43 homme-femme dans les audiences. Donc une fois j'ai eu une audience
01:12:45 avec des entrepreneurs du BTP où il y avait cinq femmes
01:12:47 et soixante-dix hommes, et donc chacune des femmes m'a posé trois questions.
01:12:49 Voilà, parce que j'ai appliqué la même règle.
01:12:51 Donc ça s'est arrivé totalement indépendamment.
01:12:53 Par contre, j'aime beaucoup les suggestions
01:12:55 de Vera Nikolsky, parce qu'elles ont un côté opérationnel,
01:12:57 parce qu'elles ont un côté pragmatique, et parce qu'elles donnent
01:12:59 un sens au regard
01:13:01 de la transition
01:13:03 à une... comment dire...
01:13:05 à quelque chose... elles renforcent
01:13:07 avec des arguments liés à la transition
01:13:09 l'ambition qu'il y a par ailleurs
01:13:11 de faire venir plus de femmes dans les filières scientifiques.
01:13:13 Donc moi j'aime bien
01:13:15 cette préconisation,
01:13:17 et je ne sais pas si vous êtes au courant, mais en ce moment on est en train de faire marche arrière.
01:13:19 C'est-à-dire que...
01:13:21 et il paraît que c'est notamment à cause de la réforme du bac,
01:13:23 bon moi je ne suis pas suffisamment compétent
01:13:25 pour en parler, mais
01:13:27 par contre ce qui est sûr c'est qu'il y a moins de femmes,
01:13:29 enfin de jeunes filles plus exactement, qui au niveau
01:13:31 du lycée choisissent de faire
01:13:33 des maths et de la physique.
01:13:35 Donc ça, ça prépare un monde
01:13:37 dans lequel dans les filières scientifiques,
01:13:39 il y aura moins de femmes, alors que
01:13:41 pour tout un tas de raisons, dont celle évoquée par Vera
01:13:43 que j'aime bien, je pense qu'il en faudrait plus.
01:13:45 Voilà.
01:13:47 Il y a
01:13:49 autre chose que je constate,
01:13:51 alors là dans le monde des entreprises
01:13:53 que je fréquente un peu,
01:13:55 c'est que les univers qui dans le monde de l'entreprise
01:13:57 se rapprochent de la parité
01:13:59 sont généralement des univers dans lesquels
01:14:01 les prises de décision
01:14:03 sont
01:14:05 moins déséquilibrées d'un côté ou de l'autre.
01:14:07 D'accord ? Donc quand l'univers
01:14:09 professionnel est très fortement sexué d'un côté ou de l'autre,
01:14:11 en général je trouve que ça donne des ambiances
01:14:13 qui sont moins agréables,
01:14:15 et des systèmes de prise de décision qui sont
01:14:17 moins sympathiques.
01:14:19 Donc ça c'est aussi un avantage,
01:14:21 parce qu'on a aussi un sujet de prise de décision
01:14:23 dans le monde qui nous attend.
01:14:25 Donc j'ai envie de dire,
01:14:27 c'est pas juste un argument généreux de ma part,
01:14:29 c'est aussi un argument égoïste, parce que moi ça m'intéresse
01:14:31 la stabilité de la société,
01:14:33 et ça m'intéresse que l'on vive dans un monde
01:14:35 pacifié, et donc je pense que
01:14:37 les recommandations qui sont faites dans ce livre sont des recommandations
01:14:39 qui vont dans ce sens,
01:14:41 et donc qui me paraissent tout à fait pertinentes.
01:14:43 Et plus globalement d'ailleurs,
01:14:45 parce que
01:14:47 quand on regarde le féminisme, le monde
01:14:49 des mouvements féministes,
01:14:51 il y en a une grande quantité, etc., c'est pas homogène,
01:14:53 on est d'accord, etc., mais ce qui m'intéresse
01:14:55 c'est que beaucoup de mouvements féministes
01:14:57 privilégient la voie du droit
01:14:59 et du changement
01:15:01 des mentalités pour agir sur la société,
01:15:03 ce qui est très bien dans notre monde à nous,
01:15:05 ou en tout cas pour
01:15:07 toute une série de questions, ça marche parce que nous sommes
01:15:09 dans un état de droit qui respecte justement le droit,
01:15:11 et dans un monde où les droits des femmes sont
01:15:13 déjà très étendus. C'est très bien,
01:15:15 cependant ça ne marche que dans un monde
01:15:17 où les droits sont assurés, une fois qu'ils sont
01:15:19 octroyés. Mais si on parle
01:15:21 d'un monde en déstabilisation, un monde
01:15:23 qui s'effrite, peut-être les institutions
01:15:25 ne sont plus aussi stables qu'avant, il y a plus de violence,
01:15:27 il y a moins de richesses
01:15:29 à partager, plus de tensions, etc.,
01:15:31 le droit risque de devenir abstrait.
01:15:33 Et je prends toujours un
01:15:35 exemple simple, celui de la contraception,
01:15:37 le droit à la contraception qui a été gagné, effectivement,
01:15:39 de haute lutte, ça c'était après la Deuxième Guerre mondiale,
01:15:41 il y avait vraiment des vrais mouvements féministes qui se sont battus
01:15:43 pour ça. Eh bien le droit
01:15:45 à disposer de son corps, donc
01:15:47 à ne pas tomber enceinte, à tout va, donc le droit à la
01:15:49 contraception. C'est un droit, effectivement,
01:15:51 mais ce qu'on oublie, comme beaucoup d'autres choses
01:15:53 qu'on oublie, c'est qu'avant d'être un droit, la pilule,
01:15:55 parce qu'on parle essentiellement de la pilule, c'est un produit.
01:15:57 C'est un produit qui a dû être mis au point,
01:15:59 et il a été mis au point au terme d'un progrès
01:16:01 scientifique important, par des gens
01:16:03 qui ont travaillé dans des laboratoires, à faire des
01:16:05 essais, etc., il a été mis au point,
01:16:07 et ensuite il a été produit, produit
01:16:09 industriellement, dans des usines,
01:16:11 elle-même faite d'acier, etc., qui marchent à l'énergie.
01:16:13 Donc il est produit dans ces usines, ensuite
01:16:15 il est mis dans des camions, et ces camions vont partout,
01:16:17 dans toutes les villes et villages de France,
01:16:19 pour le distribuer dans des pharmacies.
01:16:21 Donc le matin, quand vous vous réveillez à Mulhouse, à Strasbourg,
01:16:23 je ne sais où, à Bagnères-de-Bigorre,
01:16:25 et vous allez en pharmacie, et vous voulez
01:16:27 exercer votre droit, enfin pas vous,
01:16:29 mais bon, exercer
01:16:31 votre droit à la contraception, n'est-ce pas ?
01:16:33 Et vous venez en pharmacie, vous dites "je veux ma pilule",
01:16:35 et le pharmacien vous sort la pilule,
01:16:37 il vous sort la pilule, et votre droit est assuré,
01:16:39 il est effectif. Il est effectif parce
01:16:41 que le pharmacien a eu le bon camion,
01:16:43 qui est arrivé de la bonne usine, et cette pilule a été délivrée.
01:16:45 Dans un monde où il y a moins d'énergie,
01:16:47 dans un monde qui est en dépression, dans un monde où la
01:16:49 Chine décide de garder les pilules pour elle, parce que
01:16:51 elle en a besoin elle-même, et qu'en France
01:16:53 on n'en produit pas, etc., etc., et bien
01:16:55 quand vous venez en pharmacie, vous avez le droit,
01:16:57 mais vous n'avez pas le produit. Donc votre
01:16:59 droit est un droit vide. Et donc, il me
01:17:01 semble, globalement, si on veut
01:17:03 comprendre la philosophie générale des propositions
01:17:05 que j'avance dans le livre, c'est que, à côté
01:17:07 de ce combat nécessaire pour les droits, qui marche
01:17:09 bien dans le monde d'aujourd'hui, c'est bien aussi
01:17:11 d'agir sur les ressorts matériels
01:17:13 qui rendent ces droits possibles
01:17:15 et effectifs.
01:17:17 Justement, j'ai envie de vous... Il faut que les femmes électrifient
01:17:19 les camions. Exactement. Voilà. Non mais
01:17:21 pour être très concret. Exactement.
01:17:23 Hum...
01:17:25 J'ai envie de vous faire réagir par rapport à ce que disait
01:17:27 Sandrine Rousseau lors des présidentielles
01:17:29 2022. Elle disait "préférer les sorcières
01:17:31 à ceux qui bâtissent des centrales nucléaires".
01:17:33 Ça me semble totalement
01:17:35 antinomique. Oui, je préfère des femmes qui construisent
01:17:37 des EPR. Voilà. C'est ça.
01:17:39 C'est... Mais ça veut dire
01:17:41 quand même qu'il y a réelle déconnexion
01:17:43 selon vous, d'une partie du féminisme
01:17:45 sur... Oui, il y a une réelle déconnexion.
01:17:47 Cette sphère-là n'est pas du tout investie
01:17:49 par les mouvements féministes, et ça me semble
01:17:51 dommage. Donc c'est vrai que j'ai trié
01:17:53 un tout petit peu le féminisme contemporain
01:17:55 à la fin du livre. Il y a quelques pics.
01:17:57 Hum...
01:17:59 Mais parce que ça me semble extrêmement dangereux.
01:18:01 Parce qu'on nage en plein idéalisme. On pense que
01:18:03 tout va passer par le droit à l'avenir
01:18:05 comme ça marche aujourd'hui. Mais ce n'est pas...
01:18:07 Enfin à mon avis, c'est une erreur.
01:18:09 Ce n'est pas parce que ça marche bien dans le monde
01:18:11 stable, pacifié et prospère qui est le nôtre
01:18:13 que ça va marcher dans le monde qui
01:18:15 vient. Et pour ne pas se
01:18:17 retrouver complètement dépourvue,
01:18:19 il serait bon d'investir aussi la sphère
01:18:21 matérielle. Voilà. Donc c'est un peu
01:18:23 un appel à élargir
01:18:25 les sphères d'investissement
01:18:27 par les femmes
01:18:29 qui s'estiment féministes, qui ont
01:18:31 ces sujets et qui leur tiennent à cœur.
01:18:33 – Vous Jean-Marc Jancovici, est-ce que
01:18:35 vous considérez que la classe politique française
01:18:37 notamment,
01:18:39 maîtrise mieux ces sujets
01:18:41 qu'elle ne le maîtrisait il y a 20 ans, les sujets de l'énergie ?
01:18:43 Ou au contraire,
01:18:45 on est sur une sorte de statu quo ?
01:18:47 – Ça dépend où vous mettez
01:18:49 votre niveau d'exigence.
01:18:51 Si vous le mettez là où le mai verra, c'est-à-dire
01:18:53 qu'est-ce qu'aujourd'hui, quelle est la fraction
01:18:55 des personnages politiques français qui ont
01:18:57 compris que
01:18:59 le sujet dont on vient de parler longuement
01:19:01 est un sujet qui se rattache à l'énergie,
01:19:03 je pense qu'il n'y en a quand même pas beaucoup.
01:19:05 Donc des gens qui sont
01:19:07 aujourd'hui au degré de compréhension systémique
01:19:09 qui serait nécessaire, parce qu'on
01:19:11 vient de parler de système là,
01:19:13 il y en a encore très très peu.
01:19:15 Est-ce que
01:19:17 des gens qui commencent à faire des
01:19:19 bouts de trucs et de machins,
01:19:21 il y en a ? Ça oui, il y en a plus
01:19:23 qu'avant.
01:19:25 C'est très difficile après d'avoir
01:19:27 une appréciation sur l'ensemble de la classe politique
01:19:29 française dans un pays
01:19:31 dans lequel il y a 36 000 communes, donc 36 000 maires,
01:19:33 quelques centaines de députés,
01:19:35 quelques centaines de sénateurs, etc.
01:19:37 Je n'ai pas un avis
01:19:39 moi sur l'ensemble de ces gens-là,
01:19:41 comme ça, il faudrait que je les discutais avec tous,
01:19:43 faire des études sociologiques un peu fouillées,
01:19:45 qui n'existent pas, qui me décriraient
01:19:47 cette population par le menu, etc.
01:19:49 Le sentiment
01:19:51 comme ça, très intuitif que je peux
01:19:53 avoir, c'est qu'on recule pas
01:19:55 mais on avance pas assez vite.
01:19:57 On n'est pas dans un domaine
01:19:59 dans lequel on peut dire aujourd'hui
01:20:01 que la compréhension du sujet est plus basse
01:20:03 qu'elle était il y a 5 ans.
01:20:05 Elle est manifestement au-dessus.
01:20:07 Notre ami Poutine nous a un peu aidés du reste.
01:20:09 Absolument.
01:20:11 Mais par contre,
01:20:13 je pense qu'on est encore très loin
01:20:15 d'être là
01:20:17 où j'aurais confiance dans la classe politique
01:20:19 pour gérer le problème en toute connaissance de cause,
01:20:21 j'ai envie de dire. Pour le moment, on en est encore loin.
01:20:23 Si je peux me permettre de compléter,
01:20:25 il me semble que la compréhension
01:20:27 des enjeux, on va dire
01:20:29 scientifiques, progresse.
01:20:31 C'est-à-dire que le monde politique
01:20:33 se rend de plus en plus compte quand même
01:20:35 de la réalité des effets,
01:20:37 du changement climatique et peut-être aussi
01:20:39 du problème de raréfaction des ressources.
01:20:41 En revanche, la question du lien
01:20:43 entre ce monde qui vient
01:20:45 et les effets sociaux,
01:20:47 notamment celui dont je parle dans mon livre,
01:20:49 mais une multitude d'autres,
01:20:51 cette compréhension-là,
01:20:53 à mon avis, ne progresse pas du tout.
01:20:55 Elle fait complètement défaut.
01:20:57 Il n'y a pas de lien.
01:20:59 Il n'y a pas d'effet système.
01:21:01 Même le lien entre la décarbonation
01:21:03 et le pouvoir d'achat des gens,
01:21:05 ne serait-ce que ça, il n'est pas fait.
01:21:07 Le lien entre la décarbonation et la démondialisation,
01:21:09 il n'est pas fait.
01:21:11 Il y a un milliard de liens
01:21:13 qui ne sont toujours pas faits aujourd'hui.
01:21:15 Ça progresse quand même.
01:21:17 Par exemple, je ne sais pas si vous avez
01:21:19 entendu parler des scénarios électriques de RTE,
01:21:21 qui a été un exercice
01:21:23 de scénarisation qui a fait un peu de bruit
01:21:25 dans le monde des gens qui s'intéressent
01:21:27 à la question énergétique et environnementale.
01:21:29 Au sein
01:21:31 de l'équipe qui s'occupe de ces scénarios,
01:21:33 il y a des gens qui ont compris.
01:21:35 Ils ont fait une variante mondialisation contrariée
01:21:37 de leur scénario,
01:21:39 dans lequel ils expliquent du reste que tout coûte plus cher.
01:21:41 La variante renouvelable coûte encore plus cher
01:21:43 que la variante nucléaire dans ce monde-là,
01:21:45 pour des raisons qu'on peut très facilement expliquer.
01:21:47 Ils sont très loin
01:21:49 d'être allés au bout de la logique,
01:21:51 parce que c'est encore une version très soft.
01:21:53 Il commence à y avoir des gens dans la société civile
01:21:55 qui ont compris un peu ces effets système.
01:21:57 Mais des gens dans le monde politique,
01:21:59 malheureusement,
01:22:01 encore une fois, Vera les fréquente de plus près que moi,
01:22:03 et malheureusement, je pense qu'on en est encore très loin.
01:22:05 - Et qu'est-ce que vous pensez
01:22:07 de la question des institutions supranationales ?
01:22:09 Je pense notamment à l'Union européenne,
01:22:11 parce que c'est vrai qu'il y a un certain nombre
01:22:13 de décisions qui ont été prises
01:22:15 en termes de climat sur le sujet.
01:22:17 Est-ce qu'elles peuvent être un atout
01:22:19 ou au contraire plutôt un handicap
01:22:21 pour cette lutte
01:22:23 contre le réchauffement climatique
01:22:25 ou contre la pénurie énergétique ?
01:22:27 - La question est pour moi.
01:22:29 - Pour les deux, en fait, à vrai dire.
01:22:31 L'Union européenne, en fait,
01:22:33 elle a des avantages et des inconvénients.
01:22:35 Son avantage,
01:22:37 c'est que c'est une technostructure
01:22:39 contrôlée et ex-poste par le politique.
01:22:41 Puisque l'initiative des lois,
01:22:43 c'est-à-dire des directives
01:22:45 et des règlements, appartient à la Commission.
01:22:47 Et derrière, c'est discuté par le Parlement.
01:22:49 Alors ça a un avantage,
01:22:51 cette affaire-là,
01:22:53 c'est que le technocrate de la Commission,
01:22:55 comme il n'est pas élu,
01:22:57 il a la possibilité de penser son texte
01:22:59 en fonction de la réponse
01:23:01 qu'il pense pertinente à apporter à un problème.
01:23:03 La limite de son raisonnement,
01:23:05 c'est qu'il ne raisonne pas nécessairement système.
01:23:07 Donc le technocrate qui réfléchit
01:23:09 à une directive sur le commerce,
01:23:11 il ne cause pas nécessairement au technocrate
01:23:13 qui réfléchit à une directive sur les phytosanitaires,
01:23:15 sur les pesticides,
01:23:17 ou une directive sur le climat.
01:23:19 D'accord ? Donc il n'y a pas nécessairement
01:23:21 la transversalité.
01:23:23 Mais il y a un ordre de réflexion
01:23:25 sur les mesures
01:23:27 qui offre quelque chose de différent
01:23:29 par rapport à ce qu'on fait
01:23:31 dans une démocratie dans laquelle
01:23:33 c'est vraiment le politique qui a l'initiative
01:23:35 des grandes directions.
01:23:37 Et personnellement, je trouve que ça produit
01:23:39 des effets intéressants.
01:23:41 Après, il faut savoir qu'en matière d'environnement,
01:23:43 la quasi-totalité de ce qui aujourd'hui s'applique en France
01:23:45 en fait est d'origine européenne.
01:23:47 C'est-à-dire que les grandes orientations
01:23:49 environnementales qu'on peut avoir en France,
01:23:51 ça n'est que la transposition en droit français
01:23:53 de directive ou de règlement,
01:23:55 qui du coup ne se transposent pas,
01:23:57 qui ont été votés
01:23:59 au niveau européen.
01:24:01 Par contre,
01:24:03 l'Europe aujourd'hui, elle est
01:24:05 "prisonnière de son mandat historique".
01:24:07 Son mandat historique, et du reste,
01:24:09 on l'a rappelé au moment du décès de Jacques Delors,
01:24:11 c'était de favoriser la liberté
01:24:13 du commerce parce que ça favorisait les échanges,
01:24:15 parce que ça faisait que les gens se connaissaient,
01:24:17 et en se connaissant, ils arrêtaient de se taper dessus.
01:24:19 Parce qu'il faut quand même voir que la construction européenne,
01:24:21 elle est née de la boucherie
01:24:23 de la seconde guerre mondiale,
01:24:25 et du plus jamais ça. C'est de là qu'elle est née.
01:24:27 On allait tout partager, comme ça, on allait pas
01:24:29 faire la guerre pour se piquer le charbon,
01:24:31 le fer, l'espace, etc.
01:24:33 Et cette liberté du commerce
01:24:37 à tout va,
01:24:39 elle est aujourd'hui antagoniste de la planification
01:24:41 à long terme
01:24:43 qui nécessite
01:24:45 qu'on remette le producteur
01:24:47 devant le consommateur. Donc la liberté du commerce,
01:24:49 c'est mettre le consommateur devant le producteur,
01:24:51 on se fout de savoir d'où vient le produit,
01:24:53 à la limite on se fout de savoir comment il a été fabriqué,
01:24:55 il faut qu'il soit le moins cher possible, il faut que tout ça circule,
01:24:57 il faut qu'il y ait des flux dans tous les sens, comme ça
01:24:59 les gens se frottent le nez, font des mariages
01:25:01 binationaux, tout ça est très bon,
01:25:03 et assurent la paix. Ce qui n'est pas complètement faux.
01:25:05 Par contre, dans l'autre sens,
01:25:09 le marché il biope,
01:25:11 et donc c'est pas avec du marché que vous planifiez
01:25:13 à 50 ans, et aujourd'hui, pour se sortir
01:25:15 des problèmes que nous avons en face de nous,
01:25:17 on est obligé de planifier à 50 ans.
01:25:19 Donc l'Europe, on voit qu'aujourd'hui, elle marche sur deux pieds
01:25:21 qui ne sont pas coordonnés,
01:25:23 il y a le pied réglementaire environnemental
01:25:25 qui avance plus vite que n'avancerait
01:25:27 les États membres, pris individuellement,
01:25:29 donc l'Europe est plus courageuse dans ce domaine-là,
01:25:31 elle a pris des directives
01:25:33 sur la performance énergétique des bâtiments,
01:25:35 l'obligation de rénovation du tertiaire,
01:25:37 les obligations de déclaration de performance environnementale
01:25:39 des entreprises,
01:25:41 le règlement RICH, un truc absolument
01:25:43 colossal dans le domaine de la chimie,
01:25:45 etc. Donc elle avance,
01:25:47 aucun État pris individuellement
01:25:49 n'aurait voté RICH,
01:25:51 qui était un règlement qui oblige
01:25:53 les chimistes à enregistrer tous les produits
01:25:55 qu'ils produisent, à faire des études
01:25:57 toxicologiques dans tous les sens, etc.
01:25:59 Et
01:26:01 à côté de ça, elle a également
01:26:03 son pied libéral
01:26:05 qui avance et qui n'est pas coordonné avec le pied
01:26:07 réglementaire environnemental. Donc aujourd'hui,
01:26:09 l'Europe, elle n'a pas
01:26:11 vraiment choisi son camp, j'ai envie de dire.
01:26:13 Elle est en train de le choisir de plus en plus,
01:26:15 du côté environnemental, mais elle n'a pas vraiment
01:26:17 choisi son camp. Moi, je pense qu'on pourrait en faire une force.
01:26:19 On pourrait en faire une force,
01:26:21 mais il faudrait revenir devant
01:26:23 le peuple européen et lui dire
01:26:25 au fond qu'est-ce que vous voulez vraiment ?
01:26:27 C'est-à-dire, est-ce que vous voulez le long terme
01:26:29 et la coordination et
01:26:31 du coup, une forme d'augmentation
01:26:33 de la paix, de la sécurité,
01:26:35 d'un minimum
01:26:37 de liberté d'aller et de venir,
01:26:39 d'un minimum d'égalité
01:26:41 entre sexe, social,
01:26:43 d'un minimum, etc.
01:26:45 Ou est-ce qu'on reste dans un système
01:26:47 très liberté du commerce actuel
01:26:49 et à ce moment, c'est le marché qui décide
01:26:51 et s'il nous emmène là où il ne faut pas, vous aurez vos yeux pour pleurer.
01:26:53 Point barre. Si on délocalise,
01:26:55 on délocalise, il n'y a plus d'emploi, il n'y a plus d'emploi.
01:26:57 Je pense qu'aujourd'hui,
01:26:59 on est mûr pour
01:27:01 discuter, au sein de la société civile,
01:27:03 de cette affaire-là.
01:27:05 Je pense que ce serait assez urgent de le faire
01:27:07 parce que je pense qu'il y a un vrai besoin de redéfinition
01:27:09 claire du mandat européen. Au fond, on veut l'Europe.
01:27:11 Pourquoi ?
01:27:13 Je pense que la seule liberté du commerce,
01:27:15 ce n'est plus une réponse satisfaisante.
01:27:17 Du reste, même la Commission elle-même
01:27:19 considère aujourd'hui que ce n'est plus une réponse satisfaisante.
01:27:21 Quand on voit les décisions qu'elle prend vraiment.
01:27:23 Nous avons trouvé notre point de désaccord.
01:27:27 C'est-à-dire que,
01:27:29 dans le désaccord partiel, parce que moi,
01:27:31 je pense que le pied libéral,
01:27:33 la jambe libérale,
01:27:35 de l'Europe, ce n'est pas
01:27:37 sa jambe, c'est son cœur.
01:27:39 Je suis plutôt du côté des analyses
01:27:41 de Coralie de l'Homme sur l'Europe.
01:27:43 Historiquement, c'est son cœur.
01:27:45 Historiquement, c'est son cœur.
01:27:47 C'est-à-dire que c'est inscrit dans les traités.
01:27:49 Il y a même la croissance qui est inscrite dans les traités.
01:27:51 Exactement. Elle est la raison d'être des traités européens.
01:27:53 Il me semble très difficile pour l'Europe
01:27:55 de se réorienter vers autre chose
01:27:57 malgré les bonnes initiatives
01:27:59 en matière de réglementaire
01:28:01 que tu avais citées.
01:28:03 Mais ce serait dans ce cas-là
01:28:05 une Europe complètement différente. Ce serait autre chose.
01:28:07 Parce que l'Europe, c'est finalement des pays.
01:28:09 C'est notre continent. Il ne disparaît pas.
01:28:11 Même le réchauffement climatique ne va pas l'engloutir, je pense,
01:28:13 sous les eaux, en tout cas pas tout de suite.
01:28:15 On peut imaginer des tas de manières
01:28:17 de coopérer pour les États européens
01:28:19 qui ne soient pas forcément
01:28:21 dans les mêmes modalités
01:28:23 que celles de cette
01:28:25 Union européenne-là.
01:28:27 Mais dans son État actuel, sa réorientation totale
01:28:29 vers un fonctionnement
01:28:31 qui serait compatible
01:28:33 avec cette transition me semble très compliqué.
01:28:35 Et puis, si je peux me permettre,
01:28:37 l'Europe, c'est un grand ensemble
01:28:39 qui est essentiellement politique,
01:28:41 qui n'est pas démocratique, et on manque pour l'instant
01:28:43 d'un peuple européen. Donc le fait qu'il n'y ait pas
01:28:45 d'élection, ce n'est pas très démocratie participative.
01:28:47 C'est effectivement
01:28:49 une technocratie non élue
01:28:51 qui prend beaucoup de décisions. Et le problème
01:28:53 dans ça, c'est que oui, quand les choses vont
01:28:55 commencer à se dégrader, dans quelle mesure
01:28:57 on peut à la limite accepter quelque chose
01:28:59 que décide ton gouvernement national, que nous avons élus
01:29:01 tous ensemble, dans quelle mesure les gens
01:29:03 vont continuer à respecter les décisions d'une entité
01:29:05 supranationale qui leur dicte
01:29:07 des choses qui peut-être leur sont préjudiciables ?
01:29:09 Parce qu'en fait, ces pays n'ont pas tous les mêmes intérêts.
01:29:11 Il va y avoir forcément des intérêts divergents.
01:29:13 Et on voit ce que ça donne dès qu'il y a des pays
01:29:15 qui ont besoin absolument, par exemple, de gaz russe.
01:29:17 Et bien, on décide, nous aussi, excluez-nous.
01:29:19 Mais nous, on garde notre accord
01:29:21 bilatéral, parce que c'est comme ça.
01:29:23 Donc, surtout dans une
01:29:25 conjoncture où les choses se dégradent,
01:29:27 ça me semble compliqué,
01:29:29 cette affaire. Mais bon...
01:29:31 Alors, je suis tout à fait d'accord.
01:29:33 Le cœur et les poumons historiques de l'Europe,
01:29:35 c'est le libre-marché.
01:29:37 C'est le libre-marché, oui.
01:29:39 On est tout à fait d'accord. Le traité de Lisbonne,
01:29:41 décortique par Le Manu. Par contre, quand on regarde ce qui se passe
01:29:43 en pratique, aujourd'hui, au sein
01:29:45 de la décision européenne, et je regarde en particulier
01:29:47 dans le domaine de l'énergie,
01:29:49 eh bien, on a commencé
01:29:51 par accepter une première entente
01:29:53 sur le libre-marché, qui étaient les prix garantis pour les renouvelables.
01:29:55 On vient d'étendre ça
01:29:57 au nucléaire. On est en train,
01:29:59 plus largement, de réformer le marché de l'électricité.
01:30:01 Il y a de plus en plus de domaines dans lesquels
01:30:03 on accepte les subventions directes de l'État.
01:30:05 Donc, en fait, il y avait l'esprit
01:30:07 et il y a la lettre.
01:30:09 Et donc, aujourd'hui, quand on regarde les décisions
01:30:11 opérationnelles qui sont prises,
01:30:13 je trouve que le curseur est en train de...
01:30:15 Parce qu'en fait, au regard du traité de Lisbonne, il y a plein de trucs
01:30:17 qu'on décide aujourd'hui, qui, normalement,
01:30:19 ne seraient pas recevables. Tout à fait.
01:30:21 Mais il y a deux traités, en fait, qui, aujourd'hui,
01:30:23 se font concurrence. Il y a la Convention du Climat,
01:30:25 qui est un traité, et puis, il y a le traité
01:30:27 de Lisbonne, qui est un autre traité. Et moi, je trouve
01:30:29 que la concurrence entre les deux, en ce moment,
01:30:31 est en train de nous faire pencher,
01:30:33 et on le voit bien, en plus, dans les envies
01:30:35 d'une partie des...
01:30:37 Alors, "des" peuples européens,
01:30:39 whatever,
01:30:41 de pencher vers un système plus sécurisant.
01:30:43 Et ce système plus
01:30:45 sécurisant, il passe nécessairement
01:30:47 par moins d'incertitudes
01:30:49 et moins les clés laissées
01:30:51 à des systèmes de court terme, donc le marché,
01:30:53 et plus de planifications
01:30:55 et plus de garanties,
01:30:57 en contrepartie d'efforts. Voilà. Et je trouve
01:30:59 que ce basculement, en ce moment, il ne va pas assez vite,
01:31:01 mais quelque part, il est quand même un peu
01:31:03 en train de s'opérer.
01:31:05 Et moi, je ne désespère pas complètement de l'Europe,
01:31:07 parce que, par ailleurs, il faut faire avec ce qu'on a.
01:31:09 Donc, on n'a pas grand-chose
01:31:11 au-dessous de la main, aujourd'hui,
01:31:13 et on ne va pas refaire une deuxième Europe
01:31:15 en 15 jours, demain matin.
01:31:17 Et donc, je pense que d'essayer de favoriser
01:31:19 ce basculement, ce
01:31:21 déplacement du curseur entre...
01:31:23 J'ai un traité qui est la Convention
01:31:25 Climat, j'ai un traité qui est le traité de Lisbonne,
01:31:27 et je donne de plus en plus la priorité à la
01:31:29 Convention Climat, je pense que c'est quelque chose
01:31:31 qui s'argumente, enfin qu'on peut
01:31:33 pousser,
01:31:35 encore une fois, parce qu'il y a des premiers signes
01:31:37 qui vont déjà dans
01:31:39 cette direction. La réponse
01:31:41 de l'Europe à l'Inflation Reduction Act,
01:31:43 qui n'est pas tellement un truc portant sur l'inflation,
01:31:45 accessoirement, américain,
01:31:47 montre bien qu'aujourd'hui, on autorise
01:31:49 des centaines de milliards d'euros
01:31:51 de subvention directe des Etats à des investissements
01:31:53 productifs. C'est exactement ce qu'on est en train
01:31:55 de faire en ce moment. Alors, il faut que ce soit
01:31:57 les bons. On est bien d'accord.
01:31:59 Mais ça montre qu'il y a un petit
01:32:01 rubicon qui a été franchi, quand même, je pense,
01:32:03 dans ce qui est en train de se passer en pratique.
01:32:05 À voir.
01:32:09 Ah, c'est pas une garantie pour l'avenir.
01:32:11 Parce que pour les prix de l'énergie, par exemple,
01:32:13 la France, il y a aussi beaucoup de voix
01:32:15 qui appellent à sortir du marché régulier
01:32:17 de l'énergie européenne.
01:32:19 Oui, je suis d'accord. On n'a pas gagné
01:32:21 demain matin. Mais je dis juste
01:32:23 qu'au moins le débat existe aujourd'hui,
01:32:25 alors que je pense qu'il y a 20 ans,
01:32:27 il n'y avait même pas ce débat-là,
01:32:29 il n'y avait même pas ces signaux faibles-là.
01:32:31 Parfait. Alors, on arrive
01:32:33 au terme de cet entretien. J'ai une dernière
01:32:35 question à vous poser en
01:32:37 guise de conclusion, on va dire.
01:32:39 J'ai regardé récemment
01:32:41 une intervention du physicien Etienne Klein,
01:32:43 qui était
01:32:45 très, très pessimiste sur
01:32:47 la chance d'aboutir dans la lutte
01:32:49 contre le réchauffement climatique.
01:32:51 En clair, il ne croyait pas une seconde.
01:32:53 Alors du coup, je vous pose la question
01:32:55 à tous les deux, est-ce que vous y croyez ?
01:32:57 Je pense que la question est plus pertinente
01:33:03 quand on parle aux vrais spécialistes du climat.
01:33:05 Parce que moi, j'exploite des informations de seconde main
01:33:07 en essayant de choisir
01:33:09 des informations fiables. Mais moi-même, je ne suis pas
01:33:11 spécialiste du climat. Mais vous l'avez dit
01:33:13 vous-même tout à l'heure, mon livre est assez pessimiste.
01:33:15 Il ne brille pas par
01:33:17 un optimisme débridé.
01:33:19 En fait, quand on regarde
01:33:21 l'histoire, on n'a pas énormément
01:33:23 d'exemples où les groupes humains
01:33:25 étendus, j'entends pas
01:33:27 une famille, mais un pays, un État
01:33:29 ou même, je sais pas, un clan,
01:33:31 aient réussi à
01:33:33 effectivement parer aux dangers qui
01:33:35 s'annonçaient. En général, les gens
01:33:37 s'adaptent à postériori.
01:33:39 Moi, je crois dans les capacités du
01:33:41 genre humain à s'adapter. Le genre humain
01:33:43 est une espèce fondamentalement
01:33:45 capable d'adaptation
01:33:47 et très inventive
01:33:49 et pleine de ressources.
01:33:51 Elle en a vu d'autres dans son histoire.
01:33:53 Elle a failli disparaître plein de fois, etc.
01:33:55 Donc, à mon avis,
01:33:57 il vaut mieux compter
01:33:59 sur une adaptation ex post.
01:34:01 Je partage
01:34:03 un peu l'avis
01:34:05 de ce physicien pessimiste. Je pense
01:34:07 qu'il y a peu de chance qu'on y arrive avant.
01:34:09 On peut peut-être freiner un peu, mais éviter,
01:34:11 c'est pas possible, à mon avis.
01:34:13 En revanche, je pense que
01:34:15 si l'effondrement n'est pas absolu et total,
01:34:17 qu'il y a toute vie qui disparaît sur Terre,
01:34:19 ce qui est quand même... Bon, on va peut-être pas aller jusque-là.
01:34:21 Je crois à la possibilité, à la capacité du genre humain
01:34:23 ensuite de s'adapter, de trouver de nouvelles réponses
01:34:25 dans cette nouvelle configuration.
01:34:27 Voilà.
01:34:29 Donc, en gros, il faut accrocher les ceintures,
01:34:31 essayer de réduire la casse autant que possible
01:34:33 et... voilà.
01:34:35 Et ensuite, on repartira.
01:34:37 - Alors, toute la question est de savoir qui est où.
01:34:39 Parce que le genre humain
01:34:41 passera sans problème à travers
01:34:43 le réchauffement climatique. La question est de savoir
01:34:45 si c'est 8 milliards, 6 milliards, 4 milliards,
01:34:47 2 milliards ou 500 millions de personnes qui passeront à travers.
01:34:49 Voilà. Le genre, je n'ai absolument
01:34:51 aucune angoisse. Le genre passera
01:34:53 à travers. On est une espèce tellement ubiquiste
01:34:55 et tellement adaptable que...
01:34:57 j'ai aucun... voilà.
01:34:59 Par contre, est-ce que la totalité des gens qui vont nous écouter
01:35:01 passeront tous indemne à travers ?
01:35:03 Ça, je sais pas.
01:35:05 Et est-ce que la totalité de leurs enfants passeront tous indemne à travers ?
01:35:07 Ça, je sais pas.
01:35:09 Voilà. Est-ce que la totalité des gens qui le connaissent
01:35:11 sont des gens avec lesquels... pas sûr.
01:35:13 Donc, moi, j'ai envie de dire
01:35:15 à la limite, ce qu'on croit, c'est pas tellement le sujet.
01:35:17 Pour moi,
01:35:19 le sujet, c'est que l'arbitrage
01:35:21 dans lequel on essaye de s'occuper du problème
01:35:23 est toujours... enfin, ou l'option dans laquelle
01:35:25 on essaye de s'occuper du problème est toujours une option plus payante
01:35:27 que l'option dans laquelle on n'essaie pas de s'en occuper,
01:35:29 quoi qu'il se passe derrière.
01:35:31 Et si... parce que là, je suis
01:35:33 aussi partiellement pessimiste.
01:35:35 C'est évident qu'on va prendre des baffes.
01:35:37 On va pas éviter des baffes.
01:35:39 On commence déjà à en prendre.
01:35:41 Et incidemment,
01:35:43 les décideurs seront les derniers à en prendre,
01:35:45 parce qu'en général, les décideurs, c'est des gens riches de centre-ville,
01:35:47 c'est-à-dire que c'est des gens qui sont matériellement
01:35:49 loin des contingences
01:35:51 et physiquement loin de là où ça se passe.
01:35:53 Et donc, c'est les derniers à se rendre compte
01:35:55 avec leur sens de ce qui est en train de se passer.
01:35:57 D'accord ?
01:35:59 C'est un peu comme les passagers de première classe du Titanic, là.
01:36:01 Donc... Non, mais...
01:36:03 Alors que ceux qui étaient dans les soutes,
01:36:05 ils ont vu un peu plus vite
01:36:07 qu'il y avait un problème.
01:36:09 Et ils ont payé un peu plus vite les conséquences aussi.
01:36:11 Donc,
01:36:13 un des problèmes de ce qui est en train
01:36:15 de se passer aujourd'hui, c'est que
01:36:17 l'évolution qui a déjà commencé à se produire,
01:36:19 parce que j'insiste, elle a déjà commencé à se produire,
01:36:21 le réchauffement climatique, il a déjà commencé
01:36:23 à faire des gens pas heureux.
01:36:25 Des gens qui perdent leur récolte
01:36:27 ici, des gens qui
01:36:29 sont victimes de grandes sécheresses là.
01:36:31 Il n'y a qu'à lire les actualités.
01:36:33 Regardez ce qui se passe au Maghreb, regardez ce qui s'est passé en Espagne
01:36:35 l'été dernier, regardez ce qui s'est passé en Italie,
01:36:37 regardez ce qui s'est passé au Bangladesh, regardez...
01:36:39 Enfin, il n'y a qu'à lire.
01:36:41 Mais ça,
01:36:43 ce n'est pas les décideurs. D'accord ?
01:36:45 Les décideurs, ils sont au chaud, ou au froid,
01:36:47 ça dépend de la saison, et ils mangent à leur faim.
01:36:49 Donc,
01:36:51 un des dangers pour moi,
01:36:53 c'est le temps qu'il va falloir à ces gens-là
01:36:55 pour réaliser ce qui est déjà en train de se passer.
01:36:57 Et en fait, comme le disait
01:36:59 Vera, c'est clair que
01:37:01 comme des animaux, on fait
01:37:03 confiance à nos sens, on fait un peu moins confiance aux
01:37:05 constructions intellectuelles qui nous parlent d'un truc qui
01:37:07 ne s'est pas encore produit, on est comme ça.
01:37:09 Et ce qui
01:37:11 est important, c'est que
01:37:13 en fait, le plus tôt possible,
01:37:15 les gens réalisent que c'est déjà
01:37:17 en train de se produire à petite échelle,
01:37:19 et que ça ne fait que préfigurer ce qui se passera plus
01:37:21 tard à beaucoup plus grande échelle.
01:37:23 Tant qu'il y a de la vie,
01:37:25 il y a de l'espoir. Donc moi, j'ai envie de dire
01:37:27 tant qu'on peut
01:37:29 essayer de faire en sorte
01:37:31 qu'on évite une partie des emmerdements, il faut le faire.
01:37:33 Et par ailleurs, ce n'est pas du temps de perdu,
01:37:35 parce que ça nous rend plus forts
01:37:37 pour gérer les emmerdements le jour où ils vont vraiment
01:37:39 nous tomber dessus. D'accord ? Le fait de les
01:37:41 avoir vu venir, d'en avoir parlé,
01:37:43 de commencer, etc.,
01:37:45 ça nous rendra un peu plus durs à la peine
01:37:47 le jour où il faudra gérer pour de vrai,
01:37:49 parce que je suis d'accord avec elle,
01:37:51 on ne va pas éviter toutes les baffes, on est quand même
01:37:53 partis pour en prendre un certain nombre.
01:37:55 Bon, ce sera la conclusion
01:37:57 de cet entretien. Je vous remercie tous les deux.
01:37:59 Je rappelle votre livre
01:38:01 "Véronikolsky, féminicène aux éditions
01:38:03 Vaillard",
01:38:05 votre bande dessinée "Le monde sans fin"
01:38:07 Jean-Marc Jancovici. Merci
01:38:09 à tous les deux. Merci Véronikolsky,
01:38:11 merci Jean-Marc Jancovici,
01:38:13 et merci chers téléspectateurs d'avoir assisté à cet entretien.

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