L'invité du 13h - Thomas B. Reverdy

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L'Invité du 13h (13h - 4 Septembre 2023 - Thomas B. Reverdy)
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00:00 ce qui est un peu fatigant ici, l'impression de vivre des cycles. On s'accroche, on y
00:04 retourne tous les matins, on est dans l'Académie à 21 points, dans le département le plus
00:09 pauvre de France métropolitaine, dans une de ses villes les plus pauvres, coincée dans
00:13 une bordure entre zone franche et zone sensible. Mais on y va, on est là, et ces enfoirés,
00:18 ils nous mettent des bâtons dans les roues. Bonjour Thomas Reverdy.
00:21 Bonjour. Je viens de lire un extrait de votre roman
00:23 "Le grand secours" aux éditions Flammarion, il vient de paraître, c'est une journée
00:28 dans un collège lycée de Seine-Saint-Denis. La chronique d'une émeute qui monte, je
00:33 précise que vous avez écrit ce livre avant les émeutes du début de l'été, mais
00:37 c'est surtout à mon sens un livre sur l'enseignement, sur la relation entre un prof et ses élèves,
00:43 au fond, comment transmettre ? Et ça c'est une question universelle, j'attends les
00:47 questions des auditeurs, des auditrices de France Inter. Questions et témoignages pour
00:52 vous n'hésitez pas, 01 45 24 7000 ou via l'application France Inter.
00:57 Thomas Reverdy, est-ce que vous avez fait votre rentrée ?
00:59 Oui, je l'ai faite dès vendredi avec les professeurs et puis ce matin également,
01:04 on avait tout un ensemble de réunions pour préparer la rentrée des élèves.
01:08 Tout s'est bien passé ? Tout s'est bien passé.
01:10 Dans cette académie, puisque vous y êtes prof dans le 93 et évidemment votre expérience
01:17 de prof nourrit le roman, je vous ai cité pour débuter cette interview, l'académie
01:23 a 21 points, qu'est-ce que ça veut dire ?
01:24 Ça veut dire que c'est là qu'on nomme, ou en tout cas c'était très majoritairement
01:29 le cas lorsque j'ai été moi-même, lorsque je suis devenu professeur et je crois que
01:33 ça l'est toujours, c'est là qu'on nomme les nouveaux arrivants, les nouveaux professeurs
01:36 titulaires qui font leur année de stage et qui atterrissent là où il y a pénurie de
01:41 profs.
01:42 Donc quand ils commencent leur carrière, ils ont 21 points ?
01:44 Voilà c'est ça et puis ensuite ça augmente petit à petit avec l'ancienneté, ils espèrent
01:49 une mutation vers une plus grande ville ou le retour dans leur province natale.
01:53 Beaucoup essayent de capitaliser les points pour partir, d'autres restent, c'est votre
01:57 cas, on y viendra, vous êtes professeur de français vous-même, tout comme Candice qui
02:02 est l'un des personnages principaux du roman, c'est votre quotidien que l'on retrouve
02:07 dans ce roman ?
02:08 Oui, alors c'est un quotidien romancé, c'est-à-dire que c'est avant tout un roman,
02:12 je suis à la fois un peu Candice qui est prof de français de théâtre dans ce lycée
02:18 au bord de l'autoroute en banlieue parisienne et puis je suis aussi un petit peu Paul qui
02:23 vient lui rendre visite pour animer un atelier d'écriture parce qu'il est écrivain et
02:26 qu'il a fait appel à ses services.
02:28 Et c'est un quotidien, oui, c'est disons 20 ans d'exercice en tant que prof de banlieue
02:39 comme ça.
02:40 Vous auriez pu l'écrire plus tôt ce roman que vous publiez depuis 20 ans, Thomas Reverdy,
02:44 vous auriez pu raconter cette expérience et en faire une fiction, un roman, beaucoup
02:48 plus tôt, pourquoi maintenant, pourquoi avoir attendu ?
02:49 Je crois qu'il y a un mélange de plusieurs choses.
02:52 D'abord, au fil de mes romans successifs, on me renvoyait de plus en plus l'image d'une
02:58 forme d'engagement, d'un écrivain engagé, etc.
03:00 Et moi, comme j'ai toujours conservé un peu un pied dans ces deux vies à la fois,
03:04 de romancier et de professeur, j'avais une sorte de scrupule et j'avais l'impression
03:11 que mon engagement se situait plutôt du côté de ma vie de professeur parce que c'était
03:15 un engagement plus physique, quoi, disons.
03:17 Et donc, j'ai eu envie de réunir les deux, de dire d'où ça venait, en quelque sorte,
03:23 cet engagement qu'on pouvait percevoir dans d'autres romans.
03:25 Et puis, sans doute, ça arrive aussi à un moment où peut-être que comme mon personnage
03:30 de Candice, j'ai éprouvé moi-même un peu de lassitude d'avoir des cycles de dégradation
03:35 se renouveler à la fois dans l'enseignement et en banlieue.
03:38 Et bien malheureusement, j'ai été en quelque sorte rattrapé par l'actualité de cet été
03:43 puisqu'on a vu les émeutes de nouveau se déclencher.
03:48 Le moment, c'est donc une parution deux mois après les émeutes du début de l'été.
03:52 Et vous démontez, et vous le faites très bien, dans ce livre, la mécanique de l'émeute.
03:56 Au début, il y a le passage à tabac d'un jeune lycéen par un policier en civil.
04:01 Ça, c'est l'étincelle.
04:02 Et il y a un personnage qui va basculer ces mots, qui est l'un des personnages centrales
04:07 de cette histoire.
04:08 Oui, c'est un personnage qui est un jeune lycéen.
04:11 Il est élève en seconde.
04:13 Il vient d'un quartier défavorisé.
04:15 Mais c'est un gamin imaginatif, un peu poète à ses heures, un peu musicien, qui est soutenu
04:25 par ses professeurs qui l'encouragent parce qu'il voit qu'il y a du potentiel.
04:28 Il pourrait faire des études, mais il est un peu rattrapé par la vie du quartier, les
04:33 fréquentations, les copains.
04:34 Mais il y a quand même cette rectitude chez lui.
04:35 Il sait qu'il ne faut pas fréquenter.
04:36 Il essaie de se tenir dans le droit chemin quand même.
04:39 Oui, bien sûr.
04:40 C'est un bon gamin.
04:41 On a envie qu'il s'en sorte.
04:42 Mais il finit par faire une très grosse bêtise.
04:44 Et vous, vous racontez cette bascule-là.
04:46 Comment au fond, un élève qui essaye de se tenir à l'écart finit par être happé
04:51 par l'environnement ?
04:52 Oui, alors il finit par faire une très grosse bêtise, mais pas la pire.
04:59 On ne va pas raconter la fin, mais en tout cas, ça se termine.
05:03 Je pense que ça s'appelle le grand secours aussi parce qu'on arrive un peu à le sauver
05:07 à la fin quand même.
05:08 Et oui, il est rattrapé par tout ça, par ce dont on parle tout le temps, les déterminismes
05:15 sociaux, le fait qu'on ne s'en sorte pas, le fait que ça soit très difficile d'en
05:19 sortir.
05:20 Alors en même temps, ce n'est pas le fait général.
05:26 Le fait général, c'est que les gamins qui sont au lycée passent leur bac et qu'ensuite,
05:30 ils font des études et qu'en fait, ils s'en sortent.
05:32 Simplement, cet effet de paralysie de l'ascenseur social, on le mesure plutôt à l'échelle
05:39 du territoire que des individus parce qu'aussitôt qu'on s'en sort, on s'en va et on est immédiatement
05:44 remplacé par quelqu'un d'encore plus pauvre qui vient d'arriver.
05:47 Donc le territoire, lui, ne s'en sort pas.
05:49 Les profs se débattent avec ses élèves qui cumulent les difficultés.
05:53 Il y a le manque de moyens, il y a le manque de profs.
05:55 Et vous faites dire à l'un des personnages, c'est page 196, on revient à cette question
06:01 peut-être de l'enfermement.
06:02 Le ghetto, ce n'est pas quand tous les élèves viennent du même quartier pourri, mais également
06:07 leur professeur, le vase-clos abandonné de la République, le bendo.
06:12 C'est quoi le bendo ? Pour ceux qui écoutent régulièrement du rap, c'est un mot qui
06:16 vient régulièrement.
06:17 La prof de français trouve qu'ils sont très imaginatifs sur le plan langagier et
06:21 c'est une des dimensions du roman.
06:22 D'ailleurs, ça parle aussi du langage et ça parle de la culture classique qu'on
06:26 essaye de transmettre à l'école, etc.
06:28 Le bendo, pour ceux qui ne connaissent pas, c'est un mot qui vient de l'anglais,
06:32 qui vient des "abandonned places", qui sont les centres-villes abandonnées de la
06:38 Rust Belt, notamment au nord des États-Unis, les endroits comme Détroit, dans le Michigan,
06:43 dans lequel j'avais déjà situé un roman.
06:47 Il y a un parallèle entre la Seine-Saint-Denis et Détroit.
06:50 Exactement.
06:51 Il a été récupéré, notamment dans le rap, comme un mot qui décrit ces endroits abandonnés.
06:56 Alors non pas par les habitants, cette fois-ci, mais par la République.
06:59 Et donc, ces élèves ont conscience, ou en tout cas le sentiment d'être dans un
07:04 ghetto, de vivre dans ce bendo, renforcé par le fait qu'on manque de profs et parfois
07:09 on fait appel à des gens qui n'ont pas forcément toutes les cartes en main pour
07:13 enseigner ?
07:14 Oui, vous avez entendu, comme tout le monde, la pénurie de postes pourvus à la rentrée
07:20 scolaire.
07:21 Là, un peu plus de 3000 sur la voie des concours.
07:24 Mais en fait, on va quand même mettre des professeurs devant les élèves.
07:29 Simplement, on va les recruter en cinq minutes, en les appelant parce qu'ils se sont inscrits
07:33 sur le site du rectorat et on tombera sur un peu n'importe qui.
07:36 Alors parfois, c'est des gens formidables.
07:38 Et quand c'est des gens formidables, tout se passe bien.
07:40 Mais ce n'est pas toujours le cas.
07:41 Thomas Reverdy, l'absence de mixité, c'est le principal problème aujourd'hui ?
07:46 Alors, je ne sais pas.
07:49 Moi, ça reste un roman.
07:50 C'est-à-dire, je suis des trajectoires de personnages, leur point de vue, etc.
07:53 Je les mêle et il en ressort sans doute quelque chose de contrasté, de parfois paradoxal.
07:59 Sur l'absence de mixité, ce qui frappe quand on y travaille en banlieue, c'est qu'elle
08:04 a été assez largement organisée, cette absence de mixité.
08:07 Je veux dire par là que, par exemple, à Bondy-Nord, les cités HLM jusqu'en 2006,
08:12 si je ne me trompe pas, étaient la propriété de la mairie de Paris.
08:15 C'est-à-dire que la mairie de Paris rénovait la goutte d'or et envoyait, par exemple, à
08:20 l'extérieur, toutes les familles dont on ne voulait plus dans notre belle capitale.
08:23 Et à partir du moment où ils étaient 14 km au-delà du périph' là, quand l'ascenseur
08:29 tombait en panne, on ne s'en occupait pas beaucoup.
08:30 Donc, elle est organisée, c'est ce que vous nous dites, cette absence de mixité ?
08:33 Oui, c'est ce que décrit, par exemple, le constat que fait, par exemple, Belmessousse,
08:39 le sociologue sur la petite histoire politique des banlieues populaires.
08:43 Et en fait, elle l'a toujours été, à vrai dire.
08:45 C'était des banlieues avec des usines, Rhone-Poulenc et compagnie, où on avait une
08:49 espérance de vie assez courte, il y a 60 ans.
08:52 Et quelles conséquences elle a pour les élèves, concrètement ?
08:55 Pour les élèves, c'est compliqué.
09:02 Mais c'est des jeunes gens.
09:03 Enfin, je veux dire, il ne faut jamais perdre de vue ça.
09:05 C'est un métier, alors là, pour le coup, à la fois prof et écrivain, pour des raisons
09:10 très différentes.
09:11 Mais prof, c'est un métier qui porte à l'espoir, malgré tout.
09:14 Parce que le fait de travailler avec des jeunes, je veux dire, quand ils ont 15 ans, eux ne
09:18 sont pas du tout au courant.
09:19 Ils n'ont pas lu Bourdieu, ils n'écoutent pas les mêmes radios que nous.
09:22 Ils ne savent pas tout ça.
09:23 Et donc, ils ont les mêmes espoirs, les mêmes désirs, les mêmes colères que n'importe
09:29 quel adolescent.
09:30 Et moi, je l'ai vu en pratique.
09:34 Dans le lycée où j'enseigne, on a eu longtemps un partenariat avec l'Institut d'études
09:38 politiques de Paris, Sciences Po, du temps de Richard Découin.
09:40 On a fait rentrer des dizaines et des dizaines d'élèves dans cette institution prestigieuse.
09:45 Au bout de trois mois, ils parlaient le 7e arrondissement.
09:48 Ils ont un cerveau plastique, ils sont jeunes, ils sont brillants et ils peuvent devenir
09:53 ministres de l'éducation demain.
09:54 Et ils peuvent étudier tous les textes, tous les textes classiques.
09:58 Tout dépend de comment ils sont enseignés.
10:00 Il y a des pages magnifiques sur la confrontation entre les élèves et le bourgeois gentilhomme
10:07 de Molière.
10:08 Des pages magnifiques sur ce que c'est d'enseigner.
10:10 A bon dit, comme ailleurs, je le disais, c'est une question universelle.
10:13 C'est quoi pour vous enseigner, Thomas Reverdy ?
10:15 Enseigner, c'est transmettre, c'est surtout éveiller, provoquer des rencontres.
10:23 Je crois qu'apporter un modèle différence, présenter aux élèves comme quelqu'un
10:28 de différent d'eux, qui va leur apporter d'autres choses.
10:30 Tout le sens de l'éducation, c'est l'émancipation.
10:33 C'est de provoquer des rencontres avec des textes, avec des gens qui vont leur ouvrir
10:38 des perspectives de liberté.
10:41 Donc ça veut dire les confronter à quelque chose de différent ? C'est ça pour vous
10:47 enseigner le premier pas, si je puis dire ?
10:49 Oui, pour les confronter eux-mêmes.
10:51 Internet et les mass-media font très bien.
10:54 Donc effectivement, l'intérêt de ramener un agrégé de français devant une classe
10:59 de 36 élèves qui n'ont pas choisi d'être là, c'est que ça leur propose quelque
11:02 chose d'un peu différent.
11:04 Question de Christine qui nous envoie un message d'Alsa, c'est-ce qu'il ne faudrait
11:07 pas passer un diplôme de savoir transmettre avant d'enseigner au niveau de la transmission
11:12 ? Un professeur n'a pas forcément cette qualité, c'est un savoir-faire qu'il doit
11:16 acquérir avant d'exercer sa profession.
11:18 Oui, alors je ne sais pas.
11:19 Bien sûr, c'est un savoir-faire qui serait souhaitable d'avoir acquis avant.
11:26 Mais je ne pense pas que rien ne nous y prépare.
11:31 Je crois qu'ouvrir la porte et découvrir, je dis encore, 36 gamins de 16-17 ans, d'un
11:37 mètre 80, qui vous regardent avec leurs billes rondes et qui n'ont pas vraiment fait
11:41 le choix d'être là, et il va falloir les convaincre ou les séduire, d'une manière
11:46 ou d'une autre, de suivre un cours sur la princesse de Clèves ou les équations différentielles.
11:50 En fait, ce n'est vraiment pas gagné.
11:54 Non, il faut être bien accroché.
11:56 Ça nécessite un réel engagement.
11:58 Et donc, si ça ne passe pas, les gens assez vite font autre chose.
12:04 Parce que les 35 gamins, ils sont sans pitié.
12:06 Il faut les capter à chaque instant, il ne faut pas les lâcher.
12:08 Oui, c'est 18 heures de direct par semaine.
12:11 Nous, c'est une heure, entre 13h et 14h.
12:14 Je mesure la difficulté, Thomas Reverdy.
12:16 Marie-Claude nous appelle de Paris.
12:18 Bonjour Marie-Claude.
12:19 Bonjour monsieur.
12:20 Nous vous écoutons.
12:21 Ce serait pour lancer un appel à reprendre des formations professionnelles dignes de
12:28 ce nom.
12:29 Parce que moi, j'ai ce que je disais à la jeune femme qui m'a accueillie.
12:32 J'ai démarré en 1962 à la Plaine Saint-Denis.
12:36 Mes élèves, tout garçon, vivaient dans le bidonville des Francs-Moisins qui était
12:42 à l'emplacement où est le Stade de France actuellement.
12:44 Donc, c'était de pauvres garçons.
12:46 Je me suis retrouvée avec 32 garçons, avec 9 ans de différence avec le plus âgé.
12:52 Donc, je pense, si je m'en suis tirée tout à fait honorablement, c'est que j'avais
12:56 reçu une formation professionnelle de deux années à l'école normale d'institutrice
13:02 des Batignolles.
13:03 Où j'avais d'ailleurs passé aussi le bac.
13:05 Merci à vous Marie-Claude pour ce témoignage.
13:07 On revient à la question de la formation, Thomas Reverdy.
13:11 Tout ces corps de métier dans une société qui évolue et qui est parfois assez tendue,
13:18 l'actualité le démontre tous les jours, ça nécessiterait des remises à niveau et
13:24 des formations tout au long de la carrière, dans tout un tas de métiers.
13:27 Malheureusement, ce n'est pas tout à fait le chemin qu'on prend.
13:30 On est tellement tendu pour que chaque prof soit devant sa classe et s'occupe de ses
13:36 élèves.
13:37 Du coup, on a de moins en moins le temps de leur proposer des formations.
13:41 Je parlais de l'enseignement du bourgeois gentilhomme de Molière par Candice, l'une
13:45 des personnages de votre roman.
13:47 Thomas Reverdy, je lis page 232, on rit oui, mais est-ce que ça veut dire qu'on se moque
13:52 de lui ? Là on parle de Monsieur Jourdain, c'est Malik qui a pris la parole.
13:56 Après tout, nous aussi on a des rôles, non ? On prend les aptitudes, tout le monde.
13:59 Ça ne veut pas dire qu'on est ridicule.
14:01 Et là, on trouve des correspondances entre les personnages de Molière et les élèves,
14:07 vos élèves si je puis dire, Thomas Reverdy.
14:09 Oui, ils sont très choqués dans le roman, quand la prof Candice leur propose de travailler
14:15 sur le bourgeois gentilhomme.
14:16 Elle énonce comme une évidence le fait qu'on se moque de Monsieur Jourdain parce que ça
14:21 n'est qu'un parvenu qui rêve d'argent dans une société de classe où en fait, on lui
14:27 fera toujours remarquer qu'il ne s'est pas pelé une poire avec son couteau.
14:29 Et les élèves sont extrêmement choqués parce qu'en fait, elle est en train de les…
14:35 Ils se reconnaissent dans cette situation.
14:36 Oui, elle est en train de les humilier en fait.
14:37 Mais aussi, ils rêvent de réussir.
14:38 Et après tout, c'est bien un idéal que la société de consommation leur propose.
14:43 Donc, pourquoi ce serait ridicule ? Pourquoi on continuerait à prononcer ces jugements
14:46 de classe, etc.
14:47 Et donc, ils poussent la prof à réviser elle-même son jugement sur la pièce et à
14:51 proposer petit à petit une autre interprétation.
14:53 Et donc, il faut continuer à enseigner les classiques.
14:55 Il faut continuer à enseigner les classiques en ne perdant jamais de vue que le sens qu'ils
14:59 doivent prendre, c'est aujourd'hui.
15:01 Dernière question, Thomas Reverdy.
15:03 Je reviens aux 21 points de l'académie.
15:05 Vous les avez, vos points pour partir, je suppose ?
15:08 Oui et non.
15:10 Parce que de temps en temps, je suis…
15:11 De temps en temps, pour d'autres raisons d'écriture, évidemment, qui tiennent au
15:14 fait que j'ai deux vies.
15:15 J'ai pris des congés sabbatiques qui m'ont fait perdre mes points.
15:19 Pourquoi vous restez devant la classe ?
15:21 Écoutez, je crois que c'est un métier qui m'apporte beaucoup et notamment qui
15:29 me rend meilleur.
15:30 C'est-à-dire, je le dis vraiment très honnêtement, ce n'est pas tant pour le…
15:34 Bien sûr, ça donne le sentiment de mon utilité par rapport aux élèves, mais finalement
15:37 par rapport à moi-même, je trouve que c'est un métier qui nécessite un petit peu de
15:41 courage et de générosité et qu'en fait, ce sont des qualités qui me rendent meilleur.
15:45 Merci à vous Thomas Reverdy.
15:47 Le Grand Secours, votre dernier roman, c'est aux éditions Flammarion.
15:52 Merci d'être venu nous en parler dans le 13/14, 13h46.