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En 2013, Rozenn Le Carboulec suit les mobilisations liées au Mariage pour Tous pour le compte du Nouvel Observateur. De son côté, Augustin, à peine adolescent, est emmené par ses parents à la Manif pour Tous. 10 après l'une et l'un racontent. Ils sont les invités de 9h10.

Retrouvez "L'invité de Mathilde Serrell" sur
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10

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Transcription
00:00 Rosane Le Carboulac et Augustin, bonjour ! Merci d'être avec nous ce matin avec la loi du 17 mai 2013.
00:07 La France devient donc le 9ème pays européen et le 14ème pays au monde à autoriser le mariage homosexuel.
00:12 C'était il y a 10 ans.
00:14 Mais en quoi pour vous l'un et l'autre ce n'est pas exactement, ou pas seulement, ce qu'on appelle un joyeux anniversaire ?
00:21 Qui répond en premier, Augustin ? Vas-y Augustin.
00:24 Non, je n'aurais jamais pensé le fêter. Ce n'est pas un événement que j'ai envie de fêter.
00:30 Parce que pour moi, le mariage pour tous, je l'associe forcément à la manif pour tous.
00:35 Je n'ai jamais fêté l'adoption de la loi.
00:37 Et donc aujourd'hui, ça me semble compliqué de fêter un événement dont je ne me rappelle pas du bon côté.
00:43 Non, pour moi, dans ma famille, c'était tragique l'adoption du mariage pour tous.
00:47 C'était vraiment une catastrophe contre laquelle il fallait défiler, alors que j'ai une famille qui ne manifeste pas beaucoup.
00:53 Donc je ne vois pas d'un côté positif l'anniversaire du mariage pour tous.
01:00 Parce que pour moi, ça a été accompagné de trop de violence.
01:02 Et pour vous, Rosane Lecarte-Boulec ?
01:04 Pour moi aussi, effectivement, même si je l'ai vécu peut-être de manière un peu moins directe,
01:09 étant donné que ma famille ne participait pas aux manifs pour tous, j'avais cette chance-là.
01:13 En revanche, j'ai documenté dans mon livre à quel point ça a pu être une période extrêmement violente et traumatique
01:19 pour un bon nombre de personnes LGBT, pour les personnes concernées,
01:23 qui ont été le sujet de débats extrêmement violents,
01:28 où on remettait en cause leur existence même, en fait, sur des plateaux de télévision à heure de grande écoute.
01:33 Ça a été documenté par l'association SOS Homophobie, qui a montré qu'en 2013,
01:37 les violences à l'égard des personnes LGBT ont explosé de 78%.
01:42 C'est énorme, c'était totalement inédit cette année-là.
01:45 Donc oui, je dirais que c'est un anniversaire amer aujourd'hui.
01:48 Et au fond, est-ce que ce n'est pas lors de ces anniversaires qu'on se rend compte
01:52 à quel point un événement n'est pas compris, analysé ou digéré ?
01:56 Au fond, on voit bien avec ces dix ans ce qui remonte à la surface et ce qui n'est pas réglé, Rosane Le Carbouloc.
02:02 Oui, effectivement, je suis assez étonnée, mais peut-être dans le bon sens du terme,
02:06 de la couverture médiatique des dix ans du mariage pour tous aujourd'hui,
02:09 puisqu'aujourd'hui les médias sont assez unanimes sur le fait que c'était une manifestation homophobe,
02:15 que c'était un déferlement de haine et de violence dans la rue.
02:20 Et voilà, la plupart des médias aujourd'hui abordent la question en interviewant les personnes concernées
02:28 et en revenant sur la violence des débats, alors qu'à l'époque on était très très très loin de ça.
02:33 Donc effectivement, il y a eu pas mal d'évolutions là-dessus.
02:36 Retour en 2013.
02:38 "Oh là, t'as foudu ! Les familles sont dans la rue !"
02:41 "Papa, maman, les enfants, quoi de plus naturel on pense ?
02:45 Mais voilà qu'en douce France, certains s'en trouvent mécontents."
02:49 "Un bonheur, une maman pour tous les enfants !"
02:52 "Ils vivent n'importe comment, mais ils veulent être parents."
02:57 "Touche pas à ta parité !"
02:59 C'est absolument pas une manifestation homophobe,
03:02 mais c'est vraiment cette conviction profonde qu'un enfant a le droit d'avoir un père et une mère.
03:08 Ça veut dire que les homosexuels, on n'en veut pas,
03:11 et qu'un enfant il a besoin d'un papa et d'une maman et pas de deux mamans.
03:16 "Nous sommes tous les enfants d'été rond, première, deuxième, troisième génération."
03:23 Il n'est pas possible que demain un enfant, sur son acte de naissance, ait marqué
03:29 "Caroline, née de Jean-Pierre et Nicolas".
03:33 Non !
03:35 "Est-ce qu'il n'y a pas d'ovules dans les testicules ?"
03:38 "Ben oui, c'est vrai, c'est comme ça, j'y peux rien, j'ai cherché !"
03:42 Vous vous souvenez peut-être de cette voix, c'est une des icônes du mouvement.
03:46 Alors, Frigide Barjot qui va réussir à couériser, dites-vous, ce mouvement.
03:51 Rosane Lecaboulé, qu'on entend aussi dans les slogans,
03:53 on a une sorte de détournement des tubes de la gauche.
03:56 Qu'est-ce qui se joue au fond ?
03:58 Est-ce que ce n'est pas une inversion du clan de la transgression qui se joue en 2013 ?
04:03 C'était exactement ça et c'est exactement là-dessus que s'appuie la stratégie de La Manif pour tous.
04:08 Puisque La Manif pour tous n'a cessé, dès sa création, de retourner des codes de mouvements sociaux,
04:18 initialement plutôt de gauche, n'a cessé de reprendre un imaginaire de mobilisation collective
04:24 plutôt ancré à gauche.
04:26 Donc effectivement, il y a eu une récupération totale politique et militante de ces questions-là.
04:32 Et là-dessus, on peut reconnaître à La Manif pour tous un certain talent de communication
04:38 qui a aussi participé à la réussite du mouvement et au succès du mouvement à l'époque.
04:44 Couériser ? Qu'est-ce que vous mettez derrière quand vous dites ça pour expliquer aux auditeurs
04:48 "elle a couérisé le mouvement Frigide Barjot" ?
04:52 Ça, c'était déjà le cas au moment des manifestations contre le Pax à l'époque, à la fin des années 90.
04:59 C'est-à-dire que les organisateurs des manifestations ont fait en sorte de masquer totalement la réelle identité
05:08 des personnes qui y participaient, qui étaient majoritairement des bourgeois blancs catholiques.
05:14 Et en fait, il y avait des instructions données aux manifestants pour dire clairement
05:20 "écoutez, les enfants, mettez pas de vêtements Cyrillus, venez avec des jeans troués,
05:26 les femmes, on évite les serre-têtes".
05:29 Et voilà, il y avait vraiment de vraies consignes données aux manifestants pour gommer leur identité.
05:34 Et c'est ce qu'Éric Fassin, le sociologue, nomme "l'homophobie travestie".
05:37 C'est une formule que je trouve assez drôle et assez juste là-dessus.
05:40 Alors Augustin, est-ce que vous qui êtes dans cette famille, peut-être c'est un peu caricatural,
05:44 c'est systématiquement le serre-tête et Cyrillus, mais comment est-ce que vous vous ressentez à ce moment-là ces slogans ?
05:51 Est-ce que vous aussi on vous dit de vous comporter de telle ou telle manière lorsque vous allez en manifestation avec vos soeurs,
05:56 avec votre frère, avec votre famille et les membres de la paroisse aussi, c'est vrai ?
06:01 J'avais pas trop de regard réflexif sur ce que je faisais à ce moment-là,
06:06 puisque pour moi on allait marcher en famille pour défendre quelque chose qui tenait à cœur,
06:10 une chose qui tenait au cœur de mes parents.
06:13 Nous on portait les sweats de la manif pour tous,
06:16 on était invisibles dans la foule puisque tout le monde était un peu comme nous,
06:21 mais c'est vrai que je me rappelle qu'il y avait une communication souvent les lendemains de manif,
06:25 et au cœur des discours des organisateurs qui mettaient beaucoup en avant le fait que c'était pas que des cathos qui marchaient,
06:31 qu'il y avait même des personnes gays et lesbiennes qui étaient opposées au mariage pour tous,
06:36 qu'il y avait des cortèges musulmans, et donc on nous faisait beaucoup comprendre que c'était pas si homogène que ça pouvait en avoir l'air.
06:42 Mais moi je me rappelle que j'étais entouré de tout ce que je connaissais dans ma vie quotidienne,
06:47 il y avait des scouts, il y avait des gens de la paroisse, il y avait des amis de mes parents, il y avait toute ma famille,
06:52 donc moi j'étais en terrain connu, en terrain connu, j'étais pas du tout en terrain connu,
06:58 je connaissais tout ce qui était autour de moi, et les discours qu'on disait à la manif pour tous,
07:03 je les connaissais, je les entendais au repas de famille,
07:05 je les entendais dans les discussions que j'avais avec mes grands-parents, je connaissais tout ça.
07:09 Oui vous dites d'ailleurs, parce que vous avez fait un podcast ensemble, qui est un travail de mémoire ensemble,
07:14 vous dites que pour vous c'est une union contre nature, enfin la question ne se pose pas dans votre univers référentiel à ce moment-là.
07:21 Vos sœurs témoignent dans ce podcast, votre mère également,
07:25 et alors elle, il y en a une qui en garde un bon souvenir de ces manifs pour tous,
07:30 l'autre qui dit qu'elle se sentait impressionnée par le nombre.
07:32 Votre mère parle d'une ambiance bon enfant, au sein de votre famille c'est une mémoire qui continue à diviser,
07:38 personne n'a vécu la même chose ?
07:40 La division elle est entre elle et moi, c'est parce que je suis passé de l'autre côté de la barrière de la manif
07:48 que ça a commencé à diviser, parce qu'elles, elles n'ont jamais eu besoin d'avoir un rapport réflexif par rapport à ce qui s'est passé.
07:56 Le modèle qu'on défendait c'est celui dans lequel elles vivent encore aujourd'hui,
08:00 avec l'idéal du mariage et des enfants.
08:04 Moi il a fallu que je me rende compte que je suis gay pour réussir à traverser ça
08:09 et à remettre en question les valeurs avec lesquelles j'ai été élevé.
08:13 Et donc forcément ça crée du conflit aujourd'hui parce qu'on ne se comprend pas tout à fait,
08:17 parce qu'on n'a pas vécu les mêmes choses, on n'a pas le même rapport à ce passé-là.
08:21 Et je pense que j'en attends aussi beaucoup de leur part en réflexion,
08:27 parce que pour moi ça a été un passé douloureux mais pas forcément pour elle.
08:30 Vous dites de votre mère qu'elle n'était pas homophobe au fond, mais qu'elle réagissait à un trop-plein de progressisme.
08:36 Ça veut dire quoi pour vous ?
08:38 Ouais, moi je vois ça de manière très concrète par rapport aux discussions que j'avais dans ma famille.
08:43 C'était une obsession sur tous les débats qui avaient lieu depuis l'élection de François Hollande,
08:49 qui étaient très mal vus dans ma famille et dont on parlait à tous les repas de famille, à Noël avec les grands-parents.
08:55 Vraiment à tous les moments on parlait des nouvelles lois qui passaient.
08:58 Et cette idée du genre, de ce qu'on appelait la théorie du genre, le mariage pour tous, c'était trop de gauche pour ma famille.
09:07 Et donc il fallait aller dans la rue parce qu'il fallait se montrer présent face à ça et combatif, parce que c'était pas bien.
09:13 Et donc finalement ça devient une sorte d'énorme explosion de tout un tas de choses qui se sont sédimentées précédemment,
09:22 au-delà de l'union des personnes du même sexe.
09:25 Vous êtes un enfant de la manif pour tous qui a découvert ensuite son homosexualité.
09:29 Vous témoignez, vous faites aussi donc ce travail de mémoire et de réconciliation.
09:33 D'une certaine manière accompagné de Rosane Leclerc-Boulec, vous restez avec nous tous les deux.
09:37 Il est 9h19 sur France Inter.
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11:43 La fausse joie à bout de nerfs du rappeur britannique Slow Thaï sur France Inter. I feel good.
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11:56 Les invités de Mathilde Serrel, Rosane Leclerc-Boulec et Augustin avec nous dans ce 9-10.
12:02 Augustin, on en parlait à l'instant, vous découvrez donc votre homosexualité à l'adolescence
12:07 après avoir manifesté donc aux côtés de vos parents dans cette manif pour tous qui est contre l'union des personnes du même sexe.
12:15 À ce moment-là, c'est presque une double implosion pour vous, puisque à la fois il y a ce modèle
12:21 contre lequel vous avez manifesté, dans lequel vous allez vous projeter,
12:25 et puis aussi l'implosion d'une famille qui n'est pas du tout le modèle qu'elle prenait à être à ce moment-là,
12:31 puisque ça explose aussi du côté de votre père.
12:33 Donc finalement, il y a deux choses qui implosent et qui explosent au même moment.
12:37 Oui, tout à fait. Et justement, c'est la dislocation de ma famille autour des conflits entre mon père et ma mère
12:43 qui va me permettre, moi, de remettre en question tout ce qu'on nous a inculqué depuis que je suis petit.
12:48 Donc les valeurs de l'hétérosexualité, de l'importance du mariage, de l'importance d'avoir des enfants pour avoir de la reconnaissance sociale.
12:55 Tout ça, je le remets en question parce que justement, je vois que ma famille n'était pas du tout là-dedans,
13:01 et qu'elle s'est bâtie aussi sur beaucoup de mensonges et beaucoup de violence.
13:05 Et je pense que ça m'a fait du bien aussi d'en sortir en découvrant que j'étais pas tout à fait dans ce moule-là
13:13 et qu'ils m'avaient pas moulé suffisamment pour m'emprisonner toute ma vie.
13:17 Et c'est ça qui m'a permis de traverser un petit peu ce champ de ma famille et me trouver ailleurs.
13:27 Après, c'est pas seulement ma famille qui m'a permis de faire mon coming-out,
13:30 c'est aussi des rencontres que j'ai faites au lycée, des amis, des choses que j'ai entendues.
13:35 En grandissant un peu, on s'éloigne quand même de ce que nous apprend notre famille.
13:40 - Et c'est le pivot, finalement, de la religion aussi qui va jouer à ce moment-là pour vous.
13:43 Vous allez vous mettre à rejeter votre éducation catholique.
13:46 - Ouais, parce que quand je découvre que je suis gay, je me rends compte qu'il y a eu énormément de violence
13:51 de la part de tous ceux avec qui j'ai grandi.
13:53 Et donc je rejette tout en bloc, autant la religion que les scouts, que le milieu de la paroisse,
13:59 que ma famille, que les valeurs chrétiennes, les valeurs conservatrices qui étaient défendues
14:04 et qui m'ont fait du mal quand j'étais petit.
14:06 - Vous, Rosane Lecapolec, vous avez très tôt, peut-être que vous étiez une des premières,
14:09 à aller recueillir le témoignage de ces enfants de la Maniche pour tous,
14:13 qui découvrent a posteriori leur homosexualité.
14:16 C'était dans les pages du quotidien Le Monde.
14:18 Il y a énormément de témoignages qui sont glaçants, parce qu'il y a des crises d'angoisse,
14:23 il y a des gens qui tentent des thérapies de conversion, d'autres qui disent
14:26 "moi je voulais jouer au Playmobil, je voulais pas insulter les gens", etc.
14:29 Au fond, vous êtes allé plus loin cette fois-ci, en rencontrant Augustin.
14:33 Qu'est-ce que vous avez cherché à faire ensemble qui va au-delà du témoignage ?
14:37 - Bien sûr, il me semblait important de faire témoigner ces jeunes-là aujourd'hui.
14:42 Parce qu'on pensait tous et toutes à elles et eux, en se disant "mais mon Dieu,
14:49 ces enfants qui sont au-devant des manifestations, que vont-ils devenir plus tard
14:54 si elle ou il découvre qu'ils sont homosexuels, bi ou trans ?"
14:58 Donc il nous semblait essentiel de recueillir ces paroles-là.
15:01 Avec Augustin, effectivement, j'ai voulu aller un peu plus loin,
15:05 dans la mesure où il me semblait qu'il était important d'analyser un petit peu
15:09 les conséquences d'une telle éducation catholique, conservatrice et malgré tout
15:15 aussi homophobe, puisque Augustin, tu le racontais, qu'il y avait pas mal d'insultes homophobes
15:20 qui pouvaient jaillir au repas de famille, notamment, et une homophobie à la fois
15:24 externalisée et intériorisée de la part de beaucoup de membres de ces familles-là.
15:29 Donc il est important d'aller plus loin pour déconstruire un petit peu cette éducation
15:34 et montrer à quel point les impacts d'une telle éducation sur la construction d'une identité sont énormes.
15:41 Mais au-delà, finalement, de l'éducation catholique d'Augustin, c'est aussi l'éducation d'une époque
15:46 qui est en jeu. Vous êtes jeune journaliste, je le disais tout à l'heure, à l'Obs quand vous arrivez.
15:51 Vous allez quitter la rédaction cinq ans plus tard et vous avez finalement un "all-cœur",
15:57 un ressenti très douloureux aussi à l'époque dans la façon dont les choses sont traitées.
16:01 Donc, au-delà de l'éducation, c'est un climat idéologique, au fond, de 2010.
16:07 Oui, bien sûr, bien sûr. À ce moment-là, ça a opéré une énorme fracture, je pense, dans la société.
16:11 Moi, effectivement, je l'ai vécu de manière assez violente, puisque, quelque part, mon entrée
16:15 dans le métier de journaliste a coïncidé avec la remise en cause la plus totale de mon identité,
16:20 à la fois par la société et par cette profession que j'aspirais à intégrer un jour.
16:26 Donc, effectivement, ça a été très, très violent.
16:28 Vous arrivez en 2012, au moment des premiers manifs.
16:31 C'est ça, moi, en 2012, j'étais diplômée de Sciences Po Rennes et j'intégrais l'Obs à ce moment-là.
16:37 Et j'ai été amenée à couvrir, dès mon entrée, quelque part, dans le métier, les manifs pour tous.
16:42 Et à ce moment-là, on considérait que publier des tribunes de membres de la manif pour tous,
16:47 qui étaient, par ailleurs, qui tenaient des propos totalement homophobes, était normal,
16:51 relevé du débat d'idées et de la liberté d'expression.
16:53 Et de l'objectivité, au fond.
16:54 Et de l'objectivité journalistique qui n'existe pas.
16:58 Puisque, comme le dit, très justement Alice Coffin, à plusieurs reprises,
17:02 la neutralité, c'est la subjectivité des dominants.
17:05 Et je suis tout à fait d'accord avec elle là-dessus.
17:08 Je ne sais pas si la neutralité journalistique, il y a encore quelque chose d'inculqué en école de journalisme,
17:14 mais il faudrait absolument cesser avec ça aujourd'hui.
17:16 Mais au-delà de cette question de neutralité, est-ce qu'au fond, ce qui se joue dans la structure médiatique de l'époque,
17:21 c'est pas une accentuation des clivages ?
17:24 L'opinion est majoritairement pour l'union des personnes du même sexe.
17:28 De 56 à 63% des français se déclarent favorables au ménage entre personnes du même sexe à l'époque.
17:33 C'est pas la structure médiatique qui va accélérer le clivage ?
17:36 Même une partie de la gauche est partagée sur le sujet,
17:39 mais les débats nuancés sont confisqués déjà en 2013.
17:42 C'est ça qui émerge au fond ?
17:44 Oui, bien sûr.
17:45 Les médias, je pense, ont une énorme part de responsabilité dans la fracture qui s'est opérée à l'époque.
17:50 Puisque, comme vous le dites très justement, la population était en très grande majorité favorable au mariage et à l'adoption pour les personnes de même sexe.
17:59 Tout comme ça s'est reproduit par la suite avec l'APMA, où la grande majorité de la population était favorable à l'APMA pour toutes.
18:05 On a eu exactement le même type de traitement médiatique.
18:08 Et effectivement, la manif pour tous, à ce moment-là, a monopolisé totalement les débats.
18:14 Et d'ailleurs, Frédéric Barjot le dit très bien, je reprends une de ses citations dans mon livre,
18:18 et il dit que ce sont les médias qui ont fait le mouvement.
18:21 Et effectivement, puisque Frédéric Barjot et consorts incarnaient un objet médiatique parfait pour les médias et pour les chaînes d'information en continu,
18:29 qui était quelque part à leur apogée à ce moment-là.
18:32 Donc là-dessus, il y aurait un droit d'inventaire et peut-être quelques leçons à tirer.
18:36 Je voudrais qu'on termine avec vous, Augustin, et cette réconciliation quand même possible.
18:41 Quand vous parlez à votre mère et que vous lui demandez si vous pourriez être un bon père,
18:45 elle vous dit qu'elle n'en doute pas à condition que les enfants gardent le lien avec la mère porteuse.
18:50 Ça a beaucoup bougé quand même, en 10 ans, dans votre famille ?
18:53 Oui, et ça a été permis par ce dont vous parliez tout à l'heure, par l'effondrement du modèle familial qu'on défendait à la base,
19:01 et la transformation de toute ma famille autour de nouvelles valeurs.
19:05 Et ouais, maintenant ça bouge, j'ai beaucoup de chance d'avoir une famille comme ça aussi,
19:08 qui est capable de se remettre en question, de regarder son passé en face,
19:12 et de communiquer parce que finalement on est de la même famille.
19:15 Donc on s'aime toujours et on est capable de s'écouter et de continuer de bouger les uns pour les autres aussi.
19:20 Ce qui se passe au sein d'une famille, ça peut se passer à l'échelle de la société.
19:23 Tiens, rêvons un peu.
19:25 Merci Augustin, merci Rosane Lecaboulek.
19:28 Votre ouvrage Les Humiliés et E.S. parait ce mercredi aux éditions des Équateur.
19:33 Et puis votre podcast à tous les deux au nom du fils, produit par Nouvelles Écoutées,
19:36 toujours disponible sur toutes les plateformes.
19:38 Bonne journée.
19:39 Merci.
19:40 Merci à vous.
19:41 Merci Mathilde Serrel.

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