Ayyam Sureau, philosophe, fondatrice et directrice de l'Association Pierre Claver et Thibault de Montbrial, avocat au barreau de Paris, président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure, sont les invités du Débat du jour.
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00:00 Ce matin alors que le projet de loi immigration de Gérald Darmanin est au Sénat, sur le
00:04 volet intégration de ce texte, on a déjà beaucoup parlé des mesures de durcissement,
00:10 expulsion et autres, mais qu'en est-il des mesures visant à mieux intégrer les étrangers
00:15 auxquels et/ou sera reconnu le droit de vivre en France ? On en débat donc avec Ayam Suro,
00:22 présidente de l'association Pierre Clavert qui aide à l'intégration des réfugiés
00:27 en France et avec Thibault Demontbrial, avocat président du Centre de réflexion sur la
00:34 sécurité intérieure.
00:35 Bonjour à tous les deux, merci d'être là, entrons dans le vif du sujet.
00:39 D'abord autour de l'article 3 de ce projet de loi qui est arrivé au Sénat hier, Gérald
00:43 Darmanin a résumé les choses sur France 2 il y a deux jours, les français veulent
00:48 pouvoir accueillir la nounou, le serveur du restaurant et ils veulent pouvoir éloigner
00:52 les délinquants, c'est ça que veut mon texte.
00:54 Être plus dur contre les étrangers délinquants, tous les expulser et en même temps comprendre
00:58 qu'il y a des personnes qu'on doit régulariser.
01:01 C'est sur ces personnes que porte l'article 3, cet article dont la droite ne veut pas
01:05 et dont vous ne voulez pas non plus Thibault Demontbrial.
01:07 Je ne le veux pas, je ne suis pas sûr qu'au fond de lui-même Gérald Darmanin le veuille,
01:11 soit dit entre nous.
01:12 Il va faire de l'exégèse de ce qu'il veut.
01:15 Ce sont les joies dues en même temps, or je pense que la question de l'immigration
01:19 en général est une question de souveraineté qui ne peut pas se régler à l'émotion
01:23 et qui ne peut pas se régler sur le "en même temps".
01:26 Alors pourquoi est-ce que je suis résolument hostile à l'article 3 ? C'est qu'il y a
01:31 globalement une quasi unanimité pour considérer que la question de l'immigration aujourd'hui
01:37 est une question stratégique pour les années qui viennent pour la France.
01:42 Il y a beaucoup de problèmes qui sont liés à notre incapacité à intégrer plus et
01:46 on va en parler sur les conditions de l'intégration.
01:47 Mais avant de discuter des conditions de l'intégration, il y a une question de flux et de stock.
01:51 Or l'article 3, par la régularisation qu'il propose, instaure une prime à la fraude.
01:56 C'est-à-dire que si vous êtes entré de façon irrégulière en France, finalement
01:59 vous avez eu raison.
02:00 Ensuite, il offre une nouvelle possibilité de venir avec un nouveau visa sur les métiers
02:06 dits en tension.
02:07 Mais dès lors qu'on ne gère pas les questions de sortie, c'est-à-dire de fin du tuyau,
02:11 vous avez des gens qui vont venir grâce à ce nouveau visa et qui ensuite, à l'expiration
02:15 de ce visa, resteront et retournent au problème précédent, augmentation du stock.
02:21 Et puis j'ajoute juste un point, c'est que le chômage des étrangers en France, il
02:24 est de 14 à 15% et il est le double du chômage des Français.
02:28 Donc faisons déjà travailler, par le biais de formation, par le biais de tout un tas
02:32 de choses qui peuvent être mises en œuvre, les gens qui sont déjà là, avant d'en
02:35 faire venir de nouveaux.
02:36 Alors vous êtes d'accord sur un point, c'est qu'il ne faut pas traiter l'immigration
02:38 de manière émotionnelle, vous l'aviez écrit à Yann Sureau.
02:41 Mais pour autant, faut-il traiter le problème comme le fait Thibault de Montréal en parlant
02:44 de flux et de stock ?
02:46 J'ai tout à fait renoncé à m'arrêter aux mots.
02:51 Il y a une chose qui me paraît assez claire, c'est que les flux migratoires sont présentés
02:58 depuis 20 ans comme une fatalité.
03:00 Et ça c'est la grande supercherie des 20 dernières années, c'est que l'Europe
03:06 prétend appliquer le droit d'asile, en réalité elle s'autorise une immigration
03:11 du travail dissimulée.
03:12 Ça c'est la source du problème.
03:16 Et donc cela soustrait, comme vous venez de le dire, le problème de l'immigration
03:21 à la souveraineté nationale.
03:22 Puisqu'on dira aux Français, mais vous comprenez, on a signé la convention de Genève,
03:26 mais vous comprenez, ce sont des pauvres gens qui fuient la guerre, etc.
03:29 Nous savons tous, aujourd'hui ça n'est plus un secret, que les gens viennent demander
03:36 l'asile parce qu'ils n'ont pas d'autres moyens de venir.
03:40 Et du moment que l'Europe a interdit l'immigration pour encourager la fluidité intérieure,
03:47 mais continue à admettre des étrangers sans abstention de visa, puisque les demandeurs
03:53 d'asile sont les seuls à être exemptés de visa.
03:56 Par cela, nous encourageons les milliers de naufrages et nous allons en encourager
04:02 davantage.
04:03 Nous sommes co-responsables de ces naufrages parce que nous avons institué l'immigration
04:07 illégale.
04:08 Alors venir dire maintenant que nous allons, sans changer les lois, c'est-à-dire sans
04:14 mettre fin à cette absurdité qui date d'une convention dans un contexte de guerre froide,
04:21 où en effet on ne pouvait pas demander à un dissident du bloc de l'Est d'aller
04:26 dans une ambassade française demander un visa, ça c'était tout à fait impossible.
04:29 Ou bien les millions de personnes apatrides au moment de la choc.
04:34 La question c'est comment sont-ils arrivés, pourquoi sont-ils arrivés ?
04:40 Ce qu'il faut faire d'abord c'est mettre fin à cette incroyable supercherie, à cette
04:46 incroyable hypocrisie qui consiste à faire venir sous prétexte humanitaire des personnes
04:51 que nous voulons employer à bas prix, des gens bon marché, dociles sur le marché,
04:56 que nous avons fait plusieurs fois dans l'histoire.
04:58 Ce n'est pas la première fois.
04:59 Il faut arrêter ça.
05:00 D'abord il faut arrêter ça.
05:02 Et rétablir une immigration du travail de manière à appliquer avec la plus grande
05:06 rigueur le droit d'asile qui est le plus haut accomplissement de la civilisation.
05:11 Si je résume ce que vous venez de dire, et on va être d'accord, retour aux fondamentaux
05:17 sur les critères d'attribution de l'asile et pour le reste des quotas annuels ou triannuels
05:22 selon les propositions d'immigration choisie par la représentation parlementaire en fonction
05:27 des besoins économiques.
05:28 On prend chaque année les parlementaires votent des quotas du Canada, de l'Algérie.
05:39 C'est ça que vous voulez.
05:40 Ça c'est pour résoudre quoi ? Le problème du travail en France.
05:42 Oui, c'est ce dont vous venez de parler.
05:43 C'est le problème du travail en France.
05:45 Mais ça ne résout pas le problème dont vous avez parlé, c'est-à-dire celui de
05:48 la formation, celui du chômage.
05:50 Cette loi que nous sommes en train de discuter évacue complètement les problèmes existants
05:55 de la France, les problèmes d'intégration de la société depuis 50 ans et les problèmes
06:01 d'accès à l'emploi, de formation, etc.
06:04 Ce n'est pas du tout une question d'étranger.
06:05 Il y a des éléments.
06:06 Les étrangers qui demandent une première carte de séjour pluriannuelle devront avoir
06:12 un niveau minimum de connaissance de la langue française qui sera fixée par décret.
06:16 Est-ce que ça, c'est une bonne chose ?
06:18 Mais comment ? C'est incroyable que ce ne soit pas déjà le cas.
06:20 Le simple fait qu'en 2023 on se pose la question, c'est incidérant.
06:23 Pourquoi est-ce que c'est l'objet d'une loi ?
06:26 Parce que ce n'était pas une obligation, c'était une incitation, je crois.
06:29 Je pense qu'une directive administrative aurait suffi.
06:32 Il y a aussi que tous les étrangers qui demandent une carte de séjour doivent s'engager
06:37 à respecter les principes de la République, liberté d'expression, égalité femmes-hommes,
06:41 devises et symboles de la République.
06:43 Là aussi, comment on vérifie ?
06:45 Je ne sais pas comment on le vérifie, mais ça devrait être une évidence.
06:49 Et c'est intéressant que le sujet soit en débat.
06:52 L'un des grands tabous, c'est quand même l'énorme difficulté d'intégration
06:56 d'un certain nombre de gens pour des raisons culturelles.
06:58 Et d'ailleurs, sur un point qui est très précis et qui moi me frappe beaucoup, c'est
07:03 le comportement vis-à-vis des femmes.
07:05 Et pas simplement le comportement, le fait qu'il y a beaucoup de gens qui viennent
07:09 notamment d'Afrique subsaharienne, qui ne savent pas comment on se comporte avec des
07:13 femmes en Occident, pour qui l'égalité homme-femme est quelque chose qui est tout
07:17 simplement inconcevable, et qui ont beaucoup de mal à s'intégrer dans une société
07:22 où la femme est l'égal de l'homme, et qui ont beaucoup de mal à s'intégrer
07:26 dans une société où la sexualité de l'homme et de la femme n'est pas la même que celle
07:29 qu'ils connaissent.
07:30 Aïe Amsuro, vous travaillez depuis des années dans l'association Pierre Clavert.
07:33 A cette intégration, c'est vrai qu'on répète de manière, et nous les médias,
07:38 de manière un peu pavlovienne, oui, l'intégration ne se fait plus en France.
07:41 Pourquoi elle se faisait il y a 40 ans ? Pourquoi est-ce qu'il y a 40 ans, notre modèle
07:45 républicain universaliste était adopté par les étrangers qui venaient et aujourd'hui
07:48 ils le refusent ?
07:49 Quelle est votre réponse ? Et qu'est-ce qui marche ? Vous qui faites les choses concrètement.
07:54 Il y a plusieurs choses.
07:55 D'abord, l'intégration ne marche pas en France depuis 50 ans, pas depuis deux minutes.
08:01 Elle ne marche pas du tout en France, et nous venons de découvrir dans les semaines qui
08:05 sont passées, une société française, ghettoisée, fragmentée, qui n'a rien en commun sur son
08:14 rapport à l'histoire, son rapport au droit, son rapport à la religion.
08:18 Vous parlez d'Israël Gezal ?
08:19 Bien sûr, et je parle de ceux dont nous sommes témoins et qui est sans rapport avec
08:22 l'étranger.
08:23 Passer cette loi maintenant et donner l'impression qu'en expulsant l'étranger, on va expulser
08:29 le mal de la société française, c'est tout de même un peu cynique et un peu indigne,
08:35 je trouve.
08:36 C'était une loi qui était prévue avant les événements du 7 octobre, il est sûr.
08:39 Est-ce que vous êtes d'accord que le problème de l'intégration est un problème qui dure
08:42 depuis 50 ans ?
08:43 Je ne peux pas ne pas être d'accord avec vous.
08:46 Thibault Montbrial dit que le principal problème est culturel, est-ce que vous êtes d'accord
08:50 avec ça ?
08:51 Quand on dit qu'il est culturel, il ne faut pas être essentialiste.
08:54 Les gens ne sont pas essentiellement nés avec un ADN insupportable à la France, ce
09:01 n'est pas vrai.
09:02 Nous travaillons en effet à l'association Pierre Clavert depuis 15 ans à l'intégration.
09:06 Nous travaillons avec patience et avec courage.
09:10 Quand nous nous trouvons en face de quelqu'un qui réellement a des convictions opposées
09:16 aux nôtres, vous savez ce qu'on fait ?
09:17 On le convainc, on le transforme parce que nous sommes tout à fait persuadés d'être
09:23 les plus forts.
09:24 C'est quoi ? C'est par la langue, le travail, l'amitié ?
09:27 Ce que vous voyez dans cette loi et ce que l'on voit le plus souvent, c'est une sorte
09:31 de catéchisme républicain qui est un véritable intégrisme.
09:34 Inclinez-vous devant le drapeau, la laïcité c'est formidable, la femme illégale de
09:38 l'homme, comme si ces valeurs n'avaient pas d'histoire en France.
09:41 Comme si les Français eux-mêmes ne s'étaient pas opposés précisément pour les faire
09:45 vaincre.
09:46 Est-ce que l'égalité…
09:47 Oui mais maintenant il faut les protéger.
09:49 Bien sûr, mais il faut aussi savoir que ces valeurs dites universelles, nous les avons
09:54 conquises à travers l'histoire par le débat et la dissidence de gens qui ne pensaient
09:59 pas comme la plupart des gens dans la République.
10:02 C'est très intéressant ce que vous dites parce que je suis d'accord avec vous mais
10:05 il y a une distinction que j'aimerais faire, c'est la distinction entre le traitement
10:09 des individus et le traitement des masses.
10:10 Ce que vous faites vous avec votre association qui est formidable et que je salue, c'est
10:14 un travail absolument essentiel mais c'est un travail face à des individualités.
10:18 Il n'y a pas d'autre travail.
10:20 Oui, il n'y a pas d'autre travail.
10:21 Le problème c'est qu'à partir d'un certain stade, d'un certain nombre de gens
10:25 qui sont de cultures différentes, les gens ont tendance ou sont contraints à, c'est
10:29 un autre débat, se regrouper et vous avez un moment où un seuil minimal dans un pays
10:34 de gens qui sont culturellement différents et qui ont des standards culturellement différents
10:38 et dont certains sont hostiles aux pays d'accueil dans lesquels ils ne sont que pour des raisons
10:42 économiques mais pas du tout pour des raisons d'adhésion au mode de vie et au système
10:45 politique, ça peut produire des déstabilisations.
10:48 Malheureusement, il y a beaucoup d'exemples dans l'histoire et je le dis parce qu'il
10:52 ne faut pas tourner autour du pot pendant 107 ans, la question de l'islamisme en France
10:55 et des dégâts politiques et de violences qui en résultent est une question qui est
11:00 fondée sur cet effet masse de l'immigration.
11:02 La question de l'islamisme c'est celle qui est visée par ce texte sans être jamais
11:06 nommée.
11:07 Or c'est une question pour le coup assez contemporaine, c'est-à-dire que c'est
11:12 une question qui ne concerne pas la religion musulmane comme telle, telle qu'elle était
11:18 pratiquée par exemple il y a plus de 50 ans, mais le contexte actuel, c'est-à-dire
11:23 que l'islamiste aujourd'hui est à peu près le nouveau communiste, c'est-à-dire
11:28 quelqu'un qui obéit aux ordres de Moscou et qui sans un regard pour le goulag, les
11:33 injustices, les crimes commis par le communisme, continue à vouloir appliquer le communisme
11:37 en France.
11:38 Et ça c'est très difficile.
11:40 Nous sommes dans un contexte extrêmement différent où l'islam politique n'est
11:44 même plus une religion mais une idéologie de combat.
11:46 - Mais on est d'accord.
11:47 - A laquelle il faut résister.
11:48 - Mais donc il faut empêcher que deviennent plus de gens qui sont susceptibles d'y succomber.
11:54 - Mais comment vous faites, vous dites on les convainc par exemple quand vous êtes
11:58 face à un afghan, pour prendre une question concrète, quand vous êtes face à un afghan
12:01 islamiste, puisque vous en avez j'imagine à Pierre Clavert, comment vous faites pour
12:07 le convaincre ? Les valeurs de la république ou les valeurs universalistes sont les mêmes.
12:10 - D'abord quand j'ai un afghan islamiste devant moi, je ne l'expulse pas, je le garde.
12:14 Je le garde à l'œil.
12:15 Je le garde.
12:17 Parce que c'est très dangereux.
12:18 Et que penser que expulser aujourd'hui en 2023 quelqu'un pour qu'il ne représente
12:23 plus un danger pour la France, c'est une des plus grosses conneries que l'on puisse
12:26 faire.
12:27 - Moi je préfère un danger à 9000 kilomètres qu'un danger sur mon territoire.
12:30 - Parce que vous pensez que les attentats qui ont été commis en France n'ont pas
12:32 été commis grâce à des personnes qui étaient à l'extérieur ?
12:34 - Avec le relais de ceux qui sont sur notre territoire.
12:36 - Avec le relais de ceux qui sont sur notre territoire.
12:37 Mais il faut, vous savez, je suis plutôt pour une très grande fermeté sur le crime.
12:43 Maintenant, ce dont nous parlons c'est pas ça.
12:46 Ce dont nous parlons c'est l'écart de culture.
12:49 - Ce dont nous parlons c'est la possibilité du crime.
12:51 - La possibilité du crime n'est pas encore, on n'est pas coupable d'être capable de
12:56 crime.
12:57 - On a une culpabilité politique si l'on ne voit pas que l'effet masse peut conduire
13:00 au crime de masse.
13:01 - Là c'est passionnant mais malheureusement on avait passé le temps.
13:03 Donc on vous réinvite la semaine prochaine puisqu'on n'a pas fini d'en parler.
13:06 Et on reprendra directement de ça.
13:08 Comment on fait pour intégrer ? C'est la vraie question.
13:11 (Narrateur) Ayam Suro merci, Thibaut Demontbrial également.