Avec Raphaël Enthoven, philosophe
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NewsTranscription
00:00 Le 10h30 Sud Radio Média, Valérie Expert, Gilles Gansman.
00:05 Bonjour à toutes et à tous, bonjour Gilles Gansman, heureuse de vous retrouver dans ces...
00:10 Je te fais tomber mon micro.
00:13 On est professionnels.
00:16 Notre invité aujourd'hui, Raphaël Henthoven, bonjour, merci d'être avec nous ce matin.
00:23 On va évidemment parler d'Israël, mais vous êtes là pour parler de Franck Thireur,
00:30 qui est un hebdomadaire que vous avez co-lancé avec Caroline Fourès.
00:35 Il y a deux ans maintenant.
00:37 Il y a deux ans, et vous me disiez juste avant d'entrer que ce qui était formidable,
00:40 c'est que déjà ça marche très bien, et que vous l'aviez lancé sur une intuition et non pas sur une étude de marché.
00:45 Oui absolument, le journal est né d'une intuition,
00:48 c'est du sentiment qu'il manquait un journal pour les voltairiens pas contents,
00:55 les républicains pas satisfaits si vous voulez.
00:58 Et donc c'est comme ça qu'on a conçu ce journal,
01:01 dont la raison d'être est de défendre la raison,
01:04 mais qui ne refuse pas un coup de boule.
01:07 On est fait des deux, et c'est comme ça que le journal fonctionne depuis deux ans.
01:11 Et vous venez pour nous parler de ce numéro spécial, ce hors-série, sans "vrai", entre parenthèses, fake news.
01:19 Ça parle de fake news, ça parle de complotisme aussi.
01:23 Ça tombe bien aussi parce que ce matin on voit que chaque événement aujourd'hui déclenche son lot de suspicions, d'informations.
01:35 C'est le cas pour ce qui s'est passé en Israël ce week-end,
01:39 on va en reparler avec vous dans un instant.
01:41 Tout va bien, Gilles, on passe au Zapping.
01:44 Évidemment, ça a fait la une des médias ce week-end,
01:51 le Hamas a attaqué l'Israël par les airs, la terre et la mer.
01:55 Une attaque surprise qui a sidéré le monde.
01:57 Dès le lendemain, l'Israël a annoncé une forte riposte.
02:01 Dans les rues de Gaza, des gravats, là où quelques heures plus tôt se tenaient encore des immeubles.
02:06 Sans interruption, toute la nuit dernière, des missiles ont été lancés.
02:10 Des véhicules ont parfois été visés.
02:12 Une réponse directe d'Israël à l'attaque d'ampleur du régime du Hamas sur son sol.
02:17 Tous les endroits où le Hamas se cache, d'où il opère, nous allons en faire des ruines.
02:24 Je dis aux habitants de Gaza, sortez de là maintenant car nous allons agir partout avec toute notre force.
02:31 Ça a l'affirme viser des lieux stratégiques.
02:35 Ici par exemple, le bureau du chef du Hamas.
02:37 Ses cibles sont imbriquées dans une zone très peuplée.
02:40 Les autorités israéliennes exhortent donc en arabe les habitants de la bande de Gaza à fuir certains quartiers.
02:46 Vous réagissez comment ?
02:49 À ça, vous voulez dire ?
02:51 D'abord je comprends qu'il...
02:53 Je fais de la destruction du Hamas une condition sine qua non de la paix.
02:58 Donc la destruction totale de cette organisation terroriste qui reprend le protocole des sages de Sion dans sa charte et dont la raison d'être est la destruction d'Israël.
03:08 La destruction du Hamas est une condition de la paix.
03:11 Donc toute opération militaire destinée à faire disparaître cette organisation terroriste me paraît en elle-même une action nécessaire et requise par la paix même.
03:23 Pourquoi on ne l'a pas fait avant ?
03:25 Ça c'est une autre histoire, c'est pas moi qui en décide.
03:29 Et l'autre chose c'est que j'insiste sur la dissymétrie entre, non pas la force et la faiblesse,
03:39 mais entre d'un côté des gens qui entrent dans un pays pour en massacrer des civils, enlever des enfants, des vieilles dames,
03:49 et en faire des boucliers humains après avoir exécuté leurs parents sous leurs yeux.
03:54 Et les répliques militaires ciblées d'une armée qui en l'occurrence a un objectif de guerre tout à fait précis.
04:05 Il n'y a pas d'équivalence à établir entre les deux démarches, ce n'est pas le même geste, ce n'est pas la même chose.
04:12 Il y a d'un côté une entreprise légale et de l'autre côté quelque chose qui relève d'un crime absolu.
04:18 Et de la barbarie.
04:19 Et d'une barbarie dont il faut conserver le caractère inexplicable.
04:24 Vous savez c'était comme au moment du 11 septembre.
04:27 Au moment du 11 septembre il y avait des tas de gens pour dire "oui les américains l'ont pas volé".
04:30 Et qui se donnait l'air de mieux comprendre la chose en disant ça.
04:33 "Regardez, nous ne nous en tenons pas au phénomène, nous ne sommes pas hypnotisés par le phénomène, nous avons de la profondeur de champ".
04:40 Et en fait cette profondeur de champ servait juste à diluer le phénomène et à le trouver moins grave.
04:45 Là c'est la même chose.
04:46 On n'explique pas la barbarie. La barbarie doit rester inexplicable.
04:51 On n'explique pas ça. On ne trouve pas de raison à ça.
04:54 Quelles que soient les raisons qu'on trouve à ça, elles ne sont pas commensurables avec le geste commis.
04:59 Quelles que soient les décisions désastreuses du gouvernement Netanyahou,
05:02 on a consacré il y a 10 jours un dossier au gouvernement Netanyahou dans Frontier 1.
05:06 Donc quelles que soient les décisions désastreuses de ce gouvernement,
05:09 il n'y a aucune commune mesure entre une politique et de l'abominable.
05:14 Ce n'est pas la même chose.
05:16 Ça ne justifie pas qu'on enlève des enfants après avoir tué leur mère dans la rue.
05:19 Voilà. Ce sont ces deux dissymétries sur lesquelles il faut insister, je crois.
05:23 Et on a vu qu'il y avait une tentative de recontextualiser, ça a été les mots de certains membres de la France Insoumise.
05:30 Oui, c'est l'alibi de la dilution du phénomène.
05:33 On contextualise. Vous êtes pris par le phénomène.
05:36 Nous, on prend de la hauteur, on prend de la distance, on parle d'une solution à deux états, etc.
05:41 En réalité, sous l'alibi de contextualiser, l'enjeu est de minorer la gravité d'une tragédie qui les embarrasse.
05:48 C'est du négationnisme au présent.
05:50 Ce sont des négationnistes du présent.
05:53 C'est une façon de nier la réalité de ce qui s'est passé en faisant valoir que les choses sont plus complexes qu'on ne dit.
06:00 Quand on enlève un enfant après avoir tué sa mère dans la rue, les choses ne sont pas très compliquées.
06:06 On continue, je vais vous faire réagir sur différentes choses, puisque vous êtes un philosophe.
06:12 Le ministre de l'Éducation, Gabriel Attal, a annoncé des cours d'empathie. On en a bien besoin.
06:17 Sachez qu'au Danemark, on va plus loin.
06:19 A l'école, avant de démarrer les cours, on masse le petit camarade pour avoir un contact avec lui et avoir de l'empathie.
06:27 C'était dans le 13 heures de TF1.
06:29 Un rituel étrange.
06:31 Hop, sur les épaules.
06:33 Un curieux jeu de main, sur le dos de son voisin.
06:36 Si vous massez quelqu'un, vous n'irez pas le harceler.
06:39 Des petits massages, presque quotidiens.
06:42 On se relaxe et on ferme les yeux si on apprécie.
06:46 Pour apprendre à être des bons copains.
06:49 Si un enfant est triste, je vais le voir pour le consoler.
06:53 Moi, je lui demande s'il veut jouer avec moi.
06:56 Cet exercice, obligatoire, fait partie de ce que les Danois appellent le cours d'empathie.
07:01 Le but ? Prévenir les situations de harcèlement dès le plus jeune âge.
07:07 Au Danemark, 9 élèves sur 10 déclarent se sentir acceptés tels qu'ils sont.
07:12 C'est gadget ou pas ?
07:15 Je sais pas. Il faut voir si ça marche.
07:18 Ce qui est étonnant, c'est que l'adversité est considérable.
07:22 Il n'y a pas plus égoïste qu'un enfant.
07:24 Les écoles sont des mondes à l'état de nature.
07:28 La situation de harcèlement, on ne supprimera jamais.
07:33 C'est comme supprimer l'égoïsme fondamental de l'animal humain qui est l'enfant.
07:38 Un peu aussi.
07:40 Je ne sais pas. Peut-être que ça fonctionne.
07:44 Les moeurs s'évoluent. Je vous emmène à Zurich.
07:47 Dans la ville de Zurich, elle recommande aux parents d'arrêter que leur enfant dise "papa" et "maman".
07:52 Mais qu'ils disent "parents 1" et "parents 2".
07:55 J'ai vu votre tête.
07:58 Le principe de zéphyre.
08:01 "Marrant 1" et "marrant 2".
08:04 Ça fait un débat qui ne touche pas à mon poste écolaire de Jean-Michel Maire.
08:07 Dans la ville de Zurich, elle recommande aux parents d'arrêter de dire "papa" et "maman".
08:11 Gilles Verdez dit "oui, on a tous envie de faire caca sur sa tête".
08:16 Jean-Michel ?
08:18 Tout ce qui détruit la famille, la société, l'unité d'un pays,
08:23 Gilles fonce dedans.
08:26 C'est incroyable.
08:29 On attend tous les parents.
08:32 Un bébé dit "papa", un enfant "maman".
08:35 C'est là où tu t'épanouis en tant que parent.
08:38 On va bientôt engueuler ces enfants quand ils disent "papa" ou "maman".
08:41 Ils vont dire "parents", "parents".
08:44 "Parents 1" et "parents 2", c'est ridicule.
08:50 "Papa" et "maman", c'est la base de la famille, c'est ridicule aussi.
08:53 Les deux sont ridicules.
08:56 La famille n'est pas une architecture.
08:59 On fait comme s'il y avait une famille normale.
09:02 Une famille qui serait une sorte de référent, un socle.
09:05 Et puis des familles déviantes.
09:08 Il n'y a pas moins de famille dans une famille à deux papas
09:11 ou dans une famille à deux mamans que dans une famille avec un papa et une maman.
09:14 Il n'y a pas moins de tradition, de rite, de classicisme.
09:17 - Ça ne vous empêche pas d'appeler "papa" et "papa" ?
09:20 - Oui, on peut appeler "papa" "papa".
09:23 - Mais dans l'argumentation, c'était de dire "papa" et "maman".
09:26 - Il y avait deux choses dans l'argumentation.
09:29 On peut à la fois s'indigner, dire "parents 1" et "parents 2"
09:32 et demander aux gens de dire ça. C'est absurde.
09:35 C'est comme s'appeler citoyen. C'est ridicule.
09:38 Mais en revanche, réduire la structure familiale
09:41 à ce binôme classique "papa" "maman"
09:44 me paraît tout aussi inapproprié.
09:47 - Alors Raphaël, si vous avez des petits problèmes d'impôt,
09:50 comme vous êtes érudit, je vous propose d'aller jouer aux jeux de télévisé.
09:53 Vous savez qu'aujourd'hui, de plus en plus,
09:56 on a un érudit qu'on met en valeur.
09:59 C'est le cas en ce moment dans l'émission "Les 12 coups de minuit".
10:02 Vous savez qu'à chaque fois... - Midi. - J'ai dit midi.
10:05 La piscine révélateur. Les 12 coups de midi,
10:08 il y a à chaque fois un petit phénomène, un petit champion.
10:11 - C'est émilien, il a 20 ans.
10:14 - De quel pays était originaire le compositeur Jean Sibelius ?
10:17 - Finlande. - Oh là là !
10:20 - Ça vient d'où Jean Sibelius ?
10:23 - Je crois que "Finlandia", qui est une oeuvre de Jean Sibelius,
10:26 c'est devenu l'hymne national finlandais
10:29 ou quelque chose comme ça.
10:32 Ou l'hymne...
10:35 L'hymne national, au moins l'hymne officieux.
10:38 - Vous connaissiez Jean Sibelius ?
10:41 - Oui, mais de nom comme ça, je n'aurais pas répondu Finlande
10:44 ni connu l'histoire de l'hymne, bien sûr.
10:47 - C'est un petit génie, on pense qu'il va gagner
10:50 de plus en plus d'argent aujourd'hui. John Lennon aurait eu 83 ans.
10:53 Évidemment, le temps et l'époque nous donnent envie d'écouter "Imagine".
10:57 - 83 ans, John Lennon !
11:00 - Oui, c'est bien comme cette chanson a toujours été démentie
11:03 et donc elle peut toujours inlassablement être brandie
11:06 comme un hymne et un espoir et une espérance.
11:09 C'est fou comme... comment dire ?
11:12 Ce qui a le moins de chances d'arriver et qui est
11:15 le plus important, c'est de voir ce qui arrive.
11:18 - C'est un peu comme "The Last of Us".
11:21 - Oui, c'est un peu comme "The Last of Us".
11:24 Ce qui a le moins de chances d'arriver est également ce que nous souhaitons le plus.
11:27 - Oui, c'est une phrase à méditer.
11:30 - Oui, mais moins ça arrive, plus c'est une espérance.
11:33 - Vous regardez la télévision ?
11:36 - Assez peu. - C'est quoi la vie d'un philosophe ?
11:39 - La vie d'un philosophe... je ne sais pas.
11:42 - Non, mais la télévision... - Non, je regarde assez peu la télé.
11:45 J'ai toujours plutôt peu regardé la télé.
11:48 Je regarde des films.
11:51 Non, mais je ne suis pas un consommateur de télé.
11:54 Je regarde les infos de temps en temps. - Vous regardez les tues ?
11:57 - Ça m'arrive, oui.
12:00 - Et les réseaux sociaux ? Vous êtes addict ou pas ?
12:03 - Je suis tout à fait accro à Twitter.
12:06 Enfin, X.
12:09 C'est là que j'officie principalement.
12:12 - Justement, je me posais la question, vous y êtes addict en permanence ?
12:15 - J'y suis beaucoup moins qu'avant.
12:18 J'y réagis beaucoup moins qu'avant, sauf hier par exemple
12:21 ou dans des situations qui me paraissent graves
12:24 où là je me sers du compte dont je dispose pour faire valoir
12:27 des choses qui me paraissent importantes.
12:30 - Et on va parler de choses importantes avec vous dans un instant
12:33 avec ce numéro hors série de Franck Tireur.
12:36 À tout de suite.
12:39 - L'invité du jour,
12:42 Raphaël Enthoven, philosophe.
12:45 - Oui, c'est philosophe, vous êtes votre définition.
12:48 - J'ai longtemps dit que j'étais professeur de philosophie, mais je n'enseigne plus.
12:51 Je ne sais pas, c'est vous qui l'avez dit.
12:54 - Vous avez cofondé avec Caroline Forrest
12:57 cet hebdomadaire Franck Tireur qui fonctionne très bien
13:00 qui nous éclaire
13:03 de façon, je trouve,
13:06 en tout cas, assez pêchue, intelligente
13:09 et sans aucun...
13:12 - Vous parlez vrai aussi dans Franck Tireur
13:15 il y a un hors série
13:18 sans fake news, sans vrai fake news
13:21 qui va paraître le 11 octobre
13:24 et puis je précise que vous êtes aussi au théâtre
13:27 et ce n'est pas un hasard puisque vous reprenez
13:30 vous êtes intéressé à Camus par Enthoven
13:33 donc ça a commencé il y a 5 jours, jusqu'au 12 novembre c'est à Paris
13:36 sur la scène libre à 19h du mercredi au samedi
13:39 qu'est-ce que ça dit Camus aujourd'hui ?
13:42 - C'est la même chose
13:45 c'est le même sujet, vous savez
13:48 Camus c'est quelqu'un qui ne croit en rien mais qui se bat quand même
13:51 c'est-à-dire que c'est quelqu'un qui n'a pas besoin
13:54 de la croyance pour se battre, c'est quelqu'un qui n'a pas besoin d'un horizon
13:57 ou d'un sommet à atteindre pour pousser son caillou
14:00 et en cela, c'est le meilleur ami
14:03 des gens qui se battent
14:06 alors qu'ils n'ont pas grand espoir si vous voulez
14:09 et c'est plutôt mon cas, donc il est vraiment de ce point de vue
14:12 un compagnon idéal. Et puis Camus est celui par exemple
14:15 dont les intuitions éclairent l'actualité de façon étonnante
14:18 dans "L'homme révolté", Camus théorise le fait
14:21 que l'homme révolté dit oui avant de dire non
14:24 il dit "on se révolte par amour avant de se révolter par haine"
14:27 la révolte est un projet avant d'être un rejet
14:30 et quand on prend le cas des Gilets jaunes
14:33 il y a des gens si différents, communiés dans un rejet
14:36 mais incapables de se donner un projet politique
14:39 on était au coeur de l'analyse que Camus fournissait en 1951
14:45 et il y a mille effets de cette nature avec les oeuvres de Camus
14:49 parce qu'il avait des intuitions formidables
14:52 et puis parce que la nature humaine n'évolue pas
14:55 - Sisyphe aussi - Sisyphe c'est formidable
14:58 c'est quand même celui qui est condamné à pousser un caillou au sommet d'une montagne
15:01 avant qu'il retombe de l'autre côté
15:03 donc c'est la vanité de tous nos gestes
15:05 c'est notre autoportrait, c'est notre condition
15:08 et dans le même temps Camus montre que Sisyphe a la liberté
15:12 de changer son désir
15:14 c'est-à-dire de remplacer le désir absurde d'atteindre le sommet
15:18 où le rocher ne tient pas
15:20 par le désir beaucoup plus concret, beaucoup plus consistant
15:23 de pousser le rocher
15:25 Sisyphe c'est celui qui consente à l'époque
15:28 à ses injustices, à son absurdité
15:31 mais en revanche se retrousse les manches
15:33 et se décide à y faire ce qu'il peut
15:35 - Globalement ça veut dire que l'homme est profondément mauvais ?
15:38 - Non pas forcément
15:40 - Vous pensez ça ou pas ?
15:42 - Non, il est comme il peut être autre chose
15:46 c'est pas une anthropologie particulièrement pessimiste Camus
15:50 c'est pas l'homme qui est mauvais, c'est la situation qui est mauvaise
15:53 nous naissons par hasard dans un monde qui s'en fout
15:55 on va y mourir sans savoir pourquoi on est passé par là
15:57 et il faut trouver dans cette condition
16:01 les éléments d'une lutte
16:03 où trouve-t-on la force de se battre dans un monde comme celui-là ?
16:06 - Au fond si on mourait tout de suite ça changerait quoi ?
16:09 - C'est ce genre de question qui dissuade de se battre
16:12 et Camus commence le mythe de Sisyphe en disant
16:14 il n'y a qu'un seul problème philosophique vraiment sérieux
16:17 c'est le suicide
16:19 évidemment Camus écrit contre ces gens qui se tuent
16:23 parce qu'ils ont peur de mourir
16:25 en somme ce que dit Camus
16:27 c'est que le monde n'a aucun sens
16:29 mais qu'on y trouve sinon des raisons de vivre
16:31 du moins des raisons de se battre
16:33 et c'est quelqu'un qui articule la révolte sur l'absurde
16:38 la plupart des gens vous disent pour se révolter il faut trouver un sens à la vie
16:41 non, la révolte est une façon de creuser l'expérience de l'absurde
16:46 et de s'apercevoir que c'est pas parce que le monde n'a aucun sens
16:49 qu'il n'y a aucune raison de se battre
16:51 - Est-ce que le complotisme est une forme de révolte ?
16:53 - Non, le complotisme n'est pas une forme de révolte
16:55 mais si il y a une interprétation, une lecture charitable du complotisme
16:58 c'est un désir de connaissance
17:00 de la même manière que les gens qui disent que la terre est plate
17:03 ont déjà un désir de connaissance
17:05 Spinoza dit que l'erreur n'est qu'une privation de connaissance
17:10 mais que c'est déjà un élément
17:14 c'est déjà une petite parcelle de vérité
17:17 et on peut considérer charitablement que le complotisme est un désir de connaissance
17:22 mais en réalité, le complotisme est un désir d'ignorance
17:25 c'est un désir d'être dupe, c'est tout à fait différent
17:27 c'est un désir d'être dupe maquillé en sentiment de savoir
17:30 c'est-à-dire qu'on veut ignorer et pour ça on se perçoit qu'on sait
17:33 - Et donc c'est fake news, ce numéro 100 de Franck Thireur
17:39 est tout à fait passionnant
17:41 - On s'est tellement marré à le faire
17:43 - On va de Voltaire à...
17:46 - Absolument, ça part de très très loin dans tous les secteurs
17:49 de la science, de la culture, Orson Welles en particulier
17:52 j'ai découvert que cette histoire des extraterrestres
17:56 qu'Orson Welles...
17:58 - Oui, la légende urbaine selon laquelle Orson Welles lisant la guerre des mondes
18:01 de l'autre Welles aurait déclenché des émeutes dans la rue
18:05 tout ça est faux, enfin, c'était très peu de choses à côté de ce qu'on en a dit
18:10 mais c'est la presse à l'époque qui a accru la chose, augmenté la chose
18:14 tout simplement parce que la presse redoutait l'émergence du média radio
18:17 - Et donc il y a eu très peu d'affolements
18:19 - Oui, il y a eu très peu d'affolements
18:21 mais ça n'a pas du tout eu l'ampleur qu'on a voulu y voir
18:25 c'est ça qui est intéressant
18:27 ce qui est intéressant avec les fake news
18:29 c'est que...
18:31 elles correspondent... c'est pas des false news
18:33 c'est pas juste des choses fausses
18:35 c'est que ce sont des choses désirables
18:37 ce sont des choses que les gens ont envie de croire
18:40 en 1762, les gens avaient envie de croire que le drapier Jean Calas
18:45 parce qu'il était protestant, avait tué son fils converti au catholicisme
18:49 et peu importe qu'il soit innocent, les gens voulaient le croire
18:52 il a été exécuté pour cette raison-là
18:55 ce qui est fou avec les fake news
18:57 c'est que quand on combat les fake news
18:59 on ne combat pas seulement la fausseté
19:02 on combat la duprie délibérée
19:04 on combat la crédulité volontaire
19:06 on combat des gens
19:08 qui ont le désir absolu de croire ce qu'on leur montre
19:11 c'est la raison pour laquelle il ne sert à rien de les démentir
19:14 par exemple, quand Sandrine Rousseau dit "il fait 60 degrés en Espagne"
19:17 elle dit n'importe quoi
19:18 et on lui explique que non, il a fait 60 degrés au sol, à tel endroit, de telle région, etc.
19:23 et elle continue en disant "j'avais donc raison, il faisait bien 60 degrés en Espagne"
19:27 la fake news n'a que faire de son démenti
19:31 donc non seulement on a une petite cuillère contre un océan de fake news
19:34 mais en plus, ce qu'on retire, ça prend pas
19:37 mais alors aujourd'hui on va faire comment ?
19:38 parce que vous avez vu qu'on pouvait modifier les visages
19:40 on pouvait modifier la voix
19:42 on pouvait modifier la vérité
19:44 et on est dans une société où on modifie la vérité
19:47 et on ne sait plus faire la différence entre ce qui est la vérité et une fausse information
19:52 on ne veut plus faire la différence
19:55 et ce refus est désormais, vous avez raison, doté de moyens considérables
20:01 les gens ont toujours eu la tentation de rechercher la compagnie des gens qui pensaient ou qui croyaient comme eux
20:08 mais aujourd'hui ce désir-là est doté de moyens considérables
20:12 si vous voulez penser que la Terre est plate, vous pouvez vous entourer, si j'ose dire, de gens qui pensent la même chose
20:18 et qui ne changeront pas d'avis
20:20 et vous pouvez vivre dans un monde où la Terre est effectivement plate, d'une certaine manière
20:25 et c'est en cela que l'adversité à laquelle on s'adose est une adversité démesurée
20:33 et c'est un ennemi absolu, c'est un ennemi considérable
20:36 parce que ce n'est pas simplement le mensonge l'ennemi, c'est le désir de croire
20:41 et le désir de croire, par exemple, sur l'hydroxychloroquine c'était extraordinaire
20:44 le truc avait été démenti quasiment dès le début
20:47 mais le désir de croire était si puissant qu'il interprétait tout démenti comme une adversité
20:53 parce que c'était un scientifique qui le disait, la parole était portée par un scientifique
20:57 dans le cas du docteur Raoult c'était particulier puisque le charlatanisme était porté par un scientifique, par quelqu'un qui avait les diplômes
21:03 donc il y avait la caution du diplôme qui couvrait en réalité des pratiques infâmes
21:09 mais qui êtes-vous pour dire que le professeur Raoult a tort ?
21:14 c'est la question qu'on vous pose à un certain nombre de nos auditeurs
21:18 oui, oui, je sais, je sais
21:19 et comment on oppose à la fake news ?
21:22 c'est ça qui est intéressant
21:23 et c'est ce que dit le professeur Raoult, personne n'est digne de débattre avec moi
21:27 ce qui est merveilleux avec cette histoire c'est que c'est une défense non scientifique de l'autorité du scientifique
21:32 c'est-à-dire on dit "regardez tous ces diplômes, il a forcément raison, vous n'en avez pas, donc vous avez forcément tort"
21:37 or le problème n'était pas une question d'expertise, on ne s'interrogeait pas, on ne débattait pas du contenu de la molécule hydroxychloroquine
21:44 on s'interrogeait sur la validité de tests effectués sur 12 Pékin qui ne valaient rien et dont il apparaissait à tout le monde qu'ils étaient bidons, c'est tout
21:53 c'était pas une question de compétence spécifique, il n'y avait besoin d'aucune compétence spécifique pour s'apercevoir de l'escroquerie qui était spectaculaire dès le début
22:01 on y revient dans un instant, on va parler de ce hors-série formidable, vraiment 100 fake news
22:07 puis une interview aussi que vous avez réalisée avec ce professeur David Colon
22:13 très intéressant, j'ai appris un nombre de trucs, pardon
22:16 le supplément média avec notre invité aujourd'hui Raphaël Enthoven pour parler de ce hors-série, le numéro 100 de cet hebdomadaire
22:28 Franck Tireur co-fondé avec Caroline Fourest, 100 vrais fake news
22:34 elles sont authentiques et elles sont historiques pour certaines d'entre elles
22:40 racontez-nous, parlez-nous de celles qui vous ont le plus...
22:44 oh les historiques il y en a tellement, vous savez par exemple Salin-Grouau, ministre de l'intérieur dont le journal Gringoire avait raconté qu'il avait été déserteur pendant la guerre et qu'il avait fini par se suicider
22:55 vous avez plus près de nous la rumeur selon laquelle il y avait un mort et trois blessés graves lors de l'évacuation de l'université de Paris-Tolbiac
23:05 rumeur, alors ça c'était extraordinaire parce que comme la PHP avait publié un communiqué en disant "bah non on n'a pas vu de mort consécutive à ça"
23:12 les gens après s'étaient réunis devant les hôpitaux pour réclamer la vérité, c'est-à-dire la vérité qui les a rangés et non pas la vérité toute nue qui était qu'il n'y avait pas eu de mort
23:20 vous savez c'est là-dessus d'ailleurs que Sofia Shikirou s'était fait connaître en parlant de tafiole de merde à propos des gens qui voulaient faire valoir dans le média, faire passer un communiqué qui rétablissait un semblant de vérité
23:32 enfin bon, on parle du complot des blouses blanches, c'est-à-dire le mythe de ces médecins juifs qui ont voulu empoisonner Staline, on parle de l'affaire Kalas que moi je trouve exemplaire encore une fois
23:42 où ce drapier protestant qui a été torturé, exécuté pour un crime qu'il n'a pas commis et dont Voltaire a lavé l'honneur, Voltaire c'est la première affaire Dreyfus sauf que le type était mort
23:54 mais Voltaire a transformé ce qui était le procès des Huguenots par la France catholique en procès des mystificateurs
24:03 - Est-ce que l'origine de tout ça ne vient pas de Jésus-Christ ? Est-ce que les premiers "fake news" ce n'est pas Jésus qui marchait sur l'eau et qui transformait l'eau en vin ?
24:15 - Non - Est-ce que l'origine ne vient pas de... - C'est très différent, la fake news n'est pas la superstition, c'est pas la même chose, ou la superstition ou la croyance
24:25 ce sont deux mondes tout à fait différents. C'est la raison pour laquelle par exemple, je me souviens de Michel Onfray dans son traité d'athéologie qui démontrait avec des arguments physiques, je crois, de mémoire
24:35 qu'un homme ne pouvait pas marcher sur l'eau. C'était ridicule. Les gens dont le cœur leur dit que Jésus a marché sur les eaux connaissent la physique autant qu'un autre
24:47 ils savent bien qu'un homme ne peut pas marcher sur l'eau. Quand on démonte ça, on ne s'adresse pas au bon endroit, on ne parle pas au bon endroit, on parle à la raison de quelqu'un dont le cœur lui dit autre chose
24:58 le cœur et la raison ne sont pas le même endroit. La foi, la croyance ou même la superstition c'est autre chose que la fake news, c'est pas la même chose
25:08 le désir de croire qui est à l'oeuvre dans la fake news flatte en général ce qu'on a envie de penser alors que la croyance s'impose au cœur des uns ou des autres, c'est un autre monde
25:18 - Sur l'action des réseaux sociaux, parce qu'il y a eu des fake news avant les réseaux sociaux, maintenant les réseaux sociaux, c'est une question que vous posez à David Collomb, justement, cet historien, de savoir ce que ça a changé
25:32 - Il y a plusieurs choses, d'abord il y a le fait que les réseaux sociaux ont joué un rôle de catalyseur dans la production de fake news et dans leur, non pas leur accréditation mais leur consolidation par la quantité de conneries
25:44 c'est comme les morts vivants qui s'accumulent et qui finissent par dépasser le mur, c'est-à-dire qu'on a le sentiment, comme il n'y a pas de fumée sans feu, que plus on raconte de conneries, plus il y a un peu de vrai dedans
25:54 donc les réseaux sociaux font cet effet-là, ce sont des démultiplicateurs et puis ce sont des transmetteurs d'informations extraordinaires, et une fake voyage 6 fois plus vite que son démentie
26:08 donc bien sûr les réseaux sociaux jouent ce rôle-là, mais ce qu'on apprend dans l'entretien avec David Collomb qui est passionnant, c'est que les réseaux sociaux, dont on a longtemps pensé qu'ils étaient un ferment démocratique dans les dictatures
26:23 le printemps arabe n'aurait pas eu lieu sans Facebook, le mur de Berlin n'aurait pas tenu à l'ère de Twitter, donc on se dit souvent que les réseaux sociaux sont un ferment de liberté dans un monde démocratique
26:32 et paradoxalement un ferment de censure dans un univers démocratique. Eh bien, les réseaux sociaux ont été retournés par les régimes totalitaires eux-mêmes
26:42 - Oui, par la Chine, de la Chine en Allemagne - Il prend l'exemple d'abord de la Syrie, puis de la Chine, qui ont su d'abord retourner les réseaux sociaux et ensuite créer leur propre réseau
26:53 TikTok est un outil d'asservissement au service exclusif de la dictature chinoise, et les chinois eux-mêmes n'ont pas accès aux infamies qui nous manipulent nous
27:05 c'est-à-dire que c'est un outil délibéré de puissance douce, comme disent les chinois, c'est-à-dire de soft power
27:11 - Est-ce que le patient zéro de la fake news existe ? Parce qu'on arrive à retrouver ce qu'on appelle le patient zéro en santé, c'est celui qui a eu le virus et qui l'a transmis à 5, 10, 15 personnes
27:23 est-ce que ça existe le patient zéro de la fake news ? - Le patient zéro c'est celui qui refuse de changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde
27:30 - Oui, mais celui qui a l'origine de la fake news - Non, mais ça non, c'est celui, je vous dis, le patient zéro c'est la partie de nous-mêmes qui préfère croire à quelque chose
27:38 plutôt qu'accepter son démenti, c'est tout, et ce patient là, il est universel et il existe depuis toujours
27:44 et c'est à cette souche là que viennent s'abreuver, ou c'est à cette source là que viennent s'abreuver les fakes contre lesquels on se bagarre
27:54 - Oui, sur chaque événement aujourd'hui est l'occasion à une fake news, est-ce que c'était le cas avant ou est-ce qu'on le remarque plus justement ?
28:02 Là je vois ce qui s'est passé en Israël, tout de suite on a vu émettre l'hypothèse, comme pour le 11 septembre, que c'est Israël qui aurait organisé cette attaque
28:15 dans le but de punir Gaza - Alors voilà, il y a déjà le complotisme de celui-là, il y avait la même thèse, mais ça ne date pas des réseaux sociaux
28:25 il y avait la même thèse au moment de Pearl Harbor, Roosevelt a organisé le bombardement de Pearl Harbor pour justifier l'entrée en guerre des Etats-Unis
28:32 c'est-à-dire qu'on a toujours voulu penser cela parce que le fait de raisonner de cette manière là permet de donner un sens à ce qui sans cela n'en a pas
28:45 et c'est un des arguments, c'est un des carburants de la fake news, la fake news donne du sens à ce qui n'en a pas
28:53 par exemple, au-delà de la fake news même, le goût d'expliquer la barbarie, on en a parlé à propos d'Israël, c'est-à-dire dire "oui, bien sûr, c'est horrible ce qui s'est passé
29:07 mais enfin quand même, le gouvernement Netanyahou, comme si les deux étaient commensurables, comme si l'abominable pouvait naître d'une politique
29:14 c'était comme les gens qui au moment de l'attentat de Charlie Hebdo disaient "oui, quand même, oui mais ils l'ont bien cherché, islamophobie, etc."
29:22 c'était le même discours, c'est-à-dire que, c'est un discours, ce que je veux dire c'est que, on peut analyser les choses
29:28 mais il y a une façon d'analyser les choses qui consiste à les dissoudre et dont la seule raison d'être est de les dissoudre
29:34 il y a des choses qui pour cette raison doivent rester inexplicables et stupéfiantes
29:38 - Vous êtes pour le lever de l'anonymat sur Twitter ?
29:41 - Non, parce que... - Ah bon ?
29:43 - Oui, parce que c'est très intéressant d'avoir des anonymes, c'est le syndrome de Giges, permettez-moi
29:51 - On peut y aller ou pas ? - Allons-y, allons-y
29:55 - Dans la République de Platon, Giges est un brave pêcheur qui met un jour la main sur un anneau
30:01 qui quand il se retourne le rend invisible, ça est donné ensuite le seigneur des anneaux
30:06 et ça a inspiré Tolkien, et donc Giges qui est un brave gars, gentil, adorable, aimé par tout le monde, etc.
30:13 devient un monstre, se met à tuer tout le monde, usurpe la place du roi, viole la reine, etc.
30:19 ça devient un monstre, et l'argument de l'histoire de Giges c'est de dire
30:25 "tu vois, on n'a pas peur de la loi, on a peur de la police"
30:29 c'est-à-dire qu'en réalité si les gens se tiennent bien, c'est pas parce qu'ils sont vertueux
30:33 parce que s'ils pouvaient être invisibles, si on était invisibles, on se tiendrait tous différemment
30:37 c'est ça l'argument de Giges, et sur Twitter, on a sa puissance mille
30:42 puisqu'on a des tas de gens qui derrière leur anonymat pensent qu'ils ne sont pas vus
30:45 - Ils tournent leur bague et ils deviennent invisibles
30:47 - Je crois qu'ils ont tourné la bague, et du coup nous on les regarde se conduire
30:51 comme se conduisent des gens qui pensent qu'on ne les voit pas
30:55 et c'est ça qui est passionnant, c'est ça qui est merveilleux
30:58 c'est-à-dire que les gens pensent qu'on ne les voit pas, donc ils font caca dans la rue
31:02 mais nous on les regarde, on les voit, et on voit comment les gens se conduisent
31:06 quand ils pensent qu'on ne les voit pas, et donc pour cette raison-là
31:09 je pense qu'il faut maintenir l'anonymat parce que ça fait de Twitter une sorte de laboratoire
31:13 un laboratorium en fait, où on voit s'ébattre des spécimens stupéfiants
31:17 et ça permet de comprendre plein de trucs
31:19 - Mais néfastes aussi - Oui, bien sûr, évidemment
31:21 mais ça ne cessera pas d'être néfaste parce qu'on supprimera l'anonymat
31:25 - Il y aurait peut-être un peu plus de réserve, de retenue
31:29 - Non, alors vous avez cette question-là bien sûr, mais vous savez, regardez par exemple
31:32 prenez Mila, Mila a reçu des centaines de milliers de menaces de mort
31:37 pour n'avoir rien fait d'illégal, la loi est censée la protéger
31:40 elle a fait condamner quelques dizaines de personnes, formidable hein
31:43 elle a le meilleur avocat du monde et on est très heureux que ces gens-là soient condamnés
31:46 mais c'est une goutte d'eau, c'est une goutte d'eau
31:49 de toute façon, la loi n'y suffit pas
31:52 - Non - Il faut se battre sur le terrain de l'opinion
31:55 la loi n'y suffit pas, il faut se battre en-dessous de la loi
31:58 sur le terrain de l'opinion, contre les gens qui, soit délibérément, soit par connerie
32:03 répandent et propagent n'importe quoi
32:06 - Alors il y a évidemment la fake news concernant Brigitte Macron
32:11 qui est un homme, qui concerne aussi Michel Obama
32:14 vous avez la prostituée de Berlusconi qui est la nièce de Moubarak
32:18 enfin il y a un nombre de choses - Les roxyles qui ont coulé le Titanic
32:22 Bodice, Proxénète, qu'est-ce que j'ai noté ?
32:25 La plus récente, c'était des forces de police devant les écoles à Avignon
32:30 pour contrôler les abayas
32:32 c'est ce qui était une procédure réglementaire dans le cadre de Vigipirate
32:35 des policiers venaient le jour de la rentrée, passaient devant chaque collège
32:38 chaque établissement scolaire
32:40 il n'y avait aucun rapport avec le contrôle des abayas
32:42 mais, j'insiste là-dessus parce que
32:45 aucun des gens qui ont balancé cette fake n'ont retiré leur tweet
32:51 aucun d'eux !
32:52 parce que le bénéfice de la crédulité volontaire est supérieur au rétablissement de la vérité
32:58 et l'enjeu de cette histoire...
33:01 quand on leur disait "mais c'est faux"
33:03 ils disaient "oui, mais on s'en fout"
33:05 et surtout, les gens qui recevaient cette information
33:09 savaient eux-mêmes que c'était faux
33:11 et la propageaient quand même
33:13 c'est en cela que l'ennemi est redoutable
33:15 - Mais vous pensez vraiment qu'ils pensent que c'est faux ?
33:17 - Oui, bien sûr !
33:19 - Parce qu'on a des gens qui sont convaincus ?
33:21 - Dans ce cas de figure, tout le monde sait que c'est faux
33:23 tout le monde sait que c'est faux seulement
33:25 on a tellement envie de le croire
33:27 c'est tellement doux à dire, c'est si bon à dire
33:29 qu'on ne peut pas s'en empêcher
33:31 c'est comme cette phrase absurde
33:33 "le gouvernement français a été condamné deux fois
33:35 pour inaction climatique"
33:37 cette phrase est une connerie
33:39 c'est l'Etat français qui a été condamné deux fois
33:41 pour carence de l'Etat dans la période 2015-2018
33:43 ça n'a rien à voir avec l'actuel gouvernement français
33:45 mais cette phrase est trop douce à dire
33:47 et elle a été débunkée dix mille fois
33:49 ça ne sert à rien !
33:51 - Quelle est l'arme contre les fake news ?
33:53 - La méthode !
33:55 - Vous pensez convaincre des gens convaincus ?
33:57 - Non, la méthode plus que la vérité
33:59 parce que quand quelqu'un dit un mensonge
34:01 vous balancez une vérité
34:03 et il pourra tout à fait interpréter la vérité
34:05 que vous lui opposez comme le mensonge
34:07 par exemple quand Marine Le Pen
34:09 dit à Macron "j'espère qu'on ne va pas découvrir
34:11 que vous avez un compte offshore au Bahamas"
34:13 si Macron lui dit "mais enfin madame de quoi parlez-vous ?"
34:15 on dira "tiens c'est bizarre, il dément, c'est louche"
34:17 et le soupçon
34:19 qui n'a rien à voir avec le doute
34:21 va pouvoir prendre forme
34:23 alors que si on démontre que Marine Le Pen
34:25 est allée chercher cette information
34:27 sur un site d'extrême droite russe
34:29 juste avant le débat dans le but d'envoyer
34:31 une flèche moisie au cas où
34:33 et qu'ensuite sous l'alibi de poser
34:35 une question, elle aura distillé le soupçon
34:37 si on arrive à démontrer tout cela
34:39 à partir de là
34:41 l'adhésion à la thèse disparaît
34:43 on ne s'oppose pas à cette fake
34:45 en disant "mais non, Macron n'a pas de compte offshore"
34:47 personne ne le sait d'une certaine manière
34:49 en revanche on s'y oppose en disant
34:51 "les moyens qui vous ont permis de le dire
34:53 ne sont pas recevables"
34:55 il faut travailler la méthode
34:57 - Eh bien il faut surtout lire "Frontier Hors"
34:59 - Oui, il faut lire "Frontier Hors"
35:01 - C'est pour le centième numéro
35:03 - C'est sans fake news
35:05 - Il y en avait plus de cent j'imagine
35:07 - Ah bah il y en avait, bien sûr
35:09 c'était un crève-cœur, il a fallu en choisir
35:11 mais on s'est tellement amusés
35:13 mais ça va de l'Union Européenne
35:15 qui aurait soi-disant interdit les bananes courbes
35:17 jusqu'au "pizza gate"
35:19 en passant par les armes
35:21 de destruction massive en Irak
35:23 - Et au-delà de ça "Frontier Hors"
35:25 vous vous êtes amusés encore avec du sens
35:27 comme à chaque fois, mais dire que "Frontier Hors"
35:29 effectivement est un journal
35:31 assez atypique dans l'univers
35:33 de la presse
35:35 - C'est un journal heureux
35:37 les gens qui y travaillent sont heureux
35:39 et on est heureux de le faire chaque semaine
35:41 - Et aller au théâtre voir Raphaël Enthoven
35:43 - Oui, au théâtre pour vous voir, Camus par Enthoven
35:45 donc jusqu'au 12 novembre à la Seine-Libre
35:47 si vous êtes à Paris, merci Raphaël Enthoven
35:49 d'être venu ce matin inaugurer nos nouveaux locaux
35:51 et on se retrouve dans un instant
35:53 pour commenter l'actualité
35:55 À suivre sur Sud Radio
35:57 Mettez-vous d'accord, Valérie Experts
35:59 L'éveil.