Eric de Riedmatten reçoit chaque week-end un invité dans #LHebdoDeLEco pour approfondir un sujet économique.
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00:00 Raphaël Chevrier, vous travaillez pour une filiale d'Ariane Group,
00:03 elle s'appelle MyAspes, et vous publiez un livre
00:06 pour dénoncer les problèmes dans l'atmosphère,
00:09 cette nouvelle pollution qui vient de l'espace.
00:12 Vous appelez ces personnes les saccageurs de l'espace,
00:15 ceux qui profitent de l'espace pour envoyer des fusées.
00:17 Alors vous dites stop à la conquête spatiale,
00:20 c'est un peu un paradoxe quand on est chez Ariane Group ?
00:22 Alors pas du tout, ce n'est pas du tout un paradoxe,
00:24 parce que l'objectif de ce livre, c'est justement d'alerter
00:27 sur le risque de ne plus pouvoir envoyer de fusées dans l'espace
00:30 en raison des débris qui tourneraient autour de la Terre,
00:34 qui seraient trop nombreux, en raison d'une recrudescence
00:36 des tensions géopolitiques exportées à l'espace.
00:39 Je ne sais pas si on se rend compte aujourd'hui
00:41 à quel point les satellites sont indispensables à notre quotidien.
00:44 Chaque citoyen européen utilise une cinquantaine de satellites par jour.
00:48 Donc pour moi, c'est un vrai sujet de société.
00:50 Chaque citoyen, combien vous dites ? Cinq ?
00:52 Cinquantaine de satellites par jour pour se déplacer,
00:55 pour communiquer, pour synchroniser les réseaux.
00:59 Donc c'est un vrai sujet de société.
01:00 Donc il y a un moment où ils vont se télescoper,
01:02 tous ces satellites, où ça va faire des débris dans l'espace ?
01:04 Il y en a déjà, déjà.
01:05 En fait, le problème, c'est qu'aujourd'hui,
01:07 on assiste à une sorte de ruée vers l'orbite basse.
01:09 L'espace, c'est quelque chose d'immense,
01:11 mais les zones économiquement intéressantes sont extrêmement réduites.
01:14 Aujourd'hui, vous avez un acteur qui s'appelle Elon Musk,
01:17 avec sa société SpaceX, qui déploie un nombre phénoménal
01:20 de satellites en orbite basse.
01:22 En quatre ans, il a déployé plus de 5000 satellites
01:26 à 550 km de la Terre, donc c'est très rapproché.
01:29 C'est à peu près la moitié de tous les satellites
01:32 qui ont été envoyés depuis le début de la conquête spatiale.
01:34 Mais là, vous vous dites, c'est presque une concurrence déloyale
01:36 par rapport à nous, Européens, avec Ariane.
01:38 C'est-à-dire qu'il en lance trop par rapport à nous ?
01:40 C'est-à-dire qu'il est dans une logique du premier arrivé,
01:43 premier servi, il a évidemment réussi son modèle économique.
01:46 Il a des succès opérationnels qui sont absolument incontestables,
01:49 mais ça ne devrait pas nous empêcher d'avoir un certain esprit critique.
01:52 Et aujourd'hui, si vous mettez, c'est le nombre qui fait le poison,
01:54 si vous mettez 5000 satellites et il a des plans pour en mettre 30 000
01:59 à l'avenir sur une zone réduite, vous augmentez le risque de collision.
02:03 Je ne sais pas si vous avez vu le film Gravity où à un moment donné,
02:06 vous avez des collisions entre deux satellites qui provoquent
02:09 une sorte de réaction en chaîne.
02:11 Et à la fin, le risque, c'est que lui, il aura fait son argent dans l'espace,
02:14 mais nous, on n'aura plus possibilité d'atteindre ça.
02:16 Alors lui, il dit que ce sont des vols low cost, écolo, récupérables.
02:19 C'est un peu vrai quand même.
02:20 Il faut reconnaître que c'est l'un des premiers qui a respecté l'écologie spatiale.
02:24 Alors moi, je ne dirais pas ça en ces termes, parce que avant de parler de vols
02:27 écolo, surtout concernant des fusées, il faut d'abord mieux caractériser
02:32 l'impact environnemental d'une fusée.
02:34 Et aujourd'hui, on voit que la recherche a beaucoup de retard
02:37 parce qu'on restait sur des volumes d'activité assez restreints.
02:40 Mais contrairement aux avions, par exemple, une fusée rejette
02:44 des produits de combustion sur toutes les couches de l'atmosphère,
02:46 y compris les couches les plus hautes.
02:48 Et là, la recherche pense que l'impact environnemental est démultiplié.
02:53 Et en l'occurrence, SpaceX, il envoie des produits de combustion à l'aller et au retour.
02:58 Je comprends, vous n'aimez pas Elon Musk.
02:59 Même vous dites dans votre bouquin, c'est un charlatan, un pollueur.
03:02 C'est le business avant tout.
03:03 Bon, c'est de bonne guerre parce que vous, chez Ariane Group,
03:05 vous avez Ariane Espace, vous avez intérêt à promouvoir vos fusées.
03:07 Mais vous faites de la pollution, vous générez des polluants aussi, vous.
03:10 Oui, mais c'est pour ça que c'est intéressant ou en tout cas,
03:13 je trouve ça très important dans ce contexte-là d'urgence climatique
03:17 de réfléchir au sens des missions spatiales que l'on réalise.
03:20 C'est-à-dire utile avant tout.
03:21 Utile avant tout pour comprendre notre univers, pour mieux communiquer.
03:25 Mais quand vous envoyez, par exemple, je ne sais pas moi,
03:28 des satellites pour faire de la publicité dans l'espace,
03:30 quand vous envoyez des touristes dans l'espace,
03:32 là, le bilan carbone est absolument indéfendable.
03:35 Là, vous dites tourisme spatial honte à Elon Musk parce que ça va trop loin.
03:39 Puis c'est beaucoup d'argent qu'on exploite un peu des personnes, même riches.
03:43 Mais c'est un peu se moquer du monde. C'est ça que vous voulez dire ?
03:45 Il y a des questions d'éthique autour de...
03:47 Ce n'est pas le seul, il y a Bronson aussi qui en fait.
03:49 Exactement, il y a Jeff Bezos.
03:52 Et vous avez une sorte de course aux milliardaires dans l'espace,
03:56 encore une fois, avec un bilan carbone qui est assez désastreux,
03:59 au-delà des aspects éthiques liés aux valeurs de l'ultraluxe.
04:03 Vous savez, un touriste qui va dans la Station spatiale internationale,
04:07 en tout cas, qui en fait le tour, c'est 4,5 fois le budget carbone
04:13 d'un Européen qui vivrait pendant 85 ans.
04:16 Bon, d'accord, on décryptera parce que c'est un chiffre, il faut l'analyser.
04:20 C'est quoi le message de votre livre ?
04:22 Il faut un code européen de l'espace ?
04:24 C'est ça que vous pouvez imposer ?
04:25 Il faut un code mondial de l'espace parce qu'aujourd'hui, vous avez...
04:28 J'explique aussi dans ce livre que vous avez
04:30 une sorte de démonstration de force entre pays.
04:33 Vous avez une exportation des tensions géopolitiques
04:36 que l'on vit sur Terre, dans l'espace.
04:38 Et à un moment donné, il va falloir que tout le monde se mette d'accord
04:41 pour pouvoir faire un corde de la route dans l'espace.
04:44 Ça, c'est la première urgence.
04:44 Ce qui n'existe pas aujourd'hui.
04:45 Ce qui n'existe pas aujourd'hui.
04:47 Sur Terre, vous avez réussi, par exemple, avec des feux rouges,
04:49 à réduire le nombre d'accidents de voitures,
04:51 alors que le nombre de voitures a explosé ces dernières années.
04:54 Dans l'espace, vous n'avez pas de priorité à droite.
04:56 Un petit satellite n'a pas l'obligation de sceller le passage face à un gros
05:00 satellite et donc vous avez des risques de collision qui sont démultipliés.
05:03 Il y a aussi une menace qui vient de l'espace.
05:05 À vouloir envoyer des satellites tous azimuts,
05:08 on prend le risque d'accélérer la guerre cyber un peu.
05:11 C'est ce que dit votre bouquin.
05:13 J'explique à quel point l'espace est devenu aussi
05:16 le théâtre de démonstration de force pour les sphères militaires.
05:20 Les satellites sont absolument indispensables dans notre vie quotidienne.
05:24 Elles sont aussi indispensables pour les forces armées
05:26 qui les utilisent pour faire du renseignement,
05:28 pour soutenir les opérations au sol.
05:31 Et vous avez le saccageur de l'espace, par exemple.
05:33 C'est une expression que j'emprunte à l'ancienne ministre des Armées,
05:36 Florence Parly, lorsque les Russes, en 2021,
05:40 ont procédé à un tir anti-satellite.
05:42 En fait, ils ont fait feu sur leur propre satellite pour dire
05:45 "Regardez, moi, j'ai la capacité, depuis le sol,
05:48 n'importe quand, d'abattre n'importe quel satellite ennemi."
05:51 Le problème, c'est que ça génère des débris
05:53 et qu'ensuite, ça a des conséquences pour tout le monde.
05:55 Dans le conflit actuel Israël-Hamas,
05:58 est-ce que c'est vraiment le cas ?
06:00 Est-ce qu'il y a des satellites qui peuvent reprendre la main,
06:02 détourner des missiles ? Est-ce que c'est possible ?
06:05 Ce qui est sûr, c'est qu'aujourd'hui,
06:07 beaucoup de nations ont des satellites au service de leur armée.
06:11 J'explique aussi dans ce livre que
06:14 la privatisation de l'espace génère aussi une sorte de perte de souveraineté.
06:20 Prenez le cas d'Elon Musk pendant la guerre en Ukraine,
06:23 qui a mis à disposition ses satellites Starlink pour les forces ukrainiennes.
06:28 Et on a appris dans un livre qu'il aurait coupé les communications.
06:31 On peut neutraliser un satellite ?
06:32 Oui, sauf qu'Elon Musk, il ne représente pas son pays.
06:35 Donc, c'est une perte de souveraineté.
06:36 C'est un peu ce qui s'est passé avec Israël,
06:38 où on a supprimé toutes les données.
06:40 On a mis énormément d'informations,
06:42 un flux d'informations tellement énorme que ça a saturé les réseaux.
06:45 Ça aussi, c'est une sorte de menace et de guerre et de nouveaux missiles cyber.
06:48 Merci beaucoup d'être venu sur CNews.
06:51 Restez avec nous.
06:51 Merci beaucoup.
06:53 [Musique]
06:57 [SILENCE]