SMART BOURSE - L'invité de la mi-journée

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SMART BOURSE du 9 mai 2023

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00:00 [Musique]
00:10 Mais revenons tout d'abord sur la séquence américaine et notamment la séquence statistique avec les chiffres de l'emploi qui ont été publiés vendredi,
00:17 en attendant demain le rapport mensuel sur l'inflation du mois d'avril.
00:21 Bastien Dreux est avec nous par téléphone pour évoquer ces statistiques, responsable de la stratégie de la recherche économique de CPR Asset Management.
00:27 Bonjour et bienvenue Bastien, merci beaucoup d'être avec nous.
00:30 Les investisseurs ont pris connaissance du rapport mensuel sur l'emploi américain vendredi.
00:35 Il est encore temps de revenir sur ces quelques chiffres.
00:39 Bastien, avec un chiffre global de création d'emplois net au mois d'avril de plus de 250 000 aux Etats-Unis,
00:47 quelles sont les remarques que l'on peut avoir vis-à-vis de ce chiffre global qui semble rester quand même plutôt bon par rapport à la norme, Bastien ?
00:57 Oui, à première vue, ce n'était pas un mauvais job report.
01:01 On a un taux de chômage qui tombe à 3,4% la population active, ce qui est quand même le plus bas niveau depuis 1969, donc ça commence à faire.
01:08 Malgré tout, on peut rappeler que le job report est deux enquêtes.
01:11 C'est une enquête auprès des entreprises et une enquête auprès des ménages.
01:14 Celle auprès des ménages, celle qui comprend le taux de chômage, elle était en retard par rapport à l'enquête auprès des entreprises.
01:21 Et sur ce point, on peut sans doute parler d'un rattrapage.
01:25 Mais surtout, je crois qu'il y a trois éléments qu'il faut mentionner dans ce job report.
01:29 Ils ne sont pas forcément très rassurants.
01:31 Le premier élément, c'est le fait que le job report diffacita de 253 000 créations d'emplois non agricoles en avril.
01:37 Mais les chiffres de février et de mars ont été fortement revus à la baisse.
01:42 Pour 150 000 emplois en cumulé, c'est énorme.
01:45 Et en fait, des révisions aussi fortes à la baisse, on ne voit quasiment jamais hors période de récession.
01:52 C'est pour ça qu'il faut quand même rester prudent et qu'il est difficile de donner beaucoup de crédit aux "bons" chiffres de création d'emplois d'avril,
02:00 qui devraient lui aussi être révisés à la baisse ultérieurement.
02:03 Le deuxième point, c'est certes que les salaires ont progressé sur un rythme intéressant en avril.
02:09 Mais le chiffre associé au salaire dans le job report, c'est le salaire horaire moyen.
02:13 Et il se trouve que le nombre moyen d'heures travaillées par semaine dans le secteur privé a continué à baisser.
02:19 Donc il faut bien prendre en compte les deux pour savoir combien les Américains touchent grâce à leur travail.
02:24 Et in fine, le rythme de progression des revenus du travail est en train de marquer un vrai et un très violent coup d'arrêt.
02:32 Et clairement, on a une dynamique des heures travaillées qui est au point mort aux États-Unis.
02:36 Elles ont même légèrement baissé sur les trois derniers mois.
02:39 Et le dernier point, c'est l'emploi des intérimaires.
02:43 Le nombre d'intérimaires a continué à baisser sur les derniers mois, lentement mais sûrement.
02:48 Et c'est quand même généralement associé aussi aux périodes de récession.
02:51 C'est intéressant, Bastien, parce que ce rapport mensuel sur l'emploi, il fait suite aussi aux chiffres de JOLS du mois de mars,
02:59 je crois, qui ont été publiés la semaine dernière.
03:01 Alors qu'ils montraient en matière d'ouverture de postes, de postes vacants, là aussi une forme de détente.
03:06 On n'est plus du tout sur le ratio de deux postes ouverts pour un demandeur d'emploi aux États-Unis.
03:11 Ce ratio-là s'est détendu aussi, Bastien.
03:13 Oui, c'est ça. Sur le mois de mars, on avait un nombre de postes ouverts qui a baissé de presque un demi-million.
03:20 Donc c'est quand même vraiment très important.
03:22 Et quand on calcule le nombre de postes ouverts par chômeur, on est tombé à 1,6.
03:27 Alors que, comme vous venez de le mentionner, lorsque le marché était le plus tendu, on avait un ratio qui était aux alentours de 2.
03:34 Que nous disent les conditions financières à travers notamment l'enquête de la Fed réalisée auprès de l'industrie bancaire
03:41 sur les conditions d'octroi de crédit, sur la distribution de crédit également ?
03:47 Bastien, ce rapport était entre les mains de Jérôme Powell et du comité de la Réserve fédérale américaine la semaine dernière,
03:53 lors de la prise de décision. Il a été publié pour les marchés hier.
03:57 Le senior loan officer surveille. Que nous apprend cette enquête sur le durcissement que tout le monde attend des conditions de crédit aux États-Unis, Bastien ?
04:05 Oui, c'est marrant parce que généralement, cette enquête n'intéresse que les économistes.
04:09 Mais là, je crois qu'elle n'a clairement jamais été aussi attendue.
04:13 On ne le voit rien, cette enquête !
04:16 Cette enquête trimestrielle de la Fed sur les conditions de crédit,
04:19 on pourrait la résumer simplement en disant que les banques ont bien durci leurs conditions de crédit dans le sillage de l'épisode SVB,
04:27 mais peut-être pas dans les proportions cataclysmiques que certains attendaient.
04:31 On avait déjà eu avant l'épisode SVB un durcissement des conditions de crédit de la part des banques américaines.
04:37 Elles ont continué à durcir leurs conditions de crédit, mais quand même pas au niveau de ce qu'on avait pu voir lors de la crise financière de 2008, par exemple.
04:46 En revanche, ce qu'il faut vraiment souligner dans cette enquête, c'est le fait que la demande de crédit bancaire, elle, elle baisse vraiment beaucoup.
04:54 On se retrouve sur des baisses de demandes qui rappellent les récessions de 2001 et de 2008.
05:00 Et ça, c'est vrai pour tous les types de crédit, les prêts aux entreprises, les prêts immobiliers, les prêts à la consommation, les prêts pour l'immobilier commercial.
05:07 Bref, on a vraiment une forte baisse de la demande de crédit.
05:10 Si on se focalise sur les prêts aux entreprises, on avait déjà une dynamique qui était à peu près nulle sur les six derniers mois.
05:17 Nulle parce qu'on avait un stock de prêts bancaires aux entreprises qui avait à peu près stagné.
05:21 Et maintenant, suite à cette enquête, on devrait plutôt s'attendre à ce qu'on ait une contraction du stock de prêts bancaires aux entreprises qui commence à se mettre en place.
05:31 Et le dernier point sur cette enquête, c'est le fait que la Fed, elle, a demandé aux banques comment elles voyaient la suite de l'année.
05:39 Et les banques, elles, ont indiqué qu'elles pensaient continuer à adhérir à leurs conditions de crédit sur le reste de l'année 2023.
05:44 Donc c'est plutôt un signal négatif.
05:46 Dans quelle mesure est-ce qu'il faut s'inquiéter aujourd'hui de la baisse de la demande de crédit de la part des entreprises ?
05:53 Notamment, évidemment, c'est plutôt un signal négatif pour l'investissement futur, j'imagine, Bastien.
05:58 Néanmoins, cet affaiblissement de la demande, on peut imaginer qu'il vient après une période qui a été "bénie" en matière de financement des entreprises
06:07 ou de refinancement des entreprises. Il y a eu un boom de crédit aussi pendant les dernières années.
06:12 Oui, tout à fait. Les entreprises ont eu accès à des conditions de financement qui étaient extraordinairement favorables ces dernières années.
06:20 Et c'est même encore plus le cas en Europe où il y a eu quasiment 15 ans de taux bas, voire de taux négatifs parfois.
06:26 Donc certaines banques ont pu mettre en place, avoir accès à des financements intéressants sur le moyen long terme.
06:34 Donc elles n'ont pas de problème de financement. En revanche, pour les plus petites entreprises qui reposent essentiellement sur le crédit bancaire
06:43 et beaucoup moins sur les marchés obligataires, on devrait avoir finalement des situations qui se dégradent sur les semaines et sur les mois qui arrivent
06:53 tout simplement parce que ces petites entreprises n'arrivent plus à se financer.
06:57 On en est au point où Jerome Powell a essayé de mettre tout ce qu'il pouvait dans l'idée d'une pause de la réserve fédérale américaine
07:04 après la hausse de taux de 25 points de base délivrée la semaine dernière.
07:07 Bastien, Jerome Powell qui s'engage par ailleurs, alors peut-être de manière un peu personnelle par rapport au reste du FOMC
07:15 ou en tout cas au staff de la réserve fédérale américaine, Jerome Powell qui s'engage de manière un peu personnelle sur l'idée que
07:21 à ce stade, les États-Unis peuvent continuer d'éviter un scénario de récession.
07:27 Il y a encore pour le patron de la Fed plus de chances pour que les États-Unis évitent une récession que de chance de voir les États-Unis basculer en récession
07:36 au cours des prochains mois ou trimestres.
07:38 Oui, c'était vraiment ça l'élément le plus étonnant de la conférence de presse, le fait qu'ils remontent de 25 VP, le fait qu'ils annoncent une pause finalement,
07:46 c'était assez attendu par tout le monde, mais l'élément vraiment étonnant de la conférence de presse, c'était le fait que
07:51 Jerome Powell explique qu'il y a une divergence de vue entre les économistes de la Fed d'une part et les membres du FOMC d'autre part.
07:58 Alors déjà en mars, il y avait des économistes de la Fed qui s'attendaient pour l'année 2023 à une récession qui soit limitée.
08:04 Là, on a compris dans ce que disait Jerome Powell que les économistes de la Fed s'attendent manifestement à une récession un petit peu plus marquée,
08:11 mais surtout il a souligné que les membres du FOMC et lui-même s'attendaient à une croissance modeste en 2023.
08:18 Et donc il disait un scénario sans récession est plus probable qu'un scénario avec récession.
08:23 Alors comment on peut comprendre cette divergence finalement entre les membres du FOMC et les économistes de la Fed ?
08:29 On peut penser à une sorte de "wishful thinking", s'il n'y croit pas, ça ne pourra tout simplement pas arriver.
08:36 On peut aussi penser à une sorte de croyance sincère dans le fait que cette foi est différente,
08:42 que ce cycle est différent pour des raisons structurelles, peut-être pour des raisons de démographie par exemple.
08:48 Et puis on peut aussi penser à la difficulté d'assumer vis-à-vis du Congrès, de la Maison-Blanche, mais aussi de l'opinion publique,
08:55 le fait que la Fed est en train de conduire l'économie américaine vers la récession, c'est quelque chose qui n'est pas forcément très facile à assumer.
09:03 Le resserrement est-il déjà abusif ou pas du point de vue de la Fed selon vous, Bastien ?
09:08 Avant même cette hausse de 25 points de base, on avait des conditions de crédit bancaires qui avaient été largement resserrées.
09:21 Et donc là on peut penser que cette dernière hausse de 25 points de base n'était pas forcément nécessaire
09:29 et que la Fed aurait pu se reposer finalement sur le resserrement de crédit bancaire qui avait déjà pu y avoir.
09:35 Parce que comme l'a dit Jean Powell lui-même, ce resserrement des conditions de crédit est équivalent à des hausses de taux directeurs.
09:42 Et donc voilà, le travail était déjà fait entre guillemets.
09:45 Bon, il faudra accepter un petit délai de latence de 3, 6, 9 mois peut-être pour pouvoir juger de manière plus approfondie
09:53 ce cycle de resserrement monétaire de la Réserve fédérale américaine qui restera historique à plusieurs aspects.
09:59 Merci beaucoup Bastien. Bastien Drue qui est avec nous par téléphone pour revenir sur les derniers chiffres américains.
10:04 En attendant, demain en début d'après-midi, la publication du rapport mensuel sur l'inflation pour le mois d'avril aux Etats-Unis.
10:11 Bastien Drue, responsable de la stratégie de la recherche économique de CPR, Asset Management.

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