• l’année dernière
Avec Caroline Sallé, journaliste au Figaro, et Anne Jouan, auteure de "Le Charnier de la République" (Ed. Robert Laffont).

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##SUD_RADIO_MEDIA-2023-10-02##

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Personnes
Transcription
00:00 L'invité du jour c'est Caroline Salé. Bonjour Caroline Salé, vous êtes journaliste au Figaro Économie
00:06 et vous vous êtes intéressée à cette
00:09 première dans l'histoire du football, en tout cas en ce qui concerne Canal+ c'est-à-dire que Canal+ ne
00:16 candidatera pas, décidément j'ai du mal avec le mot, à l'acquisition des droits de la Ligue 1. Bonjour !
00:23 - Bonjour ! - Bonjour !
00:25 Alors racontez-nous un petit peu ce qui s'est passé, est-ce que c'est un coup de tonnerre ? Est-ce qu'on s'y attendait ?
00:30 Ou est-ce que ça a fait l'effet d'une bombe cette annonce de Canal+ ?
00:35 - Oui alors ça a fait l'effet d'une bombe même si cette probabilité était
00:40 quand même hautement
00:43 acquise.
00:45 Il y a déjà depuis un moment un peu de loup dans le gaz entre la Ligue de football professionnel et Canal+
00:52 si on remet un peu les choses en perspective
00:55 on a eu l'arrivée en 2018 de Media Pro qui avait candidaté pour les droits de la Ligue 1, qui avait proposé beaucoup d'argent.
01:02 Finalement cet acteur espagnol
01:05 a explosé en vol et à cette époque Canal+ avait été un peu mis sur le banc de touche
01:11 au profit donc de ce nouvel entrant puis Amazon a repris un peu à la casse les droits du foot
01:19 laissés par Media Pro et là encore on s'est retrouvé dans une situation où finalement Amazon
01:26 récupérait 80% des matchs de Ligue 1 pour 250 millions d'euros et Canal+ qui restait avec ses
01:33 20 plus belles rencontres mais qui payait
01:37 330 millions d'euros.
01:40 Voilà donc ça a été assez mal vécu.
01:42 - C'était une cote très mal taillée quoi, il leur restait vraiment une portion très très très faible des matchs.
01:49 - Alors aujourd'hui dans l'appel d'offres les sommes elles sont elles sont dingues parce que
01:54 il y a donc deux lots, un lot premium et un lot secondaire.
01:58 Le premier il est à 530 millions d'euros, le deuxième à 270 millions.
02:04 On est aux alentours de 800, du milliard, mais est-ce que la Ligue 1 ça vaut ça ?
02:09 - C'est toute la question en fait. Que la Ligue 1 ait besoin d'un milliard d'euros pour aller mieux ça c'est certain
02:17 mais est-ce qu'aujourd'hui la valeur du championnat français
02:20 est au milliard ? Ça c'est beaucoup moins certain. On peut notamment dire qu'il y a deux têtes d'affiches du championnat qui sont parties
02:28 c'est à dire Messi, Neymar
02:31 notamment. On a une interrogation, une incertitude sur Mbappé l'année prochaine.
02:36 On voit qu'il y a les clubs, on a certains clubs qui vont assez mal.
02:41 L'OL va mal.
02:44 - Ils sont en dernier de l'Olympique du Néer, c'est incroyable.
02:46 - Absolument. Il y a beaucoup de clubs en fait qui vont assez mal et
02:50 au-delà du PSG, en gros on n'a plus vraiment d'incertitude sur
02:57 le spectacle.
03:00 - Le fait que donc Canal+ Maxime Sahada par son président
03:05 décide de ne pas candidater, c'est dessus parce qu'il s'estime floué par un deal, c'est à dire qu'il sous-entend que Amazon
03:14 avait déjà conclu un accord avec la Ligue.
03:17 - Oui alors ça ce sont des
03:20 affirmations que récuse totalement la Ligue de football professionnelle, Vincent Labrune.
03:25 Je pense qu'il y a dans la déclaration de Maxime Sahada, il y a plusieurs choses. La première
03:31 c'était de rendre un peu la monnaie de sa pièce à la Ligue de football.
03:36 Il aurait très bien pu ne pas candidater à cet appel d'offre mais ne pas le faire savoir.
03:41 Là il l'a fait savoir et il l'a fait savoir très tôt dans le processus. Donc ça casse un peu
03:46 l'intérêt de cet appel d'offre parce que moins on a de candidats et moins les enchères
03:54 peuvent monter. Donc je pense que là c'était
03:58 entre guillemets un peu une vengeance de la part de Canal+. Mais il n'y a pas que ça, je pense que c'est aussi un moyen de
04:06 faire savoir
04:08 à d'autres candidats que c'est pas la peine de miser trop
04:11 parce qu'en cas d'accord de distribution
04:13 ou d'accord de sous licence avec par exemple un Dazone ou ça pourrait être un autre candidat qui récupère les droits,
04:22 Canal+ a tout intérêt à ce que les prix soient orientés à la baisse.
04:26 Lui récupérera après des matchs potentiellement moins cher.
04:30 Est-ce qu'il y a un vrai impact sur les abonnés ? C'est à dire est-ce que les abonnés de Canal+
04:35 qui a été sur d'autres sports maintenant sont encore abonnés pour le sport et le cinéma et les séries évidemment qu'on prie de l'importance ?
04:42 Ou est-ce que finalement
04:45 Amazon ça n'a pas fait trop de mal qu'ils aient une partie de la ligue ? Est-ce qu'il y a un intérêt de s'abonner ?
04:50 Est-ce qu'ils perdent des abonnés à cause de ça pour faire un raccourci ?
04:55 C'est difficile de savoir
04:58 précisément ça. Mais en revanche
05:02 il semblerait quand même qu'une bonne partie des abonnés qui regardent la ligue 1 aujourd'hui
05:08 regardent également la Champions League.
05:10 Ce qui veut dire que comme Canal+ a sécurisé les droits de la Champions League, de la première ligue,
05:16 enfin bon de pas mal de compétitions de football,
05:19 on peut se dire raisonnablement que ça ne devrait pas
05:24 demain si Canal+ n'avait plus du tout de foot, on ne devrait pas voir
05:31 comment dire...
05:33 Mais c'est vrai que sur la ligue 1, vous l'évoquiez tout à l'heure, Canal+ n'en diffusait déjà pas beaucoup.
05:39 Il y avait le match du vendredi soir et c'était à peu près tout.
05:43 Absolument. Alors non seulement ils n'en diffusaient pas beaucoup mais alors en plus
05:47 ils ont totalement arrêté de faire la promotion. Si vous regardez ça fait longtemps qu'il n'y a pas de
05:53 marketing autour de la promotion de la ligue 1. Donc ça fait déjà très longtemps que la ligue 1
05:59 dans les offres de Canal+ est un peu mise de côté.
06:03 Est-ce que ça peut faire baisser d'une manière
06:05 plus générale le prix des droits ?
06:09 C'est ce que vous titriez dans un de vos articles, un cycle perdant, perdant, perdant.
06:15 Alors ça c'est toute la question. C'est-à-dire moins d'argent c'est potentiellement un spectacle de moins bonne qualité.
06:23 Parce que quand on regarde en tout cas l'argent qui est injecté dans d'autres clubs européens
06:29 il y a quand même une corrélation entre
06:32 le spectacle sur le terrain, l'intérêt du spectacle et l'argent qui est dépensé.
06:38 Et la France de ce point de vue est assez mal lotie. Donc on est dans un cercle
06:44 vicieux où moins d'argent, ça veut dire moins d'argent pour recruter de très bons joueurs par exemple,
06:51 ce qui veut dire moins d'intérêt peut-être pour le spectacle. Donc
06:55 effectivement dans ce cercle vicieux tout le monde est perdant.
06:59 Et Valérie, Canal+ qui a fait un joli coup parce que Canal+ a sécurisé les droits de l'Arabie Saoudite.
07:06 Vous avez vu que les plus grands joueurs, y compris certains joueurs français, sont partis là-bas.
07:11 Donc le championnat d'Arabie Saoudite va être une curiosité avec tous les anciens et les anciens champions.
07:16 Ils ont sécurisé ça et ça moi je pense qu'il y a des gens qui sont prêts à payer pour revoir Benzema, pour revoir Messi,
07:23 pour voir... Et puis évidemment il y aura beaucoup d'argent, donc beaucoup de choses autour du stade.
07:29 Donc ça c'est la vraie bonne idée.
07:31 - Caroline ?
07:34 - Oui, oui, pour l'instant l'audience est très minime.
07:39 Mais c'est vrai que à la différence de la Ligue 1,
07:44 les stars, en fait, on a des stars du football qui sont maintenant
07:48 partis et qu'on peut voir ailleurs. Donc c'est très malin de la part de Canal+. Ça coûte pas cher à acheter.
07:54 Et puis ça peut faire un peu d'audience parce qu'on a
07:58 effectivement les grands noms du football.
08:01 - Assez de comparaison, Caroline, je vous interromps. C'est combien le championnat de l'Arabie Saoudite ?
08:04 - Je l'ai plus en tête là, je suis désolée.
08:06 On n'est pas du tout dans le même ordre de grandeur,
08:12 absolument pas, que les droits de télé de la Ligue 1.
08:14 - Oui, alors un auditeur me dit de l'autre côté TF1 a annoncé l'acquisition des droits de diffusion de l'intégralité de l'euro du foot féminin
08:21 en 2025.
08:24 Donc là sur TF1 il y a un retour effectivement du foot assez fort.
08:30 Le foot féminin est moins regardé tout de même, mais en tout cas visiblement TF1 s'y intéresse.
08:36 - Oui, alors là il y a...
08:39 Si on remet un peu les choses aussi pareil dans un contexte plus large, on a vu que personne ne voulait remettre
08:45 de l'argent, en tout cas pas les sommes demandées, pour le mondial de foot féminin.
08:50 Mais la compétition se jouait très loin, les horaires n'étaient
08:54 pas forcément idéales pour la télévision française.
08:59 Voilà, là on a quand même un...
09:03 Ça se tiendra en Suisse, donc pour nous les horaires sont idéales et ça peut faire un peu...
09:09 ça peut faire un peu d'audience et ça reste à des prix qui sont
09:13 finalement
09:16 assez bas.
09:18 Donc on peut potentiellement les rentabiliser quand on s'appelle TF1.
09:21 - Est-ce que cette affaire entre la Ligue et Canal+ peut se terminer devant les tribunaux ?
09:26 - Alors c'est possible.
09:30 En tout cas quand on regarde la teneur des courriers de Maxime Sahaga et de Vincent Labrune,
09:35 on se rend compte quand même que la réponse est faite en partie pour se
09:42 prémunir
09:44 d'une éventuelle action en justice. Et c'est peut-être Vincent Labrune qui la déclenchera.
09:51 Parce que ça peut porter un préjudice à la belle d'offre.
09:56 - Oui c'est ça, c'est ce que...
09:58 - Pourquoi pas.
09:58 - Oui c'est ça, et donc c'est...
10:00 c'est ce qu'un observateur vous a dit, "afficher sa fermeté est un moyen de dire la Ligue est suffisamment solide pour se priver de Canal+".
10:08 - Oui, c'est ça. C'est de dire que malgré
10:12 la non présence du premier argentier du football français
10:17 sur les droits télé, puisque c'est encore Canal qui met le plus d'argent
10:21 aujourd'hui dans le championnat en termes de droits télé,
10:25 le processus peut aller à son terme et tout peut se passer correctement.
10:31 - C'est à suivre. En tout cas on vous lira dans le Figaro. Merci Caroline Salé d'avoir été avec nous et de nous avoir
10:38 éclairé sur...
10:41 - Et puis on peut noter que le rugby cartonne. Les scores du rugby sont incroyables.
10:43 - C'est une coupe du monde aussi.
10:45 - C'est une coupe du monde.
10:47 - Merci à vous.
10:49 - Merci. Bonne journée.
10:51 - Merci à vous aussi.
10:53 - On continue avec Anne Jouan. Bonjour Anne Jouan.
10:55 - Bonjour.
10:57 - Vous êtes journaliste d'investigation.
10:59 C'est vous qui entre autres avez révélé un certain nombre de choses sur le Médiator,
11:05 grande enquête sur le Médiator.
11:07 C'est vous qui avez également révélé dans Hebdo les agissements de Nicolas Hulot.
11:12 Vous publiez "Le charnier de la République" aux éditions Robert Laffont,
11:17 l'enquête inédite sur le don des corps à la science.
11:19 Vous le co-écrivez avec le professeur Richard Doir et Dominique Ordé.
11:24 Ils ont chacun été témoins de ce qui s'est passé à l'université Paris-Descartes.
11:30 "Le charnier de la République", le mot n'est pas trop fort.
11:33 Je précise que le livre est vendu sous blister, c'est-à-dire sous plastique,
11:37 pour qu'on ne puisse pas l'ouvrir, puisqu'à la fin se trouve un cahier,
11:41 que je montre pour ceux qui nous suivent sur Facebook ou en vidéo,
11:44 un cahier de photos, les photos de la honte, les photos de l'horreur.
11:48 Je les ai montrées ici à la rédaction et les réactions ont été les mêmes
11:53 que celles que j'avais eues quand vous étiez venu nous en parler
11:56 à l'occasion de l'apparition d'un pari match de votre enquête.
11:59 Comment tout cela a pu exister ? Comment c'est possible ?
12:03 Ces images font référence au camp de concentration.
12:07 C'est une horreur absolue.
12:09 Comment tout cela a pu perdurer ?
12:11 C'est peut-être la première question que j'ai envie de vous poser pendant des années.
12:15 C'est ce que vous racontez aussi dans le livre, mais expliquez à nos auditeurs
12:20 ce qui s'est passé au Centre du Non-Décor.
12:23 Les personnes, hommes et femmes, qui ont choisi de donner leur corps à la science
12:29 avaient confiance en l'Université Paris-Descartes,
12:32 parce que c'était une institution, c'était le plus grand centre d'anatomie d'Europe,
12:36 et elles y allaient les yeux fermés.
12:40 En réalité, ce centre connaît des dysfonctionnements depuis de nombreuses années.
12:46 En matière de témoignages, on peut le dater au début des années 1970,
12:50 ce qu'on fait dans le livre, et en matière d'images, on peut le dater à la fin des années 1980,
12:55 mais je sais qu'il existe des photos bien antérieures à celles que nous publions
12:59 et qui montrent la même chose.
13:02 Les corps étaient souvent rongés par les souris,
13:07 parce qu'il y avait beaucoup de rongeurs au sein des chambres froides.
13:11 Pardon de vous interrompre, mais ce qu'on apprend dans votre livre,
13:15 c'est que ces chambres froides souvent n'étaient plus froides,
13:18 ce qui explique ces corps en putréfaction.
13:21 Au lieu d'une conservation à 4 degrés, très souvent,
13:24 la température des chambres froides dépassait les 15 degrés,
13:28 ce qui explique la putréfaction, des corps complètement noircis, moisis.
13:34 Chaque année, un quart des dépouilles des donneurs partaient directement à la crémation,
13:40 faute de pouvoir être utilisés, car ils étaient beaucoup trop abîmés
13:45 pour pouvoir être présentés.
13:47 Voilà un peu ce qui se passait au sein du Temple de l'Anatomie française.
13:52 - Est-ce que lorsqu'une famille donne le corps à une université,
13:57 est-ce qu'il y a un suivi des règles ?
14:01 Est-ce qu'il y a un questionnaire dans lequel on dit
14:04 "je ne veux pas qu'on teste telle chose ou telle chose"
14:06 où on donne le corps et puis voilà, c'est fini ?
14:09 - Non, en fait, on donne souvent le corps et puis voilà, c'est fini.
14:13 Les donneurs n'étaient par exemple pas informés,
14:15 et a fortiori leur famille non plus, que les corps en question
14:19 pouvaient servir à des crash-test pour l'industrie automobile,
14:23 pouvaient servir à des tests pour des industries pharmaceutiques
14:28 ou des industries de prothèses, et absolument, pourquoi pas
14:32 servir la science pour développer des sièges bébés
14:36 ou des ceintures de sécurité, c'est une bonne chose,
14:39 mais le problème consiste en un manque d'informations.
14:43 Pourquoi ne pas avoir dit aux donneurs qu'ils pouvaient être utilisés de la sorte ?
14:47 Pourquoi ne pas leur avoir dit qu'ils pouvaient être démembrés ?
14:50 Pourquoi ne pas leur avoir dit tout ce qui pouvait se passer par la suite ?
14:55 Par ailleurs, quand vous donnez votre corps à la science,
14:57 la famille ne peut pas récupérer le corps.
15:00 Le corps part au moment du décès et la famille ne le revoit plus.
15:05 Le corps est incinéré avec les autres donneurs au cimetière du Père Lachaise
15:10 et les cendres sont normalement dispersées au cimetière de Thiers.
15:14 - Vous avez écrit le livre avec l'ancien directeur de ce centre,
15:19 le professeur Richard Doire et son...
15:21 - Oui, il était directeur. - Et son ancien secrétaire.
15:25 - Et lui, il ne se sent pas coupable,
15:27 et ça ne vous a pas embêté d'écrire le livre avec lui ?
15:30 - Et Dominique Landais, qui a été la secrétaire générale,
15:33 effectivement, vous les considérez comme complices ?
15:36 - Voilà, c'est ma question.
15:37 - Bien sûr. J'aurais jamais fait un livre avec eux
15:41 si j'avais pensé qu'ils ont été quelque part complices.
15:44 Ça aurait été impossible.
15:46 J'ai mis du temps à convaincre Richard Doire de faire son livre.
15:50 Il a finalement accepté il y a un an.
15:52 Au départ, il ne voulait pas parler,
15:54 et il l'explique, à mon sens, très bien dans ce livre.
15:58 Il explique le poids du silence
16:00 et comment le poids du silence est dû à la maltraitance des médecins
16:04 dès le tout début de leur formation, dès leur internat.
16:07 Comment ils enchaînent les gardes,
16:09 comment ils travaillent à un rythme effréné,
16:11 dans des conditions psychologiques et physiques catastrophiques.
16:15 Il a raconté un moment, et finalement,
16:19 il a voulu supprimer, mais je le raconte,
16:23 qu'un jour, quand il était interne à Cochin,
16:25 il a 41 de température, il a de la fièvre, il ne vient pas travailler.
16:29 Et quand il arrive le lendemain,
16:32 le chef de service lui dit « Doire, vous n'êtes pas un vrai interne,
16:35 les internes ne sont jamais malades ».
16:37 Donc le poids du silence est extrêmement important.
16:40 Par ailleurs, si on reprend la chronologie et le détail,
16:44 que ce soit Richard Doire ou Dominique Ordé,
16:46 tous les deux n'ont pas arrêté d'alerter.
16:50 Richard est embauché,
16:52 même si c'est une embauche purement honorifique,
16:57 puisqu'il n'est pas rémunéré.
16:59 Il est recruté à l'université pour diriger le centre,
17:02 mais en réalité, il lui demande de venir
17:07 pour qu'il mette en ordre une rénovation du centre
17:11 et pour qu'il mène à bien les travaux.
17:13 Et comme il a le sentiment, et il aura raison,
17:17 que les travaux ne verront jamais le jour,
17:19 il finit par démissionner.
17:21 Dominique, elle, est secrétaire générale,
17:25 elle arrive en 2016 au centre,
17:27 et elle n'a de cesse d'alerter, de faire des mails à sa hiérarchie
17:31 pour leur dire que rien ne va finalement.
17:34 Donc tous les deux ont, à mon sens,
17:38 tiré à maintes reprises à leur niveau la sonnette d'alarme.
17:42 Et il ne s'est rien passé.
17:44 Par ailleurs, ils arrivent quand même,
17:46 puisque Richard arrive au centre en 2014,
17:48 et Dominique en 2016, en fin de circuit de l'affaire,
17:52 puisque le centre ouvre en 1953,
17:55 et les dysfonctionnements, comme on le raconte dans le livre,
17:58 sont très très antérieurs,
18:00 puisque nous avons tous, et des témoignages permettent de le dire,
18:04 que les dysfonctionnements commencent en réalité dans les années 60-70.
18:08 Vous parlez de dysfonctionnement,
18:10 on est au-delà du dysfonctionnement,
18:12 quand on lit ce que vous racontez dans le livre,
18:15 qui dépasse l'entendement, encore une fois,
18:17 sur la manière dont travaillent tous ces manipulateurs,
18:21 ceux qui font bouillir les têtes pour en extraire les cerveaux,
18:24 ceux chez qui on a retrouvé des têtes faites en lampes,
18:28 des morceaux des dents,
18:30 enfin, ce que vous décrivez de l'état d'horreur,
18:32 et il y a ces photos,
18:34 et la question que j'avais envie de vous poser,
18:36 c'est pourquoi avoir voulu montrer ces photos ?
18:39 Je vous pose la question, mais j'ai la réponse,
18:41 parce qu'il suffit de voir la tête des gens
18:43 à qui j'ai montré ce matin les photos,
18:45 pour comprendre que c'était essentiel.
18:47 - Parce que je pense, même si mon métier c'est l'écrit,
18:51 je pense que dans certains cas,
18:53 et ça ne m'est pas arrivé souvent dans ma vie de journaliste,
18:56 c'est la première fois,
18:58 que les mots, au bout d'un moment, ne suffisent plus.
19:02 Parce qu'on nous a reprochés,
19:06 quand l'article premier est paru dans l'Express en novembre 2019,
19:10 l'emploi du mot "charnier".
19:12 Or, ce mot a été choisi à l'époque par Bruno Cotte,
19:17 qui est le rédacteur en chef des pages Science à l'Express,
19:20 et on ne savait pas, quand Bruno choisit ce mot,
19:23 que c'était le mot que Dominique Ordé employait elle-même dans ses mails,
19:27 et que c'était ainsi que les gens qui travaillaient à l'université
19:31 employaient pour décrire l'intérieur des frigos.
19:35 Donc, je trouve qu'au bout d'un moment,
19:38 les mots ne suffisent plus,
19:40 on n'a plus assez de vocabulaire, d'imagination,
19:46 pour se figurer ce que c'était,
19:48 et c'est pour ça que montrer ces photos devenait absolument indispensable,
19:54 parce que c'est la preuve absolue et réfutable de ce qui s'est passé.
19:57 - Oui, Gilles n'a pas pu les regarder.
19:59 - Non, moi je n'ai pas pu les regarder, c'est horrible pour moi.
20:02 - C'est des images de camps de concentration,
20:05 ça peut rappeler ce type d'image.
20:08 - Comment vous expliquez cette attitude de ces médecins et de ces humains ?
20:14 Est-ce que finalement ce charnier-là,
20:16 c'est plus par fainéantise de faire les choses dans le bon ordre ou autre,
20:21 c'est pour des histoires financières ?
20:23 Quel était l'intérêt de traiter ces corps comme quelque chose
20:27 qui n'est pas humain, qui n'existe pas ?
20:30 Quel était cet intérêt ? Il y avait un intérêt financier derrière ?
20:33 Il y avait de la revente ?
20:35 - Je pense que la réponse principale à votre question,
20:41 ce sont les anatomistes.
20:43 Les anatomistes, ce sont des gens qui dissèquent et qui trouvent souvent,
20:49 alors pas tous et pas partout,
20:51 que la dissection finalement c'est sale,
20:54 ce qu'ont pensé un certain nombre de présidents successifs de l'université,
20:58 comme par exemple Axel Kahn ou Frédéric Dardel,
21:02 qui d'ailleurs a été mis en examen dans ce dossier.
21:04 Les anatomistes, quand le papier sort en 2019 dans l'Express,
21:09 mais dans le papier de l'Express,
21:11 il y a un centième de ce qu'on explique dans le livre,
21:14 puisque en l'écrivant j'ai été étonnée,
21:17 j'ai appris des choses tous les jours,
21:19 et le tous les jours a quand même duré 9 mois.
21:22 Les anatomistes par exemple, avaient un maître qui s'appelait le professeur Gillot,
21:28 et le professeur Gillot a disséqué jusqu'à l'âge de 90 ans,
21:32 90 ans, donc il n'avait plus charge d'enseignement depuis longtemps,
21:36 à Paris-Descartes.
21:37 Et quand le papier de l'Express sort, ils disent "mais c'était pas si sale enfin,
21:41 Gillot a lui-même donné son corps".
21:43 Mais ce qu'ils oublient de dire, c'est que Gillot
21:45 disséquait des corps VIH et porteurs de l'hépatite
21:49 dans une puanteur telle que les gens faisaient un détour
21:52 pour ne pas s'approcher de la salle de dissection qui lui était dévolue.
21:55 Donc la dissection était pour eux vue comme quelque chose d'intrinsèquement,
22:03 physiologiquement, par essence sale,
22:07 ce qu'ont d'ailleurs estimé les différents présidents de l'université.
22:11 Et ça c'est une partie de la réponse, et après tout s'enchaîne.
22:15 Comment voulez-vous que des préparateurs qui n'ont pas fait d'études
22:18 – certains sont bouchés, d'autres thanopracteurs –
22:21 qui ont l'immense mérite, d'après ce qu'ils racontent,
22:25 de rentrer dans les ors de l'université française,
22:30 puissent avoir des repères quand l'un des anatomistes majeurs de sa discipline
22:36 dissèque des corps VIH et porteurs de l'hépatite ?
22:39 C'est impossible, c'est un monde, c'est ça qu'il faut bien avoir en tête,
22:43 où les normes, où le bien et le mal,
22:46 tout ce dont vous avez connaissance, est aboli.
22:52 Et à partir de là, tout devient possible.
22:54 Et on rappelle, vous le disiez vous-même,
22:56 votre enquête est parue au départ dans l'Express en 2019,
23:00 et des décisions ont été prises en 2022 ?
23:05 Alors, le centre ferme le soir même de la mise en ligne du papier de l'Express.
23:11 Et une enquête préliminaire est ouverte dans les jours suivants,
23:15 et une instruction judiciaire dans les mois suivants.
23:18 Et le centre n'a jamais rouvert, et il ne rouvrira jamais.
23:21 La majorité des corps est à 4 degrés,
23:25 je ne veux pas faire de comparaison, mais permettez-moi,
23:28 vous savez quand vous mettez un morceau, pardon d'être aussi trivial,
23:30 de viande à -18°C, il peut être conservé pendant des années.
23:33 Mais un morceau de viande à 4 degrés dans un frigidaire au bout de 15 jours, 3 semaines,
23:37 il n'est plus valable.
23:39 C'est le professeur Guy Valencien,
23:41 qui devant le conseil départemental de l'ordre des médecins,
23:45 a ses propos qui sont un petit peu plus longs.
23:49 Pourquoi avons-nous cette spécificité de corps gardé à 4 degrés ?
23:52 Parce que cette dissection est bien meilleure.
23:54 On parle à des familles de victimes,
23:57 et on leur explique que c'est un bout de viande, c'est ça ?
24:00 C'est ce que répond l'une des familles d'une de ces personnes,
24:04 dont le père a été...
24:06 Oui, ce passage est très intéressant,
24:08 j'ai choisi de le mettre dans l'avant-propos.
24:11 En fait, le professeur Guy Valencien,
24:13 c'est une sommité dans le monde de la médecine en France.
24:16 Il a été l'urologue de François Mitterrand,
24:19 il a été conseiller de différents ministres de la santé,
24:22 que ce soit Roselyne Bachelot, Jean-François Matéi,
24:24 Xavier Bertrand.
24:26 Il a tenu la semaine dernière un grand rout à Chamonix,
24:30 dans le cadre de son think-tank sur le management de la santé,
24:34 auquel étaient conviés et sont venus
24:37 trois ministres en exercice,
24:39 Stanislas Guérini, Aurélien Rousseau,
24:42 et M. Lescure, le ministre de l'Industrie,
24:46 plus une ancienne ministre, Elisabeth Hubert,
24:48 le patron de la CNAM, le patron de la Sécurité Sociale,
24:51 la patronne de l'Agence du Médicament,
24:53 tout ce que l'industrie pharma compte de ce comité en France, etc.
24:56 Et le professeur Valencien a une double casquette,
24:59 puisqu'il a ouvert une école privée de chirurgie
25:03 au sein de l'Université des Carts,
25:05 et quelques années plus tard, il est devenu directeur
25:08 du centre du don des corps, donc il cumulait les deux,
25:12 et en fait, il achetait des corps
25:15 à des tarifs très préférentiels qu'il avait en tant que directeur,
25:19 pour, via son école européenne de chirurgie,
25:22 les revendre à l'industrie.
25:25 Mais tout ceci était parfaitement légal, encadré,
25:28 connu et tamponné par l'université.
25:31 Est-ce que lui est mis en examen ?
25:33 Qui est mis en examen dans cette affaire ?
25:35 Alors Guy Valencien n'est non seulement pas mis en examen,
25:37 mais il est pas mis en examen.
25:42 Les seuls mis en examen sont deux préparateurs
25:44 dont on parle dans le livre et auquel vous avez fait allusion tout à l'heure,
25:48 qui sont ceux chez qui moult têtes, dents, etc. ont été saisis.
25:55 Frédéric Dardel, l'ancien président de l'université
25:58 qui était après conseiller ministériel de Frédéric Vidal,
26:02 et enfin l'université en tant que personne morale.
26:05 C'est justement à cause de tout ce bouglie-bougla politique
26:11 qu'on a choisi d'appeler ce livre "Le charnier de la République".
26:15 Merci beaucoup Anne-Joan d'avoir été avec nous.
26:17 Ce livre est indispensable, essentiel, pour comprendre ce qui a pu se passer.
26:22 C'est une lecture qui se fait de façon très accessible,
26:30 j'ai envie de dire, pour nos auditeurs.
26:32 Ce sont des chapitres assez courts.
26:34 C'est un livre à trois voix, vous Anne-Joan, le professeur Richard Doir et Dominique Ordé,
26:39 qui expliquent. On parle d'anatomie,
26:42 on parle de fonctionnement d'une institution comme celle-là,
26:44 et puis les photos. - De maltraitance.
26:46 - Oui, de maltraitance. Et on voit les photos à la fin qui sont absolument abominables.
26:51 C'est paru chez Robert Laffont et bravo pour cette enquête.
26:53 Anne-Joan, merci d'avoir été avec nous ce matin.

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