BE SMART - Le débat du lundi 12 juin 2023

  • l’année dernière
Lundi 12 juin 2023, BE SMART reçoit François-Xavier Oliveau (Directeur associé, Initiative & Finance) , Nicolas Vanbremeersch (président fondateur, Spintank) et Flavien Neuvy (Directeur, Observatoire Cetelem)
Transcript
00:00 - Au tour de la table, François-Xavier Oliveau. Salut François-Xavier. - Bonjour Stéphane. - Directeur associé Initiatives et Finances, la Société d'investissement.
00:13 Nicolas Van Bremerch, salut Nicolas. - Salut Stéphane. - Fondateur de Spintank et président de Renaissance Numérique et Flavien Neuvis. Salut Flavien, économiste.
00:23 Directeur de CETELM, de l'Observatoire CETELM, c'est ça ? - Oui. - Oui, CETELM. - Pas de CETELM. - C'est la suite de ta carrière, à moins que tu deviennes gouverneur de la Banque Centrale Européenne.
00:36 C'est un choix qui va s'offrir à toi dans quelques années, donc on verra ça. Ouais, les paradoxes de l'emploi, j'avais envie de démarrer avec ça, les amis.
00:43 J'ai pas eu le temps d'en parler la semaine dernière, mais personne n'arrive vraiment à se réjouir des bons chiffres de l'emploi. Je vais vous dire en fait ce qui m'a fait réagir, réfléchir.
00:54 C'est, alors j'en parle assez souvent parce que c'est la radio que j'écoute le matin, j'écoute notamment François Lenglet sur RTL, et je me dis RTL, c'est intéressant quoi, RTL.
01:02 C'est la première ou deuxième radio de France en fonction des classements, et donc je me dis quand François Lenglet parle de l'emploi sur une radio aussi importante que le matin,
01:13 il doit quand même, d'une certaine manière, essayer de dire que c'est une bonne nouvelle, et il n'y est pas arrivé. Et donc il met en avant, alors Flavien, je crois qu'on en a même déjà parlé ensemble,
01:23 ce que mettent en avant les économistes, c'est-à-dire face à cette hausse continue de l'emploi, il y a une baisse de la productivité, hausse spectaculaire, pour le coup spectaculaire,
01:32 mais liée évidemment à la période Covid, des arrêts de travail, hausse de l'apprentissage, et les apprentis sont moins productifs que les salariés.
01:42 Il y avait une troisième cause aussi sur cette création d'emplois sans croissance, ah oui, les entreprises zombies, ça c'est quelque chose dont l'Institut Sapiens, Erwann Tison,
01:53 m'avait parlé le premier, effectivement, si tu considères qu'il y a un stock de dizaines de milliers d'entreprises zombies qui ne vivent que sous perfusion de PGE,
02:03 il y a un certain nombre de salariés qui sont beaucoup moins productifs que ce qu'ils devraient être, et qui à un moment ou à un autre, quand même, vont être libérés sur le marché de l'emploi.
02:10 Et tout ça, ça faisait une espèce de cloche de morosité sur quand même un taux d'activité en France jamais vu depuis 1975.
02:23 Qu'est-ce que tu dis de ça, mon cher Flavien, et toutes mes amitiés évidemment à François Langlais, que je respecte et j'admire énormément.
02:30 - Moi je dis que c'est passionnant. C'est passionnant parce qu'effectivement, en ce qui concerne l'emploi, il y a quand même la théorie économique,
02:37 pendant très longtemps, on avait une corrélation qui était très claire entre le niveau d'activité et le taux de chômage, pour le dire simplement,
02:43 à partir de tel niveau de croissance en fonction des pays, des spécificités de chaque pays, on savait qu'on allait faire baisser le chômage.
02:49 Alors en France, on est passé, au début des années 60-70, il fallait 3-4% de croissance pour faire baisser le chômage, on est passé après à 2%, puis finalement à 1,5%,
02:58 théorie économique, la loi de Hocquûn par exemple, et puis là, tout le monde est surpris, c'est-à-dire qu'on a une croissance qui est quasi nulle,
03:04 et on continue à créer des emplois dans le secteur privé de façon tout à fait considérable, et c'est vrai que tout le monde s'interroge,
03:10 mais pourquoi ? Qu'est-ce qui se passe ? Comment on en arrive là ? C'est une bonne nouvelle, il ne faut pas quand même bouder son plaisir, c'est quand même une bonne nouvelle !
03:16 Et on le voit d'ailleurs dans les préoccupations des Français, le chômage est devenu une préoccupation très secondaire par rapport au pouvoir d'achat, par rapport à plein de sujets,
03:24 et donc ça prouve bien qu'aujourd'hui, la situation sur le plan de l'emploi va beaucoup mieux.
03:29 Les raisons que tu as évoquées à l'instant pour expliquer finalement ce phénomène sont vraies, je pense que c'est multifactoriel.
03:36 Ce qui est passionnant au fond, et ce que cela montre, c'est qu'en réalité, la science économique n'est pas une science figée,
03:43 c'est-à-dire que ce qui est vrai à un moment donné, ce qui explique à un moment donné, ne l'est plus après, parce que les économies changent,
03:49 les gens changent tout simplement, les entreprises changent, et qu'aujourd'hui, on a certainement besoin de moins de croissance pour créer des emplois.
03:57 Alors effectivement, sur le marché français, quand on regarde par exemple le nombre d'alternants, on les a doublés en très peu de temps,
04:03 donc effectivement, ce sont des jeunes personnes qui sont en emploi, mais évidemment beaucoup moins productives.
04:09 Bien sûr, évidemment. Donc c'est une partie d'explication, ça n'explique pas tout.
04:12 Alors je crois que l'Adares l'avait estimé à 20% de l'explication de la perte de productivité, mais ça n'explique pas tout.
04:18 Je pense aussi que le Covid a durablement changé le rapport au travail.
04:21 Ça, on en mesure à l'éconsequence à long terme, ce n'est pas tout de suite, mais on le voit bien dans les entreprises, et même dans le secteur public,
04:28 on voit bien qu'il y a un rapport au travail qui a changé. Le travail, ce n'est pas toute sa vie, les gens ont d'autres priorités,
04:33 et ils aménagent leur temps de travail, le télétravail aussi. Très clairement, le télétravail change la donne.
04:37 Et donc, comme on est un petit peu moins productif, et ça c'est une tendance qui ne s'est pas manifestée sur un ou deux trimestres,
04:42 mais on voit que depuis 2019, on a quand même une baisse assez significative de la productivité, on a besoin de plus de monde pour faire le même travail.
04:49 La vraie question, au fond, c'est à moyen-long terme, quelles sont les conséquences sur le niveau de vie,
04:53 puisque moi, je sais très bien que quand la productivité baisse, à la fin, ce sont les salaires réels qui sont impactés,
04:58 donc on créera moins de richesses, certainement un petit peu moins.
05:00 - Oui, mais tu as plus de monde au travail. - Oui, absolument, et c'est un vrai sujet.
05:04 Et on se retrouve aujourd'hui avec cette situation incroyable, qui est qu'avec 7% de chômeurs, on a des...
05:09 - Ah ben là, on attaque le socle, là. - Oui, mais le problème, c'est que le socle, on devrait l'attaquer à 4% de chômeurs.
05:14 Donc on a un sujet autour de 3-4% de chômeurs, qui finalement, on est dans une situation où, globalement,
05:20 et se situe l'Allemagne ou les États-Unis, c'est-à-dire des vraies tensions sur le marché de l'emploi
05:24 avec des entreprises qui cherchent à recruter et qui ne trouvent pas, comme si l'on était à 3-4% de chômage, ce qui n'est malgré tout pas le cas.
05:30 - Nicolas, François-Xavier ? - Oui, moi, je voudrais revenir sur cette logique de productivité,
05:35 parce que c'est vrai que c'est paradoxal de voir cette hausse de l'emploi avec un pays...
05:39 - Une baisse de productivité ? - Oui, on vient quand même d'un point haut de productivité, quand même.
05:43 C'est-à-dire qu'on est, historiquement, un pays qui est très productif, pas forcément pour des bonnes raisons.
05:48 Et il me semble que ce sont ces mauvaises raisons qui sont un peu corrigées par la politique actuelle.
05:52 En fait, ce qui se passe, c'est qu'on avait des productivités très élevées, notamment par le fait qu'on avait un chômage assez élevé sur les bas salaires.
05:57 Donc tu avais un effet mixte qui faisait qu'on était plus productifs que nos voisins.
06:01 Et cette partie-là, il me semble que les politiques qui ont été menées, et qui, pour le coup, sont à mettre au crédit du gouvernement,
06:06 sur les politiques de l'offre, sur l'apprentissage, notamment, sur des politiques de...
06:11 - Oui, il faut que tu ajoutes que tu ne faisais pas rentrer sur le marché du travail avant 25 ans, et que tu sortais à 55, 56, 57.
06:19 Donc, effectivement, tu gardais une super productivité.
06:22 - Tu as une très bonne productivité, mais... - Mais tu foutais tout le monde dehors.
06:24 - Mais artificielle, parce que tu te trouvais avec un taux de chômage élevé. - Artificiel, on est d'accord.
06:26 - Et il me semble que c'est sur ce côté un peu artificiel de la productivité, en travaillant plutôt sur des...
06:32 Il y a eu toute une série de politiques qui ont été mises en place, y compris l'allègement de charges sur les bas salaires.
06:36 Enfin, il y a eu beaucoup de choses qui ont été mises en place.
06:38 Et la baisse des impôts de production, enfin, il me semble qu'on a quand même commencé à corriger un certain nombre de défauts du système français.
06:45 Que ça commence à se voir, et c'est tant mieux, parce qu'il y a un certain nombre de choses qui ont été mises au carré sur l'emploi.
06:53 Et donc, je ne suis pas très inquiet par le fait qu'une productivité élevée soit plus basse.
06:58 Moi, ce qui me semble aussi, sur le fait que les gens ne se soient pas encore complètement réjouis de ces résultats,
07:02 je ne suis pas certain que tout le monde les considère comme étant gravés dans le marbre, et que les gens se...
07:07 Enfin, en tout cas, le gouvernement ne se méfie pas un peu des 6 ou 12 prochains mois.
07:10 Je pense que ne pas crier Victor Trotto, c'est aussi une forme de prudence par rapport à l'horizon.
07:15 Non, alors, je vais... En fait, les chiffres de l'emploi, ils sont tombés au matin du drame d'Annecy.
07:20 Il y a ça aussi.
07:21 Donc, c'est ça qui a complètement paralysé, évidemment, la communication gouvernementale.
07:25 Mais sur les chiffres précédents, ils se réjouissaient, hein.
07:27 Oui, ils se réjouissaient.
07:28 Mais ils sont les seuls à se réjouir.
07:29 Moi, je ne lis que... Vas-y, Nicolas.
07:32 Je ne lis que, encore une fois, ce que je vous ai résumé à travers mon cher François Langlais.
07:37 Oui, je pense qu'il n'y a que des paradoxes.
07:38 C'est-à-dire que Renaissance, enfin, Emmanuel Macron et son parti sont en mode "Nous sommes en route vers le plein emploi"
07:43 dans un récit très, très volontaire, un peu "We should think".
07:46 Un peu, voilà.
07:47 Tout à fait.
07:48 Et tout autour, tout le monde se dit "Mais qu'est-ce que c'est que ce truc ? On n'arrive pas complètement à l'expliquer pleinement."
07:52 Et du coup, on met beaucoup de scepticisme, quoi.
07:54 Et on rappelle que le taux d'activité reste quand même plus faible au global.
07:58 C'est le plus fort depuis 1975.
08:00 C'est le plus fort pour la France depuis 1975.
08:01 Mais au global, on reste assez faible.
08:03 Parce qu'on avait un rattrapage énorme.
08:06 Ça reste pas très bon, 7%.
08:07 Le taux de chômage est faible.
08:10 On reste des seniors qui ne bossent encore pas beaucoup.
08:13 On a des jeunes qui arrivent tard.
08:15 Tout ça n'est pas encore résolu.
08:17 Tout ça est en mouvement.
08:18 Tout ça est en mouvement.
08:19 Et le taux de chômage à l'intérieur, il est faible.
08:20 Mais on a encore des marges de manœuvre un peu larges à traiter.
08:24 Et donc, il y a un peu un mystère.
08:26 Je vis dans ma PME, où nous, notre chiffre d'affaires par équivalent en plein,
08:29 sur 100 personnes environ, on était 95,
08:32 on est à peu près stable depuis le Covid.
08:35 L'année 2020, il a fait badaboom,
08:37 parce qu'on n'a pas été occupé pendant trois mois.
08:39 Et depuis, on n'a toujours pas rattrapé le montant de productivité par personne de 2019.
08:45 C'est-à-dire qu'on a du mal à le remonter.
08:47 Et moi-même, avec ma petite PME, j'ai du mal à m'expliquer complètement.
08:51 Oui, mais Nicolas, là, il faut faire attention à un biais possible.
08:55 Moi, je n'ai que des BAC+5, je sais.
08:57 Non, mais est-ce que c'est moins de travail efficace de la part de tes équipes,
09:03 ou est-ce que c'est une concurrence qui t'a amené à baisser tes prix,
09:05 et c'est en termes de chiffre d'affaires que tu ne retrouves pas ?
09:07 Oui, bien sûr, c'est ça.
09:09 Il y a plein de petits éléments de productivité.
09:11 Et je pense qu'il y a plein d'explications micro très complexes.
09:15 Une économie qui s'est un peu éclatée,
09:18 qui n'a pas retrouvé ses stabilisateurs à des endroits
09:21 où le tissu économique de ce pays, qui fait de 25 000 PME,
09:25 qui tiennent un peu que sautent, qui tiennent le truc, a perdu ses repères.
09:29 250 000 quand même. 25 000, tu dis. Non, au moins 250 000 qui tiennent le truc.
09:33 Oui, 25 000 de plus de 50 personnes.
09:36 Voilà.
09:38 Mais on a perdu beaucoup de repères.
09:40 Et on n'est pas tellement aidé par la science économique qui,
09:42 voilà, est prise dans des tensions énormes.
09:44 Voilà, je ne dis rien. J'aime pas les économistes.
09:47 Tu connais la phrase.
09:48 La science économique a été inventée pour redonner un peu de crédibilité aux astrologues.
09:53 Donc voilà.
09:55 Mais vraiment, on est très démuni, je trouve, face à ça.
09:58 Et effectivement, avec surtout une incertitude de projection vers le futur.
10:01 On voit que les choses s'améliorent du point de vue de l'emploi.
10:03 En même temps, il y a des tensions monstrueuses.
10:05 C'est-à-dire que tout le monde est dans la tension entre la croissance,
10:08 l'augmentation des salaires, la difficulté de recrutement, etc.
10:11 Créent une tension absolument énorme.
10:13 On se réjouit tous pour l'avenir général, pour l'impact général sur l'emploi.
10:16 Mais la réalité opérationnelle est quand même super dure pour toutes les boîtes,
10:20 pour les salariés comme pour les employeurs.
10:22 Elle est complexe, elle est en tension, etc.
10:24 Et du coup, personne ne se réjouit.
10:26 Personne ne peut se réjouir pour l'instant.
10:28 On n'a pas une super bonne nouvelle.
10:30 Et surtout, personne n'a envie de se réjouir avec Emmanuel Macron
10:32 puisque personne ne le soutient dans ce mouvement-là.
10:35 – C'est peut-être ça le nœud du truc.
10:37 Mais je reste sidéré que personne ne se réjouisse.
10:39 Et je suis désolé, François-Xavier, mais...
10:41 Alors, tiens, on peut en parler avec la Banque Centrale Européenne
10:43 puisqu'il y a eu une nouvelle réunion importante cette semaine.
10:46 Que l'inflation semble... décéréler, hein ?
10:51 Décéréler, oui, c'est ça ?
10:52 – Décélérer. – Décélérer !
10:54 – On avait compris.
10:56 – C'est un week-end de football qui parfois te perturbe un petit peu dans le vocabulaire.
11:00 – C'est lundi, c'est pas de problème.
11:02 – Mais, enfin, les tensions de recrutement sont-elles sur l'ensemble des secteurs ?
11:09 Que moi, j'attends de la voir, hein.
11:11 La remontée du chômage, très franchement, j'attends de la voir.
11:13 Et si la Banque Centrale Européenne attend effectivement, comme critère,
11:16 pour assouplir un peu sa politique monétaire,
11:18 une remontée du chômage sur la zone euro,
11:20 elle risque d'attendre là aussi un bon moment, quand même.
11:23 Et là, on a un petit piège, peut-être.
11:25 – Oui, alors, on verra quelles seront les décisions.
11:28 Il y a la Fed aux États-Unis cette semaine,
11:30 donc c'est une grosse semaine banque centrale.
11:32 – Oui, mais restons sur notre banque centrale, parce qu'on sent bien que c'est un peu décorrelé.
11:35 – Oui, oui, mais autant sur la BCE, il n'y a pas trop d'incertitudes.
11:37 C'est-à-dire qu'on attend un relèvement des taux cette semaine,
11:40 et puis certainement le mois prochain, 2 fois 25 points de base.
11:43 En tout cas, c'est ce qui a été dit,
11:45 ou ce qui a été transmis au marché, on va dire comme ça, comme message.
11:48 Donc, il n'y a pas beaucoup de surprises.
11:49 On voit quand même que les tensions inflationnistes
11:51 sont en train de se réduire fortement.
11:53 Ce qu'il faut regarder, évidemment, sont plutôt les indicateurs avancés,
11:56 parce que quand on regarde notamment les prises alimentaires,
11:58 on a un indicateur plutôt retardé.
12:00 – Évidemment.
12:01 – Ce n'est pas très pertinent pour savoir ce qui peut se passer au cours des prochains mois.
12:04 On voit globalement que les prix à la production sont en train de baisser.
12:08 C'est vrai en Europe, c'est vrai en Chine.
12:09 On voit qu'on a un ralentissement économique.
12:11 La zone euro, qui aujourd'hui fait une croissance nulle, dans le meilleur des cas.
12:14 On voit bien qu'on a une demande qui est en train de faiblir.
12:17 Donc, tout ça montre qu'effectivement, on est plutôt sur la phase de ralentissement.
12:21 On n'est pas en déflation, mais en désinflation.
12:23 Et que ça va redonner un petit peu de marge de manœuvre à la BCE qui n'aura pas le…
12:27 – Oui, mais moi je le disais qu'elle attendait des signes sur l'emploi.
12:29 – Mais ça, je ne suis pas sûr qu'elle les ait tout de suite.
12:31 – Ah, mais non, elle ne les aura pas, c'est bien ça qui m'inquiète.
12:34 – Oui, il y a quand même certains secteurs sur lesquels on peut s'attendre à avoir un impact sur l'emploi.
12:37 On peut parler du secteur de la construction, par exemple,
12:39 où là, très clairement, les chefs d'entreprise dans le secteur de la construction du bâtiment
12:44 tirent la sonnette d'alarme en disant, pour l'instant, on n'a pas encore de défaillance majeure,
12:49 mais ça va arriver si ça continue comme ça.
12:51 C'est pour ça qu'il y avait réclamé un plan de soutien au logement,
12:53 à la construction en France, qui n'est pas venu.
12:56 On aura des secteurs qui vont souffrir plus que d'autres, très clairement.
12:59 Au global, ça va faire monter significativement le chômage, j'en suis pas sûr.
13:04 – Moi, j'attends de voir les patrons du BTP licenciés, ils ont un tel mal à recruter.
13:09 – Oui, mais là, c'est très dur, Stéphane, franchement, quand tu regardes les mises en chantier, franchement.
13:13 – C'est un truc cyclique, quoi.
13:14 – Oui, mais là, c'est très compliqué, et les perspectives à un an ne sont pas bonnes du tout.
13:19 – Je pense qu'on verra plus vite les éléments sur l'inflation que sur l'emploi.
13:23 – Oui, mais si la BCE attend des éléments sur l'emploi,
13:26 là, elle va la provoquer profond de la récession avant d'avoir des éléments tangibles sur l'emploi.
13:30 – Je pense qu'elle n'aura pas les éléments sur l'emploi,
13:32 parce que mon hypothèse est que les éléments sur l'inflation arriveront plus vite.
13:34 On a quand même des effets de base qui sont très forts par rapport à 2022.
13:37 On a eu encore plusieurs phases de l'inflation, conteneurs, énergie, alimentaire,
13:43 et donc là, vraiment, tout s'est déjà inversé,
13:46 où est en train de s'inverser, notamment la partie alimentaire,
13:48 qui était vraiment le dernier facteur qui a continué,
13:52 ou a alimenté la hausse des prix au premier semestre.
13:55 Je m'attends à avoir un reflux assez rapide,
13:58 et donc, je pense que la question se posera beaucoup plus tôt qu'on ne le pense pour le monde central.
14:06 – C'est le patron de Panzani, ce week-end, ou de Barilla, je ne sais plus,
14:09 qui a dit qu'il baissait les prix des pattes, là.
14:11 – Je n'ai pas vu ça.
14:13 – Oui, une grosse marque.
14:15 – Je pense que ce n'est que le début.
14:17 En tout cas, ça va être un bon test pour la concurrence.
14:20 Les marges ont été assez largement augmentées à faveur de la hausse des prix,
14:26 et donc, la question est de savoir si elles vont rebaisser,
14:28 et ça va être une mesure de la concurrence et de l'efficacité du marché.
14:32 Ça va être intéressant.
14:34 – La main invisible.
14:36 – Nicolas, un mot là-dessus, parce que je voulais dire aussi quelques mots sur le RSA,
14:40 parce que là, visiblement, ça va être l'affaire des semaines qui viennent,
14:46 attaquer le socle, donc je vous rappelle les chiffres, 15% des allocataires du RSA
14:51 le sont depuis plus de 10 ans, donc ça c'est le rapport de 2019 de la Cour des comptes.
14:57 36% de ces allocataires le sont depuis plus de 5 ans,
15:00 et on monte à 61% quand même des allocataires qui le sont depuis plus de 2 ans.
15:04 C'est la nouvelle séquence qui vient.
15:06 Nicolas, je ne sais pas comment tu vois ça.
15:09 – Moi, je ne suis pas du tout spécialiste là-dessus.
15:11 – Pas du tout spécialiste, et en tant que citoyen, l'idée,
15:13 parce que ça va se jouer beaucoup là-dessus quand même,
15:15 l'idée de cette fameuse activité plus ou moins obligatoire,
15:18 on sent bien que le gouvernement hésite là-dessus.
15:20 – Moi, j'aime bien la ligne de Gilles Berset, qui est que globalement,
15:23 il faut que tous, collectivement, on se mette à travailler plus,
15:25 et il y a un moment, il va falloir attaquer les allocataires du RSA
15:28 qui sont un peu dans les marges et qui les remettent en activité.
15:30 – C'est 2 millions de personnes.
15:31 – La question c'est un peu par quoi tu commences,
15:33 et si tu as un marché, et trouver le bon moment,
15:37 quand est-ce que ça intervient au bon moment pour accompagner ça.
15:41 Il y a aussi une autre statistique sur le RSA, c'est le taux de non-recours,
15:44 qui est quand même aussi assez faible, les grosses difficultés d'accès.
15:48 Et donc, s'ils arrivent à mener ça bien, un meilleur accès,
15:52 parce qu'au RSA, c'est très compliqué de toucher son RSA, pour plein de gens,
15:55 donc si tu as un meilleur accès, et puis en même temps,
15:57 on remet vraiment en route des réactivités, oui, l'objet est fait louable.
16:01 – Politiquement, c'est une réforme super touchy,
16:04 parce qu'effectivement, tu peux augmenter le nombre d'allocataires de 30%
16:08 si tu réduis significativement ton non-recours,
16:11 et surtout, dans France Travail, ils vont tous aller s'inscrire
16:14 à l'équivalent de Pôle Emploi, ce ne sera pas Pôle Emploi,
16:16 ce sera France Travail.
16:17 Tu te retrouves du jour au lendemain avec 2 millions de chômeurs en plus,
16:19 enfin pas 2 millions, parce qu'il y en a une bonne moitié
16:21 qui sont inscrits à Pôle Emploi, mais 1 million de chômeurs en plus.
16:24 – Ils ne sont pas tous chômeurs, mais…
16:26 – Non, c'est pour ça, sur les 2 millions d'allocataires,
16:28 tu en as 1 million qui ne sont pas en recherche active,
16:30 qui ne sont pas inscrits à Pôle Emploi, ça ne changera rien.
16:32 Là, il va falloir faire preuve d'un tout petit peu de pédagogie dans les chiffres,
16:35 c'est pour ça, moi je le dis depuis 15 ans,
16:37 les seuls chiffres qu'il faut regarder, c'est les chiffres de l'INSEE,
16:39 ça ne va rien changer aux chiffres de l'INSEE,
16:41 qui mesure la réalité du chômage,
16:43 quels que soient les organismes qui calculent ce chômage,
16:45 en revanche, ça va changer les chiffres de Pôle Emploi.
16:47 – Oui, sur le RSA ex-RMI, il faut le rappeler,
16:50 moi je dis ça parce que dans le RMI, il y avait revenu minimum d'insertion,
16:53 c'est-à-dire que l'idée, c'était effectivement d'être dans une transition
16:55 avec l'objectif d'être inséré sur le marché du travail.
16:58 On voit que ce volet-là, il n'a pas bien fonctionné.
17:00 Donc évidemment, le point qu'on évoquait tout à l'heure,
17:03 sur 7% de chômeurs, etc., même s'ils ne sont pas tous comptabilisés dans le taux de chômage…
17:07 – Ah, sur les 7% ? Si, ils y sont, Flavien, ça c'est le 7%,
17:10 non, non, mais il faut être super précis là-dessus, c'est le chiffre INSEE…
17:14 – Oui, ils ne sont pas à Pôle Emploi, ils ne sont pas inscrits à Pôle Emploi,
17:17 ils sont dans les chiffres de l'INSEE, ils ne sont pas inscrits à Pôle Emploi,
17:19 mais ce que je veux dire, c'est qu'en fait, si on veut retrouver effectivement
17:23 qu'on ait moins de tensions sur le marché du travail,
17:25 il faut absolument qu'on ait de nouveau ces personnes
17:27 qui soient en recherche active d'emploi, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
17:30 Il y a deux pièges à éviter, le premier piège, c'est de dire
17:33 "c'est tous des feignants", et pour ça, le gouvernement qui dit
17:36 "on va s'en occuper", auprès de l'opinion publique, je pense que c'est assez porteur,
17:39 parce que l'image que peut avoir l'opinion publique, c'est des gens qui ne cherchent pas,
17:42 ils profitent du système, ils profitent de telle aide, telle aide, etc.
17:45 Voilà, donc c'est plutôt porteur de le présenter comme ça,
17:49 en disant "on va s'occuper d'eux". En réalité, là je parle…
17:52 – En tant qu'élu local.
17:54 – Pour la plupart, ce sont des gens qui sont très très éloignés de l'emploi.
17:58 Quand on les voit arriver dans les chantiers d'insertion,
18:00 quand on les voit arriver le matin, je ne l'ai même pas arrivé à l'heure,
18:04 on se dit "super, une première victoire, ils viennent".
18:07 Donc ce sont des gens qui sont… leur employabilité à l'instant T,
18:10 pour beaucoup d'entre eux, elle est quasi nulle.
18:12 Donc il faut prendre un travail d'accompagnement,
18:14 c'est vraiment du travail individuel, c'est un travail colossal en fait.
18:18 Et donc il faut sortir un peu des facilités de langage,
18:22 "il n'y a qu'à Faucon, on va faire ceci, on va les sanctionner", etc.
18:25 Parce que ce ne sont pas des gens qui roulent au volant de Berlin-Allemande
18:28 et qui profitent du système tel qu'on peut l'entendre quelquefois
18:31 dans les débats sur les réseaux sociaux, etc.
18:33 Par contre, c'est un vrai sujet, parce que ce sont des gens
18:35 qui sont très éloignés de l'emploi, qui survivent en quelque sorte,
18:37 alors ils survivent, le système de solidarité fonctionne,
18:40 mais malgré tout, aujourd'hui, l'insertion ne fonctionne pas
18:43 et c'est très compliqué. Je ne sais pas si la réforme France Travail
18:46 va permettre d'améliorer les choses, étant entendu qu'en plus,
18:49 on va mettre sous tutelle les missions locales,
18:52 qui font un travail remarquable sous la tutelle de Pôle emploi.
18:54 Ça, c'est un sujet qui énerve beaucoup les élus locaux,
18:56 parce que les missions locales avaient une spécificité,
18:58 elles s'occupaient déjà d'une avec un accompagnement très personnalisé
19:01 et malheureusement, j'ai l'impression que France Travail va changer un peu ça.
19:05 - Parce que moi, ce que j'ai entendu, ce qu'on m'a dit, expliqué,
19:08 Thibault Guilhuis vient régulièrement sur Bismarck d'ailleurs,
19:11 avec Arnaud Arduin, donc Thibault Guilhuis, c'est le haut-commissaire au travail
19:14 qui est en charge de toute cette architecture France Travail,
19:17 c'est que justement, on tenait compte des erreurs commises
19:20 au moment de la création de Pôle emploi,
19:22 et donc de la fusion de la NPE et de l'UNEDIC,
19:25 qui en fait n'avaient absolument rien à voir,
19:27 il n'y a pas de fusion, il y a vraiment une mise en commun de moyens,
19:30 et pas de mise sous tutelle, enfin en tout cas, c'est comme ça qu'ils le vivent.
19:34 - Les missions locales le vivent comme une mise sous tutelle, absolument.
19:36 - On verra ça.
19:37 - Le jeune qui cherche du boulot, qui est un peu éloigné,
19:39 qui a des difficultés, il faudra d'abord qu'il passe effectivement
19:41 chez Pôle emploi avant de venir à la mission locale,
19:43 où là, il y a des gens qui sont formés juste pour ça,
19:45 c'est une mission sur les jeunes, donc voilà.
19:48 - Bon, François-Xavier, beau sujet, intéressant, intense,
19:52 mais je suis un peu comme Flavien, le sujet est absolument passionnant,
19:56 et il va se retrouver caricaturé sur bande de feignants, "Bougez-vous".
20:01 - Et tu gardes quand même un sujet systémique,
20:03 qui est l'incitation à leur prise d'emploi, malgré tout,
20:05 c'est-à-dire que tu as un système qui est peu incitatif à leur prise d'emploi,
20:08 puisque tu perds beaucoup de ce que tu...
20:10 Quand tu reprends un emploi en venant du RSA,
20:12 tu fais l'abattement de pertes, d'avantages du RSA lui-même,
20:16 qui est un peu compensé par l'activité,
20:18 mais le taux d'imposition, entre guillemets, apparent,
20:21 quand tu reprends un emploi, reste très élevé,
20:23 et donc l'optimum pour un agent économique qui résonne purement...
20:27 - C'est pas toujours de reprendre un emploi,
20:29 même si on nous dit que ça a été complètement corrigé
20:31 avec la prime d'activité, ça quand même...
20:33 - L'optimum économique, c'est de reprendre un job au noir
20:35 et d'aborder le RSA, et tant qu'on n'aura pas, je pense,
20:38 vraiment travaillé sur cette...
20:40 - Tu veux dire avec un job au noir ?
20:42 Ah oui, d'accord, mais si tu parles des populations
20:44 dont parlait Flavien, c'est-à-dire ces gars
20:46 qui sont vraiment totalement éloignés de l'emploi,
20:48 là, les 600 balles par mois, en fait,
20:50 tu les dépasses très très vite.
20:52 - Je reviens sur le fait qu'il y a vraiment plein plein de gradations,
20:54 d'ailleurs c'est ce que tu donnes dans tes stats,
20:56 les 15% qui font effectivement depuis 10 ans au RSA,
20:58 c'est certainement des gens qui sont très éloignés de l'emploi,
21:01 et donc là, il y a absolument besoin d'un accompagnement social,
21:03 tu ne pourras pas passer outre,
21:05 qu'ils soient ou pas corrélés au RSA,
21:07 c'est presque secondaire, mais tu as besoin de cet accompagnement.
21:09 En revanche, tu as toute une espèce de halo...
21:11 - C'est quand même 300 000 personnes, c'est pas rien.
21:13 - Oui, mais tu as un halo de personnes
21:15 qui sont entre le RSA et l'emploi,
21:17 entre le chômage et pas le chômage,
21:19 et qui optimisent,
21:21 mais ce n'est pas du tout un reproche,
21:23 ils optimisent dans un genre éco-démocrationnel,
21:25 de l'emploi, pas de l'emploi, du chômage, du RSA,
21:27 et on a un système qui est ultra complexe,
21:29 ultra intrusif,
21:31 qu'on aurait vraiment besoin de travailler en profondeur,
21:33 avec des logiques, voilà,
21:35 moi, en tout cas, je milite pour la fusion de RSA,
21:37 prime pour l'activité, un point sur le revenu,
21:39 dans une logique de continuum,
21:41 avec une flat tax et un revenu universel, comme tu le sais,
21:43 donc c'est le schéma qui est poussé par Gérard Tullibert.
21:45 - Oui, mais on ne va pas rentrer sur le...
21:47 - Non, non, je te le rappelais juste, comme ça, histoire de remettre une pièce dans le cochonnet,
21:49 mais là, c'est pour...
21:51 - On ne va pas rentrer, on refera une interview, tous les deux, sur le revenu universel.
21:53 - L'idée, c'est qu'on peut faire beaucoup plus simple, beaucoup plus efficace,
21:55 à mon humble avis. - Allez, on marque une pause,
21:57 et on va parler de la tech.

Recommandée