Turquie : dérives et opportunisme de la politique économique d'Erdogan [Alexandre Mirlicourtois]

  • l’année dernière
Aussitôt réélu, le Président Erdogan a opéré un virage à 180 degrés dans la conduite de sa politique monétaire. Une politique hétérodoxe, aux antipodes des principes économiques, résumée en ce mantra : les taux d'intérêt élevés alimentent l'inflation, il est donc impératif de les maintenir à bas niveau. Un dogme repris durant la campagne électorale et ce serment du Président-candidat : la Banque centrale ne relèvera pas son taux directeur tant qu'il sera au pouvoir. Durant son précédent mandat, les gouverneurs opposés à cette thèse ont en fait les frais : trois ont été limogés entre 2019 et 2021. Les conséquences de cette obstination aveugle ont pourtant contraint à une volte-face. Une nouvelle équipe d'économistes, en partie formés à Wall Street, a pris les rênes de l'Institution monétaire et du ministère des Finances. Les décisions n'ont pas tardé à tomber : le taux directeur est passé de 8,5 à 35% en 5 mois. Un record en si peu de temps, preuve de l'urgence. Il est certes toujours possible d'opposer aux détracteurs du Président Erdogan, ses performances obtenues en termes de croissance et d'emplois : le PIB turc a, après tout, progressé sur une base annuelle de 4,6% entre 2018 et 2023 malgré la crise sanitaire. [...]

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00:00 [Générique]
00:09 Aussitôt réélu, le président Erdogan a opéré un virage à 180° dans la conduite de sa politique monétaire.
00:16 Une politique éthorodoxe aux antipodes des principes économiques.
00:20 Résumé en ce mantra, les taux d'intérêt élevés alimentent l'inflation.
00:25 Il est donc impératif de les maintenir à bas niveau.
00:28 Un dogme repris durant la campagne électorale et ce serment du président candidat,
00:33 la Banque centrale ne relèvera pas son taux directeur tant qu'il sera au pouvoir.
00:38 Durant son précédent mandat, les gouverneurs opposés à cette thèse ont en fait les frais.
00:42 Trois ont été limogés entre 2019 et 2021.
00:46 Les conséquences de cette obstination aveugle ont pourtant contraint à une volte aux faces.
00:52 Une nouvelle équipe d'économistes, en partie formés à Wall Street,
00:55 ont pris les rênes de l'institution monétaire et du ministère des Finances.
01:00 Les décisions n'ont pas tardé à tomber.
01:03 Le taux directeur est passé de 8,5% à 35% en cinq mois.
01:07 Un record en si peu de temps.
01:09 Preuve de l'urgence.
01:11 Il est certes toujours possible d'opposer au détracteur du président Erdogan
01:15 ses performances obtenues en termes de croissance et d'emploi.
01:18 Le PIB turc aura après tout progressé sur une base annuelle de 4,6% entre 2018 et 2023,
01:26 malgré la crise sanitaire.
01:28 En face, l'Europe ne fait pas la figure, bloquée autour de 20%.
01:32 La croissance turque a été de plus suffisante pour générer suffisamment d'emplois
01:36 afin d'absorber la hausse de la population active et faire refluer le taux de chômage.
01:42 Mais c'est un miroir aux alouettes.
01:44 L'édifice mis en place repose sur un crédit bancaire dynamique.
01:47 Bon marché.
01:48 C'est très efficace pour soutenir la consommation, l'investissement et la croissance.
01:52 Les gonfles hypsofactos, la masse monétaire est nourrie d'une spirale inflationniste infernale.
01:58 En hausse officiellement de près de 85% en octobre 2022,
02:02 l'inflation est redescendue de façon opportune pendant la campagne présidentielle
02:07 avant de remonter pour se fixer aux alentours de 60%.
02:11 Pour éviter la montée de la colère sociale,
02:13 l'exécutif s'est alors lancé dans une série de revalorisations du salaire minimum,
02:18 peu avant les échéances électorales.
02:20 Bilan, le coût horaire du travail a explosé, nourrissant en retour la hausse des prix.
02:26 La flambée de l'inflation, cela se pécache sur le marché des changes.
02:29 La rémunération des placements turcs s'est dégradée vis-à-vis des placements alternatifs,
02:34 poussant les investisseurs à fuir la livre et contraignant la banque centrale à intervenir.
02:39 Cette double boucle prix-salaire et taux de change prix,
02:43 qui a fait dégénérer l'inflation en hyperflation,
02:45 a fait fuir les investissements étrangers pourtant essentiels
02:49 à une économie dont les déficits courants s'empilent depuis des années.
02:53 La restauration de la crédibilité de la banque centrale devient donc impérative,
02:58 ce qui explique le revirement du président.
03:01 Il devra certainement aller plus loin.
03:03 Sous-indexation des salaires au prix.
03:06 Et/ou orientation monétaire encore plus restrictive,
03:10 le taux d'intérêt réel étant toujours très négatif.
03:12 Et/ou ancrage de la livre au dollar pour faire disparaître
03:16 les anticipations de dépréciation de change sans autant d'options possibles,
03:20 mais cela se paiera par de la croissance en moins.
03:23 Satisfait, cite pour le président,
03:25 le FMI et la Banque mondiale sont désormais prêts à venir en soutien,
03:28 signe d'une crédibilité retrouvée.
03:30 Une croissance tirée par le crédit, c'était le plus court chemin pour obtenir des résultats.
03:35 Le reniement actuel du chef de l'État montre que c'était une voie sans issue
03:39 pour valoriser les nombreux atouts d'un pays au-delà même de sa situation géographique.
03:44 Un vaste marché intérieur composé de 85 millions d'habitants,
03:47 une population jeune, formée, inscrite,
03:51 une large base industrielle et exportatrice complétée d'un important secteur touristique de qualité,
03:56 d'un tissu entrepreneurial dynamique et enfin une diaspora importante,
04:01 des ressources toujours aujourd'hui largement sous-exploitées.
04:05 [Musique]
04:08 !

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