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Republication d'une vidéo censurée par YouTube et publiée à titre de rétrospective le 14 octobre 2023

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00:00 ...
00:21 -Bienvenue sur le plateau d'"Interdit d'interdire",
00:24 l'éternel conflit israélo-palestinien
00:27 repris depuis lundi
00:28 par une roquette tirée par le Hamas.
00:30 Israël répond par des bombardements de la bande de Gaza.
00:33 Mais pourquoi se battons-nous cette fois ?
00:35 Et pour obtenir quoi ?
00:37 La solution à deux Etats est abandonnée.
00:39 La diplomatie est au point mort depuis 20 ans au moins.
00:42 Les pays qui soutiennent la cause palestinienne
00:45 sont de plus en plus rares.
00:47 Que peuvent espérer les Palestiniens en 2021
00:50 et les Israéliens ? Que veulent-ils ?
00:52 Et qu'est-ce qui pourrait mettre fin à tant de haine ?
00:55 Pour en débattre, nous avons invité Rony Broman.
00:58 Vous avez été président de Médecins sans frontières
01:01 de 1982 à 1994.
01:02 Vous faites partie des auteurs du livre collectif
01:05 intitulé "Pour les Palestiniens",
01:08 qui était paru aux éditions autrement en 2014.
01:11 Vous avez signé l'appel de plus de 40 personnalités,
01:13 paru le 11 mai, dans l'Humanité,
01:15 adressé à Emmanuel Macron, exhortant la France
01:18 à "cesser de se taire", je vous cite,
01:21 au pire, à "continuer de renvoyer dos à dos
01:24 "agresseurs et agressés", je cite toujours.
01:27 Rony Broman, si vous deviez expliquer
01:29 ce qui se passe en quatre ou cinq phrases
01:31 à un Chinois ou à un Indien,
01:33 qui, par leur poids démographique,
01:35 devront peut-être être amenés, finalement,
01:38 à trancher ce conflit qui s'éternise,
01:41 vous leur diriez quoi ?
01:43 -Aux Chinois et aux Russes, je ne sais pas trop,
01:48 parce que leur politique habituelle
01:50 ne m'inspire pas plus que cela,
01:52 mais à quelqu'un qui ne connaît pas
01:54 la compétence de ce conflit,
01:56 je dirais qu'il résulte d'une longue occupation,
01:59 peut-être la plus longue de l'époque moderne,
02:02 d'une politique d'expulsion
02:05 qui va avec,
02:07 et je parlerais des exactions
02:11 commises dans le cadre de cette occupation,
02:15 qui en sont, disons,
02:17 les produits dérivés inévitables.
02:20 Et à cela, j'ajouterais, en une seule phrase,
02:23 qu'il faut aussi tenir compte
02:25 des luttes de pouvoir internes
02:28 du côté israélien comme du côté palestinien,
02:31 lesquelles ne font qu'aviver encore ces tensions,
02:35 mais bien antérieures à ces luttes de pouvoir.
02:38 -Guyl Mirahé-Ly,
02:39 directeur de la publication du magazine "Causeur",
02:42 directeur de la rédaction de la revue "Conflit",
02:45 qui traite de géopolitique.
02:46 Vous êtes franco-israélien, mais vous vivez en France depuis 20 ans.
02:51 Vous avez un article intitulé
02:52 "Israël-Gaza, le Hamas a renversé la table".
02:56 Même exercice, si vous deviez expliquer ça
02:59 à un Chinois, un Indien ou un Brésilien
03:01 peu familiarisé avec ce conflit
03:04 qui, nous, on le connaît depuis 70 ans,
03:08 plus de 70 ans, maintenant, vous lui diriez quoi ?
03:11 -Que c'est l'énième cycle de violences
03:16 dans un conflit qui dure depuis un siècle,
03:20 entre deux communautés, deux peuples,
03:23 dont chacune des communautés
03:28 a sa part de vérité,
03:30 sa part de droit,
03:33 que ces conflits étaient longtemps caractérisés
03:37 par des guerres entre Etats,
03:41 presque 50 ou 60 ans,
03:44 et que depuis une dizaine d'années, une quinzaine d'années,
03:47 les deux communautés,
03:49 quand la dimension étatique du conflit
03:53 a été plus ou moins réglée par des accords
03:55 entre l'Etat d'Israël et les différents Etats arabes,
03:58 les deux communautés se retrouvent de nouveau tête à tête,
04:02 comme dans les années 20, les années 30,
04:05 avec la même impossibilité
04:08 de concilier deux vérités et deux droits.
04:11 -Thomas Fescovi, chercheur en histoire contemporaine,
04:15 vous êtes l'auteur de "L'échec d'une utopie,
04:18 "une histoire des gauches en Israël",
04:20 qui vient juste de paraître à la découverte.
04:22 Vous êtes également l'auteur de "La mémoire de la Nakba en Israël,
04:25 "le regard de la société israélienne sur la tragédie palestinienne".
04:29 C'était paru à l'Armatan.
04:30 Et comme Rony Broman,
04:32 vous avez signé l'appel paru dans l'Humanité le 11 mai.
04:34 Même exercice, vous expliqueriez ça comment
04:37 à quelqu'un qui n'en a pas vu,
04:39 qui n'en connaît pas tous les tenants et les aboutissants ?
04:42 -Je rappellerais d'abord que l'Etat d'Israël
04:45 est né en 1948 dans le cadre d'une guerre.
04:49 Ce n'est pas le seul Etat au monde à être né dans le cadre d'une guerre,
04:52 mais cette guerre a permis à Israël d'exister,
04:55 mais a conduit le peuple palestinien,
04:57 qui vit sur cette terre depuis également des siècles,
05:03 à devoir la quitter, à être expulsé.
05:05 On a eu à peu près 800 000 Palestiniens
05:08 qui ont été expulsés en 1948.
05:10 Et le problème, c'est que cette situation n'a jamais été réglée.
05:14 C'est-à-dire qu'Israël est né en voulant être une démocratie,
05:17 mais vu qu'elle est née sur une injustice qui n'a jamais été réglée,
05:20 c'est-à-dire cette expulsion-là,
05:21 elle est contrainte de vivre indéfiniment avec son épée, si vous voulez.
05:25 Parce qu'elle sait que régulièrement, il y aura des tensions,
05:29 des mouvements de protestation, de colère,
05:31 et face à ça, au lieu de respecter le droit international
05:35 et de, on va dire, aller vers une pacification des relations,
05:41 nous avons depuis 1948 une succession de droits qui n'est pas respecté,
05:45 d'injustices qui sont multipliées, et surtout un processus de colonisation
05:49 qui aujourd'hui prend la forme, selon l'ONG Human Rights Watch,
05:54 je vous invite à aller voir le rapport qui est paru cette année,
05:56 qui prend la forme d'une situation d'apartheid,
05:59 de la Méditerranée au fleuve Jourdain,
06:01 sur les Palestiniens, alors à différents niveaux, à différents degrés,
06:04 mais en tout cas, une occréation qui continue
06:06 et qui continuera avec des mouvements de révolte
06:08 tant que le droit, malheureusement, ne sera pas respecté.
06:11 – Alain Dikhoff, vous êtes directeur de recherche au CNRS,
06:14 vous faites de la sociologie politique sur l'État d'Israël
06:18 et le conflit israélo-palestinien depuis de nombreuses années,
06:21 vous avez beaucoup écrit sur le sujet,
06:22 on vous doit notamment "L'État d'Israël" chez Fayard
06:26 et "Le conflit israélo-palestinien",
06:28 20 questions pour vous faire votre opinion,
06:31 c'est paru chez Armand Colin, même exercice, en quelques phrases,
06:36 comment vous expliqueriez ce conflit à quelqu'un
06:40 qui n'en a jamais entendu parler ?
06:42 – Je lui dirais une chose très simple,
06:47 c'est un conflit qui met en prise deux peuples qui veulent la même terre.
06:54 Le philosophe allemand, juif allemand, Martin Buber,
06:58 avait écrit cela il y a fort longtemps, dans les années 40,
07:03 et je crois qu'il avait tout à fait saisi déjà l'essence de ce conflit.
07:08 Dans une situation comme cela, il n'y a que deux solutions,
07:13 soit un des deux peuples emporte l'emporte sur l'autre
07:17 et donc finalement est en mesure d'imposer
07:22 ou de mettre en œuvre son projet politique au détriment de l'autre,
07:25 ou l'autre solution, c'est le compromis,
07:27 c'est-à-dire qu'on partage la terre en deux,
07:32 en deux États, l'État d'Israël et un État palestinien,
07:34 il n'y a pas d'autre alternative.
07:37 – Alors justement, on se demande si c'est toujours bien
07:40 le même conflit éternel entre les Israéliens et les Palestiniens,
07:44 on se souvient qu'au départ c'était un conflit de territoire,
07:47 effectivement, mais c'était un conflit politique,
07:49 un conflit de souveraineté, à qui appartient cette terre
07:51 et qui est souverain sur cette terre, sur cette partie du territoire.
07:55 Aujourd'hui on a l'impression qu'il y a deux nationalismes religieux
07:58 qui s'affrontent, d'un côté le Hamas,
08:02 mais de l'autre côté des nationalistes religieux israéliens.
08:06 Alain Dikoff, je vous redonne la parole
08:09 parce que c'est vous qui avez travaillé sur cet angle-là,
08:12 comme s'il y avait un nouveau sionisme, c'est le terme que vous employez.
08:16 – Alors je pense en effet, les adversaires ne sont plus tout à fait les mêmes,
08:25 cela dit, si on remonte, disons, sans remonter vraiment à l'origine,
08:31 au tout début du XXe siècle, à la fin du XIXe siècle,
08:36 mais juste dans les années 50, le conflit était aussi,
08:40 et nous le savons tous, très vivace,
08:42 simplement dans les années 50, il mettait aux prises déjà deux nationalismes,
08:47 un nationalisme juif, sioniste, et un nationalisme arabe,
08:53 qui était représenté de façon évidemment éminente par Nasser.
08:56 Mais ces nationalismes-là, à l'époque,
08:58 ils étaient, on pourrait dire, globalement séculiers,
09:01 ils faisaient très peu référence aux religieux.
09:04 C'est ça qui a changé, c'est-à-dire qu'à partir des années 1970,
09:08 ce nationalisme laïcisan, disons, a progressivement laissé la place
09:13 à un nationalisme qui est devenu de plus en plus marqué en effet
09:16 par une dimension religieuse, liée aussi à la sacralité de la Terre,
09:23 à l'évidence, et donc qui empêche, à partir de ce moment-là,
09:27 toute vérité véritable de compromis,
09:29 parce que s'il y a une chose que des religions poussées à l'absolu
09:35 et surtout à la politisation partagent,
09:38 même si elles sont différentes,
09:40 c'est qu'elles sont dans des logiques d'absolu,
09:43 et quand on est dans la logique d'absolu, on ne peut plus relativiser,
09:46 et donc on ne peut plus faire de compromis.
09:49 C'est la situation dans laquelle on se trouve aujourd'hui.
09:52 Ça ne veut pas dire que dans les années 1950 et 1960,
09:54 c'était toujours facile.
09:55 Il y a eu énormément de guerres israélo-arabes,
09:58 mais il y avait quand même une possibilité de faire vraiment de la politique.
10:02 Je crois qu'aujourd'hui, cette possibilité est beaucoup plus ténue
10:05 du fait de cette montée des nationalismes religieux, en effet.
10:08 Thomas Vescovy, vous êtes d'accord ?
10:12 Je suis d'accord, après j'ai envie de dire que même s'il y a une évolution,
10:16 il y a quand même une base de colonisation qui demeure,
10:19 et surtout, je pense que le profond changement,
10:22 je le daterais disons des années 80-90.
10:25 C'est-à-dire que du côté israélien, on a eu à ce moment-là
10:29 une profonde remise en question dans sa société
10:32 de la manière dont la politique était menée.
10:34 C'était un petit peu les prémices du début de ce qu'allait devenir Oslo,
10:38 c'est-à-dire un questionnement sur la toute-puissance militaire,
10:41 sur la montée de la colonisation
10:44 dans le contexte également de la guerre avec le Liban,
10:47 et cela a mené à Oslo, ça a été un échec,
10:50 et au lendemain d'Oslo, on a eu en Israël
10:52 vraiment une profonde évolution idéologique, je pense,
10:55 où Israël, depuis sa création,
10:58 demandait à être reconnu en tant qu'État,
11:00 simplement en tant qu'État, le droit à exister au Moyen-Orient.
11:03 Au lendemain de l'échec d'Oslo, et à partir des années,
11:06 donc début 2000 avec la seconde intifada,
11:08 on a vu arriver en Israël,
11:10 notamment avec quelqu'un comme Ariel Sharon,
11:12 l'idée qu'Israël devait être reconnu comme l'État du peuple juif.
11:15 C'est une démarche vraiment religieuse,
11:17 et afin également de s'insérer dans un espèce de choc des civilisations.
11:21 Vous auriez d'un côté une civilisation judéo-chrétienne
11:24 aux prises avec un monde musulman menaçant.
11:27 Et dans ce prisme-là, si vous regardez bien,
11:29 Sharon, par exemple, disait que les États-Unis ont Ben Laden,
11:32 eux ont Arafat.
11:34 Cela a permis à Israël d'aller sur un terrain de plus en plus religieux,
11:38 favorisant également du côté palestinien
11:40 ceux qui également ont une nature religieuse du conflit.
11:42 Les deux s'auto-alimentant,
11:44 sauf que celui qui a le plus d'emprise sur ça,
11:46 c'est évidemment la puissance occupante.
11:48 Et cela va dériver aujourd'hui avec un Benjamin Netanyahou,
11:50 qui à mon avis, d'une certaine manière, un héritier d'Ariel Sharon,
11:54 qui a une emprise de plus en plus importante
11:56 sur les sphères religieuses israéliennes, ce sont leurs alliés.
11:59 Et je pense qu'on y reviendra plus tard,
12:00 mais par exemple, quelqu'un comme Itamar Ben Gvir,
12:03 qui est actuellement accusé par le chef de la police israélienne
12:06 d'avoir en grande partie alimenté les tensions à Jérusalem
12:10 et de conduire à ce qu'on a aujourd'hui en termes de tensions et de guerres,
12:14 Ben Gvir est un allié de Netanyahou, c'est un colon,
12:17 il vit à Hébron, c'est un nationaliste religieux,
12:19 et il est parti prenant d'une potentielle prochaine coalition gouvernementale
12:24 en Israël.
12:25 Et là, je pense qu'on a effectivement une modification, vous l'avez dit.
12:28 Sauf que la base même pour le Palestinien qui vit là-bas
12:30 et également pour le militant de gauche israélien qui lutte,
12:34 ça reste quand même la fin de la colonisation,
12:36 la fin de l'occupation et surtout, je rappelle,
12:38 le respect du droit international.
12:40 Ça par contre, ça ne change pas.
12:42 -Gilmirelli ?
12:43 -Je pense que c'est vrai que pour le nationalisme palestinien
12:53 comme le nationalisme israélien,
12:55 la montée de l'élément religieux est un fait important
13:00 et structurant depuis quelques décennies.
13:02 Mais il ne faut pas oublier que ce n'est pas le seul.
13:05 Et si c'est vrai que Netanyahou a fait entrer dans le jeu
13:12 Itamar Ben Gvir qui est l'héritier de Kahana
13:17 et son idéologie raciste,
13:19 c'est le même Netanyahou qui a légitimé l'équivalent
13:23 de frères musulmans en Palestine,
13:25 qui est le membre du Knesset Abbas.
13:30 C'est le même Netanyahou qui disait il y a quelques années
13:34 que les Arabes bougent en masse vers les urnes.
13:39 C'est le même qui les a délégitimés.
13:41 C'est le même qui les a légitimés il y a trois ou quatre mois
13:44 parce qu'il pensait que sans eux, il n'y aurait pas de majorité.
13:48 Donc il ne faut pas oublier qu'à côté de l'idéologie,
13:51 de la religion et tout cela, il y a aussi la politique.
13:57 Et pour revenir à cela,
13:59 la radicalisation de la société israélienne
14:03 depuis une vingtaine d'années est liée
14:07 d'une manière, je dirais, très importante,
14:11 à une crispation qui commence avec le retrait de Liban
14:16 qui n'amène pas la paix.
14:18 Il n'y a pas de colonisation au Liban
14:21 et Israël n'occupe plus un mètre carré des territoires libanais.
14:25 Ce qui n'empêche pas le Hezbollah
14:28 de déjouer la haine et la guerre contre Israël
14:31 jusqu'à sa destruction.
14:34 En 2005, Israël se retire unilatéralement de la Vendée-Gaza.
14:39 Il n'y a plus de présence israélienne à Gaza
14:44 et aussi de quelques colonies du nord de la Cisjordanie.
14:47 C'est unilatéral, très bien.
14:49 Ça ne suffit pas, très bien.
14:51 Mais c'est certainement quelque chose qui va dans le bon sens.
14:54 En plus, c'était Arik Sharon qui l'a fait.
14:58 Quelle est la réponse ?
14:59 Les Palestiniens votent majoritairement pour les Hamas
15:03 en janvier 2006.
15:04 Les Hamas ont fait un putsch à Gaza en 2007.
15:09 Ils vont tellement loin que c'est l'autorité palestinienne
15:13 qui a mis hors la loi les Hamas en juin 2007.
15:17 Les Hamas étaient mis hors la loi par Mahmoud Abbas en 2007.
15:22 On n'oublie pas ça. Il ne faut pas oublier ça.
15:24 Gaza est devenue une base d'élan de roquettes contre Israël.
15:32 Face à ces sept ans de déceptions,
15:37 la base de ce qu'on appelait les camps de la paix en Israël s'est écroulée.
15:44 Si on rajoute après tous les autres éléments sociologiques,
15:48 on arrive à un électorat qui est clairement de droite,
15:51 même si depuis deux ans, on a quatre élections.
15:54 La seule question, c'est oui ou non à Netanyahou,
15:58 parce que sinon, on a à peu près 70 % ou 75 %
16:02 de l'électorat israélien qui est pour un gouvernement de droite.
16:06 Donc oui, la dimension religieuse est importante,
16:10 mais je ne pense pas qu'elle est déterminante.
16:15 -Rony Bremann ?
16:16 -Je nuancerai les propos de monsieur...
16:24 Dikhoff et Vescovi, même si je suis grosso modo d'accord,
16:28 pour dire que tout de même, dès le début,
16:30 nous sommes confrontés à une question religieuse,
16:35 puisque il y a un mouvement nationaliste,
16:39 qui est le sionisme, dans ses différentes composantes,
16:46 qui a d'ailleurs éliminé de ses composantes
16:50 ceux qui, en son sein, estimaient que le sionisme
16:53 avait une certaine légitimité historique, morale, culturelle,
16:58 qui a éliminé des gens comme Martin Buber,
16:59 dont il était question tout à l'heure,
17:02 parce que Martin Buber, comme d'autres,
17:04 comme Yehuda Magnès, comme Hannah Arendt,
17:07 avaient conscience de l'existence d'une population sur la terre
17:10 que les sionistes entendaient s'approprier,
17:12 ou en tout cas, sur laquelle ils entendaient se développer,
17:15 et qu'ils étaient partisans d'une discussion
17:18 et d'une installation négociée, préparée,
17:22 donc construite politiquement,
17:23 et non pas une installation par les armes.
17:27 Mais je vais sur le point religieux.
17:30 Je rappelle tout de même que même si les pères fondateurs d'Israël,
17:35 je pense évidemment à Ben-Gurion, n'étaient pas religieux,
17:38 même si, d'une certaine manière,
17:40 ils avaient un certain mépris pour la religion,
17:43 le titre de propriété qu'ils brandissaient
17:46 pour réclamer la propriété de l'occupation de cette terre,
17:50 c'était tout de même l'Ancien Testament.
17:52 L'Ancien Testament, que je sache,
17:54 c'est un livre religieux, fondamentalement religieux,
17:58 et s'ils ont été soutenus par un certain nombre de groupements religieux,
18:01 comme par exemple aujourd'hui les évangéliques et les néoévangéliques,
18:05 eh bien c'est bien du fait de cette réclamation
18:10 de la terre promise par Dieu.
18:13 Donc on est d'emblée dans quelque chose de religieux.
18:15 Et puis par ailleurs, ça n'est peut-être pas si grave que cela.
18:19 Là, je voudrais…
18:21 Je hasarde une hypothèse, je ne suis pas du tout…
18:24 Je ne m'estime pas comme un spécialiste
18:26 où je ne pense pas avoir une espèce de vérité surplombante là-dessus,
18:30 mais lorsqu'on voit que Jérusalem, pendant des siècles et des siècles,
18:34 a été le lieu d'une coexistence tout de même relativement paisible
18:41 des trois grandes religions monothéistes,
18:44 on peut penser que le fait qu'un conflit ait une dimension religieuse
18:48 n'est pas nécessairement l'annonce d'une montée inéluctable aux extrêmes.
18:54 Et on voit, enfin je vois surtout du côté israélien,
18:57 parce que je connais moins bien de l'autre côté,
18:59 mais du côté israélien, le président de l'État,
19:03 qui est pourtant l'Ikout, qui porte Kippa,
19:04 qui est un national religieux au sens strict,
19:07 qui dans son parcours de président a pris plusieurs initiatives
19:11 concernant les Palestiniens, qui étaient tout à fait honorables,
19:14 voire même émouvantes, reconnaissance d'exaction de massacres,
19:18 reconnaissance de leur existence comme étant une existence nationale
19:22 et pas des squatteurs comme un certain nombre de sionistes le pensent,
19:27 de même Avrambourg, de l'autre côté du spectre politique,
19:29 ancien directeur de l'Agence juive, ancien président de la Knesset,
19:33 qui lui-même est dans une perspective post-sioniste tout en étant religieux.
19:39 Et puis on sait qu'Arafat est passé de communiste aux frères musulmans.
19:42 Donc moi, il me semble que oui, il y a cette dimension religieuse
19:47 inscrite profondément dès la naissance d'Israël,
19:52 qu'elle n'a fait que s'accroître, que s'approfondir,
19:55 et là je rejoins tout à fait ce qui a été dit,
20:00 mais que, peut-être pour garder une lueur d'espoir,
20:04 que ce n'est pas pour cela que nous sommes promis
20:08 à la catastrophe apocalyptique.
20:12 – Alors la personnalité de Netanyahou,
20:15 qui est au pouvoir depuis très longtemps maintenant en Israël,
20:18 est très souvent mise en cause.
20:21 Ce serait la politique de Netanyahou, au fond,
20:24 que de faire laisser pourrir la situation,
20:26 et en fait, il serait responsable de tous les micros événements
20:32 qui ont mené à cette reprise du conflit.
20:35 Vous êtes d'accord Alain Dikhoff ?
20:39 – Non, je pense qu'il ne faut pas charger Netanyahou de tous les mots,
20:47 dans le sens où il a évidemment une part d'inresponsabilité
20:51 dans la politique qui est menée, puisqu'il est Premier ministre depuis 2009,
20:57 mais c'est le reflet d'une évolution en profondeur
21:02 de la société israélienne,
21:05 à partir du moment où les responsables politiques sont élus,
21:09 ce qui est le cas en Israël,
21:10 ils sont le reflet d'une majorité qui se dégage en leur faveur.
21:15 Donc cette majorité s'est dégagée à la faveur de Netanyahou,
21:18 en tous les cas de son camp, globalement, depuis 2009,
21:22 et ça c'est le reflet d'une évolution sociologique,
21:25 pour moi, en profondeur, de la société israélienne
21:27 au cours des 20 dernières années,
21:30 qui fait que, là je parle de la société israélienne juive,
21:34 c'est-à-dire des 80% de citoyens juifs de l'État d'Israël,
21:39 et donc pas des 20% citoyens arabes
21:41 qui sont dans une logique politique tout à fait différente,
21:45 mais pour les 80% des citoyens juifs,
21:47 il est très clair qu'ils votent majoritairement
21:52 pour des partis qui sont à droite,
21:54 le Likoud évidemment, dont le chef est Netanyahou,
21:56 mais d'autres partis qui sont beaucoup plus à droite encore,
22:01 comme le parti des sionistes religieux aujourd'hui,
22:03 qui n'a plus grand-chose à voir avec le sionisme religieux des années 60,
22:06 qui était beaucoup plus pragmatique.
22:08 Et donc l'évolution sociologique, simplement pour aller à l'essentiel,
22:14 il y a trois secteurs importants dans la société israélienne aujourd'hui
22:17 qui sociologiquement penchent à droite,
22:20 c'est les milieux, disons, populaires séfarades,
22:25 qui sont fidèles au Likoud et au parti chasse,
22:29 qui est un parti ultra-orthodoxe,
22:31 qui est un petit peu…
22:32 qui sont clairement du côté de la droite.
22:36 Il y a ensuite les ultra-orthodoxes,
22:41 qui certes ne sont pas engagés politiquement
22:47 dans un activisme messianique comme les sionistes religieux,
22:50 c'est important à dire,
22:52 mais qui politiquement s'allient à la droite depuis très longtemps.
22:56 Et enfin, il y a les juifs originaires de l'ancienne Union soviétique,
23:00 qui, à la différence des ultra-orthodoxes
23:04 ou même des sionistes religieux, ne sont pas religieux,
23:06 ils sont vraiment laïcs de façon écrasante,
23:09 mais sont en même temps nationalistes,
23:11 et donc se retrouvent là aussi, je dirais, du côté de la droite.
23:14 Donc si vous prenez en compte ces trois groupes sociologiques
23:19 qui constituent la société israélienne aujourd'hui,
23:22 ce n'est pas les seuls évidemment,
23:23 mais ces trois groupes importants démographiquement également,
23:26 eh bien vous comprenez très bien qu'électoralement,
23:31 il soit dominant et que depuis 2001,
23:35 il n'y a plus eu un Premier ministre qui était issu de la gauche,
23:38 même si on l'entend en sens relativement large du terme,
23:41 mais en tous les cas, issu du Parti travailliste.
23:44 Voilà, donc ça, c'est une réalité,
23:45 et Netanyahou, quelque part,
23:46 est une sorte d'incarnation de ce phénomène.
23:49 Si ce n'était pas Netanyahou, ce serait quelqu'un d'autre.
23:52 Évidemment, il peut avoir des talents "politiques" qui lui sont propres,
23:57 mais il est quand même le représentant d'une tendance
23:59 qui le dépasse très largement,
24:01 et donc quelque part, il est l'incarnation.
24:04 Thomas Vescovy, il reste deux minutes avant la pause, je vous les donne.
24:08 Oui, merci.
24:09 Il y a quand même une part de responsabilité
24:12 qu'on peut attribuer à Netanyahou,
24:13 c'est d'avoir profondément, je pense,
24:15 participé à la radicalisation de la scène politique israélienne.
24:18 Non pas qu'il en ait seul responsable,
24:19 mais il y a en tout cas clairement participé.
24:22 C'est-à-dire que si vous prenez depuis 2009,
24:25 il a mis en avant des hommes politiques israéliens
24:28 de plus en plus à droite, de plus en plus, on va dire, radicalisés.
24:32 Il a également institutionnalisé l'apartheid, d'une certaine manière,
24:35 à l'été 2018, avec la loi d'internation du peuple juif,
24:38 ce qui lui est beaucoup reproche aujourd'hui.
24:41 Et surtout, on ne peut pas non plus nier que Netanyahou,
24:43 je l'ai expliqué tout à l'heure,
24:44 dans l'héritage un petit peu d'Ariel Sharon,
24:46 a cette idée que finalement, en Israël,
24:49 ce qui compte, ce n'est pas tant que le pays soit démocratique,
24:52 mais c'est que le pays reste juif coûte que coûte.
24:54 Et c'est sous Netanyahou qu'on a eu quand même un ensemble de lois
24:57 qui ont été passées, qui musèlent en partie l'opposition,
25:00 notamment de défense des droits des Palestiniens,
25:02 où les ONG sont accusées de trahison, sont pointées du doigt,
25:06 avec un climat vraiment délétère.
25:08 Il faut observer ce que c'est en Israël aujourd'hui,
25:10 qu'être un militant juif israélien de défense des droits des Palestiniens.
25:14 C'est de plus en plus compliqué,
25:15 et ça, Netanyahou, il a évidemment participé.
25:18 Et actuellement, je ne dirais pas qu'il laisse pourrir,
25:20 je dirais qu'il a un intérêt,
25:22 c'est de radicaliser encore plus le discours pour s'assurer une place au pouvoir.
25:26 On l'a vu depuis maintenant un mois et demi,
25:27 il aurait pu demander à ses alliés, Kahanist et Bengvir,
25:30 d'arrêter un petit peu, d'alimenter les tensions, etc.
25:33 Il a laissé faire complètement,
25:35 au profit évidemment d'une accélération des événements et de tensions qui montent.
25:39 Et maintenant, qu'est-ce qu'il récolte ?
25:41 Eh bien, on a des anciens opposants à lui de droite
25:42 qui se rallient progressivement à Netanyahou
25:45 pour dire que face à la situation d'insécurité que vit Israël,
25:48 il faut former un gouvernement uniquement de droite,
25:51 et Netanyahou risque là-dedans de tirer son épingle du jeu.
25:54 Donc, je ne pense pas non plus qu'il faille le charger de tout,
25:57 mais il ne faut pas non plus le déresponsabiliser.
25:58 C'est quelqu'un qui, en Israël, a fait face à une opposition politique
26:02 historique dans l'histoire du pays,
26:04 et qui arrive à se maintenir au pouvoir par des coups politiques
26:07 de plus en plus hasardeux, de plus en plus belliqueux,
26:11 et je pense qu'Israël et les Israéliens, en tout cas majoritairement,
26:14 aimeraient son départ, mais l'opposition est bien trop hétéroclite
26:17 et divisée pour ça pour l'instant.
26:19 On fait une pause, on continue ce débat juste après.
26:22 ...
26:35 -On reprend ce débat sur le conflit israélo-palestinien
26:38 avec René Broman, avec Guille Michaéli,
26:41 Thomas Vescovy et Alain Dicoff.
26:43 Guille Michaéli, qu'est-ce que vous diriez
26:46 à un Palestinien aujourd'hui ?
26:47 Qu'est-ce qui pourrait le dissuader de se révolter
26:51 contre l'occupation israélienne,
26:53 contre l'État d'Israël en général ?
26:55 Qu'est-ce qui peut en attendre ?
26:58 -Je voudrais, si vous me permettez,
27:04 me révenir à la question précédente,
27:06 parce que je la trouve très intéressante
27:08 sur la responsabilité de Netanyahou.
27:11 En 2006, après le premier départ d'Ariel Sharon,
27:17 il a eu un AVC,
27:18 il y avait des élections en Israël,
27:21 c'était le pire score dans l'histoire de l'Écoute.
27:25 Je pense qu'ils avaient moins de 10 membres du Parlement,
27:28 c'est inouï.
27:29 Et c'est à partir de ce moment-là
27:32 qu'avec l'enlèvement des soldats chalites en juin 2006,
27:37 la première guerre,
27:39 le premier cycle de violence avec les Gazas qui en suivent,
27:43 et la guerre au Liban,
27:45 parce que les Hezbollah voulaient se joindre à la danse
27:48 et en profiter,
27:49 ça a décrédibilisé les héritiers d'Ariel Sharon
27:54 dans les centres-droites,
27:56 et qu'à partir de ce moment-là,
27:58 la montée de Hamas accompagne la montée
28:02 et le renforcement de Netanyahou
28:06 jusqu'à la semaine dernière.
28:08 Il y avait, il y a 10 jours, une chance,
28:12 j'étais un peu dubitatif,
28:13 mais il y avait une chance d'un gouvernement alternatif
28:17 pour remplacer Netanyahou au pouvoir.
28:20 Personne ne sait si ça pouvait aboutir,
28:24 si oui, pour combien de temps, mais il y avait une alternative.
28:27 Mercredi, après 48 heures de violence,
28:31 cette alternative s'est évanouie.
28:35 Donc, on peut très bien se demander si ce n'est pas le Hamas
28:41 qui sauve Netanyahou chaque fois et qui alimente, disons, sa base,
28:46 et que si ça n'arrache pas, si ça n'arrache pas les Hamas,
28:50 d'avoir un tel adversaire.
28:52 Pour ce qui concerne votre question,
28:58 qui est une excellente question,
29:01 et qu'on peut changer ce que j'aurais fait
29:03 si j'étais moi palestinien,
29:06 en fait, je ne sais pas.
29:08 En tant que quelqu'un qui a du respect
29:12 pour les sentiments nationaux,
29:14 pas comme idéologie, mais comme en fait.
29:17 En tant qu'historien, je reconnais que c'est les faits majeurs,
29:20 c'est les sentiments nationaux,
29:21 c'est l'élément qui organise notre monde
29:25 depuis au moins un siècle, sinon un petit peu plus.
29:28 On ne sait pas créer des systèmes de solidarité
29:34 hors l'état-nation.
29:37 On ne sait pas penser des groupes humains,
29:40 des dizaines ou des centaines de millions de personnes
29:43 hors le paradigme national.
29:47 Et donc, je ne peux très bien comprendre
29:49 que quand il y a plus d'un nation,
29:51 il y a parfois un conflit.
29:55 Donc, je ne saurais pas quoi dire.
29:58 Je pense,
30:01 en même temps, que les...
30:11 Si, par exemple, on prend le...
30:14 On fait un pas de côté pour parler de ce qui se passe en Irlande,
30:18 un autre conflit très long, que l'on a pensé, est temps,
30:22 et on voit qu'avec le Brexit,
30:25 l'Ebrez commence à rougir de nouveau.
30:29 Donc, nous sommes dans des situations
30:34 sans véritable solution,
30:36 qu'il faut savoir gérer
30:39 avec le plus de doigté et d'intelligence.
30:43 Je ne vois pas comment on peut faire autrement
30:48 dans l'absence de bases politiques
30:53 pour un compromis.
30:56 -René Broman, un peu la même question,
30:57 mais sachant que la solution diplomatique
31:01 est au point mort depuis très, très longtemps,
31:04 qu'est-ce qu'on peut dire aujourd'hui à un jeune Palestinien ?
31:08 Qu'est-ce que vous lui diriez ?
31:11 -D'abord, j'enregistrerai aussi le fait
31:14 que la diplomatie a fait la preuve de son impuissance.
31:17 Et d'ailleurs, au passage,
31:20 signalons que quand on a reconnu
31:25 ou accordé à Trump le crédit
31:27 d'avoir fait avancer la paix dans la région
31:32 grâce à des traités, grâce à des reconnaissances diplomatiques
31:36 avec le Soudan, le Maroc, les Émirats, etc.,
31:39 plus l'apaisement de l'Arabie saoudite,
31:42 qui était déjà d'ailleurs tout à fait apaisée.
31:45 Bref, cette reconnaissance de l'existence de l'État d'Israël
31:48 n'avait absolument aucune portée politique.
31:50 C'était des traités qui avaient une certaine valeur juridique,
31:54 certainement, qui pourraient être utilisés
31:58 pour l'élection ou le...
32:01 Enfin, en tout cas, le crédit de Trump et Netanyahou,
32:04 mais qui, on le voit bien,
32:06 n'ont absolument aucune portée politique.
32:08 Donc moi, je crois que la diplomatie,
32:10 elle est aujourd'hui totalement caduque,
32:12 s'il joue ce terme dans ce conflit.
32:15 C'est la politique au sens le plus trivial,
32:19 au sens le plus construit qu'on peut imaginer,
32:23 à savoir l'apprentissage d'une vie commune
32:26 et la conquête progressive de droits égaux
32:29 pour tous ceux qui vivent sur cette terre.
32:32 D'ailleurs, je signale que même à la droite de l'échiquier israélien,
32:36 disons du côté du sionisme-révisionnisme de Jabotinsky,
32:41 l'idée que tous ceux qui vivaient sur la terre d'Israël
32:43 devaient bénéficier des mêmes droits était acquise.
32:46 C'est ceux qui étaient au-delà de la muraille de fer,
32:49 qu'il fallait ériger pour se protéger de tous nos ennemis mortels,
32:53 ceux qui campaient tout autour,
32:55 que là, effectivement, la question ne se posait plus.
32:57 Mais à l'intérieur d'Israël, d'Israël intramuros,
33:00 quel que soit le mur auquel on pense,
33:03 des droits égaux étaient reconnus.
33:05 Pour moi, il me semble que c'est vers cette solution-là,
33:08 enfin cette solution, vers cette évolution-là,
33:11 qu'il faut se diriger, même si elle peut sembler utopique,
33:14 c'est-à-dire "one man, one vote", des droits égaux pour tous,
33:18 le dépassement, d'une certaine manière, du sionisme nationaliste
33:21 pour aboutir à une sorte de sionisme territorial,
33:26 c'est-à-dire que les Juifs vivent sur la terre
33:28 où ont vécu, il y a plusieurs milliers d'années,
33:31 des Juifs, dans le royaume de Judée, de Samarie,
33:34 il y avait une présence juive qui ne s'est jamais interrompue.
33:37 En effet, on comprend qu'il y a une aspiration juive
33:40 à vivre sur cette terre,
33:43 aspiration d'ailleurs au demand qui n'est pas partagé
33:45 par la majorité des Juifs, loin de là, mais enfin, qui existe,
33:49 très bien, mais pas au détriment des autres,
33:52 pas en écrasant les autres, pas en les expulsant,
33:56 en les humiliant, en les emprisonnant,
33:59 comme on le fait dans la plus pure tradition coloniale.
34:03 Vous savez, le sionisme associe de particulier
34:06 qu'il est à la fois un mouvement d'émancipation nationale
34:11 et un mouvement colonial, indissolublement l'un des l'autre,
34:16 c'est-à-dire un mouvement dans lequel le colon se prend pour l'indigène
34:21 et considère que l'Autochtone est un squatter.
34:24 Ça, c'est une caractéristique unique du sionisme.
34:27 C'est cette caractéristique-là qu'il faut dépasser.
34:31 L'Autochtone n'est pas un squatter,
34:32 il est un citoyen auquel il faut reconnaître les droits.
34:36 Et personnellement, quand...
34:38 Je ne suis plus allé dans les territoires depuis longtemps,
34:41 parce que c'est devenu très compliqué pour moi,
34:44 mais du fait israélien, je le précise.
34:49 Mais enfin, quand j'allais assez régulièrement en Cisjordanie
34:52 ou à Gaza, et que je parlais de cela,
34:54 ce n'était pas nécessairement le nationalisme qui l'emportait,
34:57 c'était la protestation contre le déni de droit
35:02 et la volonté de reconnaître.
35:05 Et regarder aujourd'hui encore, je ne sais pas, Haïfa,
35:08 qui était un bel exemple de coexistence judéo-arabe,
35:13 si l'on peut dire.
35:14 Ce sont des termes d'ailleurs un peu délicats à employer,
35:16 parce qu'ils nous renvoient à 1948 plutôt que à la réalité d'aujourd'hui.
35:19 Mais enfin, on voit le retour de 1948 ici.
35:23 Ça se passe dans un hôpital, des images très émouvantes
35:26 qui se passent dans un hôpital où on voit musulmans,
35:29 juifs ou non-juifs, non-musulmans,
35:32 d'ailleurs, je ne sais pas, je n'ai pas demandé leur religion,
35:34 en tout cas des gens qui écrivent en arabe et des gens qui écrivent en hébreu,
35:37 qui revendiquent une unité affective, professionnelle, voire politique.
35:43 Mais Haïfa a toujours été un endroit assez particulier en Israël
35:46 du fait de l'implantation communiste qui a été très présente.
35:53 Bref, moi je vois plutôt une sortie à la façon,
35:57 soit on peut dire sud-africaine,
36:00 mais l'Afrique du Sud n'est pas un exemple extrêmement tentant
36:03 vu les tensions qui existent encore,
36:07 soit à la Suisse sur le mode d'une confédération.
36:10 Mais en tout cas quelque chose de ce type-là,
36:12 donc une espèce de post-nationalisme si l'on veut.
36:15 Et je pense que c'est le seul discours entendable aujourd'hui,
36:19 la solution des deux États en relevant plus de l'utopie,
36:22 vu ce qui s'est passé depuis Oslo, l'expansion de la colonisation.
36:27 Cette solution des deux États étant le mantra diplomatique,
36:31 mais étant aussi une espèce d'utopie.
36:33 Et je pense que l'État commun, la confédération,
36:36 enfin je ne sais pas encore comment l'appeler,
36:38 puis bon, je ne suis pas là pour en décider évidemment,
36:42 mais c'est cela probablement qui va apparaître comme une solution,
36:46 ou bien le statu quo que propose Guile Mihaëli,
36:50 avec une tentative d'espacement des explosions de violences
36:55 par du pilonnage comme c'est le cas à Gaza aujourd'hui.
36:58 On espère qu'en ayant bien ratatiné tout ce qui ressemble de près ou de loin
37:02 à du Hamas ou de djihad islamique,
37:04 on retardera d'un an ou deux ou trois
37:07 la prochaine pluie de roquettes qui s'abattra sur Jérusalem,
37:11 Tel Aviv ou Al-Shekelon.
37:13 Mais cette solution du statu quo, à mon avis, elle est sans avenir.
37:19 - Alors Alain Dikhoff, le statu quo,
37:21 tel qu'on le connaît depuis de nombreuses années maintenant
37:24 et qui pourrait effectivement perdurer éternellement
37:27 avec des cycles de violence qui reviennent régulièrement,
37:30 génération après génération,
37:32 où la solution à un État qui succèderait à la solution à deux États,
37:38 qui a été repoussée depuis si longtemps que plus personne n'y croit,
37:41 mais la solution à un État, elle fait peur à beaucoup de gens ?
37:45 - Alors, je pense que, peut-être première clarification terminologique,
37:53 le statu quo, c'est un mot, il faut faire un petit peu attention
37:57 parce que c'est un statu quo qui bouge,
37:59 dans le sens où, si on regarde évidemment l'évolution démographique
38:04 en Cisjordanie,
38:06 il y a eu évidemment une croissance très importante
38:12 de la population juive israélienne,
38:15 du fait évidemment de la politique de colonisation
38:17 que l'État d'Israël a soutenu à des degrés variables,
38:21 mais a quand même soutenu depuis 1967,
38:24 même s'il a connu une accélération après 1977
38:27 et l'arrivée du liquido au pouvoir.
38:29 Donc, c'est évidemment ce qui explique que,
38:32 alors qu'on était parti d'une situation
38:35 où il n'y avait plus une personne juive
38:40 qui habitait en Cisjordanie avant 1967,
38:43 on a une situation où aujourd'hui,
38:47 il y a 400 000, sans compter Jérusalem,
38:53 sans compter Jérusalem-Est,
38:54 400 000 Israéliens qui habitent en Cisjordanie.
38:58 Mais ce que je voudrais dire aussi,
38:59 et ça, c'est une chose qu'on entend un peu moins,
39:01 c'est que le statu quo n'existe pas du côté palestinien.
39:05 Si vous regardez par exemple la situation en Jérusalem
39:08 en termes démographiques,
39:10 le rapport démographique était à peu près,
39:13 il y a une quinzaine d'années,
39:15 de l'ensemble de la dite municipalité de Jérusalem
39:19 telle qu'elle a été définie en juin 1967,
39:23 c'est-à-dire l'unification de la ville
39:26 sous les auspices du droit israélien.
39:29 Donc unilatéral, évidemment, c'était une annexion de Jérusalem-Est.
39:33 À cette époque, si vous regardez les chiffres,
39:36 dans cette municipalité,
39:37 il y a à peu près une quinzaine d'années,
39:39 vous aviez 30 % d'habitants arabes
39:42 pour 70 % d'habitants juifs.
39:44 La situation aujourd'hui, c'est que vous avez quasiment 40 %
39:48 d'habitants arabes et 60 % de population juive.
39:50 Donc le point important pour moi ici,
39:53 c'est qu'il n'y a pas de statu quo en réalité.
39:56 Et surtout pas démographiquement.
39:57 Les choses bougent, certes, du côté juif,
40:00 et on parle beaucoup de ça,
40:01 mais il faut bien voir que du côté palestinien,
40:04 la société palestinienne, évidemment, elle vit aussi,
40:07 elle n'est pas inerte.
40:08 Et en particulier, elle a peut-être assez peu de moyens de défense
40:13 par rapport à un Israël qui est beaucoup plus puissant,
40:16 en particulier militairement, ça fait pas l'ombre d'un doute.
40:19 Mais en même temps, il y a une sorte de résistance,
40:25 si vous voulez,
40:26 qui est une résistance beaucoup plus invisible,
40:30 mais qui est quand même réelle.
40:32 Et donc la bataille démographique, en particulier à Jérusalem,
40:35 mais pas uniquement à Jérusalem,
40:36 cette bataille démographique, elle n'est pas nouvelle.
40:39 Si vous regardez déjà la situation dans les années 1920-1930,
40:43 elle se pose, évidemment, à l'époque,
40:46 complètement au détriment des juifs,
40:48 qui étaient très, très minoritaires.
40:50 Mais elle continue aujourd'hui, dans des termes différents,
40:52 mais elle reste entière, cette question démographique.
40:56 Et donc il y a la question territoriale,
40:58 mais il y a aussi la question démographique.
41:00 Alors tout ça, pour essayer de...
41:02 Je pense que c'était important de revenir sur cette question
41:05 de ce que j'appelle quelque part le faux statu quo, en réalité.
41:08 Mais pour aller vers où ?
41:10 Honnêtement, je n'en sais rien.
41:14 Je n'en sais rien.
41:15 Je sais qu'aujourd'hui, la solution à deux États
41:17 reste la solution prônée par la communauté internationale,
41:21 mais que cette solution, aujourd'hui,
41:23 on ne voit pas comment elle peut se matérialiser,
41:25 ni sur le terrain, ni politiquement,
41:27 parce qu'il n'y a pas d'acteur qui la porte.
41:29 Mais je ne crois pas non plus à la solution à un État,
41:31 parce que je ne vois pas de force politique
41:34 véritablement en mesure de la porter aujourd'hui.
41:38 Et tout simplement parce qu'il y a un projet national qui existe,
41:41 c'est le projet national juif, sioniste.
41:44 De l'autre côté, il y a un projet national en devenir
41:47 qui veut arriver à quelque chose,
41:49 c'est le projet national palestinien.
41:50 C'est ça que je vois encore, malgré tout, aujourd'hui.
41:52 Mais simplement, je ne vois pas comment on peut les conjuguer
41:55 pour arriver à une solution en sortant par le haut.
41:58 On pourrait imaginer l'annexion, tout simplement,
42:01 de la Cisjordanie et de la bande de Gaza par Israël,
42:05 et qui pourrait finalement, après tout, pourquoi pas,
42:08 être acceptée, voire même souhaitée par les Palestiniens.
42:11 Ça vous paraît impossible, Thomas Vescovy ?
42:14 Je pense d'abord qu'Israël n'a pas besoin factuellement
42:19 de prôner une annexion.
42:20 Ça aurait été un beau cadeau que Netanyahou aurait fait au Cologne,
42:24 mais dans les faits, l'annexion, elle existe déjà.
42:26 Qui contrôle la quasi-totalité de la Cisjordanie ?
42:28 C'est l'armée israélienne.
42:29 L'armée israélienne peut entrer dans n'importe quelle ville palestinienne,
42:33 même celles qui sont dirigées par l'autorité palestinienne,
42:35 pour arrêter quiconque lui paraît être susceptible
42:40 de commettre des actes répréhensibles
42:42 au regard du droit militaire israélien.
42:44 Tout à l'heure, vous avez posé la question
42:46 de qu'est-ce qu'on pourrait dire à un jeune Palestinien ?
42:49 J'aimerais la renverser.
42:51 Qu'est-ce qu'on pourrait dire à un jeune Israélien ?
42:52 Je pense que la question qu'il faudrait poser d'abord,
42:54 c'est demandez-vous, en tant que jeune Israélien,
42:57 qu'est-ce qu'un jeune Palestinien connaît de la démocratie israélienne ?
43:01 Qu'avez-vous montré à ses grands-parents, à ses parents,
43:03 de ce que c'est que la démocratie israélienne ?
43:04 Rien.
43:05 Un habitant de Gaza, de Naplouse,
43:07 ne connaît rien de la démocratie israélienne.
43:09 Tout ce qu'il a vu depuis 1948, c'est des expulsions,
43:11 des expropriations, une colonisation, une occupation militaire,
43:14 une soldatesque, des droits qui ne sont jamais respectés.
43:18 Tout à l'heure, vous avez parlé du statu quo,
43:19 et M. Dzikhov l'a bien expliqué.
43:21 J'ajouterais encore plus,
43:22 c'est que le statu quo n'existe pas dans ce conflit,
43:25 même si les médias s'en emparent quand il y a une explosion de violence,
43:28 comme c'est là le cas.
43:29 Mais le reste de l'année,
43:30 on a des attaques de colons contre des paysans palestiniens,
43:33 on a des affrontements entre les populations,
43:36 on a une colonisation qui progresse, on a des expropriations.
43:39 Il faut rappeler qu'il y a un mois et demi,
43:41 ce qui déclenche les premières émeutes ou tensions à Jérusalem,
43:45 c'est les menaces d'expropriations
43:47 contre des familles palestiniennes de Jérusalem-Est.
43:49 Très peu de médias, malheureusement, ont parlé,
43:51 et il a fallu que le Hamas envoie des roquettes
43:53 et que ça explose pour qu'on en parle.
43:55 La question, à mon avis, qu'on pourrait se poser là,
43:57 c'est qu'est-ce qui a fait aussi que l'opposition à Netanyahou,
44:01 l'alternative potentielle à Netanyahou, s'effondre complètement ?
44:04 Je pense qu'on peut s'arrêter sur un moment qui me paraît être déterminant.
44:08 Au début des années 2000, entre 1999 et 2000,
44:11 la société israélienne, vous aviez encore,
44:13 pas une majorité, mais une vraie base
44:15 qui était prête à la négociation avec les Palestiniens,
44:17 ou du moins qui voulait relancer ce processus-là.
44:19 Ehud Barak, candidat travailliste, a été élu comme Premier ministre.
44:23 Ehud Barak, c'était paradoxal parce qu'il a été élu
44:25 pour relancer le processus de négociation avec les Palestiniens,
44:27 alors que quand il était chef d'état-major de l'armée israélienne,
44:30 il s'opposait farouchement à Rabin qui était, lui,
44:33 vous le savez bien, le "leader" de ce camp de la paix qui allait voir Arafat.
44:38 Ehud Barak va lancer un processus de négociation
44:41 qui va être en fait un jeu de dupe avec Arafat.
44:43 Aujourd'hui, on le sait, beaucoup d'études l'ont montré,
44:46 où en fait, ce qui s'est passé, c'est qu'Ehud Barak a cherché
44:49 à mettre Arafat face à une proposition
44:53 qui était uniquement basée sur les intérêts israéliens,
44:55 et lorsque Arafat, évidemment, a refusé,
44:58 ou en tout cas, qui a eu un désaccord sur les négociations durant l'été 2000,
45:02 Barak a sorti cette phrase qui est déterminante, à mon avis,
45:05 encore aujourd'hui en Israël, c'est
45:08 "Nous n'avons pas de partenaire pour la paix du côté palestinien."
45:11 Il faut mesurer ce que cette phrase veut dire.
45:14 Barak, candidat travailliste, vient du camp qui a historiquement,
45:17 ou du moins qui a depuis 20 ans en Israël,
45:19 qui avait depuis 20 ans en Israël,
45:20 défendu la pacification avec les Palestiniens,
45:23 ou en tout cas, une forme de discussion avec les Palestiniens,
45:25 qui a légitimé les initiatives qui étaient prises
45:28 entre Israël et les Palestiniens pour discuter.
45:30 Quand Ehud Barak dit ça, il fait s'effondrer complètement
45:34 ceux qui en Israël étaient encore indécis,
45:36 et disaient "Bon, ben oui, on entend la droite nous dire
45:38 que les Palestiniens sont tous des méchants terroristes,
45:41 mais quand même on veut tenter de voir si la gauche
45:42 pourra revenir à une négociation."
45:44 Ce fait important où Barak fait quasiment hara-kiri du camp de la paix,
45:49 eh bien ça provoque un effondrement.
45:51 Sauf que derrière, toutes les initiatives qui vont être prises pour la paix
45:54 vont paraître complètement grotesques parce qu'on n'y croit plus.
45:57 Monsieur Guilmaëli, tout à l'heure, a rappelé quelques éléments.
46:00 Il a évoqué "Oui, en Israël, on s'est retiré du Liban
46:04 et on a eu le Hezbollah."
46:06 D'accord, c'est une réalité, mais on ne peut pas ignorer
46:08 qu'au Liban aujourd'hui, vous avez à peu près 200 000 Palestiniens
46:11 dans des camps de réfugiés, dans des conditions déplorables,
46:13 et ça évidemment c'est la faute en partie des États arabes,
46:16 mais qui attendent qu'Israël respecte le droit international depuis 1948.
46:21 Ces populations-là, vous avez beau retirer l'armée du Liban,
46:24 elles n'en sont pas pour autant complètement désabusées
46:27 de continuer à vivre dans un déni de droit le plus total.
46:30 Dans la bande de Gaza, c'est pareil.
46:32 Aujourd'hui, on le sait bien, et vous êtes analystes,
46:33 vous savez aussi bien que moi, je pense,
46:35 lorsqu'on se retire unilatéralement d'un territoire,
46:38 et donc pas dans le cadre d'une négociation,
46:39 qui on favorise ?
46:41 Les plus radicaux, les plus extrémistes,
46:42 parce qu'on fait croire à la population que c'est grâce aux radicaux
46:46 et à leurs actes qu'ils ont menés,
46:47 que l'armée d'ennemis ou l'armée d'opposition s'est retirée.
46:51 Donc Israël savait très bien, et Sharon savait très bien
46:54 que le Hamas allait sortir le grand vainqueur du retrait de la bande de Gaza.
46:57 Et je terminerai simplement par…
46:59 Monsieur Obraham, tout à l'heure, a évoqué la question de Haïfa.
47:02 C'est intéressant d'évoquer cette situation où les Palestiniens d'Israël,
47:05 les 20% d'Israéliens qui sont d'origine arabe-palestinienne,
47:10 se sont révoltés depuis à peu près un mois, un mois et demi.
47:13 Et beaucoup d'analystes qui ont, disons,
47:16 une vision plutôt, je pense, caricaturale d'Israël,
47:20 évoquent le fait que oui, mais ces jeunes-là se révoltent
47:22 alors qu'ils ont le droit de vote,
47:24 ils ont des conditions de vie bien meilleures que dans le reste du monde arabe,
47:26 on pourrait en discuter,
47:27 il y a une classe moyenne palestinienne d'Israël qui a des droits, etc.
47:31 Oui, sauf qu'il y a une réalité.
47:34 La réalité, c'est qu'il n'y a pas d'égalité des droits
47:36 entre les Palestiniens israéliens et les Juifs israéliens,
47:39 parce qu'il n'y a pas d'État démocratique
47:42 qui considère que tout le monde doit être état égal.
47:44 Récemment, je t'amènerai sur ça,
47:45 vous avez eu en Israël des émeutes de jeunes Arabes
47:49 et de jeunes extrémistes juifs.
47:50 Vous avez eu des magasins arabes qui ont été incendiés,
47:52 des magasins juifs israéliens qui ont été incendiés.
47:54 Vous avez eu des lynchages,
47:56 vous avez eu des affrontements violents entre jeunes Palestiniens d'Israël
47:59 et des jeunes extrémistes juifs israéliens.
48:03 Aujourd'hui, la presse israélienne vient d'annoncer
48:05 qu'il y a eu 116 inculpations.
48:07 Pas un seul Juif israélien a été inculpé.
48:10 116 jeunes Arabes ont été inculpés dans ces émeutes-là.
48:13 Comment vous voulez appeler ça si ce n'est un État
48:15 qui traite indifféremment ses populations
48:17 par rapport à leur ethnie et leur origine ?
48:19 Voilà le cœur du problème.
48:20 Il n'y a pas d'égalité entre les populations
48:21 de la Méditerranée au Jourdain,
48:23 et vous aurez beau faire tout ce que vous voulez unilatéralement,
48:25 tant que ce fait ne sera pas reconnu,
48:27 il y aura encore des mouvements de tension et des mouvements de colère
48:29 tous les 5, 10 ou 15 ans.
48:32 - Alors, Guy, Michael, il nous reste 4 minutes,
48:34 et j'aimerais avoir votre avis sur la solution à un État
48:40 qui semble, et vous y faites allusion d'ailleurs
48:43 dans votre dernier article dans "Causer",
48:46 qui semble repoussé par une bonne partie de la société israélienne,
48:50 et vous pouvez peut-être nous dire pourquoi.
48:52 - Comme j'ai dit tout à l'heure,
48:57 le sentiment national est l'effet majeur,
49:01 c'est le point de départ de tout raisonnement.
49:04 Un État, des États entre la mer Méditerranée et le Jourdain
49:14 va être un État-nation ou deux États-nations.
49:16 Je ne vois pas un État-nation avec des Palestiniens
49:21 et des Israéliens quand ils sont à égalité
49:25 et sans qu'il y ait une nation hégémonique.
49:29 Ce n'est pas possible.
49:30 L'État d'Israël, c'est un État avec deux peuples,
49:32 mais avec une seule nation.
49:34 Il y a en égalité des droits individuels,
49:37 et d'ailleurs, je pense qu'il y avait quelques arrestations
49:40 de zemmoutiers juifs, mais s'il n'y avait pas,
49:43 il va y avoir parce que la police
49:46 et les services de sécurité inquiètent.
49:49 Il y a des droits individuels des Arabes israéliens,
49:54 ils sont les mêmes que les droits individuels
49:56 des autres citoyens d'État d'Israël,
49:58 mais ils ne sont pas membres de la nation israélienne.
50:01 Les drapeaux n'est pas les leurs, l'hymne national n'est pas le leur,
50:05 et leurs enfants, quand ils grandissent,
50:08 ne peuvent pas rêver d'être des pilotes de F-16
50:12 comme des enfants égyptiens ou des enfants syriens,
50:15 plutôt de Sukhoï en Syrie.
50:18 Et c'est anecdotique, mais c'est important.
50:23 Ils ne peuvent pas rêver d'être Premier ministre,
50:26 et je comprends à quel point c'est compliqué.
50:28 Mais il y avait une guerre civile entre deux communautés,
50:31 c'était une guerre pour la vie et pour la mort.
50:34 On peut imaginer ce qui serait passé
50:36 si c'était les Palestiniens qui avaient gagné en 1948.
50:40 Ce n'est pas ce qui s'est passé,
50:41 mais depuis, on essaie,
50:45 "Kaïn Kaa", aujourd'hui c'est plutôt "Kaïn Keka",
50:49 à avoir une vie acceptable.
50:54 Je pense que c'est le cas.
50:58 Il y a au sein de la population arabe d'Israël
51:00 des processus très profonds d'israélisation.
51:03 Quand on parle des rapports homme-femme,
51:05 quand on parle de la démographie,
51:06 les nombres d'enfants par famille,
51:09 il y a énormément de changements sociologiques
51:13 ou anthropologiques très profonds.
51:16 Il y a de...
51:17 Par exemple, j'ai découvert,
51:20 lorsqu'il y avait des émeutes,
51:25 où des Arabes étaient agressés à Batiam,
51:29 et j'ai découvert...
51:30 Batiam, ce n'est pas une ville mixte,
51:32 c'est une ville au sud de Tel Aviv.
51:36 J'ai découvert qu'il y a des Arabes qui habitent à Batiam.
51:43 Un ami qui habite dans le nord bourgeois de Tel Aviv
51:47 m'avait raconté qu'il a rencontré dans l'abri
51:52 un couple homosexuel d'Arabes israéliens
51:54 qui habitait dans son immeuble,
51:55 qu'il ne savait pas, qu'il ne connaissait pas.
51:57 Donc, il y a...
51:59 Ce qu'on voit aujourd'hui,
52:02 les voitures qui brûlent,
52:05 cachent une réalité bien plus complexe,
52:08 où il y a évidemment des ombres, mais aussi de la lumière.
52:12 -René Broman, juste un mot,
52:15 parce qu'il nous reste très peu de temps.
52:17 -Un mot pour rappeler une réalité
52:20 qui est si massive qu'on semble l'ignorer.
52:22 C'est qu'aujourd'hui, d'ailleurs,
52:23 Thomas Vescovy faisait quand même allusion,
52:26 l'Etat unique existe.
52:28 Il y a une seule juridiction,
52:30 il y a une seule autorité politique, judiciaire,
52:32 policière, militaire,
52:34 entre la Méditerranée et le Jourdain.
52:36 Donc, la question est de savoir
52:37 ce qu'on va faire de cet Etat unique.
52:41 Mais c'est aujourd'hui la réalité matérielle
52:44 au sens le plus global du terme.
52:46 Et puis, un petit mot, parce que je voulais me défendre
52:49 par rapport à ce qui a été dit sur le statu quo.
52:50 Je suis absolument d'accord avec ce qu'ont dit
52:53 Alain Diekhoff et Thomas Vescovy.
52:54 Le statu quo ne veut pas dire une situation immobile.
52:56 Le statu quo veut dire la routine.
52:58 Et la routine, ce sont en effet la colonisation,
53:01 la démographie qui augmente, les expulsions, etc.
53:05 -Je vous remercie tous les quatre d'avoir participé à ce débat.
53:09 Merci de nous avoir suivis.

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