• il y a 7 mois
"La victoire contre l'inflation est en bonne voie", salue François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, alors que la France a connu "un pic d'inflation à 7%" et est désormais "revenue à 2,4%". "D'ici l'an prochain au plus tard, nous serons revenu autour de 2% d'inflation", dit-il. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-lundi-22-avril-2024-3878545

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00:00 France Inter, le 7/10.
00:02 7h49, Sonia Devilleur, votre invité ce matin est le gouverneur de la Banque de France.
00:07 Qui adresse Nicolas, sa lettre rituelle au président de la République.
00:10 Le ton a changé, c'est flagrant, l'inflation recule mieux que prévu, les taux d'emprunt
00:16 vont commencer à baisser très bientôt.
00:19 L'Europe aurait ainsi formidablement géré cette crise.
00:22 Vibrant plaidoyer pour la mécanique européenne à 6 semaines des élections.
00:27 Peut-être que ce n'est pas anodin.
00:29 Bonjour François Villeroy de Gallo.
00:31 Bonjour Sonia Devilleur.
00:32 Alors, inflation, soulagement, satisfaction, victoire, triomphe, au regard des presque
00:38 deux ans qui viennent de s'écouler.
00:39 Où doit-on placer le curseur selon vous ?
00:42 Alors d'abord on va éviter le mot triomphe, je crois que l'heure n'est pas au triomphalisme.
00:46 Mais il y a une bonne nouvelle, c'est que la victoire contre l'inflation est en bonne
00:50 voie.
00:51 Rappelez-vous, à l'échelle française, on a eu un pic d'inflation à 7% au début
00:56 de l'année dernière, aujourd'hui on est revenu à 2,4%.
00:59 Je vais redire ce matin que nous serons d'ici l'an prochain ou plus tard revenus autour
01:05 de 2% d'inflation, ce qui est notre objectif.
01:07 Alors qui dit inflation, M. le Gouverneur dit prix, dit pouvoir d'achat.
01:12 Or le pouvoir d'achat est un levier décisif dans les intentions de vote à venir.
01:17 Graphique stupéfiant, page 9 de votre lettre au Président de la République.
01:21 C'est le gain du pouvoir d'achat des Français depuis 25 ans.
01:25 Il est bien plus élevé que celui de toute la zone euro, allemand compris.
01:30 Il était important de le rappeler ?
01:31 Alors, nous avons dans cette lettre fait un bilan un peu long de l'euro.
01:36 Pourquoi ? Parce que le 1er janvier dernier, on vient de passer en 25 ans d'union monétaire.
01:42 Et je crois qu'au-delà du court terme, c'est toujours important d'avoir un regard
01:45 long.
01:46 Et effectivement, on s'aperçoit que sur 25 ans, l'euro a bien aidé les Français
01:50 puisque nous avons en moyenne plus de gains de pouvoir d'achat, à 26% sur 25 ans, que
01:57 la moyenne européenne.
01:58 Et c'est vrai que les Allemands.
02:01 Alors, je sais que je vais surprendre un certain nombre d'auditeurs en disant cela,
02:05 mais ce ne sont pas des chiffres de la Banque de France.
02:07 Ce sont des chiffres établis par les instituts statistiques.
02:11 Ce sont des moyennes.
02:12 Donc, tout le monde ne se retrouve pas forcément dans ce chiffre.
02:15 Mais je crois que globalement, il y a eu moins d'inflation en France que dans les
02:21 autres pays européens.
02:22 Cela a aidé.
02:23 Et puis, nous avons eu des transferts publics et sociaux assez importants, ce qui crée
02:30 d'ailleurs des problèmes d'aide publique.
02:32 On y reviendra sans doute.
02:33 Et des augmentations de salaires.
02:35 Mais le pouvoir d'achat, il dépend de deux choses très simples.
02:38 Il faut qu'il y ait moins d'inflation.
02:40 C'est en bonne voie vers les 2%.
02:41 Et puis, il faut qu'il y ait plus de croissance.
02:43 Mais en attendant, François Delors de Gallo, pourquoi ce gain mirobolant ? Pourquoi les
02:50 Français ne le ressentent-ils pas ? Pourquoi l'explosion des intentions de vote pour
02:55 l'extrême droite traduit-elle massivement une colère ? Et une colère sur le pouvoir
03:01 d'achat.
03:02 Les Français sont-ils des crétins qui n'y comprennent rien ?
03:04 Pas du tout.
03:06 Et là, je rejoins ce que Dominique Seux disait à l'instant sur la culture économique
03:09 des Français.
03:10 Daniela De Villers, vous ne m'entraînerez pas sur le terrain des commentaires politiques.
03:14 La Banque de France est indépendante.
03:17 Elle représente tous les Français.
03:19 Et elle est évidemment indépendante de tous intérêts politiques ou privés.
03:22 Est-ce que vos chiffres macroéconomiques sont impuissants à traduire la réalité
03:26 de ce qui se passe en France ? Est-ce qu'il y a des gagnants et des perdants sur ce gain
03:30 de pouvoir d'achat ? Et là, Dominique va dire que je suis bien française en posant
03:33 cette question.
03:34 Est-ce qu'il y en a qui ont bien profité de cette hausse du pouvoir d'achat et pas
03:38 d'autres ?
03:39 Je ne sais pas si vous me laissez répondre sur les chiffres.
03:42 Je crois que cette moyenne, elle traduit bien ce qui s'est passé pour la grande majorité
03:49 des Français, y compris les salariés les plus défavorisés.
03:52 Nous avons en particulier l'indexation du SMIC en France sur l'inflation qui protège.
03:58 Et je crois que c'est juste et que c'est bienvenu.
04:00 Les salariés les plus modestes.
04:03 Alors, quand vous parliez de colère ou de sentiments différents, je crois que la poussée
04:07 d'inflation récente, évidemment, a changé les choses.
04:10 Pourquoi ? Parce que nos concitoyens ont vu, notamment sur les achats du quotidien, le
04:14 prix de l'essence à la pompe ou le caddie dans l'hypermarché, qui, souvenez-vous,
04:18 à un moment, ont nettement plus augmenté.
04:20 Des augmentations à deux chiffres.
04:21 Ils ont ressenti une augmentation des prix encore plus forte que la réalité, la moyenne
04:26 de leurs achats.
04:27 C'est normal.
04:28 Nous sommes sensibles aux prix qui augmentent le plus et on fait un peu moins attention
04:32 aux loyers ou aux services qui ont moins augmenté.
04:34 Mais c'est pour ça, je crois qu'il était très important, et ça a été la politique
04:38 de la Banque de France et de la Banque centrale européenne, de vaincre l'inflation rapidement.
04:43 Et je pense que petit à petit, cette perception du pouvoir d'achat va redevenir plus positive.
04:48 Y compris, si vous me permettez d'ajouter, pour une raison simple, c'est qu'à partir
04:51 du début de cette année, les prix vont baisser.
04:55 L'augmentation des prix va décélérer plus rapidement que les salaires.
05:00 Donc, les salaires vont passer devant les prix et dégager du pouvoir d'achat.
05:04 Vous rentrez de Washington, François Villeroy de Gallo, l'économie américaine a triomphé
05:08 en 2023, croissance, plein emploi et inflation.
05:11 Maîtrisez tout ça sous la férule de Joe Biden et pourtant, là non plus, je vous parle
05:16 de corrélation entre l'économie et la politique.
05:19 Là non plus, ça ne l'a pas aidé politiquement.
05:21 Ça vous ébranle, ça vous interpelle.
05:23 Alors là aussi, je reviens sur les chiffres économiques parce que le rôle de la Banque
05:27 de France, c'est d'apporter son expertise.
05:28 Je rentre effectivement de Washington pour ce qu'on appelle les réunions de printemps
05:31 du Fonds monétaire international.
05:33 Et là, tout le monde partage le diagnostic.
05:35 On se retrouve, il y a un dialogue, je crois, franc et très utile.
05:39 Alors, le diagnostic pour nous, Européens, il est assez stimulant, il faut bien dire.
05:44 Ou assez humiliant.
05:45 Humiliant, ça va dépendre de nous.
05:49 Je crois qu'il faut qu'on réagisse et c'est l'objet de cette lettre.
05:51 Comment muscler l'économie et la croissance européenne ? Mais l'économie américaine
05:55 est en pleine forme.
05:56 Elle est flamboyante.
05:57 Il faut bien dire.
05:58 Elle est avec une forte croissance.
05:59 Elle est au plein emploi.
06:00 Elle dégage une capacité d'innovation impressionnante.
06:03 Alors, sur les conséquences politiques américaines, on verra au mois de novembre, à l'occasion
06:08 de l'élection.
06:09 Mais je crois qu'il y a un appel au réveil pour nous, Européens.
06:13 Je suis d'accord avec ce que disait Yael Ghos tout à l'heure.
06:15 Je pense que l'Europe a très bien géré les crises.
06:18 La crise de la pandémie, elle a bien répondu à l'inflation grâce à la Banque centrale
06:22 européenne.
06:23 Mais maintenant, il faut que l'Europe traite ses problèmes de fond, c'est-à-dire muscler
06:28 sa croissance et sa capacité d'innovation.
06:30 Muscler, muscler, muscler.
06:31 Comment elle muscle si elle ne dépense pas ? Parce que la croissance américaine, bravo,
06:35 il serait temps que l'Europe s'en rapproche.
06:37 D'accord, on vous a bien compris.
06:38 Mais ce que vous ne dites pas dans votre lettre, c'est que ce pays vit totalement à crédit.
06:41 Les États-Unis vivent totalement à crédit.
06:43 Que leur dette est bien plus énorme que la nôtre et que manifestement, ça n'affole
06:47 personne.
06:48 Sonia Devillers, je me permets de vous arrêter.
06:50 La dette américaine est effectivement élevée en augmentation, mais elle est à peu près
06:54 au même niveau que la nôtre.
06:56 Il ne faut pas du tout oublier que nous aussi, nous vivons à crédit.
06:59 Et quand on regarde les leviers de la croissance américaine, la relance budgétaire a pu jouer
07:04 un rôle.
07:05 Mais c'est un levier parmi beaucoup d'autres.
07:06 Moi, je vais vous en citer deux autres qui sont très importants et je crois qu'il faut
07:10 que l'Europe les active.
07:11 C'est la taille multipliée par la puissance financière.
07:14 La taille, si vous me permettez d'inciter sur la taille.
07:17 Le marché américain est très attractif.
07:20 Tout le monde dit qu'il faut être sur le marché américain qui serait le plus grand
07:22 marché du monde.
07:23 Il se trouve que le marché unique européen, il est aussi grand.
07:25 Simplement, il est moins intégré.
07:28 Il y a encore trop de frottements à l'intérieur, trop de frontières.
07:30 Et ça, c'est le rapport que l'ancien premier ministre italien Enrico Letta vient
07:34 de remettre.
07:35 Il faut vraiment pousser le marché unique européen, y compris dans des nouveaux domaines
07:39 comme les services et le numérique, qui seraient d'ailleurs assez favorables à la France.
07:43 Alors, dette, puisqu'on vient de parler de déficit et de dette.
07:45 Et puis on reparlera de la puissance financière.
07:47 Ça, c'est un atout européen qui est l'épargne.
07:49 Vous viendrez tous les jours si vous voulez.
07:51 Alors, si vous voulez bien, je vous en dis juste un mot pour ceux qui vous écoutent.
07:55 Moi, je dis juste un mot des taux d'intérêt parce que c'est important.
07:57 On va parler des taux d'intérêt juste après.
07:59 L'Europe a une épargne financière qui est abondante, mais il se trouve que nous en exportons
08:03 une bonne partie justement vers les Etats-Unis pour aller financer les investissements climatiques
08:08 ou technologiques aux Etats-Unis.
08:10 Eh bien, faisons ça en France.
08:12 En Europe, c'est l'Union pour l'épargne et l'investissement.
08:14 Les taux d'intérêt, ça y est, ça va baisser.
08:16 Quand ? Comment ? Combien ?
08:18 Alors, les taux d'intérêt vont très probablement baisser en Europe début juin, lors de notre
08:24 prochaine réunion du Conseil des gouverneurs.
08:27 Vous avez une date ?
08:29 Oui, alors ça sera probablement le 6 juin parce que c'est notre prochaine réunion,
08:35 jeudi 6 juin.
08:36 Et là, l'Europe montrera un peu la voie parce que l'Europe est en avance sur d'autres,
08:41 y compris les Etats-Unis, dans ces progrès contre l'inflation dont nous parlions.
08:45 Et puis, il y aura sans doute d'autres baisses derrière selon un rythme pragmatique.
08:51 On verra comment évolue cette lutte contre l'inflation.
08:53 Et je pense que ça soutiendra l'activité, l'emploi, l'investissement en Europe.
08:58 Donc, ça aidera.
08:59 Mais ça ne remplace pas ces réformes de fonds, la taille, le marché unique, multipliées
09:04 par la puissance financière.
09:06 On a fini, monsieur le gouverneur.
09:07 Combien, juste, de combien ça va baisser ?
09:09 Ah, je vais employer l'adjectif que nous employons habituellement, ça sera une baisse
09:14 progressive.
09:15 Pourquoi ? Parce que c'est ça qui permet de s'adapter petit à petit.
09:19 Nous, vous savez, nous sommes très pragmatiques.
09:22 Moi, je plaide pour un gradualisme pragmatique.
09:25 C'est-à-dire, on garde les données.
09:26 Donc, ça va commencer petit.
09:27 C'est la fin.
09:28 Ce n'est pas petit, ce sera le symétrique de ce qui s'est fait.
09:30 Mais un pragmatisme qui soit agile pour qu'on puisse continuer ensuite.
09:35 Merci François Villers-Ouattara.

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