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Dans son édito du 09/12/2023, Mathieu Bock-Côté revient sur «Les 50 ans de l'archipel du goulag»

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Transcription
00:00 Solzhenitsyn, pour moi, c'est non seulement un grand écrivain,
00:02 si on le sait, mais c'est le grand dissident du XXe siècle.
00:05 C'est la figure qui incarne de la plus belle manière la dissidence,
00:08 le courage, un courage absolu devant l'existence.
00:11 Son œuvre, je ne raconterai pas parce que le temps me manque,
00:13 l'histoire de l'archipel du Goulag.
00:15 C'est un témoignage sur le Goulag.
00:16 Qu'est-ce que c'était?
00:17 C'est le système concentrationnaire qui définit la nature profonde
00:21 du régime soviétique, du régime communiste.
00:24 Donc un système de camp de rééducation par le travail
00:27 où il s'agissait de purger la société de ses éléments négatifs
00:30 en les laissant de côté.
00:31 Et en dernière instance, c'est un système aussi d'élimination
00:34 des éléments, des tendances contradictoires de la société.
00:37 Et Solzhenitsyn a percé le mystère du totalitarisme
00:40 et on doit lui en être infiniment reconnaissant.
00:42 Il dit qu'est-ce que c'est le totalitarisme?
00:44 C'est l'institutionnalisation du mensonge.
00:46 Je reviens souvent sur ça parce que c'est fondamental.
00:49 Solzhenitsyn a cette formule, je la rapporte maladroitement,
00:51 mais vous comprendrez l'idée.
00:53 C'est, il dit, « ils mentent, nous savons qu'ils mentent,
00:56 ils savent que nous savons qu'ils mentent,
00:58 mais à la fin, ils mentent encore. »
01:01 Eh bien, ça, je pense que Solzhenitsyn l'a nommé.
01:03 Et ensuite, des figures comme Orwell, Miloš, Köstler
01:08 et bien d'autres ont été capables d'avoir percé
01:11 le génie maléfique du totalitarisme.
01:14 Et si on se pense sur Solzhenitsyn aujourd'hui,
01:16 et c'est une chose qu'on doit faire absolument,
01:18 c'est pour retrouver justement dans nos sociétés,
01:20 et je reviendrai, de quelle manière cette tentation du mensonge
01:24 s'est redéployée dans des sociétés qui, certes,
01:26 se passent de goulag, je ne fais pas un clé d'oeil
01:28 à un ouvrage en particulier ici,
01:29 mais qui ont renoué avec cette tentative d'institutionnalisation
01:34 pour ça d'une forme de réalité falsifiée.
01:36 Parce que qu'est-ce que c'est le mensonge?
01:37 Si vous avez une réalité devant vous, elle est brutale,
01:40 mais vous avez un mythe, une idéologie, un dogme,
01:43 et il faut sauver le dogme à tout prix,
01:46 et plus l'écart entre le dogme et la réalité se creuse,
01:49 et plus il faut, je dirais, imposer de manière brutale
01:53 et même autoritaire, s'il le faut, le dogme.
01:55 Hier, c'était le communisme,
01:57 aujourd'hui, c'est le régime diversitaire,
01:59 et de ce point de vue, Solzhenitsyn nous permet de penser
02:03 les temps présents, même si je sais que cette affirmation
02:05 peut être contredite.
02:07 - Mais cette histoire n'est plus la nôtre.
02:09 Est-ce que la dissidence a encore un sens en Occident aujourd'hui,
02:12 Mathieu Bocotin? - Plus que jamais.
02:13 Vous savez, il y a deux mythes bizarres et un peu,
02:16 à mon avis, débiles qui se sont effondrés ces dernières années.
02:18 C'est celui de la fin de l'histoire,
02:20 c'est le thème de Fukuyama, qui est un livre, par ailleurs,
02:22 plus intéressant que son titre, et la fin des idéologies,
02:25 la vieille thèse de Daniel Bell, qui disait qu'on était
02:26 dans un monde, aujourd'hui, asséché d'idéologies.
02:29 C'est faux. Il y a une idéologie dominante,
02:31 c'est l'idéologie diversitaire.
02:32 Il y a aujourd'hui une tentation autoritaire
02:34 et même totalitaire plus vive qu'hier,
02:36 et il y a aussi une répression de ceux
02:39 qui n'acceptent pas ce discours.
02:40 J'aimerais parler un instant de ce qu'on appelle
02:42 la mouvance dite identitaire, que je ne réduirais pas
02:45 à cette caricature qu'on appelle l'ultra-droite.
02:47 Aujourd'hui, il y a une volonté de plus en plus marquée
02:49 d'interdire une idéologie, de condamner à la déchéance
02:53 sociale, mais aussi à la déchéance civique
02:55 et à la déchéance juridique de leurs droits,
02:57 ceux qui s'opposent à l'idéologie diversitaire.
03:00 On l'a vu, je l'ai souvent évoqué,
03:02 mais je vais le redire ici.
03:03 Ce colloque vénère, Dominique Vénère, consacré à l'historien,
03:06 dont les préférences idéologiques ne sont pas les nôtres,
03:08 disons-le, mais 10 ans après son suicide,
03:11 ce colloque est organisé, et le colloque est interdit
03:14 parce que pourrait s'y tenir des propos contraires
03:16 à la loi Pleven, parce que pourrait s'y tenir
03:18 des propos contraires à la loi.
03:20 Pour moi, c'est un tournant.
03:21 Quand on a des manifestations interdites,
03:23 parce que ceux qui veulent organiser ces manifestations-là
03:25 ont une étiquette qui est jugée extrême-droite,
03:27 et dans l'ordre, vous avez perte de droit civique
03:29 parce que vous avez cette étiquette.
03:30 Quand des processions religieuses sont interdites,
03:32 quand des discours sont interdits parce que présentés
03:34 comme des discours haineux,
03:36 quand les commodités élémentaires de la vie,
03:37 avoir un compte en banque, avoir un appartement,
03:39 avoir accès à un emploi, c'est compromis
03:41 parce que vous avez une sale étiquette
03:42 qui vous a été collée par, souvent,
03:43 des journalistes de gauche qui sont des commissaires politiques.
03:45 Alors, tout ça nous rappelle que pour comprendre
03:47 les temps présents, seule jellicine est nécessaire.
03:50 Et ce dont je me désole, c'est que c'est au nom
03:52 de la démocratie libérale aujourd'hui
03:53 qu'on déchoit des individus de leurs droits,
03:56 peu importe ce qu'on pense de leurs idées.
03:57 [Musique]
04:01 [SILENCE]

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