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En fin de semaine, Saint-Gobain a présenté en fin de des résultats très solides. Son patron, lui, réclame depuis des mois un plan Marshall dans les bâtiments publics et privés pour accélérer les investissements qui tarde à arriver. Benoît Bazin s'en explique ce samedi au micro d'Emmanuel Duteil.

L'émission intégrale : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/on-n-arrete-pas-l-eco/on-n-arrete-pas-l-eco-du-samedi-28-octobre-2023-2925665

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Transcription
00:00 France Inter, on n'arrête pas l'écho, Emmanuel Duteil.
00:04 Bonjour Benoît Bazin.
00:06 Bonjour.
00:07 Vous êtes donc le patron de Saint-Gobain.
00:08 Saint-Gobain, on ne le sait pas toujours, c'est l'une des plus vieilles entreprises
00:11 de France.
00:12 Elle a été fondée en 1665 par Colbert, à l'époque c'était la Manufacture Royale
00:17 des Glaces.
00:18 Aujourd'hui vous êtes le leader mondial de l'habitat durable.
00:21 Vous avez présenté cette semaine des résultats plutôt solides, pourrait-on dire.
00:25 Vous avez des marques très connues comme Point P, Plaque aux plâtres.
00:28 Vous réclamez depuis des mois un plan Marshall dans les bâtiments publics et privés pour
00:33 accélérer les investissements justement sur la rénovation énergétique.
00:37 Concrètement, vous demandez un quasi-triplement de ma prime rénov'.
00:41 Vous savez qu'on n'a plus de sous dans les caisses de l'État ?
00:43 Alors je crois que le logement c'est vraiment une urgence, c'est une priorité pour notre
00:49 pays.
00:50 Quand je parle de plan Marshall, je dis qu'il faut cibler avec 10 milliards par an.
00:55 Je me félicite d'ailleurs que l'État qui ne dépensait rien il y a quelques années
00:58 est passé à un milliard, puis deux et demi, puis cinq l'année prochaine.
01:01 Donc on va véritablement dans le bon sens.
01:03 Ce que je dis c'est de prendre 10 milliards d'euros par an et de le cibler sur les bâtiments
01:07 qu'on appelle F&G en termes de diagnostic.
01:09 Pourquoi ? Parce que ce sont des passoires thermiques.
01:11 Ce sont des ménages en précarité énergétique.
01:14 Si le reste à charge de travaux est trop important, ils ne feront pas les travaux.
01:17 Ce sont des bâtiments qui vont sortir du marché locatif en 2025 et en 2028 d'après
01:21 la loi.
01:22 Ce sont des bâtiments qui émettent 70% des émissions de CO2.
01:26 Donc ciblons cet effort sur ces bâtiments et on a les moyens.
01:29 Le logement au total rapporte 100 milliards net à l'État.
01:32 Quand on ajoute les taxes foncières, les droits de mutation, moins les aides au logement,
01:37 plus la TVA sur les travaux de rénovation.
01:39 Donc 100 milliards.
01:40 Si le logement est une priorité, on parlait d'économie de guerre dans votre reportage,
01:44 on doit avoir les moyens pour véritablement bien loger nos concitoyens.
01:48 Mais pourquoi vous n'êtes pas entendu alors ?
01:50 - Parce que ça fait des semaines voire des mois maintenant.
01:52 - Nous sommes entendus puisque petit à petit, on va dans la bonne direction.
01:54 Il y a 5 milliards sur le bâtiment privé.
01:56 Il y a aussi un plan sur la rénovation des écoles.
01:59 Je pense que c'est très important.
02:00 Le métier d'enseignant est un métier difficile.
02:03 Il faut rénover les bâtiments publics et notamment les écoles, également les établissements
02:07 de santé.
02:08 Le ministre du Logement récemment a annoncé un triplement des aides au logement social
02:11 en termes de soutien.
02:12 Donc on va dans la bonne direction.
02:13 Il faut aller vite et puis il faut surtout donner de la stabilité et de la visibilité
02:17 dans le temps pour que toute la filière s'organise sur plusieurs années parce que c'est un plan
02:21 d'investissement pluriannuel.
02:23 - Est-ce qu'on s'est trompé de combat parfois ?
02:24 Puisque le bouclier tarifaire qui a servi à préserver les Français, de la hausse des
02:28 prix de l'énergie, a coûté environ 50 milliards d'euros.
02:30 Est-ce que d'une certaine manière, il n'aurait pas fallu plutôt utiliser une énorme partie
02:34 de cette somme justement pour lancer ce plan Marshall ?
02:37 - Vous avez raison, le bouclier tarifaire, il était sans distinction.
02:41 C'est-à-dire que des personnes avaient peut-être besoin de plus pour les aider et d'autres
02:46 n'en avaient pas besoin.
02:47 Et deuxièmement, ça n'était pas de l'investissement, c'est de l'argent qui est parti par la fenêtre.
02:51 Donc sur les 50 milliards de bouclier tarifaire, on pouvait peut-être prendre justement 10
02:54 milliards sur des endroits où des personnes qui n'en avaient pas besoin pour en remettre
02:59 sur ceux qui avaient plus besoin ou pour remettre de l'investissement.
03:01 Donc je crois que l'argent existe, il faut le flécher sur les bons endroits et passer
03:05 dans une logique d'investissement pluriannuel plutôt que de la dépense qui finalement
03:09 était perdue avec le bouclier tarifaire.
03:10 - C'est un marathon, cette course pour essayer de rénover ces bâtiments.
03:14 Est-ce que malgré tout aujourd'hui, on n'est pas plutôt sur une course d'obstacles ?
03:17 C'est-à-dire qu'on n'arrive pas à passer toutes les haies parce qu'on ne se fixe pas
03:21 l'objectif de pouvoir tout rénover ?
03:24 - Alors moi je suis optimiste, on va dans la bonne direction.
03:27 Je crois que tout le monde est convaincu, malheureusement la crise énergétique des
03:30 dernières années a accentué le fait que l'isolation dans le bâtiment, isoler son
03:35 enveloppe, finalement faire en sorte que la meilleure énergie c'est celle qu'on ne dépense
03:38 pas.
03:39 Vous avez 30% de déperdition d'énergie dans les toits, 20% dans la façade, dans les fenêtres,
03:43 15% dans le sol.
03:44 Vous pouvez avec une bonne isolation dépenser 70% d'énergie en moins.
03:48 Je crois que tout le monde est convaincu de ça, tout le monde s'engage.
03:50 Il faut de la stabilité, de la visibilité dans le temps.
03:53 Il y a un plan à 2030, on parle de France 2030, il n'y a pas beaucoup d'investissement
03:57 dans France 2030 sur le bâtiment, le logement.
03:59 Rien, je pense qu'il faut en mettre véritablement parce que le logement aujourd'hui, il vient
04:03 une contrainte économique, une contrainte à la croissance économique de notre pays.
04:06 Quand les personnes sont mal logées, quand on ne peut pas avoir de mobilité sociale parce
04:10 que le logement est trop cher, quand on perd des infirmiers en Ile-de-France parce que
04:13 le logement est trop cher dans les hôpitaux publics pour avoir du personnel, il faut remettre
04:18 le logement au cœur de la vie économique et de la vie quotidienne des Français.
04:22 Oui, mais quand on dit "il faut", quand vous dites "il faut", on le voit bien, il n'y a
04:25 pas d'argent pour ça.
04:26 Qui doit aujourd'hui, malgré tout, payer ?
04:29 Comme je disais, il y a de l'argent puisque le logement rapporte 100 milliards net à
04:33 l'État.
04:34 Pourquoi ? On va retourner la question dans l'autre sens.
04:35 Pourquoi vous n'arrivez pas à convaincre que ce serait plus utile d'utiliser une partie
04:39 de cette manne pour faire cela ?
04:40 Je pense qu'il faut véritablement comprendre sociologiquement que le logement est au cœur
04:45 de la vie des Français, au cœur de la vie économique et qu'aujourd'hui, c'est une
04:47 barrière à la croissance économique du pays.
04:49 Donc, soyons bien tous convaincus de ça.
04:51 À ce moment-là, on fléchera l'argent sur ces dépenses d'investissement.
04:55 Les bâtiments publics, je crois que petit à petit, on réalise qu'on a 70% des dépenses
05:00 dans les bâtiments publics sur l'énergie, c'est dans les établissements de santé et
05:04 d'éducation.
05:05 Donc, on peut diminuer la facture énergétique pour l'État également, retrouver 10 milliards
05:10 de dépenses d'énergie et de chauffage dans les bâtiments publics.
05:13 On voit aussi que le bâtiment en France représente 45% de la dépense énergétique, bâtiments
05:18 publics et bâtiments privés.
05:19 Si on baisse de 10 ou 15% de ça, on s'économise 7 à 8 tranches nucléaires.
05:23 Vous voyez bien qu'au manque d'énergie en France, le PR qu'on a construit en 2005, il
05:27 sera à pleine puissance en 2035.
05:29 Dans les dix prochaines années, on peut voir le bâtiment comme un réservoir d'énergie.
05:33 Donc, quel que soit l'angle par lequel on le prend, sujet social du bâtiment, sujet
05:37 économique parce qu'on limite la croissance, sujet énergétique parce qu'on manque d'énergie
05:41 en France, sujet climat parce qu'on a des émissions de CO2 dans le bâtiment, le logement
05:45 est au cœur, au carrefour de tous ces enjeux.
05:47 Donc, je crois que tout le monde en prend conscience.
05:49 Il faut aller plus vite et il faut s'engager dans la durée d'ici 2030.
05:52 Je le disais, vous êtes le leader mondial de l'habitat durable.
05:54 Vous voulez juste faire pousser votre business ?
05:56 Notre raison d'être, elle est très noble, c'est « Making the world a better home ».
06:00 C'est fondamentalement un fortuit.
06:01 Encore beau français.
06:02 Alors, en français, c'est « Rendre l'habitum beau et durable ».
06:05 Donc, apporter du confort et du bien-être aux occupants, que ce soit bâtiment privé
06:10 ou bâtiment public, et tout ça dans une économie décarbonée.
06:13 Alors, on a cette raison d'être.
06:15 On a aussi le devoir, parce que nous sommes un groupe international dans 75 pays.
06:19 Quand on voit que les Suédois, les Allemands sont sur du triple vitrage depuis 20 ans,
06:23 on a le devoir de changer le simple vitrage en double vitrage pour les Français.
06:27 On a lancé un observatoire de la construction durable pour savoir quels sont les freins.
06:30 Et puis, notre devoir aussi, comme chef de file de ces sujets, c'est d'agréger tous les acteurs.
06:35 Les banquiers en France ne se préoccupent pas de ce qu'ils financent comme bâtiment.
06:38 Est-ce qu'il est F ou G ? Est-ce que je l'aide à passer C ?
06:41 Ils se préoccupent de votre âge.
06:43 Il faut que les banquiers s'intéressent.
06:44 Est-ce que vous voulez dire qu'il faudrait des offres spécifiques quand je fais une rénovation
06:48 avec des taux moins élevés que ce qu'on connaît aujourd'hui, puisqu'on est environ à 5%
06:52 pour un prêt immobilier aujourd'hui en France ?
06:53 C'est ce que font les banquiers mutualistes.
06:55 Donc, il faut que les banquiers, sur les 10, 20, 30 prochaines années,
06:58 s'intéressent à la transition énergétique du bâtiment quand il faut un crédit immobilier.
07:01 Je suis sûr qu'il y a plein d'auditeurs de France Inter qui se disent ce matin
07:04 « moi, j'ai voulu rénover ma maison, je n'ai pas trouvé d'entreprise,
07:06 il n'y avait personne qui pouvait le faire, il n'y a pas assez de personnel ».
07:10 Est-ce qu'on n'est pas aussi confronté à cette sorte d'injonction contradictoire ?
07:15 C'est un enjeu pour la filière de continuer à embaucher.
07:17 Elle a globalement embauché 100 000 emplois depuis deux ans.
07:20 Il faut, je crois, d'abord redonner des lettres de noblesse aux métiers d'artisan du bâtiment.
07:25 C'est maintenant un métier moderne, on mesure la performance énergétique,
07:27 des émissions de CO2, on apporte du confort.
07:30 Ce sont des métiers locaux qui ne sont pas délocalisables.
07:33 Donc, il faut effectivement que la filière s'engage.
07:34 Nous, nous avons créé des écoles de formation, l'école des bâtisseurs chez Point P.
07:38 Nous embauchons 300 apprentis chaque année.
07:41 Donc, il y a un enjeu de filière, de compétences.
07:44 Plus on donne de visibilité, plus vous êtes amené, vous, artisan,
07:47 à embaucher des apprentis et à créer des emplois.
07:50 J'appelle aussi les jeunes femmes.
07:52 Le monde du bâtiment, ce n'est pas que pour les hommes.
07:54 Les jeunes femmes peuvent être des diagnostiqueurs,
07:57 des diagnostiqueuses de performance énergétique.
07:59 Et donc, il y a un réservoir d'emploi dans le bâtiment extraordinaire,
08:02 des emplois locaux qui vont apporter du bien-être à nos concitoyens
08:05 dans des meilleurs bâtiments.
08:06 Le secteur de la rénovation énergétique est celui dans lequel les fraudes sont les plus nombreuses.
08:10 L'an dernier, plus de 10 000 plaintes et signalements ont été enregistrées
08:13 sur la plateforme Signal Conso, mise en place par les pouvoirs publics.
08:16 Il faut aussi un peu nettoyer le secteur quand même.
08:18 Il y a toujours, dans tous les domaines, des exceptions.
08:20 Il faut naturellement les traiter, mais je crois qu'il ne faut pas faire
08:23 que les exceptions deviennent la règle.
08:25 Donc, il faut discipliner les secteurs, il faut éviter les effets d'aubaine.
08:28 Vous parliez de pompe à chaleur.
08:29 Une pompe à chaleur dans une maison mal isolée, ça ne sert à rien.
08:32 Donc, il faut commencer par isoler le toit, la façade.
08:35 Et puis après, vous mettez votre pompe à chaleur parce qu'elle vit
08:38 sur un écart de température entre l'extérieur et l'intérieur.
08:40 S'il fait très froid à l'intérieur, quand il fait froid à l'extérieur, ça ne marche pas.
08:43 Donc, il faut discipliner, effectivement.
08:45 Et tout ce que fait le gouvernement sur les diagnostiqueurs,
08:47 les accompagnateurs rénovation, ça va dans le sens d'une professionnalisation du secteur.
08:51 Justement, on l'entendait dans la pompe à chaleur, le reportage de Leïa Ghedj.
08:55 Est-ce que malgré tout, pour le moment, on ne met pas un peu la charrue avant les bœufs ?
08:58 Parce que comme vous le dites, une pompe à chaleur, vous prenez souvent cette image,
09:02 c'est comme s'il faisait 40 degrés dehors, qu'on roulait avec les fenêtres ouvertes,
09:05 avec la clim dans la voiture.
09:06 Est-ce qu'aujourd'hui, il ne faut pas aujourd'hui faire aussi un peu,
09:10 expliquer aux gens la difficulté de ces pompes à chaleur ?
09:13 Il faut l'expliquer. La pompe à chaleur, c'est un bon système dans le bâtiment neuf.
09:16 Dans la rénovation, il faut commencer par baisser fortement la consommation d'énergie.
09:21 Pourquoi ? Parce que la pompe à chaleur, effectivement, vit sur et fonctionne sur l'écart de température
09:24 entre l'extérieur et l'intérieur.
09:26 S'il fait -5°C à l'extérieur, il fera 5 ou 8°C dans votre bâtiment mal isolé
09:30 et la pompe à chaleur vous mettra à 13 ou 14°C, pas à 19°C.
09:33 Donc, il faut bien isoler avec le toit, les combles.
09:37 Le deuxième geste, c'est la façade, les fenêtres, éventuellement le sol,
09:40 si vous avez un vide sous votre sol et après, vous changez votre système de chauffage.
09:44 Si vous ne faites pas ça, vous n'aurez pas de confort thermique, donc ce sera déceptif
09:47 et une facture d'électricité qui atteindra un pic quand on aura des pics de froid.
09:51 Donc, il faut faire les choses dans le bon sens.
09:53 Mais tous les experts du bâtiment, le conseil scientifique et technique du bâtiment le disent.
09:57 Remettons effectivement les pendules à l'heure et pas la charrue avant les bœufs.
10:01 Là, on a beaucoup parlé de rénovation.
10:02 Vous êtes aussi dans la construction neuve.
10:04 Certains experts nous disent qu'on est face à la plus grave crise des 30 dernières années.
10:08 Votre sentiment ?
10:10 Le sentiment, c'est que la hausse des taux liée à l'inflation, effectivement,
10:14 écrase beaucoup la construction neuve en France et dans d'autres pays.
10:17 On a une crise du logement.
10:18 On voit aussi une crise du logement locatif.
10:20 Donc, il y a un mur, effectivement, en termes de construction.
10:23 Il faut relancer le logement social.
10:25 On a aujourd'hui plus de 2 millions de Français qui sont sur les listes d'attente du logement social.
10:29 Donc, il faut traiter ce sujet.
10:30 La pire crise de ces 30 dernières années ?
10:32 C'est une crise très forte.
10:35 Il faut remettre le logement qui soit locatif, propriétaire, social,
10:39 au cœur de la vie et des priorités des Français et du gouvernement.
10:42 Merci beaucoup Benoît Bazin.
10:43 Le patron de Saint-Gobain était notre invité ce matin dans "N'arrête pas l'écho".

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