• il y a 11 heures
Au menu ce samedi : un débat sur la première polémique industrielle du gouvernement Barnier, un reportage sur les transports low-cost, un détour par Rome... Et un entretien avec le gouverneur de la Banque de France. L'inflation se calme mais la croissance inquiète... A-t-on fait caler le moteur ? Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/on-n-arrete-pas-l-eco/on-n-arrete-pas-l-eco-du-samedi-19-octobre-2024-2388190

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00:00Alexandra Bensaïd, le gouverneur de la Banque de France et l'invité du MAGECO,
00:04François Villauras de Gallo, bonjour et bienvenue.
00:07Bonjour Alexandra Bensaïd.
00:09C'est la bonne nouvelle de la semaine, la désinflation est en bonne voie, dit la Banque Centrale Européenne.
00:13Vous y siégez, vous êtes au conseil des gouverneurs.
00:16La BCE vient donc de baisser ses taux directeurs pour la troisième fois depuis juin.
00:20Alors dites-nous, est-ce que, en effet, l'inflation est presque vaincue
00:24et est-ce qu'elle va même être vaincue plus tôt que prévu ?
00:28Je crois que la victoire contre l'inflation est en bonne voie.
00:30Effectivement, c'est une bonne nouvelle.
00:32On est descendu à 1,7% d'inflation moyenne en Europe.
00:35C'est même moins en France, on est à 1,4%.
00:39Alors il y aura peut-être des remontées temporaires dans les mois qui viennent,
00:44mais ça, c'est un effet technique.
00:46Mais effectivement, je redis ce matin que, sauf gros choc extérieur,
00:52nous serons à 2% d'inflation l'an prochain,
00:56sans doute plus tôt vers le début de l'an prochain.
00:59Ça, ça veut dire du pouvoir d'achat
01:01et ça veut dire aussi que nous pouvons poursuivre cette baisse des taux,
01:05ce qui est une autre bonne nouvelle.
01:07Prenons l'exemple du crédit immobilier.
01:08Les taux sur le crédit immobilier ont baissé
01:11et d'ailleurs les volumes de crédit immobilier repartent à la hausse ces derniers mois.
01:14Alors quand vous dites en France qu'on est à 1,4% d'inflation,
01:17la cible de la BCE, quand vous dites souvent que c'est la bonne température,
01:21c'est 2% d'inflation,
01:23ça veut peut-être dire que vous avez tapé un peu fort la BCE,
01:26si on est plus bas que les 2% ?
01:28Non, je crois que nous sommes dans le bon rythme.
01:31Je vais d'ailleurs vous donner une comparaison avec les États-Unis ou l'Angleterre.
01:36Aujourd'hui, les taux aux États-Unis ou en Angleterre sont à 5%,
01:40alors que la BCE est à 3,25%.
01:42Donc voyez que nous avons eu des résultats aussi bons contre l'inflation,
01:46mais en montant moins les taux d'intérêt.
01:49Pourquoi est-ce qu'il faut rester attentif ?
01:51Je l'ai dit, il y aura peut-être des remontées temporaires.
01:54Et puis si on regarde l'inflation hors énergie et alimentation,
01:58celle-là reste un peu supérieure à 2%.
02:01Donc tout à fait confiance sur le fait que nous revenons à la cible,
02:05mais attention sur le rythme.
02:07Alors maintenant, il y aura probablement d'autres baisses de taux, Alexandra Benzaïde,
02:11mais nous les déciderons en fonction des données.
02:14Moi, j'appelle à un pragmatisme agile.
02:17Agile, parce que je crois qu'il faut bouger, baisser les taux quand on peut.
02:21Pragmatisme, parce qu'il faut regarder les données
02:23et ne pas lâcher la proie pour l'ombre.
02:25Ça veut dire qu'à chaque fois, à chaque réunion, la prochaine étant décembre,
02:28selon les données, si elles sont bonnes, vous direz, on continue à baisser les taux ?
02:32Ça doit être cela, mais je ne ferai pas de commentaire sur les prochaines réunions.
02:35Alors néanmoins, François Villeroy de Gallo,
02:38la remontée des taux, ça a pour effet de refroidir l'économie,
02:42c'est l'effet secondaire, l'économie atone, la croissance faible,
02:46les Français qui épargnent plutôt que de dépenser,
02:49ils ont perdu confiance, ils se disent que le loyer de l'argent sera plus cher.
02:53Est-ce que vous êtes inquiet de cette situation ?
02:57Est-ce que je peux réagir sur un point, Alexandra Medsaïd,
03:00quand vous dites que les Français ont perdu confiance et qu'ils épargnent plus ?
03:02C'est vrai qu'on voit une remontée des taux d'épargne,
03:05mais je crois que ce n'est pas du tout à cause de la politique monétaire.
03:07Au contraire, quand la Banque centrale, la Banque de France, la Banque centrale européenne
03:12contribuent à vaincre l'inflation, ça remet de la confiance.
03:16Souvenez-vous la grande crainte qu'on y avait il y a deux ans,
03:18c'était que cette vague d'inflation dure.
03:20On craignait aussi d'ailleurs une récession de l'économie.
03:23On ne l'a pas eue.
03:24On a un atterrissage en douceur, la croissance cette année devrait être de 1,1%.
03:30On pourra parler de la prévision pour l'année prochaine,
03:33sans doute pas très différente de ce chiffre.
03:37Non, je crois que l'élément numéro un qui pèse sur la confiance des Français,
03:43c'est le problème numéro un aujourd'hui de l'économie française,
03:46c'est la dérive de nos déficits et de notre dette.
03:50C'est ça dont il faut reprendre le contrôle.
03:52Alors, on en arrive au budget évidemment.
03:53Vous vous dites, alors tout d'abord vous dites,
03:55sans doute l'année prochaine on sera encore vers 1,1%.
04:01Alors, il y a un débat là-dessus.
04:03Il y a un débat sur les faits du budget.
04:05On peut donner les différents chiffres.
04:07La prévision, notre prévision, Banque de France publie en septembre,
04:10c'était 1,2% qui intégrait une partie seulement du redressement budgétaire.
04:14La prévision du gouvernement, c'est 1,1%.
04:17Et la prévision de l'OFCE, un institut qui vient de sortir cette semaine, c'est 0,8%.
04:23D'abord, je relève que les écarts sont plutôt moins importants que d'habitude
04:28concernant l'année à venir.
04:30Nous, nous actualiserons notre prévision au mois de décembre.
04:34Au passage, il n'y a pas que les faits du redressement budgétaire.
04:36Il y a plein d'incertitudes dans l'environnement international.
04:39L'élection américaine, ce qui se passe au Proche-Orient, le prix du pétrole.
04:42Donc, nous actualiserons au mois de décembre.
04:44Je peux juste dire que vu d'aujourd'hui, l'analyse de l'OFCE sur le seul effet budgétaire
04:51nous paraît un peu pessimiste, qu'il y a des éléments plus favorables sur les réserves
04:56d'épargne disponibles, vous en avez parlé, ou sur la baisse des taux.
05:00Mais actualisation en décembre et il n'y a pas d'écart énorme aujourd'hui sur la prévision 2025.
05:07François Villeroy de Gallaud, on en vient au budget.
05:09Il arrive ce lundi, qui arrive dans l'hémicycle.
05:13Vous aviez recommandé un effort avec trois quarts de baisse de dépense et un quart de hausse d'impôt.
05:18Le gouvernement a décidé de communiquer sur deux tiers de baisse de dépense et un tiers de hausse d'impôt.
05:24Mais en effet, il y a un gros débat sur la réalité de cet effort et à qui il est demandé.
05:29Est-ce que pour vous, déjà question globale, la copie est bonne ?
05:33Je crois qu'en tout cas, le projet de budget du gouvernement va dans la bonne direction.
05:37Parce qu'on a un déficit de plus de 6% en 2024, c'est beaucoup trop.
05:41On parlait tout à l'heure à votre micro de l'Italie, qui est nettement moins que nous.
05:47Et l'Italie va revenir à 3% de déficit probablement en 2026.
05:51Pour la France, on annonce 2029.
05:53Et donc, passer par une étape à 5% de déficit l'an prochain, c'est indispensable.
05:59De ce point de vue-là, le projet de budget va dans la bonne direction.
06:02Alors reste la question, effectivement, de comment bien répartir l'effort entre hausse d'impôt et économie de dépense.
06:10Moi, sur les hausses d'impôt, j'avais appelé il y a un mois à lever un tabou.
06:14Ça n'a pas l'air facile.
06:17Aujourd'hui, si vous me permettez l'expression, attention de ne pas passer de l'autre côté du cheval.
06:22Je crois qu'il faut le bon dosage, la bonne proportion entre deux remèdes.
06:27Il faut une minorité de hausse d'impôt et une majorité d'économie de dépense.
06:32Pourquoi, au passage, il faut une majorité d'économie de dépense ?
06:34Parce que c'est le cœur de notre problème français.
06:36Pourquoi est-ce que nous avons trop de déficit et, au passage, trop d'impôt ?
06:40Parce que nous avons beaucoup plus de dépenses que nos voisins européens.
06:43Je ne sais pas si vous connaissez les chiffres, mais ils sont importants.
06:46Nous avons le même modèle social que nos voisins.
06:48Moi, je crois profondément au modèle social européen.
06:50Il nous coûte à peu près 9% de PIB de plus que la moyenne européenne.
06:55Ça paraît peut-être abstrait, mais on va le dire en milliards.
06:59Il y a un écart d'à peu près 260 milliards d'euros de dépenses supplémentaires en France
07:04par rapport à la moyenne européenne.
07:06C'est d'abord là-dessus qu'il faut travailler.
07:08Dans cet écart, qu'est-ce qui explique principalement cet écart ?
07:11Il y a à peu près tous les postes.
07:13Ça vaut pour les dépenses sociales, ça vaut pour les dépenses locales,
07:16ça vaut pour certaines dépenses de l'État.
07:19Il y a les aides aux entreprises aussi ?
07:21Aujourd'hui, dans la discussion publique des dernières semaines,
07:26il y a un risque qu'il n'y ait pas assez d'économies de dépenses dans le bon dosage.
07:31Alors, si on veut rectifier ça,
07:33moi, je vais exprimer deux souhaits ce matin.
07:36Le premier, pour le budget 2025,
07:38c'est qu'on arrête de jouer au chamboule-tout,
07:41si j'ose dire, avec les diverses pistes d'économies publiques qui sont sur la table.
07:44Vous avez noté ça comme moi.
07:46Tout le monde souhaite des économies de dépenses, mais chez les autres.
07:48Et personne ne les accepte chez lui.
07:50Donc, quand il y a une piste d'économies de dépenses sur la table,
07:52tout le monde dit que c'est pas la bonne.
07:53À la fin, ça fera zéro économie.
07:56Il y a un deuxième souhait dont on parle moins, mais qui est plus dans la durée.
07:59Parce que la France va devoir présenter, d'ici la fin du mois d'octobre,
08:02un programme de stabilité à Bruxelles d'ici 2029.
08:07Et c'est important parce qu'il faut aller au 3% en 2029.
08:10Je crois que dans ce programme de stabilité,
08:14il faudra qu'il y ait un certain nombre de réformes de fonds
08:17qui permettent des économies de dépenses.
08:19Alors, c'est vrai que ça prend plus de temps.
08:21Donc, on peut rééquilibrer un peu sur les années suivantes.
08:23Mais qu'est-ce que vous appelez réformes de fonds ?
08:25Ça n'est pas la Banque de France au passage de décider les mesures.
08:27C'est un débat démocratique.
08:28Vous allez loin cependant.
08:29Vous dites qu'il va falloir quand même dans ce programme de réformes de fonds.
08:32Réformes de fonds en tant que système social.
08:34On donne l'expertise globale et encore une fois,
08:36je crois qu'ils font le bon dosage entre une minorité de vos impôts
08:39et une majorité des économies de dépenses.
08:41Mais pour prendre des exemples de réformes possibles aussi,
08:43en regardant ce qui marche le mieux chez nos voisins européens,
08:47la réforme de l'État, la simplification des diverses compétences territoriales.
08:51Ça fait 30 ans qu'on en parle.
08:54Oui, mais il est peut-être temps de le faire.
08:56Vous savez, nous avons un génie en France de la parole et du débat.
09:00Très bien.
09:01Mais enfin, nous ne devons pas être plus bêtes que les autres sur l'action.
09:04Ou bien la meilleure efficacité de nos dépenses sociales.
09:07Ce que j'entends ce matin, François Villerade-Gallaud,
09:09c'est que là où on a eu tout un débat en commission des finances à l'Assemblée nationale
09:14où on voit bien qu'il y a beaucoup plus de hausses d'impôts qui ont été décidées,
09:18les députés ont complètement détricoté et retricoté le budget,
09:24le projet de PLF.
09:25Et de l'autre côté, on a par exemple le Medef qui s'angoisse
09:29et qui dit que si on augmente le coût du travail,
09:31on va avoir des centaines de milliers de suppressions de postes.
09:33Vous les renvoyez tous dos à dos ?
09:35Je ne renvoie pas tout le monde dos à dos.
09:37Je dis simplement qu'il y a un temps pour le débat et c'est très bien.
09:41Il a lieu en commission des finances, il va continuer en Assemblée plénière,
09:44on va aller au Sénat, donc il va y avoir plusieurs semaines de débats
09:47et c'est très bien.
09:48Je dis simplement qu'à la fin, regardons la réalité,
09:52nous devons diminuer nos déficits, donc il faut descendre à 5% en 2025
09:56et que la bonne façon d'y arriver, c'est un effort qui soit juste,
10:01qui soit réparti et en particulier qui soit bien partagé
10:05entre une minorité de hausses d'impôts et une majorité d'économies de dépenses
10:11parce que c'est du pragmatisme, ce n'est pas du tout de l'idéologie
10:15ou de la préférence politique.
10:16La Banque de France est totalement indépendante.
10:19Le pragmatisme consiste à dire que pour avoir le même modèle social
10:22que nos voisins, qui est un bon modèle social,
10:24je pense que le modèle social européen, c'est le meilleur du monde,
10:27d'autres y arrivent de façon plus efficace
10:31avec des dépenses publiques qui sont mieux ciblées.
10:36Dernière question, François Villierot-Gallaud,
10:38il devrait y avoir une commission d'enquête parlementaire
10:40sur le dérapage budgétaire.
10:41C'est une bonne idée pour vous ?
10:45En tout cas, c'est une idée légitime du débat démocratique.
10:48Je n'ai pas à me prononcer sur ce que décide le Parlement.
10:51Si vous, vous avez tout compris au dérapage budgétaire, dites-nous.
10:54Non, il se trouve que la Banque de France
10:56n'est pas en charge de l'exécution budgétaire
10:58donc je comprends tout à fait qu'on se pose des questions
11:00sur ce qui s'est passé
11:02parce qu'évidemment, ce dérapage 2023
11:04et surtout le dérapage 2024
11:06plus important
11:08et très malvenu,
11:10il nuit à notre crédibilité en Europe.
11:12Il nuit aussi à notre crédibilité sur les marchés
11:16depuis que c'est connu,
11:18l'écart de taux d'intérêt de la France
11:20avec l'Allemagne s'est encore accru
11:22et au passage,
11:24si vous me permettez une dernière remarque,
11:26nous avons, avant le mois de juin,
11:28nous étions beaucoup plus proches
11:30de l'Allemagne en taux d'intérêt.
11:32Nous avions environ 0,50% d'écart.
11:34Aujourd'hui, nous sommes malheureusement beaucoup plus proches
11:36de l'Italie. Nous sommes à moins de 0,50%
11:38de l'Italie.
11:40Donc c'est ça qu'il faut redresser
11:42et c'est la crédibilité collective.
11:45François Villera, de Gallo, le gouverneur de la Banque de France.
11:47Merci d'avoir accepté l'invitation
11:49d'On n'arrête pas les cours.

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