A 7h50, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, est l'invité de Sonia Devillers. Il revient sur l'inflation, la hausse des taux d'intêrét et l'emploi en France.
Retrouvez les entretiens de 7h50 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50
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00:00 Il est 7h49, Sonia De Villers, votre invitée ce matin est gouverneur de la Banque de France.
00:06 Et il dévoile ce matin ses prévisions.
00:08 Croissance, hausse des prix, chômage, on vous dit tout.
00:11 Est-ce que le gouvernement a raison de crier « victoire » face à l'inflation ? Est-ce
00:15 que des taux d'intérêt aussi élevés ont réellement permis à la machine de ralentir ?
00:19 Est-ce que les Français, les particuliers, les artisans, les PME, les PMI, mais aussi
00:24 les grands groupes dont vient de parler Dominique Seux, n'auraient pas besoin maintenant d'accéder
00:28 plus facilement au crédit ? Écoutez bien, la Banque de France, c'est la banque de votre
00:33 banque, c'est la banque de nos banques.
00:35 Bonjour François Villeroy de Gallo.
00:37 Bonjour Sonia De Villers.
00:38 Vous révisez vos prévisions de croissance à la baisse.
00:43 Est-ce que c'est grave docteur ?
00:45 Alors c'est une révision limitée sur l'année 2023.
00:49 Maintenant pour l'année prochaine, 0,9.
00:52 Ça veut dire au passage que c'est un ralentissement incontestable.
00:56 Mais ce n'est pas une récession qu'on craignait il y a un an, c'est-à-dire une croissance
00:59 négative.
01:00 Si on regarde un peu plus globalement notre économie, elle traverse évidemment, en France
01:05 comme en Europe, une navigation difficile depuis le Covid et l'invasion russe de l'Ukraine.
01:12 Mais je dirais que nous restons vigilants dans nos prévisions que nous publions ce matin,
01:17 mais nous sommes peut-être un peu plus confiants parce que je dirais que le brouillard commence
01:22 à se dissiper un peu.
01:23 D'abord nous avons peu révisé nos prévisions depuis septembre, donc ça veut dire que l'incertitude
01:28 diminue.
01:29 Et puis il y a une bonne nouvelle, c'est que les choses vont dans le bon sens sur l'inflation.
01:33 L'inflation, préoccupation numéro 1 des Français.
01:35 Et là, il commence à reculer.
01:37 Disons qu'elle va continuer à reculer.
01:38 On va en parler de l'inflation, mais d'abord vos chiffres de croissance, parce que pour
01:41 la première fois vous allez jusqu'en 2026.
01:43 Alors je veux bien que l'incertitude se dissipe, ce qui est plutôt rassurant, mais
01:48 quand même 2026 c'est très loin.
01:50 C'est quasi la boule de cristal ?
01:51 Oh, ce n'est pas la boule de cristal, parce que je vous dis comment la Banque de France
01:54 travaille.
01:55 D'abord elle fait ses prévisions de manière indépendante, du gouvernement que vous avez
01:59 cité ou de tout intérêt privé.
02:01 Et puis on ne travaille pas dans notre tour d'ivoire.
02:03 Nous allons interroger 8500 entreprises chaque mois sur le terrain.
02:06 A partir de là, chaque année au mois de décembre, on rajoute une année.
02:11 Donc on rajoute 2026.
02:12 Et ce que nous voyons, c'est qu'il y a un fort ralentissement en 2023-08.
02:20 En 2024, je l'ai dit, 0,9.
02:22 Mais nous voyons ensuite une reprise relativement nette.
02:25 C'est 1,3 en 2025 et 1,6 en 2026.
02:30 Pourquoi ? Justement parce que nous serons sortis du problème de l'inflation.
02:33 Je vais le dire très clairement ce matin, là ce n'est pas seulement une prévision,
02:37 c'est un engagement si vous voulez bien.
02:39 Nous allons ramener l'inflation vers 2% d'ici 2025 au plus tard.
02:44 Et ça c'est une bonne nouvelle sur le pouvoir d'achat, parce que les prix vont augmenter
02:49 moins vite que les salaires à partir de maintenant.
02:51 Et donc sur la consommation, ça c'est un moteur de la reprise.
02:54 C'est aussi probablement une bonne nouvelle sur les taux d'intérêt.
02:57 Il a fallu monter les taux d'intérêt pour soigner la maladie de l'inflation.
03:01 Probablement nous pourrons les baisser sur la période.
03:04 Et ça, ça va aider aussi la reprise.
03:06 Au passage, c'est la même tendance aux Etats-Unis et ailleurs.
03:09 Donc il y aura un mouvement de reprise aussi à l'étranger.
03:12 Alors là, vous nous dites beaucoup de choses François Villeroy de Gallo.
03:14 Je les reprends les unes après les autres.
03:16 C'est-à-dire la croissance va grimper, la croissance va s'améliorer, parce que
03:21 les Français vont dépenser plus ?
03:23 Ce que nous voyons sur le pouvoir d'achat, qui est évidemment une préoccupation très
03:28 importante des Français, c'est qu'à partir de maintenant, les salaires vont augmenter
03:34 plus vite que les prix, parce que la baisse des prix est très sensible.
03:39 Je redonne peut-être les chiffres là-dessus, Sonia De Villers.
03:42 Rappelez-vous, nous étions à 7% d'inflation au début de l'année.
03:45 C'était beaucoup trop, et notamment sur les produits alimentaires dont on parlait
03:49 tout à l'heure, ou sur l'énergie.
03:51 Aujourd'hui, nous sommes redescendus à 3,5% en indice national.
03:55 Nous devrions être en moyenne à 2,5% l'an prochain, et je le disais, 2% au plus tard
03:59 d'ici 2025.
04:00 Ça, c'est bon pour le pouvoir d'achat et la consommation.
04:04 Les Français utiliseront aussi un peu leur épargne post-Covid.
04:08 Donc là, je dirais qu'il y a un moteur assez solide dans l'économie française.
04:12 Maintenant, c'est une reprise progressive, et je crois qu'évidemment, il ne faut pas
04:17 crier victoire.
04:18 La Banque Centrale Européenne, dirigée par Christine Lagarde, pour l'instant, annonce
04:24 des taux d'intérêt qui vont rester très hauts, et des taux d'intérêt qui restent
04:27 absolument inchangés.
04:28 Est-ce que vous pensez que c'est une bonne chose à l'heure qu'il est ?
04:31 C'est déjà une étape importante.
04:33 Permettez-moi de le souligner, parce que quand il y a eu cette vague d'inflation, et souvenez-vous,
04:37 c'était une vraie inquiétude l'année dernière.
04:39 Est-ce qu'on est parti pour une inflation très forte, pour longtemps ?
04:43 Ce matin, ma réponse, c'est non.
04:46 Et c'est non parce que le remède a été appliqué, c'est-à-dire la montée des taux
04:49 d'intérêt.
04:50 C'est ça qu'on applique la politique monétaire, et au passage, tous les grands
04:53 pays l'ont fait, l'Angleterre, les États-Unis, etc.
04:56 Et partout, c'est efficace.
04:58 Ce que nous disons depuis le mois d'octobre, c'est qu'on ne montera plus les taux d'intérêt.
05:02 Donc ça, c'est une étape importante.
05:04 Alors du coup, la question vient en disant, mais quand est-ce que vous allez les baisser ?
05:07 Alors, je dis simplement ce matin qu'entre la montée qui, sauf surprise, sauf choc,
05:12 est terminée, et la baisse qui devrait avoir lieu à un moment en 2024, il y a un plateau.
05:19 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on est sur la stabilisation des taux d'intérêt.
05:23 Là, on parle au passage des taux à court terme, que nous fixons nous.
05:27 Quand on regarde les taux à long terme, à 10 ans, par exemple, ceux auxquels emprunte
05:31 l'État, ces taux ont beaucoup baissé ces dernières semaines.
05:34 Donc là, on voit déjà un mouvement qui est favorable.
05:37 Les Américains baisseront avant les Européens ?
05:39 Alors ça, je ne sais pas.
05:40 C'est chaque banque centrale qui le décide de façon indépendante.
05:43 Et nous le décidons au vu des données.
05:45 J'insiste un peu sur cette patience, ou ce plateau.
05:47 Pourquoi ? Parce que si on baissait les taux trop tôt, on risque la rechute sur la maladie
05:52 qu'est l'inflation.
05:53 Le remède est efficace.
05:54 Il n'est pas toujours agréable.
05:56 Mais avoir vaincu l'inflation, être en voie de le faire, ça je crois que c'est
06:02 une très bonne nouvelle pour les Français, pour le bord d'achat, on l'a dit, et aussi
06:05 pour la croissance.
06:06 Parce que c'était la principale menace sur la croissance.
06:08 Alors justement, la croissance, François Villeroy de Gallo, est-ce que les taux sont
06:13 montés trop haut ? Est-ce que les taux d'intérêt impactent la croissance ? Est-ce qu'ils
06:17 freinent la croissance ? Est-ce que vous avez mesuré cela ?
06:20 Les taux d'intérêt ont joué un rôle dans ce ralentissement de l'économie dont
06:25 nous parlerons.
06:26 Mais il y a une forme d'atterrissage en douceur, pour prendre une expression que les
06:30 économistes emploient souvent.
06:32 C'est-à-dire que par rapport au scénario du pire, qui était redouté il y a un an,
06:36 qui était la récession, la montée massive du chômage, nous ne le voyons pas aujourd'hui.
06:41 Nous ne le voyons pas en France, en Europe, nous ne le voyons pas plus aux Etats-Unis.
06:45 Et je crois que maintenant, il faut être proportionné dans la fixation des taux d'intérêt.
06:50 Donc une stabilité, puis une baisse probablement en 2024.
06:53 Du marché de l'immobilier par exemple, est-ce qu'on va aller jusqu'à un possible
06:59 effondrement ? Qu'est-ce que vous attendez ?
07:01 On voit bien que là, le fait de ne pas pouvoir accéder aux crédits est totalement étouffant.
07:07 On voit bien que la distribution des crédits a connu une diminution historique.
07:11 Sa production est passée sous les 10 milliards d'euros mensuels que Bercy s'est alarmé.
07:14 Est-ce qu'on va arriver jusqu'à une purge du marché ?
07:17 Alors, sur le crédit, le secteur immobilier est très sensible aux taux d'intérêt.
07:21 Donc il avait beaucoup bénéficié de la période antérieure, quand il y avait des
07:24 taux ultra bas.
07:25 Parce qu'à l'époque, souvenez-vous, il fallait combattre la maladie inverse de l'inflation,
07:29 c'était le risque de déflation.
07:30 Je crois que ça a été efficace.
07:31 Et donc, quand on compare aujourd'hui le niveau de production au niveau record de
07:36 l'époque des taux ultra bas, c'est ce niveau record qui était un peu aberrant.
07:39 On a retrouvé aujourd'hui le niveau de 2015 ou un peu avant.
07:42 Alors, pour autant, je le dis ce matin, je crois qu'il faut que la production de crédits
07:46 immobiliers se stabilise et reparte maintenant.
07:48 On va vers une tendance à la stabilisation des taux.
07:52 Maintenant, le secteur immobilier ne dépend pas que des crédits et des taux, il dépend
07:56 aussi de l'ajustement des prix de l'immobilier que les Français attendent.
08:00 Souvent, il y a un certain attentisme de ce qu'on appelle la demande de crédit.
08:03 Et puis, il y a toute une série de politiques du logement.
08:06 C'est un sujet très complexe, mais où je crois qu'on peut améliorer les choses.
08:10 Et le chômage, François Villeroy de Gallo ? Et le chômage, alors ? Quelles sont vos
08:15 prévisions ?
08:16 Alors, sur le chômage, compte tenu du ralentissement économique, nous prévoyons une remontée
08:20 modérée.
08:21 On est aujourd'hui à 7,4%, ce qui au passage est le taux le plus bas que la France ait
08:26 connu depuis 40 ans.
08:27 Mais quand même, ça remonte.
08:29 Et nous prévoyons une remontée entre 7,5% et 8%.
08:32 Alors, c'est évidemment un point d'attention.
08:35 Nous restons vigilants sur beaucoup de choses.
08:37 Chouline, juste qu'il y a 10 ans, souvenez-vous, quand on a eu le précédent ralentissement
08:41 économique, on était au-delà de 10% de chômage.
08:43 Donc l'économie française crée quand même beaucoup plus d'emplois qu'avant.
08:46 Mais est-ce qu'on a privilégié la lutte contre l'inflation au détriment de l'emploi ?
08:51 Non, parce qu'on a atteint un équilibre et encore une fois ralentissement économique
08:56 et pas récession.
08:58 Et rappelez-vous, l'inflation c'est la première préoccupation des Français.
09:03 C'est lié au pouvoir d'achat.
09:04 Et il ne faut pas penser qu'il y a un arbitrage entre l'inflation et l'activité.
09:10 L'inflation c'est aussi le premier ennemi de la croissance, parce que c'est le premier
09:14 ennemi de la confiance.
09:15 Quand les consommateurs ne savent pas à quel prix acheter, ils achètent moins.
09:18 Les chefs d'entreprise investissent moins.
09:21 Aujourd'hui, je crois que ce retour de l'inflation vers 2%, c'est un facteur de confiance dans
09:25 notre économie.
09:26 Merci François Villeroy de Gallo.
09:28 Gardons si vous voulez bien le cap du plein emploi.
09:31 Ce ne sera peut-être pas pour tout de suite qu'on tient une de ralentissement, mais je
09:33 crois que c'est une perspective réaliste pour l'économie française dans la décennie.