Benoit Bazin, directeur général de Saint-Gobain
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:04 Bonsoir à toutes et à tous. Quel rôle doivent jouer les acteurs privés dans la rénovation énergétique des bâtiments et notamment des bâtiments publics ?
00:12 Pour en parler ce soir, je reçois le directeur général de Saint-Gobain, Benoît Bazin. Bonsoir.
00:17 Bonsoir.
00:18 Votre entreprise est leader mondial des matériaux de construction.
00:21 Saint-Gobain était représentée tout à l'heure lors de la présentation du vaste plan de rénovation des écoles par le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchut.
00:30 Alors, tous les établissements scolaires ne sont pas des passoires thermiques, mais tout de même, moins de 20% du parc immobilier des écoles en France a été rénové.
00:39 Comment, vous, Saint-Gobain, vous pouvez concrètement participer à leur rénovation énergétique ?
00:44 Alors, c'est très, très important, effectivement, que l'État, les collectivités soient exemplaires sur les bâtiments publics.
00:49 Une bonne rénovation, c'est à la fois l'efficacité énergétique, économiser l'énergie qu'on ne dépense pas parce que le bâtiment est bien isolé.
00:57 Le directeur d'école peut redépenser cet argent pour des ordinateurs, pour ses enseignants, pour les enfants.
01:02 C'est aussi la bonne acoustique d'une salle de classe.
01:04 C'est finalement comprendre l'utilité sociale et le bien-être dans un bâtiment.
01:09 Un bâtiment, ce n'est pas uniquement quatre murs.
01:10 C'est un lieu où on travaille.
01:12 C'est un lieu où on crée.
01:13 Et donc, un enseignant va mieux enseigner dans un bâtiment dont l'acoustique est bonne, dont il ne fait pas trop froid l'hiver.
01:20 Il n'y a pas de trop chaud l'été.
01:22 On l'a vu avec la canicule de l'été dernier.
01:24 Et l'enfant va mieux apprendre.
01:25 Donc, c'est finalement sur tous les bâtiments publics, la qualité du bâtiment apporte du bien-être, de la productivité et finalement fait croître notre pays.
01:32 Et c'est quoi une bonne rénovation énergétique d'un bâtiment public ?
01:36 J'ai vu que les objectifs du gouvernement, c'était un cinquième en gros des 49 000 écoles rénovées d'ici la fin du quinquennat.
01:42 Ça consiste en quoi ? Changer les fenêtres ?
01:44 Alors, il faut penser à une rénovation globale.
01:46 C'est d'abord, effectivement, l'efficacité énergétique, la façade, les fenêtres pour s'isoler du froid ou du chaud.
01:54 C'est aussi la qualité de l'air intérieur.
01:56 On sait bien qu'un enfant va mieux se concentrer s'il n'y a pas trop de CO2 dans la pièce.
02:02 Et donc, la qualité de l'apprentissage sera meilleure.
02:04 Donc, c'est aussi la qualité de l'air intérieur.
02:06 C'est la qualité acoustique.
02:07 Parce que si vous êtes enseignant, c'est un métier exigeant de ne pas devoir crier trop fort et donc avoir des problèmes de santé après plusieurs années d'enseignement.
02:17 La qualité acoustique, c'est aussi très important.
02:19 Donc, c'est un ensemble.
02:20 Comme dans le bâtiment privé, il faut penser à rénovation globale, efficacité énergétique, acoustique, qualité de l'air.
02:26 Il faut penser aux toits, aux façades, au sol, aux cloisons intérieurs.
02:30 L'ensemble finalement d'une rénovation.
02:32 Et qui, selon vous, Benoît Bazin, doit financer ces rénovations énergétiques ?
02:36 On voit très bien que le gouvernement fait un appel du pied aux investisseurs privés.
02:40 En gros, les collectivités ne vont pas pouvoir supporter le coût très important de ces rénovations à venir.
02:46 Il faut d'abord rentrer dans une logique d'investissement.
02:49 Donc, il faut dépasser pour une collectivité, pour l'État, le raisonnement juste annuel.
02:53 Qu'est-ce que je fais sur cette année ?
02:55 Il faut rentrer dans une logique d'investissement.
02:57 Parce que si vous faites de l'efficacité énergétique, en trois ou quatre ans, vous aurez économisé sur votre facture de chauffage.
03:03 Donc, il faut rentrer dans cette logique plus longue.
03:05 Les collectivités publiques, quelquefois, c'est compliqué avec les règles de la comptabilité publique.
03:10 Et c'est là qu'un tiers financeur, ça peut être la Caisse des dépôts, ça peut être des financeurs privés, des banques,
03:15 peuvent apporter une vision de plus long terme sur le financement.
03:18 Mais avant tout, il faut rentrer dans cette logique d'investissement sur dix ans.
03:22 Il faut que l'État, les collectivités aient une vraie politique stratégique sur longue durée, sur dix ans.
03:27 Et est-ce que vous pensez, Benoît Bazin, justement, que les collectivités locales et l'État ont sauté le pas,
03:33 qu'ils sont passés à cette logique, justement, de long terme ?
03:36 Alors, il y a une prise de conscience qui commence à se faire sur l'urgence, dans le bâtiment public comme dans le bâtiment privé,
03:42 de passer à de la rénovation, rénovation globale, pas uniquement énergétique.
03:47 Donc, cette prise de conscience, je m'en réjouis, elle commence à se faire jour.
03:50 Maintenant, il faut vraiment...
03:51 Avec des sous ?
03:52 Avec des sous, oui, parce que si je prends l'ensemble, par exemple, dans le logement,
03:56 l'ensemble de la politique de logement pour l'État, ça rapporte 100 milliards à l'État, le logement.
04:00 Quand vous prenez l'addition des taxes foncières, des droits de mutation, de la TVA payée par toutes les entreprises de construction sur la rénovation,
04:08 et si vous enlevez de ça les 15 milliards dépensés entre la prime rénov' et puis l'aide au logement, on a quand même 85 milliards.
04:15 Donc, je pense que l'État, au total, doit voir le logement, le bâtiment public comme une source d'investissement.
04:21 Pour l'instant, c'est une manne financière.
04:23 Il faut en redistribuer, en redonner un peu plus et avoir véritablement un plan marchal de la rénovation des bâtiments publics comme des bâtiments privés.
04:31 Avec ce dispositif phare que vous avez nommé, MaPrimeRénov', 2,5 milliards d'euros, donc, dans le budget 2023, comme l'année dernière, d'ailleurs.
04:39 Est-ce que ça suffit ? Et est-ce que cette politique MaPrimeRénov', elle est efficace ? Parce qu'on parle de petits gestes.
04:46 Il faut changer l'ordre de grandeur.
04:49 Alors en France, on a 2,3 millions de personnes qui sont sur des listes d'attente pour des logements sociaux.
04:54 On a 5 milliards de passoires énergétiques.
04:56 Ce sont des bâtiments dans lesquels on ne peut pas se chauffer, dans lesquels on a trop chaud l'hiver et trop chaud l'été et froid l'hiver.
05:03 Donc, il faut changer d'ordre de grandeur.
05:05 Il faut faire x4 ou x5 sur la prime rénov'.
05:08 Il faut par ailleurs la cibler sur les bâtiments qu'on dit F ou G, c'est-à-dire les bâtiments les plus dégradés en termes de performance énergétique, les isoler.
05:16 La meilleure énergie, c'est celle qu'on ne dépense pas.
05:18 Donc moi, ce que j'appelle de mes voeux, c'est une vraie politique stratégique avec beaucoup plus de moyens, avec une vision de 10 ans, stable dans le temps, de l'État, des collectivités et beaucoup plus de moyens,
05:29 notamment sur la prime rénov'.
05:30 Il faut faire x4 ou x5 pour que le reste à charge des ménages très modestes qui sont en précarité énergétique soit de l'ordre de 10 ou 20% et non pas de 90% de leur poche en termes de financement.
05:41 Et si vous traitez en 10 ans 5 millions de passoires, c'est 500 000 rénovations globales de ces logements finalement insalubres en France.
05:51 Et en 10 ans, on les a traités.
05:52 C'est du pouvoir d'achat pour les personnes qui en ont besoin, parce qu'encore une fois, ce sont des ménages modestes qui sont la plupart du temps en location ou en propriété dans ces bâtiments F ou G.
06:01 Donc moi, j'appelle une accélération et une stabilité dans le temps avec beaucoup plus de moyens de la part de l'État et des collectivités.
06:07 J'évoquais les chiffres tout à l'heure.
06:09 Donc changer d'échelle, mais mieux cibler les aides.
06:11 Oui, il faut cibler les aides d'abord sur les bâtiments F ou G.
06:15 C'est là où il y a ce diagnostic de performance énergétique le plus dégradé.
06:19 C'est là où on a d'ailleurs 70% des émissions de CO2.
06:22 Donc non seulement ce sera bien en termes de transition juste pour les ménages les plus modestes, donc en termes de crise sociale, ce sera bien en termes de crise énergétique.
06:30 On économisera de l'énergie et ce sera bien pour le climat parce que ces bâtiments F ou G sont les plus émetteurs de CO2.
06:36 Donc j'appelle à non seulement une accélération des moyens, beaucoup plus, fois 4 ou fois 5, un ciblage plus important et surtout une stabilité dans le temps.
06:45 Si vous dites pendant 10 ans on s'engage sur 10 milliards de primes rénoves, les artisans, les fédérations du bâtiment vont embaucher entre 200 et 300 000 emplois locaux en France pour précisément rénover notre lieu de vivre et notre lieu de travail.
06:58 Merci beaucoup Benoît Bazin, directeur général de Saint-Gobain qui appelle donc à un plan Marshall de la rénovation.
07:04 Vous étiez l'invité éco de France Info ce soir.