Eric de Riedmatten reçoit chaque week-end un invité dans #LHebdoDeLEco pour approfondir un sujet économique.
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00:00 L'épisode de l'écho pour vous parler de la méthanisation, le gaz vert qui se développe en France.
00:05 Cela fait dix ans que la production de gaz vert se développe grâce aux agriculteurs qui valorisent les déchets verts et qui produisent donc ce gaz.
00:12 On en parle avec Frédéric Martin. Merci d'être avec nous. Vous êtes directeur général adjoint de GRDF.
00:18 Alors bilan, ça existe vraiment ce gaz vert maintenant ?
00:20 Bonjour Eric. Oui tout à fait. Ça fait en fait cette semaine les dix ans de la méthanisation.
00:24 Alors la méthanisation c'est quoi ? C'est simplement la création de biogaz à partir de dégradations de déchets organiques d'origine animale ou végétale.
00:32 Et on commence à voir fleurir dans les campagnes françaises des yourdes dans lesquelles les agriculteurs mettent leurs déchets agricoles ou d'élevage.
00:38 Des yourdes, c'est-à-dire ce sont des grandes citernes ?
00:41 Ce sont des grandes citernes qui sont complètement étanches.
00:43 Et la dégradation par les bactéries de ces déchets génère deux produits du gaz naturel, entre guillemets ce qu'on appelle le biométhane,
00:50 à faible contenu carbone qui est à peu près équivalent au photovoltaïque,
00:54 et du digesta qui est utilisé ensuite pour les agriculteurs en substitution des engrais chimiques.
00:58 Alors ce qui est important c'est que tous les déchets agricoles, même ceux des particuliers d'ailleurs,
01:03 sont mis dans ces citernes et vont créer un gaz qui sera utilisé, c'est ça ?
01:07 Tout à fait. Tous les déchets organiques peuvent être traités de cette manière-là par la méthanisation.
01:12 On retrouve le même dispositif pour traiter par exemple les biodéchets.
01:14 Vous savez qu'au 1er janvier les collectivités vont collecter ces biodéchets.
01:18 Ce sont des biodéchets des particuliers et donc ça va pouvoir être méthanisé.
01:22 Il y a également les collectivités qui investissent beaucoup dans les stations d'épuration,
01:26 où là on récupère la matière organique pour faire du biométhane.
01:30 Donc il faut le prendre au sérieux, c'est-à-dire que ça représente une part importante aujourd'hui de la production ?
01:34 Tout à fait. Alors pour le prendre au sérieux, aujourd'hui on atteint 11 TWh, donc c'est important.
01:40 C'est-à-dire c'est combien ?
01:41 Voilà. Pour avoir une ordre d'idée, c'est 600 méthaniseurs qui existent aujourd'hui,
01:46 délivrent une puissance et une capacité à produire en énergie équivalente à deux réacteurs nucléaires.
01:50 Donc on voit bien que c'est important.
01:53 Mais c'est pas rien.
01:54 Et ça a été fait en moins de 10 ans et principalement sur les cinq dernières années.
01:57 Et on pourrait faire plus sans toucher bien sûr aux productions agricoles ?
02:00 Alors c'est pas qu'on pourrait faire plus, c'est qu'on va devoir faire plus.
02:03 Très clairement, la feuille de route qu'a fixée le gouvernement pour 2030,
02:08 c'est qu'il va falloir multiplier par 5.
02:10 C'est-à-dire qu'en gros, en 2030, il va falloir qu'on soit à l'équivalent d'à peu près 10 réacteurs nucléaires.
02:13 Tout ça pour substituer le gaz fossile qui aujourd'hui est importé.
02:16 Et pas au détriment des cultures bien sûr.
02:19 Ah non, non, non.
02:19 On va sacrifier des cultures.
02:20 Vous savez la particularité de la méthanisation à la française ?
02:22 Le législateur a vraiment mis des gardes fous pour éviter qu'il y ait une compétition
02:28 entre les cultures à vocation alimentaire et les cultures, j'allais dire, résiduelles et les déchets.
02:32 C'est ça.
02:33 Qui eux servent à la fabrication de méthane.
02:34 Mais alors du coup, l'agriculteur lui va être rémunéré ?
02:36 Alors c'est pas sa première motivation.
02:38 Évidemment, il a un petit revenu.
02:40 Mais sa première motivation, c'est de récupérer ce digestat.
02:43 Aujourd'hui, les agriculteurs utilisent énormément d'engrais.
02:46 Ils vont chercher sur le marché.
02:48 Ils dépendent des prix des énergies fossiles qu'on connaît très variable.
02:50 Ils préfèrent utiliser ce digestat qui est naturel.
02:52 Ça veut dire qu'on va remplacer le gaz fossile ?
02:55 C'est la fin du gaz fossile ?
02:56 De toute façon, en 2050, clairement, il ne faut plus de gaz fossile qui circule dans nos tuyauteries, dans les installations.
03:03 Le plus simple, c'est de verdir le gaz que l'on utilise.
03:05 Et l'intérêt du biométhane, comme c'est la même molécule mais avec un contenu carbone plus faible,
03:10 le particulier, l'industriel, n'a absolument besoin de rien changer.
03:13 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, sa chaudière, il doit passer du gaz.
03:17 Dans certains départements où on atteint déjà 15%, les gens consomment du gaz vert.
03:22 Sans le savoir ?
03:23 Sans le savoir.
03:24 Mais dans le mix énergétique, il pèse combien ?
03:26 Aujourd'hui, on est à peu près 12 T, c'est à peu près 2% du gaz global.
03:31 Mais si on compare au gaz utilisé dans l'usage d'habitation, par exemple, c'est 10%.
03:35 On fait à peu près 120%.
03:37 Et en 2030, ce sera presque 50%.
03:41 D'accord.
03:41 J'aimerais savoir, on devient indépendant grâce à ça ?
03:44 On a déjà le nucléaire souverain grâce au nucléaire.
03:47 Avec le gaz vert, on peut l'aider encore plus ?
03:48 Non seulement on devient indépendant, puisqu'on rapatrie la production en France.
03:53 Il y avait un rapport qui avait montré qu'on pouvait créer énormément d'emplois.
03:57 Aujourd'hui, on a créé 8000 emplois directs et indirects.
03:59 En moins de 5 ans, c'est absolument considérable.
04:02 Qui n'inclut pas les agriculteurs ?
04:04 Non, bien sûr.
04:05 Mais par contre, ils créent des emplois dans les zones rurales, qui pérennisent des emplois.
04:08 Ça, c'est un point important.
04:10 Et l'autre point important, c'est que c'est une énergie qui est complètement stockable.
04:13 Donc c'est une énergie qu'on produit en France, qui est bas carbone, qui est stockable,
04:17 et qui permet de passer les pointes en hiver quand les températures chutent.
04:20 Les agriculteurs, vous les recherchez aujourd'hui ? Vous les recrutez ?
04:24 Non, c'est plutôt une démarche des agriculteurs eux-mêmes,
04:28 qui en fonction des déchets qu'ils ont sur l'exploitation
04:31 et de leur souci de se passer des engrais, basculent sur la méthanisation.
04:34 Et pour le consommateur, c'est intéressant pour lui ? Est-ce qu'il paiera moins cher son gaz ?
04:38 Alors, aujourd'hui, les agriculteurs, 100 000 clients, ont déjà basculé sur des offres gaz verts.
04:45 Et l'intérêt pour l'agriculteur, mais également pour la France,
04:48 c'est que le coût de cette énergie renouvelable
04:52 est beaucoup plus stable que celle que l'on peut trouver sur les marchés internationaux.
04:54 Et on sera vraiment indépendant ?
04:56 Aujourd'hui, on est à peu près à 100 euros du mégawatt-heure.
04:59 Une fois qu'on a amorti ces premières installations,
05:02 on tombe sur un prix qui est équivalent aujourd'hui au coût du nucléaire que l'on constate.
05:06 Oui, mais est-ce que vraiment on le paiera ce prix-là ?
05:07 Est-ce qu'on ne va pas être coincé encore par un marché européen qui nous impose des prix élevés ?
05:10 Non, parce que c'est vraiment du gaz qui est produit en France et destiné à la France.
05:15 Et d'ailleurs, il y a deux dispositifs qui sont en cours de préparation par les pouvoirs publics.
05:19 Le premier, c'est pour passer d'un mécanisme de budget à un mécanisme de marché,
05:23 c'est-à-dire obliger les fournisseurs à prendre une part de gaz vert
05:26 dans l'alimentation qu'ils ont et dans la fourniture des gaz aux particuliers.
05:30 Et ça, ça va permettre d'aller plus vite.
05:32 Et puis un deuxième dispositif qui va permettre de développer d'autres technologies
05:35 pour d'autres intrants et donc pour augmenter encore le potentiel.
05:38 Donc vraiment une feuille de route ambitieuse.
05:40 On a les solutions, on a les hommes, on a les technologies.
05:43 C'est une filière française.
05:44 C'est très bien, mais qu'est-ce qui manque pour le diffuser plus largement encore ?
05:47 Pourquoi on ne le fait pas plus ?
05:49 Il va falloir le faire plus vite parce qu'on attend ces deux mécanismes de soutien.
05:53 C'est vraiment ces deux mécanismes de soutien que l'ensemble du secteur économique attend.
05:58 Frédéric Martin, merci d'être venu sur CNews.
06:00 Je rappelle, directeur général adjoint de GRDF.
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