• l’année dernière
Avec Jacques Baud, ex membre des renseignements stratégique Suisse. Il a participé à des programmes pour l’OTAN en Ukraine entre 2014 et 2017. Il a notamment écrit « Poutine le maître du jeu ? » et « Opération Z »aux éditions Max Milo. Il vient pour son nouveau livre « Ukraine entre guerre et paix»

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##LE_FACE_A_FACE-2023-05-30##

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News
Transcription
00:00 Sud Radio Berkhoff dans tous ses états,
00:03 le face à face.
00:06 Le face à face d'André Berkhoff avec un invité exceptionnel,
00:09 Jacques Beau, ex-membre des renseignements stratégiques suisse.
00:12 Il a participé à de nombreux programmes pour l'OTAN en Ukraine entre 2014 et 2017.
00:16 Il a notamment écrit "Poutine, le maître du jeu" et "Opération Z" aux éditions Maximilo.
00:21 Et il vient pour nous présenter son nouveau livre "Ukraine entre guerre et paix".
00:24 Bonjour Jacques Beau.
00:25 Bonjour.
00:26 Alors Jacques Beau, effectivement, un troisième livre.
00:29 Vous en avez écrit d'autres aussi, mais passionnant, passionnant.
00:32 "Ukraine entre guerre et paix" chez Maximilo.
00:35 Ce qui est intéressant, d'abord, évidemment, je pose la question d'actualité,
00:40 puisque ce matin, on parlait depuis hier soir d'un certain nombre de drones.
00:44 On en avait parlé déjà avec vous au téléphone,
00:47 sur ces deux drones qui s'étaient abattus,
00:50 ou en tout cas qui avaient été détruits au-dessus du Kremlin.
00:53 Mais là, on parle d'une douzaine de drones sur Moscou.
00:56 Vous avez des... De quoi s'agit-il ?
00:59 On sait un peu plus ? On en sait un peu plus ou pas ?
01:01 Alors, j'étais en déplacement, donc j'ai pas reçu cette information,
01:05 et donc j'ai pas pu creuser là-dessus.
01:07 Mais on sait que des groupes affiliés aux services de renseignement ukrainiens
01:15 opèrent sur le territoire russe,
01:17 ce qui n'est pas très, comment dire, surprenant,
01:21 parce que la proximité linguistique, culturelle,
01:24 il y a des familles qui sont vraiment transfrontalières
01:27 dans tous les sens du terme,
01:29 donc ça n'est pas très surprenant.
01:31 Ce qui est intéressant, c'est qu'on voit ces événements
01:37 qui se sont multipliés à la frontière.
01:39 Il y a eu les événements de Bryansk en mars,
01:43 il y a eu l'attaque sur Belgorod il y a une semaine environ,
01:47 les attaques, comme vous l'avez rappelé, sur le Kremlin,
01:51 et puis maintenant cette nouvelle attaque de drones.
01:54 Alors, on a quelquefois un peu l'impression
01:56 que le but de ces attaques n'est pas vraiment militaire,
02:00 parce qu'on n'en voit pas du tout.
02:03 - Ça n'a fait aucun dégât apparemment, des dégâts très mineurs.
02:07 - Le but c'est simplement de les faire,
02:09 c'est simplement qu'elles aient lieu,
02:11 et je pense que c'est une manière pour les ukrainiens
02:16 de faire patienter les occidentaux
02:18 qui poussent Zelensky à lancer sa contre-offensive.
02:23 Et surtout après la défaite de Barmout,
02:27 les ukrainiens sont un peu poussés, si vous voulez, à faire quelque chose.
02:32 - Alors justement, Jacques Beau, parlons de la défaite de Barmout,
02:36 on avait parlé de ça, mais justement, par rapport à votre livre,
02:41 c'est très intéressant, vous avez eu des commentaires,
02:43 notamment en France, où certains disaient
02:45 que c'est un cheval de Troie renversé,
02:48 puisqu'au fond, Barmout c'est une victoire ukrainienne,
02:50 les ukrainiens s'étaient retirés pour mieux contre-attaquer,
02:53 et nous avons entendu tout, et le contraire de tout,
02:55 de la part d'un certain nombre de généraux de plateau
02:57 que je ne citerai pas par charité chrétienne.
03:00 Qu'est-ce qui se passe au fond aujourd'hui ?
03:04 Vous avez sorti ce livre, passionnant d'ailleurs,
03:07 "L'Ukraine en guerre épée",
03:09 au fond, on en est où ? On en est à une guerre d'attrition,
03:12 c'est vraiment la guerre qui peut se prolonger encore
03:15 des mois, voire des années, et malheureusement,
03:18 il y a des morts, et il y a des morts tous les jours,
03:20 c'est ça qui est terrible.
03:21 Qu'est-ce qui se passe vraiment ? On ne voit plus.
03:24 - Alors, il faut comprendre que Barmout est important,
03:26 ou était important pour les ukrainiens,
03:28 mais ne l'était pas vraiment pour les russes.
03:31 Et dans mon livre d'ailleurs, j'explique
03:34 ce qu'on appelle la ligne Zelinsky,
03:36 qui est une sorte de ligne de défense
03:38 qui comprend trois sous-lignes de défense,
03:41 en quelque sorte. La première ayant été
03:44 Severodonetsk-Lisichansk, que les russes ont pris
03:47 en été de l'année passée. Ensuite, il y a une deuxième ligne
03:49 qui est à la hauteur de Barmout,
03:51 que les russes viennent de franchir.
03:54 Et puis, il y a une troisième ligne qui est
03:56 Slavyansk-Kramatorsk, qui est un peu plus loin.
03:59 Et à partir de ces lignes-là, c'est pratiquement
04:01 champ libre jusqu'aux grandes plaines du Dniepr.
04:04 Donc, c'est pour ça que cette ligne est très importante,
04:07 et c'est la raison pour laquelle Zelinsky
04:10 attachait beaucoup d'importance à ça.
04:12 - Il l'a dit à l'ONU d'ailleurs.
04:14 - Il l'a dit à l'ONU, et c'est d'ailleurs la raison
04:16 pour laquelle même, il y a des tensions
04:19 entre lui et le chef de l'armée,
04:21 le général Zaloujny,
04:24 qui, lui, pensait qu'il aurait mieux fallu
04:26 ne pas sacrifier trop de vies,
04:28 épargner les vies de Barmout,
04:30 et puis contre-attaquer différemment.
04:32 Mais ça n'a pas été ce que Zelinsky a voulu.
04:36 Et les Russes ont perçu ça très vite.
04:38 Déjà l'année passée.
04:40 Pour comprendre ce qui s'est passé à Barmout,
04:42 il faut revenir à octobre, au 18 octobre 2022,
04:46 lorsque le général Sourovikhin,
04:48 qui venait d'être nommé commandant
04:50 des forces russes en Ukraine,
04:53 a dit "on ne cherche plus à faire des grandes offensives,
04:56 on cherche simplement à broyer
04:59 l'ennemi qui avance".
05:01 - Le hachoir à viande.
05:03 - Le hachoir à viande. Et il lance l'opération
05:05 qui s'appelle "Hachoir à viande"
05:07 en donnant pour mission à Prigojin
05:10 et au groupe Wagner
05:12 de détruire l'ennemi dans Barmout.
05:14 Pas de prendre Barmout.
05:16 Pas de prendre Barmout.
05:18 De détruire l'ennemi dans Barmout.
05:19 Ça c'est très important. Pourquoi ?
05:21 Parce qu'il lui donne 6 mois.
05:22 Il dit "on va broyer l'ennemi pendant 6 mois".
05:24 Point final. Quoi qu'il arrive,
05:26 la ville ne nous intéresse pas plus que ça.
05:28 - C'est pas de la prendre.
05:30 - C'est pas de la prendre, c'est de détruire l'ennemi.
05:32 Mais évidemment que dans une ville,
05:33 quand vous voulez détruire un ennemi dans une ville,
05:34 vous êtes obligé d'avancer de maison en maison.
05:36 Donc, ce qui s'est passé,
05:38 c'est que les combattants de Wagner
05:40 ont fait le travail de grignotage.
05:42 Ils ont détruit l'adversaire comme ça, petit à petit.
05:45 Puis en avril,
05:47 la mission a été donnée fin octobre.
05:49 - Octobre, oui.
05:51 - Et M. Rovigin a donné 6 mois.
05:53 Ça veut dire fin avril.
05:55 Et fin avril de cette année,
05:57 l'état-major a dit à Wagner
05:59 ou à Prigojin, "Voilà, maintenant on a fait les 6 mois.
06:02 Maintenant, on arrête les frais,
06:04 on interrompt les livraisons de munitions, etc."
06:07 Enfin, l'artillerie.
06:08 Et c'est là où vous avez eu le mélodrame entre Prigojin
06:10 et parce que lui a dit,
06:12 "Mais nous, on a avancé jusque-là.
06:14 Le but, c'est évidemment pas de prendre la ville.
06:16 Mais avec tout le travail qu'on a fait,
06:17 il reste très peu pour finir de prendre la ville."
06:19 - Quelques rues, c'est ça ?
06:21 - Voilà, exactement. Donc, donnez-nous la munition pour finir.
06:23 Et c'est ce qui a donné cet échange assez bruyant.
06:25 Parce que l'état-major était fixé sur ce qui avait été décidé,
06:28 c'est-à-dire détruire l'ennemi dans Barmoude.
06:30 - Je comprends.
06:32 - Et ce qui est intéressant, peut-être que je reviens encore là-dessus,
06:34 c'est que cette idée que Zelensky était obnubilé par Barmoude,
06:38 ça avait été capté par le New York Times en novembre de l'année passée.
06:42 Où ils avaient dit, "Barmoude sera le trou noir
06:45 dans lequel l'armée ukrainienne va se perdre, en quelque sorte."
06:51 Et c'est exactement ce qui s'est passé.
06:53 - Mais alors justement, est-ce que ça n'a pas été gonflé ?
06:56 Parce qu'ici, en Occident, en France en particulier, mais ailleurs,
07:00 on a dit, "Ça y est, c'est la lutte finale entre Wagner, Prigogine et Poutine."
07:05 Vous avez vu, les gens, nous, on fait leur une, ça y est,
07:08 le pouvoir est divisé, se déchire en Russie.
07:11 En fait, Prigogine veut prendre la main.
07:13 On a vu des couvertures de magazines tout à fait parlantes là-dessus.
07:17 Est-ce que c'était quand même...
07:19 Alors, vous dites qu'il y a eu effectivement des plaintes,
07:21 je comprends, de la part de Wagner et de Prigogine.
07:23 Mais est-ce que c'était quelque part, quand même, une partie mise en scène ?
07:27 - Alors, je pense qu'il y a une partie de mise en scène.
07:29 Prigogine, on sait que c'est un avidu qui est très théâtral.
07:34 Et puis, il ne faut pas oublier que c'est quelqu'un qui parle un peu pour sa paroisse.
07:38 Il a une entreprise, en quelque sorte.
07:41 - C'est les mercenaires, c'est plus privé.
07:43 - Voilà, donc il essaye de vendre son truc, n'est-ce pas ?
07:46 - Mais comment ? Excusez-moi, Jacques Beau, comment vous expliquez...
07:49 Et je vous en parlais aussi.
07:51 Comment ça se fait que les Russes ont donné un prestataire de service,
07:54 Bachmuth, à Wagner ?
07:56 On pourrait dire "mais attendez, c'est la...".
07:58 Pourquoi ils délèguent Wagner ?
08:00 - Parce que c'est un combat en zone urbaine,
08:04 typiquement comme Bachmuth,
08:06 où il s'agit vraiment de détruire l'adversaire.
08:08 Vous n'avez pas besoin d'avoir beaucoup de connaissances opératives.
08:11 On est dans du tactique, même de la technique de combat.
08:15 Et puis, vous n'avez pas besoin de...
08:18 Les Wagner, maintenant, je crois qu'on leur a donné quelques véhicules blindés,
08:21 parce qu'on veut élever un petit peu le niveau de ces combattants.
08:26 Mais pendant tous ces six derniers mois,
08:29 enfin les mois qui ont duré la bataille,
08:31 ils n'avaient pas de gros matériels.
08:33 C'est vraiment des fantassins spécialisés...
08:36 - C'est des gardes-rue, quoi.
08:38 - Oui, c'est la garde-rue, exactement.
08:40 Et donc, ça suffit d'avoir des combattants.
08:42 Il faut des combattants très aguerris,
08:44 très tenaces.
08:47 Il faut des durs à cuire.
08:49 Mais il ne faut pas des tacticiens ou des...
08:52 - Donc, Wagner était...
08:54 - C'était le moyen idéal, c'était l'endroit idéal.
08:56 Et après les soi-disant contre-offensives qu'il y a eues de la part de l'Ukraine,
09:01 il y a eu des tentatives de faire des contre-offensives
09:04 pour reprendre la ville, mais ça a tout échoué.
09:06 - Alors, Quid, Jacques Beaud,
09:08 de la grande contre-offensive annoncée déjà depuis des mois.
09:12 Est-ce que... Quid, on entend, on y voit, on est prêt, etc.
09:17 Alors, Zelensky est allé faire la tournée presque mondiale, effectivement,
09:21 "Donnez-nous encore des armes", etc.
09:24 Où on en est aujourd'hui ?
09:26 - D'abord, il faut comprendre que cette contre-offensive,
09:29 en fait, c'est la contre-offensive que Zelensky avait promise
09:32 en juillet de l'année passée.
09:36 Et qu'il devait faire avec un million d'hommes.
09:38 - Ah oui. - Et il pensait récolter, avoir un million de combattants.
09:42 En réalité, il n'a jamais réussi à rassembler un million d'hommes.
09:46 Il en a eu au maximum, à ce qu'il a dit,
09:49 et puis à ce qu'a dit le général Zelouzhnik,
09:51 le commandant des forces armées,
09:53 il y a eu 700 000.
09:55 Et déjà l'année passée, ils ont... - C'est déjà pas mal.
09:58 - C'est déjà pas mal, mais aujourd'hui, ils n'en ont que 400 000.
10:01 - D'accord. Parce qu'il y a eu, entre autres, oui...
10:04 - Voilà. Alors, après, on peut interpréter la différence
10:07 de différentes manières, mais ce qu'il y a de sûr,
10:09 c'est qu'ils en avaient, ils ont déclaré en avoir 700 000
10:13 en été de l'année passée, et aujourd'hui, il n'y en a plus que 400 000
10:16 pour faire la scène contre-offensive.
10:19 D'autre part, il faut savoir que depuis l'été 2022,
10:25 l'armée ukrainienne, matériellement, au niveau des matériels,
10:29 des équipements majeurs, n'existe plus.
10:31 C'est la raison pour laquelle, depuis cette période-là,
10:35 Zelensky demande l'aide matérielle des Occidentaux,
10:38 des avions, des chars, etc.
10:41 Les Occidentaux étaient très réticents à les donner au départ,
10:44 et puis, au début de cette année, ça s'est un peu déclenché
10:47 parce qu'en plus des pertes matérielles,
10:51 la fin de 2022 a été marquée pour l'armée ukrainienne
10:54 de pertes humaines considérables.
10:57 Et là, les Occidentaux ont commencé à prendre peur,
10:59 et se sont dit "Bon, maintenant, il faut quand même donner des armes
11:01 pour qu'on arrive à quelque chose, qu'on arrive à faire quelque chose."
11:04 Le problème, c'est que toutes ces armes sont arrivées en Ukraine
11:08 par fragments, si vous voulez.
11:10 On a donné trois missiles ici, deux chars là, trois véhicules, etc.
11:14 - Pas organisées globalement.
11:16 - Ce qui fait que les Ukrainiens n'ont jamais réussi
11:19 à rassembler la masse critique nécessaire
11:23 pour déclencher l'offensive avec un grand O.
11:26 - La grande offensive. - Voilà.
11:28 Et, en fait, ce qui se passe, parce que nos médias
11:31 nous rapportent volontiers ce que font les Ukrainiens
11:34 à Moscou ou à Belgorod, mais ils racontent pas
11:39 ce qui se passe en Ukraine.
11:41 Et ces dernières semaines, il y a plusieurs énormes dépôts de munitions
11:45 qui ont été détruits par les Russes,
11:51 notamment à Kremlinetsky et à Pavlograd,
11:54 qui sont d'énormes dépôts de munitions.
11:57 D'ailleurs, un, celui de Kremlinetsky, a posé problème
11:59 parce que, selon certains, mais c'est débattu,
12:02 donc je me garderais de tirer des conclusions là-dessus,
12:05 mais certains ont prétendu qu'à la suite de ce bombardement,
12:08 le taux de rayonnement gamma a augmenté dans l'espace
12:11 parce que, théoriquement, enfin, certains disent
12:13 qu'il y aurait eu dans ce dépôt de munitions
12:15 les fameux obus anti-chars à uranium appauvris
12:19 qu'avait fourni la Grande-Bretagne.
12:21 - Et la Pologne se disait si elle va pas là.
12:23 On va continuer à en parler, c'est passionnant,
12:25 après cette petite pause. A tout de suite.
12:27 - Et vous souhaitez interpeller Jacques Beau
12:29 pour lui poser des questions sur la guerre en Ukraine.
12:31 Il peut y répondre au 0826 300 300.
12:34 Vous nous appelez 0826 300 300.
12:36 A tout de suite sur Sud Radio.
12:37 [Musique]
12:40 - Les Français parlent au français.
12:42 Je n'aime pas la blanquette de Beau.
12:48 - Sud Radio Berkhoff dans tous ses états.
12:51 - Jacques Beau, Ukraine entre guerre et paix.
12:55 - Et chez Max Milot, le livre vient de paraître.
12:59 Jacques Beau, si on faisait aujourd'hui
13:01 un état des lieux.
13:03 On est fin mai 2023.
13:08 Je rappelle que tout a commencé, en tout cas,
13:11 l'invasion russe a commencé le 24 février 2022.
13:15 C'est vrai que c'est un clin d'œil
13:17 à l'échelle de l'histoire, mais que de choses ont changé.
13:22 D'abord, deux choses, vous en parlez assez longuement
13:24 dans votre livre et encore une fois, je renvoie à votre livre
13:26 parce que c'est absolument impressionnant,
13:28 le basculement du monde.
13:29 Parce qu'au fond, cette guerre a été la cristallisation
13:32 d'un certain nombre de choses qui, aujourd'hui,
13:34 éclatent au grand jour, même si elles précédaient
13:36 de loin cela.
13:38 Qu'est-ce qu'on peut dire là-dessus ?
13:40 - N'est-ce pas ? Il y a un phénomène
13:44 qu'on perçoit assez peu en Europe,
13:48 qu'on perçoit un peu mieux aux États-Unis,
13:51 c'est que beaucoup de décisions occidentales
13:53 ont été finalement extrêmement émotionnelles,
13:56 sans vraiment rationalité.
13:58 Et les sanctions...
14:00 Il y a deux choses, si vous voulez.
14:02 D'une part, il y a cette fameuse question
14:04 que j'avais posée la première fois
14:06 que nous nous étions rencontrés à propos du conflit ukrainien,
14:08 où j'avais dit "qu'est-ce qui fait que ce conflit
14:11 est plus condamnable que les autres ?"
14:13 - Vous finissez votre livre là-dessus.
14:15 - Oui, exactement.
14:17 Parce que c'est comme ça, c'est cette question
14:20 que se pose le reste du monde.
14:22 Et c'est la question que personne en Occident
14:25 ne veut répondre.
14:26 Parce que la réalité est qu'en fait,
14:28 on en veut à la Russie, on veut plus aller contre la Russie
14:31 qu'aider l'Ukraine.
14:33 C'est en fait ça, le fond du problème.
14:35 Et les autres pays ont bien compris ça.
14:37 - Vous voulez dire que l'Occident en veut à la Russie ?
14:39 - Ah oui, c'est les États-Unis en premier lieu,
14:43 et les Européens, on leur a emboîté le pas.
14:46 Mais le fond de la question, c'est ça.
14:50 C'est en réalité d'affaiblir la Russie.
14:54 - Mais attendez, Jacques Bou,
14:56 pourquoi en veut-on à la Russie ?
14:58 - Je sais pas.
15:00 Là, on est dans quelque chose qui est assez...
15:02 - Irrationnel, vous dites ?
15:03 - Qui est très irrationnel, je pense.
15:05 D'ailleurs, quand on voit les stratégies
15:07 qui avaient été élaborées par la RAND Corporation,
15:09 que j'ai évoquées plusieurs fois sur ce plateau,
15:11 en 2019,
15:13 la stratégie même de la RAND Corporation
15:17 disait "voilà la stratégie pour affaiblir la Russie,
15:20 mais nous vous conseillons de ne pas l'appliquer,
15:23 parce qu'elle va apporter des destructions en Ukraine".
15:27 Parce qu'il était clair que pour affaiblir la Russie,
15:29 il fallait utiliser l'Ukraine.
15:31 - Et c'était dit depuis des années.
15:33 - C'était dit depuis des années, et c'était écrit en 2019.
15:36 Et la RAND Corporation a averti le gouvernement américain,
15:41 puisque c'est le think tank du Pentagone,
15:43 en disant "ne le faites pas,
15:45 ça va provoquer des déséquilibres mondiaux,
15:49 on n'est pas du tout sûr que ça affaiblisse réellement la Russie,
15:52 parce qu'on a une très mauvaise visibilité
15:54 sur la capacité de l'économie russe à réagir,
15:57 et ça va certainement provoquer des flux migratoires
16:01 à partir de l'Ukraine, à affaiblir l'Ukraine,
16:04 et à décrédibiliser l'Occident".
16:06 Donc on savait tout ça.
16:08 Et les analystes qu'on a dans le reste du monde,
16:14 mais j'inclus aussi les États-Unis,
16:17 parce qu'il y a beaucoup de gens qui ont averti,
16:20 qui ont sonné le toxin.
16:22 Et même d'ailleurs, beaucoup de sanctions
16:24 qui ont été prises par les Européens,
16:26 avaient été déconseillées par les Américains eux-mêmes.
16:29 Parce que typiquement, les sanctions sur les produits pétroliers
16:35 que les Européens ont prises,
16:37 Janet Yellen, qui est la secrétaire au Trésor américain,
16:40 leur avait dit "ne le faites pas,
16:42 vous allez déstabiliser l'ensemble du marché pétrolier dans le monde".
16:45 Donc on voit qu'on est dans quelque chose qui est très irrationnel.
16:49 Et le problème qu'il y a, c'est que pour des pays
16:53 qui sont un peu sur le ballon, typiquement l'Iran,
16:55 les gens du Moyen-Orient, mais y compris l'Arabie Saoudite,
16:58 qui savent que, n'oubliez pas que Joe Biden avait dit
17:02 qu'il voulait faire de l'Arabie Saoudite un État paria.
17:05 Donc même si aujourd'hui il serre la main,
17:08 les Saoudiens se rendent bien compte qu'un jour ou un autre,
17:13 ils risquent bien de se retrouver face à ces sanctions.
17:16 Par conséquent, il était le moment de changer leur fusil d'épaule.
17:20 Et beaucoup de pays qui ont des régimes
17:24 qui sont plus ou moins acceptables ou plus ou moins acceptés
17:27 par les Occidentaux, se rendent bien compte
17:29 qu'il pourrait très bien y avoir un basculement en leur défaveur très prochainement.
17:34 Donc c'est le moment de changer de camp.
17:36 Et c'est un peu ce que l'on observe aujourd'hui.
17:39 - Et ce changement de camp est avancé et commence à être acquitté.
17:42 - Il commence à se matérialiser,
17:45 puisque encore hier j'ai appris que l'Arabie Saoudite
17:49 voulait rejoindre la banque des BRICS, n'est-ce pas ?
17:52 - Oui, quand on pense à l'Aramco et l'Arabie Saoudite,
17:55 création des Américains qui vont rejoindre les BRICS, c'est quand même...
17:59 - Et qui vendent son pétrole d'ailleurs en Yuan aux Chinois.
18:04 - Oui, donc on est sur une perte de confiance des Occidentaux.
18:08 On a vu que la conduite occidentale est extrêmement erratique,
18:13 n'obéit pas à des critères rationnels,
18:15 et que par conséquent, tout pourrait leur tomber sur la tête
18:18 du jour au lendemain, même sans raison.
18:20 - Et alors justement Jacques Beau, parlons de cela.
18:24 Est-ce qu'aujourd'hui donc, ce que vous avez l'air de dire,
18:27 parce qu'on ne voit pas effectivement la fin,
18:29 et c'est terrible pour tous les gens qui meurent,
18:31 tous les jours là-bas et par milliers,
18:33 mais est-ce que c'est l'irrationnel qui aujourd'hui,
18:37 encore, triomphe, ou en tout cas mène le jeu ?
18:40 Alors il y a tous les calculs d'intérêts un peu partout, ça c'est normal,
18:45 on a vu ce qu'a dit Erdogan le lendemain de sa victoire à Turquie,
18:49 mais est-ce qu'au fond, aujourd'hui, quand vous regardez l'état des lieux,
18:53 vous l'avez fait, vous faites l'inventaire dans ce livre-là,
18:57 et au fond on a l'impression que tout est extrêmement ouvert,
19:00 entre l'OTAN, la Russie, l'Europe, les BRICS, les États-Unis,
19:06 rappelons-le, qui votent pour les présidentielles l'année prochaine,
19:10 c'est dans un peu plus d'un an,
19:13 est-ce que tout ça, c'est comme si on était, je ne dis pas en stand-by,
19:17 comme si tout s'était figé, mais pendant ce temps-là, la guerre continue,
19:22 et que voilà, c'est tellement justement multipolaire,
19:28 on a l'impression que la stratégie et que la conscience est devenue multipolaire aussi.
19:33 - C'est-à-dire que ce qui se passe, c'est qu'on s'est engagé dans un conflit
19:37 avec l'idée, pas très rationnelle, il est vrai, que la Russie allait perdre.
19:44 Et aujourd'hui on vous dit "la Russie ne peut pas gagner".
19:48 Comme on vous dit "l'Ukraine ne peut pas perdre".
19:51 Mais on est dans un langage politique, parce que techniquement,
19:55 on ne voit pas très bien comment, d'ailleurs, la notion de victoire de l'Ukraine
19:59 n'a jamais été vraiment définie.
20:01 Donc aujourd'hui, ce qui se passe, c'est qu'on cherche un moyen
20:05 pour pouvoir exprimer une défaite de la Russie ou une victoire de l'Ukraine.
20:13 Et on ne sait pas comment le faire.
20:15 Parce qu'on voit bien que sur le terrain, ça paraît extrêmement difficile.
20:17 Donc on est un peu dans cette espèce de, en anglais on dirait "catch-22",
20:22 c'est une situation impossible, si vous voulez, impossible à résoudre,
20:26 où on veut une défaite russe, mais on n'arrive pas à voir
20:30 comment cette défaite pourrait arriver.
20:33 Et vous avez très justement évoqué la présidentielle américaine,
20:39 parce qu'on sent bien que l'administration Biden est un peu prise à la gorge par ça.
20:45 Parce qu'arriver à la présidentielle avec un conflit qui est totalement ouvert,
20:50 c'est difficile.
20:52 Et s'ils arrivent aux présidentielles avec une victoire russe,
20:57 alors ça va être désastreux.
20:59 Donc la seule manière de résoudre plus ou moins le problème,
21:03 c'est de figer le conflit ou de l'entraîner.
21:07 Le problème là-dedans, c'est que ce qu'on oublie toujours,
21:10 c'est que peu importe ce qui se passe, est-ce que la Russie gagne ou perd,
21:14 mais ce qu'il y a de sûr, c'est que c'est les Ukrainiens qui meurent.
21:17 C'est ça qui est le drame.
21:18 C'est ça qui est terrible. On va en parler tout de suite après cette petite pause.
21:21 On continue et après nous recevons les auditeurs de Sud Radio bien sûr.
21:24 Vous nous appelez au 0826 300 300 pour interpeller Jacques Baud sur son nouveau livre,
21:29 "Ukraine entre guerre et paix".
21:31 A tout de suite.
21:32 Ici Sud Radio.
21:36 Les Français parlent au français.
21:41 Les carottes sont cuites.
21:44 Les carottes sont cuites.
21:46 Sud Radio Berkhoff dans tous ses états.
21:49 Si vous voulez lire "Guerre et paix", relisez Tolstoy.
21:53 Si vous voulez lire "L'Ukraine entre guerre et paix", lisez Jacques Baud.
21:57 On est en train de dire, c'est vraiment intéressant,
22:01 parce qu'on est loin de cet état des lieux qui nous concerne tous,
22:06 mais qui concerne le premier chef,
22:07 ceux qui sont immédiatement touchés sur le champ de bataille.
22:11 Et vraiment, c'est quelque chose d'atroce,
22:14 mais c'est quelque chose qui, hélas, continue.
22:17 Et justement, Jacques Baud, on a parlé un peu de l'irrationnel,
22:20 mais parlons quand même du rapport de force.
22:23 On a commencé à basculer,
22:26 à parler du basculement du monde,
22:29 enfin d'un certain basculement du monde.
22:31 À votre avis, et vous consacrez deux ou trois chapitres dans votre livre à cela,
22:36 est-ce qu'au fond...
22:39 Deux questions rapides.
22:43 Ceux qui disent qu'au fond, Zelensky et l'Ukraine
22:46 est entièrement...
22:48 que la stratégie est menée par les Etats-Unis,
22:51 et que quand même, ce que l'on appelle faussement peut-être la marionnette,
22:56 prend des marges de manœuvre, ça c'est ma première question.
22:59 Et deuxième question, est-ce que irrévocablement,
23:02 aujourd'hui, le monde multipolaire a commencé d'exister ?
23:05 - Alors, concernant ma première question,
23:07 Zelensky n'est pas totalement une marionnette,
23:10 dans la mesure où il a aussi ses propres décisions.
23:13 En réalité, il y a beaucoup de choses,
23:15 les Américains regrettent un petit peu que,
23:17 quelquefois, ils soient trop indépendants.
23:19 Et Zelensky, son appareil,
23:23 communique assez peu avec les Américains
23:26 sur leurs intentions, etc.
23:28 Donc, il y a, semble-t-il, la cloison...
23:30 - Il y a une marge de manœuvre.
23:32 - Il y a une marge de manœuvre, et la cloison entre
23:34 l'autorité ukrainienne et l'administration Biden,
23:39 c'est une cloison semi-étanche, quand même.
23:41 - D'accord.
23:42 - Donc, ça, il faut bien le réaliser.
23:44 Et il y a beaucoup de choses, par exemple,
23:47 les incursions en territoire russe,
23:49 puisque c'est ce que vous avez évoqué tout à l'heure,
23:52 ça ne plaît pas aux Américains.
23:54 Et d'ailleurs, un des problèmes, l'incursion sur Belgorod,
23:57 la semaine passée, donc cette espèce de compagnie
24:00 de volontaires russes, qui avait d'ailleurs...
24:02 C'est assez amusant, parce qu'ici, on parle de volontaires
24:05 anti-Poutine, volontaires russes, etc.
24:07 Mais le Financial Times avait interviewé
24:10 le même groupe en mars, après l'incursion sur Bryansk,
24:14 qui avait été faite par exactement les mêmes groupes.
24:16 - Les mêmes groupes, oui.
24:17 - Et le Financial Times avait qualifié ce groupe
24:19 de "white supremacists", donc de "suprémacistes blancs"
24:22 et "néo-nazis".
24:24 Mais ça, dans nos médias, on ne l'a pas du tout dit,
24:26 on se concentre sur le côté anti-Poutine.
24:29 En réalité, c'est bien des gens d'extrême-extrême droite.
24:33 Mais le plus grave dans cette affaire,
24:36 du point de vue américain, c'est qu'ils ont utilisé
24:39 du matériel américain pour faire cette incursion.
24:41 Et les photos qui ont été publiées par la suite
24:44 par les autorités russes, ont alors été...
24:47 ont déclenché une vraie tempête à Washington.
24:50 Parce que Washington a fourni du matériel à l'Ukraine,
24:55 en lui faisant promettre de ne pas l'utiliser
24:57 contre le territoire russe.
24:58 - Et pas à l'intérieur du territoire russe.
25:00 - Contre les russes, oui, mais pas à l'intérieur du territoire.
25:02 Et donc, on voit qu'il y a quand même eu la volonté
25:07 de tenir, de brider un petit peu l'action ukrainienne,
25:12 mais que d'autre part, les Ukrainiens
25:14 prennent un peu leurs aises par rapport aux Américains.
25:17 - Mais en fait, ils sont assez contrôlés quand même,
25:21 ça ne va pas plus loin que ça.
25:23 - On ne sait pas, parce que le problème,
25:26 et là où ça devient dangereux, c'est que
25:29 quand on est dans des situations de, j'allais dire presque de détresse,
25:34 à la fois politique et humaine,
25:36 on ne sait pas à quoi ça peut conduire.
25:38 - Et surtout, vous avez raison, sans parler de l'effet Sarajevo,
25:40 vous avez aussi que les Russes, enfin disent-ils,
25:42 après il faut voir la propagande, les dédécotés russes,
25:45 qu'ils ont attrapé des gens qui essaient de saboter une centrale nucléaire.
25:48 C'est-à-dire, il y a quelques jours, en tout cas, il y a eu ça.
25:51 La question que je voulais vous poser, Jacques Baume,
25:53 au fond, est-ce qu'on est à l'abri, ou jamais vraiment,
25:56 d'une dérive de quelqu'un qui...
25:58 Je ne dis pas qu'il lancerait sa bombe atomique tout seul, comme ça, nucléaire,
26:01 mais enfin, est-ce qu'il peut y avoir une dérive
26:03 qui conduirait à une situation extrêmement dramatique,
26:06 une ville bombardée de part et d'autre,
26:09 avec l'uranium appauvri ou pas appauvri ?
26:12 Est-ce que c'est possible, ou ça vous paraît très peu probable ?
26:15 - Non, l'uranium appauvri, ça c'est une question très technique,
26:19 ni tactique, ni opérative,
26:21 c'est vraiment un problème technique de le char,
26:24 on va laisser ça de côté.
26:26 Non, je pense que du côté russe,
26:28 il y a un contrôle très rationnel des choses,
26:32 la conduite est très rationnelle,
26:34 et je ne pense pas qu'il puisse y avoir...
26:37 Enfin, du côté russe comme du côté américain, à vrai dire.
26:40 Les américains n'ont absolument pas l'intention
26:42 de franchir le pas nucléaire, et les russes non plus.
26:45 Ça, je pense qu'on peut l'exclure totalement.
26:48 En revanche, il peut y avoir d'autres formes de dérive,
26:51 des bombardements massifs, des choses comme ça,
26:54 ça peut être dans le champ du possible.
26:57 Mais, quoique, de nouveau,
26:59 je n'ai pas l'impression que ce soit...
27:01 Du côté russe, les choses sont très maîtrisées quand même.
27:04 Le problème vient d'une situation où
27:07 l'Ukraine est sous pression,
27:09 Zelensky, plus exactement, est sous pression
27:11 de fournir un résultat.
27:13 Et ce n'est pas pour rien que les occidentaux
27:15 le pressent de faire cette fameuse contre-offensive,
27:18 qu'ils n'arrivent pas à faire parce que
27:20 ces dépôts sont explosés au fur et à mesure qu'ils arrivent.
27:25 - C'est-à-dire que les fournitures arrivent et les russes les explosent au fur et à mesure.
27:28 - Voilà, exactement. Et donc, ils n'arrivent pas à déclencher son opération.
27:31 Donc, il doit faire quelque chose pour montrer qu'il est toujours combattif,
27:35 pour montrer qu'il a toujours la volonté de faire quelque chose.
27:38 - Obligation de résultat et retour sur investissement.
27:40 - C'est exactement ça. D'ailleurs, certains politiciens
27:43 anglais, britanniques si mon mémoire est bonne,
27:48 ont dit "on veut un retour sur investissement".
27:50 Donc, on voit que du côté occidental,
27:53 on est dans une logique qui est assez perfide quelque part.
27:57 - Qui est en tout cas sinon perfide,
28:00 ou du moins très claire dans le cynisme.
28:02 - Tout à fait, exactement.
28:04 - Lucien, oui ?
28:06 - Pardon, je vais répondre encore sur la question de la multipolarité.
28:09 Donc, puisque c'est la deuxième question que vous m'avez posée très rapidement.
28:12 Donc, je pense qu'on s'achemine.
28:14 Disons, le conflit ukrainien a cristallisé le fait
28:20 qu'il fallait pour le reste du monde
28:23 se détacher un peu des occidentaux.
28:26 Il ne fallait pas couper le contact,
28:29 et je pense que c'est ce qu'on voit en Afrique.
28:31 En revanche, il fallait solidifier, renforcer les liens
28:35 avec le pôle asiatique et notamment la Chine
28:39 qui, d'une manière ou d'une autre, devient le deuxième vrai pôle économique du globe.
28:46 - Et qui attend tranquillement son tour.
28:49 - Et voilà.
28:51 - Lucien, vous avez la parole.
28:53 - Vous avez la parole, oui, sur Sud Radio 0826 300 300.
28:56 Et on accueille Julien de Marseille.
28:58 Bonjour Julien.
28:59 - Bonjour Julien.
29:00 - Bonjour André, bonjour Jacques Bo, encore heureux de vous avoir.
29:03 - Merci.
29:04 - J'ai une question à vous poser par rapport à Zalouzny justement,
29:07 et bon, il y a des rumeurs, après on n'a toujours pas de confirmation,
29:11 comme quoi il aurait été blessé à Poltava par les Russes,
29:14 et qu'on ne voit plus dans la circulation.
29:17 Est-ce que vous pensez que c'est ça qui peut retarder l'opposition ukrainienne ?
29:21 Et est-ce que vous pensez que ça peut être soit la disparition subie par les Russes
29:26 ou subie par le Kremlin, qui en ce moment ne sont pas très d'accord sur...
29:29 - Tout à fait.
29:30 - ...sur la façon d'utiliser les troupes sur la ligne de pont.
29:32 - Bonne question Julien.
29:33 Alors, qui de Zalouzny ?
29:35 C'est une très bonne question.
29:37 Effectivement, il y a eu beaucoup de spéculations,
29:40 on a effectivement parlé du fait qu'il aurait été blessé, même gravement blessé,
29:44 et qu'il aurait même dû subir une intervention chirurgicale à la tête, etc.
29:48 Mais le problème c'est qu'il a refait surface il y a quelques jours...
29:53 - Donc on dit que c'est pas lui ?
29:55 - Non, non, je pense que c'est lui, et il avait pas l'air d'être blessé.
30:01 Donc il doit y avoir autre chose.
30:04 Et beaucoup d'experts se sont posé la question,
30:09 et personnellement, je privilégie l'idée que la situation qu'il y a actuellement en Ukraine
30:18 a conduit à créer un fossé entre l'état-major militaire et Zelensky, et le pouvoir politique.
30:30 Et que Zalouzny a été un peu mis à l'écart.
30:35 D'ailleurs, on a constaté que certains des récents ordres qui étaient donnés à l'armée ukrainienne
30:40 ont été donnés par le général Sirsky, qui est le chef des troupes terrestres,
30:44 et non pas le chef des forces armées.
30:46 Donc ça veut dire que...
30:49 - Vous pensez qu'il y a quand même quelque chose ?
30:51 - Il y a quelque chose à l'intérieur de l'appareil.
30:53 On est content que Zalouzny avait demandé à Zelensky de ne pas insister sur Barmout,
31:02 de retirer les troupes, de façon à épargner des vies qui étaient plus précieuses...
31:05 - Ce qu'a n'a pas fait Zelensky.
31:07 - Ce qu'a n'a pas fait Zelensky.
31:08 Et je pense que ça, c'est actuellement...
31:11 D'ailleurs, la mise à l'écart ou la disparition de Zalouzny est apparue
31:15 juste au moment où on annonçait la défaite de Barmout.
31:18 Je pense que c'est beaucoup plus lié à ça qu'autre chose en réalité.
31:23 - Très bien, merci Julien.
31:24 - Merci à vous.
31:25 - On accueille Philippe de Caen. Bonjour Philippe.
31:28 - Bonjour Philippe.
31:29 - Oui, bonjour André, bonjour monsieur vous.
31:31 Oui, alors j'aimerais bien revenir en amont, excusez-moi, mais pour rappel quand même.
31:37 Je me demande moi si madame Merkel, en faisant ses courses dans son petit magasin local,
31:43 et notre président Macron arrivent à bien dormir.
31:46 Parce qu'ils étaient les responsables de l'application des accords de Minsk.
31:52 Moi je trouve ça vraiment déplorable.
31:56 Vous parliez de médias.
31:59 Actuellement, il y a une chaîne de propagande qu'ils appellent LCI.
32:03 Mais c'est une jouissance à les entendre parler des victoires ukrainiennes
32:08 par rapport à la Russie. Il n'y a pas d'équilibre.
32:11 Et enfin, une dernière petite chose, monsieur Beaux.
32:13 Pensez-vous quand même que les Chinois,
32:16 puisque apparemment c'est le nouvel ordre aussi, en termes de diplomatie,
32:23 est-ce que les Chinois ne pourraient pas faire tampon entre la Russie
32:28 et le bloc de l'Est, ex-bloc de l'Est, et notamment l'Ukraine ?
32:33 - Alors, deux questions.
32:35 - Merci pour ces questions.
32:37 Alors je vais revenir sur la question de la désinformation.
32:40 C'est une chose intéressante.
32:43 En temps de guerre, les deux parties d'un conflit ont toujours,
32:48 essayent de masquer leurs intentions, à modifier les perceptions.
32:51 - C'est appelé la guerre de l'information.
32:53 - C'est la guerre de l'information.
32:54 Et on a un mélange de propagande et de désinformation.
32:57 La propagande, je le rappelle, c'est valoriser ses points forts.
33:00 Propaganda est ce qu'il faut propager.
33:03 Donc c'est l'information qu'il faut propager.
33:06 Et puis la désinformation, c'est de tromper l'adversaire sur ses intentions.
33:09 Donc, techniquement, un défenseur, il a tendance à accentuer la propagande.
33:17 Parce qu'il essaie de montrer combien il est fort.
33:19 Et de mettre en avant ses forces, pour dissuader l'adversaire de l'attaquer.
33:23 Et l'attaquant joue généralement beaucoup plus sur la désinformation.
33:28 Parce qu'il essaie de montrer combien il est faible,
33:31 combien il est incapable d'attaquer, combien sa conduite est faible,
33:34 combien il n'a pas de missiles, combien il n'a pas d'artillerie,
33:36 combien il n'a pas de chars.
33:38 Or, vous constatez que ce discours-là, c'est pas les Russes qui le font, c'est LCI.
33:45 - Oui, tout à fait.
33:47 - Ce sont les Occidentaux qui ont fait la désinformation.
33:51 C'est pour ça que je dis souvent aux Russes...
33:53 Je dis souvent aux Russes, remerciez LCI et BFM TV.
33:58 Qui ont, en réalité, montré l'image d'une Russie beaucoup plus faible qu'elle n'était.
34:05 Et probablement induit le...
34:08 Enfin, c'est pas simplement eux, bien sûr, parce qu'il y en a bien d'autres qui ont participé.
34:11 Mais puisque l'on est en France, c'est un peu ce que vous avez cité.
34:15 Et d'ailleurs, ça se voit dans le problème des missiles.
34:20 Vous voyez, depuis mars 2022, nos médias racontent que la Russie n'a plus de missiles.
34:27 Ils avaient déjà tiré les premiers en février 2022.
34:30 - Ils ont même... Vous vous rappelez, pardon, je dois le dire, cet épisode sur LCI,
34:34 où il y avait un char maquette qu'ils ont démonté.
34:36 Et on a dit, vous voyez, les Russes manquent tellement de chars,
34:39 qu'ils sont en train de réarmer un char qui, visiblement, pour un enfant de 8 ans, était une maquette.
34:44 - Donc, on a joué avec ça.
34:48 La conséquence d'avoir dit que les Russes n'avaient pas de missiles...
34:52 Et vraiment, vous pouvez regarder, j'ai regardé depuis une année,
34:56 on répète constamment qu'ils n'ont plus de missiles, qu'ils n'ont plus d'artillerie,
34:59 qu'ils n'ont plus rien, mais ils continuent à tirer.
35:01 La conséquence de ça, c'est qu'on n'a pas donné à l'Ukraine des missiles anti-missiles.
35:07 On a tellement cru à notre propre désinformation,
35:11 qu'on a finalement pas donné aux Ukrainiens ce dont ils avaient besoin.
35:16 Et c'est l'illustration du fait qu'en réalité,
35:21 cette désinformation que la logique aurait voulu...
35:25 Parce que tous les... C'est standard, quand vous avez, dans n'importe quelle guerre,
35:30 on l'a vu pendant la Deuxième Guerre mondiale,
35:32 l'idée c'est de vous présenter, quand vous êtes attaquant, plus faible que vous ne l'êtes.
35:35 Et c'est exactement ce qu'ont fait nos médias.
35:38 Donc, c'est paradoxal, et on pourrait dire que LCI ont été les plus grands supporters de Poutine en réalité.
35:46 - Merci Monsieur Gault.
35:49 - Très intéressant, non mais c'est vrai de ce point de vue là.
35:52 Je crois qu'il y avait une autre question, Philippe ?
35:55 Vous aviez parlé aussi de... Je ne sais pas, vous aviez une question ?
36:02 - Oui, sur l'un des axes, éventuellement, un axe diplomatique...
36:06 - Ah oui, le rôle de la Chine.
36:09 Alors, la Chine, il faut bien comprendre que la Chine,
36:13 d'abord elle a fait une proposition de médiation.
36:18 Je vous rappelle qu'elle avait été contactée l'année passée, au début de l'année passée, par Zelensky lui-même.
36:26 Il avait contacté trois pays en mars de l'année passée pour jouer le rôle de médiateur.
36:33 Ils avaient contacté la Chine, Israël et la Turquie.
36:37 Qui est intéressant quand même.
36:39 Et finalement c'est la Turquie qui a joué ce rôle de médiateur,
36:43 qu'elle continue à entretenir d'ailleurs, de cette manière.
36:46 La Chine était probablement inacceptable pour les Américains, etc.
36:50 La Turquie est évidemment un membre de l'OTAN, donc certainement plus acceptable.
36:54 Donc la Chine, elle, elle a toujours été un peu sur les rangs.
36:57 Ils avaient de bonnes relations avec l'Ukraine jusqu'à il y a très peu de temps,
37:03 avant que l'Ukraine commence à accuser la Chine de tous les maux de la Terre.
37:07 Donc la Chine pourrait jouer ce rôle.
37:11 Le problème c'est que les Occidentaux ne veulent pas donner, j'allais dire, ce plaisir à la Chine
37:17 d'être médiateur et donc d'apporter une solution au conflit.
37:21 C'est un peu ça dans lequel on est.
37:23 Les Occidentaux ne veulent pas une solution qui soit favorable à la Russie
37:28 et ne veulent pas non plus que la Chine puisse...
37:31 - Tirer les marrons du feu. - Tirer les marrons du feu, exactement.
37:34 - C'est très intéressant. On va prendre une petite pause peut-être.
37:38 Merci beaucoup à Philippe et on se retrouve tout de suite.
37:40 Vous continuez de nous appeler au 0826 300 300.
37:42 A tout de suite sur Sud Radio.
37:44 Ici Sud Radio.
37:49 Les Français parlent au français.
37:53 Je n'aime pas la blanquette de veau.
37:59 Sud Radio Bercov dans tous ses états.
38:03 Eh bien, dans tous mes états, j'aimerais bien être le seul à être dans tous mes états,
38:08 mais vous savez que ce n'est pas le cas.
38:10 Et dans ce livre de Jacques Baud, "Ukraine entre guerre et paix",
38:14 vous savez, tout ce qui se passe et ces enjeux, ça nous concerne.
38:17 Ça nous concerne, ça nous impacte.
38:19 Pas quelque chose qu'on peut dire.
38:21 Et justement, quand Jacques Baud dit à la fin, je voudrais revenir là-dessus,
38:25 parce qu'il l'a évoqué, il dit...
38:28 "Coller des étiquettes n'est qu'une manière d'exclure le dialogue.
38:34 En l'occurrence, les diplomates occidentaux auraient été bien inspirés
38:37 de se pencher sur la question suivante.
38:40 Qu'est-ce qui fait que ce conflit est plus condamnable
38:42 que ceux que nous avons créés auparavant ?
38:44 Or, à ma connaissance, aucun diplomate, journaliste, policier occidental
38:47 n'a une seule fois soulevé cette question, ni même tenté d'y répondre."
38:50 Eh bien, écoutez, on l'a commencé à la soulever.
38:53 Tentons d'y répondre, Jacques Baud.
38:55 Au fond, je vous avais dit hors antenne que
38:59 est-ce que la proximité jouait pas, parce que incontestablement,
39:02 certes, il y a eu le bombardement de l'OTAN et de l'Augslavie,
39:05 et on sait ce qu'il a fait en 1999,
39:07 mais enfin, est-ce que le fait que ça se passe entre Européens,
39:12 entre... voilà, même la Russie,
39:15 quand il y a une partie de la Russie qui est indubitablement européenne,
39:18 laissons les vicissitudes politiques de côté,
39:21 mais au fond, est-ce que c'est plus ou moins condamnable ?
39:25 Parce qu'après tout, le Yémen, la Libye, l'Irak, tout le reste,
39:30 c'est aussi condamnable.
39:32 - Alors, il y a une différence par rapport au conflit précédent,
39:35 au conflit européen, vous avez évoqué celui des Balkans,
39:38 c'est que cette fois-ci, on a la Russie.
39:40 Et là, quand vous regardez les réactions,
39:45 ou la manière de gérer les affaires de la Pologne et des pays baltes,
39:52 vous apercevez qu'on est purement dans l'émotionnel.
39:55 Et quand vous regardez, finalement, sur qui s'appuient les Américains
40:00 pour relayer leur politique en Europe,
40:03 et bien ils utilisent le relais de la Pologne et des pays baltes.
40:07 Et même des pays comme la Hongrie
40:10 s'interrogent d'ailleurs sur la pertinence de ce conflit,
40:14 et la bonne et simple raison, c'est que la Hongrie,
40:17 on l'oublie bien souvent,
40:19 mais elle a une forte minorité, enfin une forte minorité,
40:22 elle a une minorité magyare en Ukraine,
40:25 qui est d'ailleurs très mal traitée par les Ukrainiens depuis 2014.
40:29 Et dont les droits sont systématiquement bafoués.
40:32 La Hongrie a plusieurs reprises interpellé le Conseil de l'Europe
40:37 pour que les droits de sa minorité,
40:40 ou des minorités magyares en Ukraine soient respectés,
40:43 et c'est la raison pour laquelle aujourd'hui, d'ailleurs,
40:45 la Hongrie bloque les sanctions, le paquet de sanctions
40:49 de l'Union Européenne, parce qu'ils disent
40:52 "on veut que l'Ukraine prenne des..."
40:56 Donc il y a un aspect émotionnel.
40:58 - Absolument. Alors juste un mot con, vous expliquez l'extraordinaire...
41:01 Pourquoi pas, c'est pas un jugement.
41:04 Mais Urso Lavenderijan qui va 6 fois de suite
41:07 voir Zelensky à Kiev, ou en tout cas...
41:10 Et puis Emmanuel Macron et tous les autres.
41:13 Et c'est presque, on peut dire, la croisade.
41:16 Parce qu'on dit "oui, c'est évidemment la petite Ukraine démocrate
41:21 qui est massacrée par Liman".
41:24 Et là, tous les schémas soviétiques reviennent en force.
41:29 Voilà, les salauds d'autocrates qui massacrent un peuple...
41:33 - On est dans l'irrationnel.
41:35 - Effectivement, on a fabriqué un discours auquel on s'est mis à croire nous-mêmes.
41:40 Et c'est en fait pas tout à fait nouveau, parce que j'ai travaillé 5 ans au sein de l'OTAN
41:46 et j'ai remarqué que, contre toute attente,
41:50 ces pays d'Europe de l'Est, que Rumsfeld appelait "la nouvelle Europe",
41:54 c'est ceux qui ont le plus de poids, pratiquement.
41:57 Quand bien même les grands pays comme l'Allemagne, la France, l'Italie,
42:02 l'Espagne, la Grande-Bretagne sont des gros pourvoyeurs d'officiers,
42:07 au sein de l'OTAN, mais au niveau des idées,
42:10 au niveau de l'idéologie, on pourrait dire
42:14 que ce sont ces pays-là qui sont porteurs du discours américain.
42:17 Et on retrouve la même chose dans l'Europe.
42:20 Ces gens relaient le discours américain au sein de l'Europe.
42:24 Alors, c'est évidemment plus facile d'être contre Poutine
42:29 que d'être contre... parce qu'on a tellement développé un discours contre lui.
42:34 Et on est un peu prisonniers de ce narratif.
42:37 Et c'est là où je vois quelque chose de pervers,
42:41 c'est-à-dire que, peu importe ce qu'on pense de l'un ou de l'autre,
42:44 mais à un moment, il faut bien réaliser qu'il y a des gens qui meurent quand même sur le terrain
42:48 et que c'est pas simplement pour punir ou pour montrer à Poutine
42:54 comme il est faible qu'on laisse des gens mourir sur le champ de bataille.
42:58 Donc, il y a un peu une absurdité.
43:01 Et comme le rappelait d'ailleurs l'auditeur tout à l'heure,
43:04 on aurait pu éviter ça avant.
43:06 Si on avait vraiment voulu éviter...
43:08 - Les accords de Minsk, etc. - Les accords de Minsk étaient là,
43:10 précisément pour éviter que Poutine intervienne.
43:14 - Et il faut arrêter de se battre jusqu'au dernier ukrainien.
43:17 Voilà, lisez le livre de Jacques Bo, parce qu'il va vous apprendre beaucoup, beaucoup de choses.
43:22 - Merci beaucoup, chers auditeurs, d'être toujours aussi nombreux à nous écouter.
43:25 Merci à Jacques Bo, ex-membre des renseignements stratégiques suisses,
43:28 pour son dernier livre, "Ukraine entre guerre et paix", aux éditions MaxMilo.
43:33 Tout de suite, l'émission de Bridget Lay, on se retrouve après les informations.
43:36 A tout de suite sur Sud Radio.

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