Avec Alexandre Del Valle, geopolitologue,
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00:00Alors voilà, on peut se demander si certains français ont réagi comme Boris Vian avait réagi, mais c'était la guerre d'Algérie, c'était en 1956, cette chanson, Le Déserteur,
00:14par rapport et en face aux déclarations d'Emmanuel Macron à son allocution hier à 20h devant 15 millions de téléspectateurs.
00:26Voilà, et il a dit, on en a parlé au début de l'émission, voilà, il faut faire très attention, il y a une vraie menace russe, il y a une menace russe sur le continent,
00:36nous devons continuer à aider l'Ukraine, on ne sait pas ce qui se passe aux Etats-Unis, est-ce que les Etats-Unis vont être toujours là ou pas,
00:42le doute sur la suite, donc nous entrons dans une nouvelle ère, etc., etc. Pendant ce temps, on voit déjà les réactions russes,
00:50un sommet, encore une fois, un sommet exceptionnel européen, aujourd'hui, avec les 27 chefs d'Etat et de gouvernants européens.
00:59Alexandre Delval, bonjour.
01:01Bonjour.
01:03Alors Alexandre Delval, vous êtes géopolitologue, vous avez écrit plusieurs livres, on vous a reçu à plusieurs reprises pour vos livres,
01:09et toujours avec intérêt, bien sûr, et plus que ça, le dernier vers un choc global aux éditions du Toucan, de l'artillerie du Toucan.
01:16Alors, est-ce que c'est des bruits de bottes, des bruits de voix, ou effectivement des bruits, à votre avis, des bruits quand même qui annoncent des mobilisations générales,
01:27je n'irai pas un peu partout, parce que d'un côté, on voit Trump et Zelensky, le clash de vendredi, l'apparente rabimochage d'hier,
01:39parlent de paix, en tout cas, Trump et Poutine vont se voir bientôt, et en Europe, c'est exactement le contraire, ou en tout cas, pas du tout la même chanson,
01:50pas du tout les mêmes paroles, on se mobilise. Qu'est-ce qui se passe, à votre avis ?
01:55Moi, je pense que ce qui se passe, c'est essentiellement du théâtre. Vous allez voir bientôt l'interview que j'ai réalisée d'un très grand militaire,
02:05ancien des forces spéciales, Olivier Krohn, qui est plutôt pro-ukrainien, donc il n'y a vraiment rien de commandé là-dedans ou de suspect.
02:14Et dans l'interview qui va paraître bientôt, il le fait un État des forces européennes, mais c'est lamentable. Pour un demi-milliard d'habitants, l'Union européenne,
02:25me dit-il, et il confirme ce que disent beaucoup de commentateurs, ne peut pas envoyer plus de 40 000 personnes, mais au grand maximum...
02:33— Attendez, Alexandre, il lui dit que toute l'Union européenne ne peut pas envoyer plus de 40 000 hommes, c'est ça ?
02:39— L'Union européenne plus les Anglais ne peuvent pas envoyer, mais au grand maximum, me dit-il, 40 000 personnes en même temps,
02:48parce que pour avoir 40 000 personnes en même temps et en permanence, il faut un roulement, et il faut en avoir à peu près 120 000 de disponibles.
02:57Et il me dit qu'on ne peut pas faire plus. Alors ceux qui disent « Oui, on va augmenter les budgets de défense, bientôt, on aura une armée européenne »,
03:04mais ça se fait pas en 3 jours, on n'a pas de gros avions transporteurs, on n'a pas d'avions ravitailleurs comme on l'a vu pour la guerre en Libye,
03:11comme on l'a vu au Mali. À chaque fois qu'on fait des petites guerres contre des pays très faibles, très faciles à renverser, même là,
03:19pour quelques mois, on a besoin des avions transporteurs, des avions ravitailleurs américains au bout de quelques heures.
03:25On n'avait même pas de drones. La France est en retard sur les drones. Nous sommes incapables de livrer la moindre guerre.
03:31Il faudra au moins 5 à 10 ans pour pouvoir être un peu moins pire. Ça veut dire quoi ? C'est du gonflement de muscles pour avoir l'air d'être le Churchill,
03:41le leader européen qui n'est pas lâche comme les autres, etc. Et ce qui m'a le plus frappé dans ce discours, parce qu'augmenter les budgets militaires, c'est très bien.
03:50Faire une armée française et une coopération de différentes armées européennes pour moins dépendre des Américains, c'est très très bien.
04:00Alors peut-être que c'est du mensonge et de l'exagération pour une bonne cause.
04:04Mais qu'est-ce qui vous a frappé dans le discours, Alexandre ?
04:08Ce qui m'a le plus choqué, rappelez-vous vers la fin, ça m'a vraiment choqué, j'ai tout de suite compris.
04:15C'est ce que j'appelle le syndrome Georges Escou ou le syndrome roumain. Il dit à la fin, toute vérité n'est pas forcément une vérité.
04:23La notion de vérité reste à définir. Il faut voir ce qu'on appelle une vérité. Et il dit, la liberté d'expression ne doit pas être n'importe quelle liberté d'expression.
04:34Et parfois, elle peut être limitée. On nous prépare à un syndrome roumain. Ça veut dire que l'Union européenne confirme sa dérive.
04:41Les pays d'Union européenne confirment une dérive qui consiste à nous faire peur avec une menace russe qui est une menace pour les Ukrainiens mais pas pour nous.
04:49Aucun pays de l'Union européenne n'est menacé directement. Vous voyez derrière moi, il y a un tableau.
04:54Je viens de faire mon cours en anglais avec mes étudiants internationaux de géopolitique.
04:58Et dans la conception classique de la géopolitique, un ennemi, c'est celui qui vous flingue, qui vous égorge dans votre baignoire ou sur votre terrasse.
05:06Qui vous envahit physiquement.
05:10Il vous envahit physiquement votre territoire, il attaque physiquement votre population et il détruit vos institutions.
05:17Donc la Russie est incontestablement l'ennemi de l'Ukraine.
05:21Mais elle n'est pas encore l'ennemi des pays baltes, même si ça pourrait. Et elle ne l'est absolument pas pour la France.
05:27Donc on nous ment quand on nous dit que la Russie est l'ennemi existentiel.
05:31C'est pour ne pas parler de l'autre ennemi. C'est ce que j'ai écrit dans mon livre en 2018.
05:36Les vrais ennemis de l'Occident. On nous parle de l'ennemi russe pour ne pas parler de l'ennemi interne.
05:41Et je regrette de le dire, mais M. Vance a tout à fait raison lorsqu'il a dit aux Européens.
05:47La menace existentielle qui peut vous faire disparaître, ce n'est ni la Chine et sa concurrence.
05:52Ça, c'est un problème économique. Ni la Russie, sauf pour l'Ukraine.
05:56Et c'est une menace interne. C'est l'immigration non contrôlée et le terrorisme islamiste, bien sûr.
06:05Mais c'est aussi vos reniements à vos propres valeurs de John Locke et de la démocratie et de tout ce qu'on nous dit tout le temps.
06:13La liberté va être réduite de plus en plus. Et Macron l'a carrément préparé hier au nom d'une menace russe.
06:20La bonne chose de ce discours, c'est qu'en exagérant la menace russe pour la France, qui n'en est pas une,
06:25ça va permettre de faire admettre aux gens des sacrifices pour augmenter les budgets militaires.
06:30Le problème, c'est que plutôt que de prendre sur la bête et le mammouth et de limiter les énormes défenses,
06:36l'IFRAP qui est très sérieux, ça fait plein d'études, on pourrait utiliser des dizaines de milliards sur les dépenses inutiles.
06:42— Oui, on l'a dit depuis longtemps, ça. Oui, tout à fait.
06:46— On va ponctionner les Français en leur disant pour les endormis qu'on ne va pas augmenter les impôts,
06:50mais on va augmenter les prélèvements obligatoires, on va réduire les retraites, on va dérembourser les médicaments,
06:56alors qu'on n'enlève pas les cartes...
06:58— Oui, mais pire, pire. Alexandre Delval, attendez. Il y a deux choses que vous venez de dire qui me paraissent quand même importantes.
07:03C'est qu'en fait, sous le prétexte de combattre la Russie, on va combattre la liberté d'expression, quelque part.
07:09Je veux dire, en schématisant...
07:11— Regardez. Un exemple concret que même un antirusse pourrait dire, un antirusse primaire pourrait dire.
07:16On n'a jamais interdit Al Jazeera, une télévision qui a relayé Bin Laden pendant des années
07:22et qui a fait le relais des révolutions arabes au profit des frères musulmans.
07:27Al Jazeera, le pays qui aide les talibans et les somaliens djihadistes, les fameux pirates somaliens djihadistes,
07:34Delchebab, etc., Al Jazeera n'a jamais été interdite.
07:38Et une dizaine de chaînes arabes développent chaque jour, même sur des fréquences libres, même pas payantes,
07:44des déversements de haine antisémites. Ça n'a jamais été interdit.
07:48Et Al Jazeera, qui a carrément aidé des terroristes, qui a relayé également le Hamas, mais pas que le Hamas.
07:54Je parlais des Delchebab et des Talibans.
07:56— Daesh et compagnie. Oui, tout à fait.
07:58— Mais par contre, on a interdit RT, qui ne menaçait pas existentiellement les Français en les attaquant sur les terrasses.
08:04Là, on a interdit RT. En Roumanie, on a arrêté et mis en résidence surveillée.
08:11On a empêché quelqu'un qui remontait dans les sondages après l'annulation de sa première victoire.
08:16On nous prépare à ce que ça devienne normal dans les pays européens de faire taire des gens
08:22qui n'ont pas un discours atlantiste, l'atlantisme devenant de plus en plus européiste,
08:27puisque si Trump lâche un peu l'atlantisme, l'atlantisme deviendra la structure de défense unique de l'UE.
08:34Mais alors justement, Alexandre Delvan, c'est très intéressant, enfin intéressant en même temps,
08:39très préoccupant et peut-être même terrifiant, ce jeu affront renversé.
08:43C'est-à-dire comment même où Trump dit, écoutez, pour des raisons d'ailleurs pas seulement évidemment morales et autres,
08:50des intérêts, je me retourne moi vers l'Asie, moi, je vais m'occuper effectivement de l'Amérique
08:58et de faire que l'Amérique s'en dépense.
09:00Est-ce que ça peut aller sans dépenser des sommes folles pour l'Ukraine ?
09:04Est-ce que ça peut aller, à votre avis, au moment où effectivement les chefs d'État et du gouvernement européen
09:11vont se réunir en session extraordinaire, en conseil extraordinaire pour dire voilà ce qu'on va faire pour l'Ukraine
09:16et en tout cas vis-à-vis de la Russie, en même temps, lui, il va voir Poutine d'ici deux semaines ou trois semaines,
09:22je parle de lui, Trump bien sûr.
09:24Et en même temps, on nous dit ici, vous avez entendu, il faudra, et un certain président de banque a dit,
09:32il faudra puiser dans les pannes des Français pour soutenir l'effort de guerre.
09:36C'est même pas une question d'impôt, c'est une question de puiser dans les pannes des Français.
09:40Ça va quand même très loin.
09:42Est-ce que, à votre avis, ça reste de l'ordre du gonflement de biceps et des effets de manche
09:51où effectivement ça peut déboucher de part et d'autre sur autre chose ?
09:55Ça peut déboucher sur autre chose. J'ai beaucoup travaillé il y a des années sur un rapport concernant le bail-in.
10:03Pour nos auditeurs, le bail-in, c'est quand on va saisir des avoirs de petits porteurs pour payer la dette de banque d'État.
10:11Chypre avait été ruinée à cause des emprunts grecs et l'Union européenne n'avait pas été solidaire
10:16et on avait enraciné la fameuse loi Sapin. On va pouvoir ponctionner en 24 heures pendant la nuit.
10:22Moi j'ai une amie chypriote qui avait gagné cet argent tout à fait honnêtement.
10:27Ce n'était pas des oligarques russes comme on a dit.
10:29Elle a perdu en une nuit 2 millions d'euros.
10:32Elle a perdu toutes les économies de sa famille dont elle avait hérité.
10:35On nous prépare à ça. Quand je parle à des banquiers, ils me disent très souvent
10:38bientôt l'idée de l'Union européenne c'est de supprimer le liquide pour l'hyper contrôle par les traçages, etc.
10:44Et bientôt nous préparer à ce que les riches soient ponctionnés s'ils ne veulent pas.
10:48Effectivement, on ne va pas augmenter les impôts.
10:50On nous l'a annoncé hier, on a dit qu'il faudrait que les milliardaires participent à l'effort de défense.
10:55Vous verrez, dans un temps pas si lointain, on nous préparera des ponctions.
11:01Dans la nuit, on se réveillera.
11:03Tout ce qui sera au-dessus de 100 000 euros, parce que c'est la loi,
11:06si ce n'est pas un compte société, si ce n'est pas des titres mais un compte courant,
11:11on pourra vous prendre ce qui dépasse 100 000 euros.
11:14Alors, il y a beaucoup de gens parmi nos auditeurs qui vont me dire
11:17tant pis pour eux, moi je n'ai même pas 20 000 euros, je les comprends.
11:20Mais pour celui qui a mérité...
11:22Bien sûr, et qui a travaillé toute sa vie et qui a fait tout ce qu'il y avait à faire,
11:26bien sûr, ils sont nombreux.
11:28Absolument, donc on nous prépare à des ponctions sur nos remises en question de la liberté et de propriété.
11:34D'ailleurs, l'idée de prendre les avoirs russes et non pas uniquement les intérêts
11:38ou de s'en servir pour des garanties, pour des prêts pour financer la défense,
11:43c'est déjà le début d'un vol.
11:46Mais imaginez les autres pays du monde qui ne sont pas très démocrates.
11:49Ils ne voudront plus placer dans la zone Europe.
11:51Bien sûr, bien sûr.
11:53L'Europe va devenir une zone qui est synonyme de confiscation d'avoirs et non sécurité juridique.
11:59Donc pour vous, Alexandre Delval, au fond, aujourd'hui,
12:02on voit cette espèce d'extraordinaire renversement et bouleversement.
12:07En fait, l'Union Européenne, disons, et l'Angleterre aussi, en l'occurrence,
12:14qui n'appartient plus à cette UE, n'est pas en train de quoi ?
12:19D'essayer cette fuite en avant pour l'Europe ? C'est quoi ?
12:22Non, je pense que l'ennemi russe, qui est réel pour certains pays,
12:26comme il le serait absolument pas, mais qui n'est pas réel pour les pays de l'OTAN et de l'Union Européenne,
12:32reste un ennemi, ce qu'on appelle un vrai ennemi pour les uns,
12:35pas pour les autres, mais un ennemi utile qui permet de justifier des réductions de libertés,
12:41des réductions d'acquis sociaux, des réductions en général de droits
12:46et une démocratie qui va de plus en plus définir...
12:49Vous savez qu'en géopolitique, nous, on définit l'ennemi comme celui qui attaque votre territoire,
12:54votre population et vos institutions.
12:56La nouvelle dérive, c'est de dire que l'ennemi, c'est déjà celui qui ne pense pas comme vous
13:01et qui dit ce qu'il y a d'un domaine idéologique qui va réveiller des cinquièmes colonnes.
13:07Mais si on prend ce critère, l'Algérie est encore plus l'ennemi, il faut lui déclarer la guerre,
13:12la Turquie, qui est alimente, plein de communautés de loups gris et de milligulus
13:17et plein d'organisations totalement hostiles à nos valeurs, c'est un ennemi.
13:21On pourrait parler aussi du Pakistan, des frères musulmans,
13:24on pourrait parler de l'Amérique, qui pendant des années a fait de l'ingérence et avec la NSA...
13:29Des coups d'État et des renversements de régime.
13:33Non, ils ont fait des coups d'État et des renversements de régime.
13:37Jeffrey Sachs en a dénombré une centaine.
13:40Si on définit l'ennemi comme celui qui influence votre opinion politique,
13:47n'empêche que l'opinion, il est content d'avoir voté pour Georges Escou en Roumanie, on l'a pas obligé.
13:51TikTok a favorisé les espaces où on entend le discours de Georges Escou,
13:56mais comme l'a dit Vance, les gens ont aimé ce discours,
13:59donc c'est pas forcément antidémocratique.
14:01Si on définit l'ennemi comme celui qui va faire un peu d'influence chez vous,
14:05alors on en a plein des ennemis, à commencer par les Américains, par les Anglais, à commencer par...
14:10Tout à fait, on part dans des rives complètement folles.
14:14Alexandre Delval, on va continuer d'en parler, merci beaucoup.
14:18On va suivre toute cette actualité et on va notamment la suivre avec vous,
14:23parce qu'effectivement commence ici et depuis quelque temps une nouvelle ère,
14:27les plaques tectoniques sont en train de bouger à toute vitesse,
14:30et qui vivra verra, on espère qu'on vivra en tout cas, pour le voir.
14:34Merci.