Le journaliste et écrivain Jean-Paul Kauffmann publie un recueil de ses œuvres favorites, remontant le fil de sa vie.
Retrouvez "L'invité de Mathilde Serrell" sur
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10
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00:00 de votre invité a longtemps fait l'ouverture du JT pendant sa détention au Liban. Et devenu
00:05 écrivain, il livre la généalogie de ses textes dans « Zone limite » chez Bouquin.
00:09 Jean-Paul Kaufmann, bonjour. Bonjour.
00:12 La préface de ce recueil s'intitule « Tout est dans le commencement ». Pour vous, c'est cette
00:17 prise d'otage qui vous déclenche en tant qu'écrivain, mais il vous est impossible de la
00:21 raconter dans vos livres. Comment vous avez vécu avec cette contradiction ?
00:25 Par l'écriture, justement. On ne peut pas être une victime à jamais. Avoir souffert,
00:34 ce n'est pas un statut. En même temps, j'écris pour faire oublier cette condition d'otage,
00:46 mais en même temps, je ne veux pas qu'on la perde la mémoire. Je suis au cœur de cette
00:55 contradiction-là et c'est pour ça que j'écris. Et c'est dans cette tension que naît la littérature.
01:02 Alors cette condition d'otage, je vais vous y ramener quelques secondes.
01:05 Bonsoir et une remarque. Si nous parlions des otages, les otages français du Liban qui ont
01:11 presque disparu des préoccupations de ces derniers jours, on ne peut oublier Marcel Carton et Marcel
01:15 Fontaine, Michel Serra et Jean-Paul Kaufmann. Et puis ceux d'Antenne 2, Philippe Rochot,
01:20 Georges Ancet, Norel Cornéa et Jean-Louis Normanda.
01:23 Reporter à l'événement du jeudi, vous êtes enlevé par le djihad islamique en pleine guerre civile le 22 mai 1985.
01:30 A partir du mois de mars 1986, grâce à la ténacité de votre femme Joël, tous les soirs,
01:36 le JT d'Antenne 2 fait le décompte de vos jours de détention jusqu'à votre libération le 4 mai 1988.
01:42 Vous parliez de votre condition d'otage Jean-Paul Kaufmann. Finalement c'est une sorte de double
01:47 enfermement. Vous dites qu'on est d'abord otage puis séquestré dans sa condition d'otage. Le mot est fort.
01:53 Oui pour moi c'est toujours le même problème. Sur mon front est inscrit ex-otage du Liban.
02:01 Donc je dis souvent que c'est une façon de second enfermement. Vous pouvez pas échapper à ce
02:11 statut-là. Donc moi je m'en suis sorti encore une fois par l'écriture. Vous voyez il y a une
02:19 contradiction et une contradiction qu'il faut résoudre. Deux vérités opposées ne s'opposent
02:28 pas forcément et je crois aussi que c'est justement par la contradiction qu'on avance.
02:34 Vers la vérité. L'écrivain tardif que vous êtes devenu Jean-Paul Kaufmann à 49 ans ne reviendra
02:39 pas sur ses trois années de captivité. Mais dans ce recueil, donc zone limite chez bouquins, vous
02:45 donnez à lire ce texte qui n'avait jamais été remis en circuit, écrit pour la revue L'amateur
02:49 de Bordeaux, dont vous étiez le rédacteur en chef, en 1989. C'est la première et seule description
02:55 qui existe de votre détention rédigée je veux dire. Oui en effet c'est un texte qui a été écrit il y a
03:01 35 ans et je me suis toujours refusé à ce qu'il soit publié. Il avait été destiné à ceux qui
03:11 s'étaient mobilisés pour ma libération et je leur donnais de mes nouvelles, je leur marquais ma
03:18 gratitude. Et donc c'est un texte que j'ai écrit pour une revue qui s'appelait, qui a disparu
03:28 aujourd'hui, L'amateur de Bordeaux. Et j'ai été quasiment obligé d'utiliser cette métaphore du vin
03:37 pour parler de ce qui m'était arrivé parce que pour moi c'était trop difficile de nommer ces
03:43 trois années, ce que j'appelle ces trois années fantômes. Donc tout naturellement est venu chez
03:51 moi s'inscrire cette métaphore du vin et le monde dans lequel j'étais plongé, ce monde très violent,
04:04 très... enfin ce monde des ténèbres on peut le dire, était l'exact opposé de ce monde bordelais
04:15 que j'avais connu, civilisé, qui obéit à des codes etc. - Mais qui est ouvert à tout le monde.
04:21 - Qui est ouvert sur le monde extérieur alors que, en effet, j'étais avec des gens qui étaient dans
04:27 la fermeture, dans la paranoïa. Donc tout naturellement le vin s'est imposé à moi. Mais ça
04:38 a été une fenêtre très courte. Après elle s'est refermée et dans ce livre qui a été réuni sous le
04:49 nom de "Zone limite", il fallait trouver un titre qui unifie tous ces textes-là, il est fait très
04:58 peu allusion à mon histoire libanaise. Donc il s'agit de contrées perdues, des espaces incertains
05:06 etc. Je parle très très peu de ces trois années. - Oui mais malgré tout pour le lecteur, découvrir
05:16 ce texte qui s'appelle "Le Bordeaux retrouvé", c'est quand même quelque chose puisque c'était
05:21 pas mis en circulation commerciale, donc pas à disposition du public. Et c'est assez fou finalement
05:27 de lire ces lignes. Je vais vous en donner un passage. "Le vin m'a permis de renouer progressivement
05:35 avec la vie. Je suis un plongeur qui lentement remonte à la surface. J'ai connu moi aussi le
05:40 silence de la mer, ses abysses terrifiant les obscurs où râgne les squales au cœur froid. Sous
05:45 la calme surface des eaux, j'ai vu dans les profondeurs la mêlée des bêtes qui tuèrent
05:49 furtivement Michel Serra." Michel Serra c'est le sociologue avec qui vous êtes capturé, qui meurt
05:54 en détention faute de traitement. C'est avec lui que vous parlez de vin pour tenir. Et c'est à
06:00 travers le vin finalement que vous arrivez dans ce texte seulement à parler de lui ?
06:05 Oui c'est vrai parce que Michel Serra était un sociologue et nous échangeons beaucoup. Lui me
06:12 parlait de ce qu'il connaissait, la philosophie et Gaëlle, c'était des véritables
06:19 séminaires. Il fallait évidemment occuper le temps et moi je lui parlais de littérature, de vin. Il
06:27 était extrêmement intéressé par justement tout ce milieu-là, ses codes, qui obéissait à des codes.
06:34 Et ça a été l'essentiel de nos conversations mais on en a beaucoup parlé. De la même
06:43 manière j'en parlais beaucoup aussi avec Marcel Carton et Marcel Fontaine et je me récitais pour
06:50 entretenir ma mémoire. Je l'ai souvent raconté. Le fameux classement de 1855, c'est 61 ans et
06:59 parfois j'en oubliais certains, certaines propriétés, certains châteaux et je me disais suis-je devenu
07:05 un barbare moi aussi ?
07:07 Vos geôliers qui prétendaient par exemple que le chocolat rendait aveugle.
07:11 Oui, oui, ces trois années aussi avec la bêtise et comme disait Camus,
07:19 la bêtise insiste toujours. C'est d'ailleurs la bêtise qui a tué Michel Seurat, qui n'a pas été
07:26 soigné et qui est mort pendant sa captivité.
07:29 Alors il y a cette phrase très jolie où vous dites "Pendant ces trois années de cauchemars, nous avons presque quotidiennement parlé du vin" pour Marcel Carton,
07:35 Marcel Fontaine et moi-même. C'était notre dernier lien avec le monde des vivants. Et pourtant Jean-Paul
07:40 Kaufman, vous ferez d'abord cette promesse une fois libérée de ne plus boire. Comment l'expliquer ?
07:45 Écoutez, je pense qu'après coup, c'était une solution de sagesse parce qu'il y avait tellement
07:52 d'occasion de faire sauter le bouchon, de boire. Bon, il fallait quand même une période
08:00 de pénitence en quelque sorte et elle a duré trois mois. Et trois mois après ma libération,
08:10 en effet, j'ai décidé de boire du vin mais je ne sentais rien. C'était affreux pour moi,
08:17 j'avais perdu le goût. Et lentement, ce goût est revenu mais j'ai eu très peur pendant un certain temps.
08:28 De ne pas pouvoir le retrouver ? Retrouver le goût, mais bon. Il est là maintenant ? Oui. Il s'en va plus ?
08:34 Il s'en va plus. Il a peut-être pris une certaine acuité, je ne sais pas.
08:40 En tout cas, le psychiatre qui vous croise à l'époque, qui vous conseille donc de le suivre,
08:46 de suivre une thérapie, vous dit "croyez-moi, vous n'allez pas vous en tirer tout seul". Et au fond,
08:50 même si vous dites que vous n'êtes pas écrivain parce que seuls les auteurs qui vous ont sauvé de
08:55 la mort méritent ce qualificatif, mais en vous, vous vous sauvez ? Par la littérature ?
08:58 Oui, la littérature, c'est un mot un peu, je dirais, par l'écriture.
09:06 Vous refusez ce mot d'écrivain ?
09:07 Tout le monde se dit écrivain. Aujourd'hui, un journaliste qui écrit un livre se dit écrivain.
09:12 Moi, je trouve que le mot écrivain est un mot grave. On ne peut pas l'utiliser n'importe comment.
09:19 Vous savez, les vrais écrivains se comptent sur les doigts des deux mains.
09:23 Et ces écrivains qui m'ont sauvé la vie, un écrivain, c'est quelqu'un qui...
09:32 Un grand livre, pour moi, c'est un livre qui s'impose, évidemment, à vous de manière définitive et qui cause des dommages.
09:42 Vous voyez, pour moi, c'est ce que je pense très fort. La littérature n'a pas, pour moi, une valeur thérapeutique.
09:50 On pourrait le penser, finalement.
09:53 Pour réparer les vivants, comme on dit chez Delphine de Vigan.
09:56 Ce n'est pas la fonction de la littérature. La littérature n'est pas là pour soigner.
10:01 La littérature a quelque chose de perturbant, de dérangeant.
10:08 Mais je pense même que la littérature, je pense à comme Robert Antelme, qui a écrit ce magnifique livre "L'espèce humaine",
10:19 elle est là pour aggraver la plaie, mettre du sel sur la plaie.
10:25 Donc elle a quelque chose, quelque part, de dérangeant, en tout cas d'insatisfaisant.
10:33 Ce qui ne l'empêche pas de vous sauver. Encore une contradiction.
10:36 Après ce texte post-libération et ce texte de libération, Jean-Paul Kaufmann, vous allez entrer dans l'écriture.
10:44 On va dire oui, mais laquelle ? Restez cette question. Quel écrivant alliez-vous devenir ?
10:50 On en parle dans quelques minutes. Il est 9h19 sur France Inter.
10:53 Souvent je me demande comment tourne la terre J'ai besoin d'espace, je sais pas comment faire
10:59 Il faut que je me casse, il faut que je prenne l'air J'ai trop d'angoisse, je voudrais les faire taire
11:05 J'ai pas d'attache, j'ai pas de rêve Et je fais tout à l'enfer
11:08 Chez moi c'est marche ou crève Et je regarde jamais terre
11:11 J'ai pas demandé à venir au monde Et toutes mes émotions se confondent
11:14 J'écris des textes un peu bidons Calés sur le bip du micro-ondes
11:17 Et j'ai la tâle, ouais Je prends tout ce qu'on me donne
11:20 Un peu bestial, ouais Je les collectionne
11:23 Je m'en bats les couilles de ton avis Pas là pour faire ami-ami
11:26 Moi je veux mon car et VIP Et la villa à Miami
11:29 J'ai peur de tout, de nous Mais de moi surtout
11:32 Et dans mon corps y'a tout qui brûle Du mal à sortir de ma bulle
11:35 Et même ça m'emboucle dans ma tête Pour ça qu'on sort, qu'on fait la fête
11:38 Dans un putain de cercle glissieux J'fais comme s'il y avait pas d'enjeu
11:41 Mais j'suis fatiguée J'me couche tard, j'me lève tard
11:45 Ouais, j'vis en décalé Et j'me sens bien nulle part
11:51 Souvent j'me demande comment tourner la terre
11:56 J'ai besoin d'espace, j'sais pas comment faire
11:59 Il faut qu'j'me casse, il faut que j'prenne l'air
12:02 J'ai trop d'angoisse, j'voudrais les faire taire
12:05 Souvent j'me demande comment tourner la terre
12:08 J'ai besoin d'espace, j'sais pas comment faire
12:11 Il faut qu'j'me casse, il faut que j'prenne l'air
12:14 J'ai trop d'angoisse, j'voudrais les faire taire
12:18 C'est quoi le but de mon existence ?
12:21 Est-ce que tu sais pourquoi j'suis née ? J'me fais pas confiance
12:25 Pourquoi à chaque fois que j'vois le vide J'ai envie de sauter ?
12:29 J'ai aimé des gens qui s'aimaient pas eux-mêmes
12:32 J'ai été pas bien dans ta peau, c'est pas mon problème
12:35 J'ai assez de galères à gérer, tous les jours fight avec moi-même
12:38 Avoir du succès ou t'aimer, toujours le même dilemme
12:41 Dans ma famille, ils sont tous devenus fous à force de sur-l'étudier
12:44 Dis-moi comment un mariage enfant peut tout détruire comme un opus
12:47 J'espère que c'est pas héréditaire, malédiction et nique ta mère
12:50 Toutes les nuits j'fais le même cauchemar, j'me lève j'sais plus jouer d'la guitare
12:53 Non faut pas me laisser, faut pas me laisser seule
12:57 Non, j'pourrais m'abîmer
13:01 J'ai encore des tas d'choses à vivre avant l'un seul
13:04 Souvent j'me demande comment tourne la terre
13:08 J'ai besoin d'espace, j'sais pas comment faire
13:11 Il faut qu'j'me cache, il faut que j'prenne l'air
13:14 J'ai trop d'angoisse, j'voudrais les faire taire
13:18 Emma Peters, les confessions d'une enfant du siècle
13:24 Dans ce titre, Terrien extraite son album Dimanche
13:28 Et cet invité c'est Jean-Paul Kaufmann, Zone Limite
13:38 Recueil de vos textes, choisis par vous-même
13:42 Jean-Paul Kaufmann s'est sorti chez Bouquin
13:44 On a parlé du Bordeaux retrouvé, texte rare qu'on trouve à la fin de ce recueil
13:50 Mais il se passe 4 ans avant d'écrire votre premier texte d'écrivant
13:55 C'est l'Arche des Kerguelen en 1993
13:58 Entre 89 et 93, vous allez chercher le chemin de ces textes
14:04 qui ne peuvent plus être des textes de journaliste à ce moment-là, vous en êtes sûr
14:09 Et vous allez choisir ces îles de la désolation que leur découvreur a même refusé d'explorer
14:14 C'était le bon endroit pour le commencement ?
14:17 Vous qui dites que tout est dans le commencement
14:20 Oui, je crois beaucoup au commencement, vous voyez, le commencement induit le reste
14:25 Il y a une vérité irrésistible dans le commencement
14:29 Kerguelen, c'est un cas absolument unique
14:32 Il est allé à deux reprises aux îles de la désolation qu'il a découvertes
14:37 Il se refusait à chaque fois de poser le pied sur sa découverte
14:42 Et je crois que par la suite, je pense que ces îles Kerguelen ont été les mal aimées de la France
14:50 Mais alors surtout, ça c'était un rêve que j'avais en quelque sorte formulé pendant mes années libanaises
14:58 Je m'étais dit, si je sors vivant de cette histoire, la première chose que je ferais c'est d'aller aux Kerguelen
15:05 Pourquoi les Kerguelen ? Pourquoi vous pensez à ça à ce moment-là ?
15:08 Peut-être aussi parce qu'on est tout faim pendant ces trois années
15:11 Vous voyez, il faisait très chaud, les cellules étaient complètement hermétiques
15:17 Il fallait se battre contre la chaleur
15:20 Au moins aux Kerguelen, on respire, il y a le vent, il souffre avec le plus de violence
15:26 Mais ce que je ne savais pas quand j'y suis allé pour la première fois
15:32 C'était là encore la métaphore de ce que j'avais connu, un environnement hostile
15:38 C'est vrai que l'environnement est hostile aux Kerguelen, c'est le pays de la haute solitude
15:46 Et au fond, c'est l'environnement hostile
15:51 Et au fond, c'était exactement la définition de ce que j'avais connu au Liban
15:57 Donc vous vouliez à la fois rejoindre un lieu qui était aussi hostile que ce que vous étiez en train de vivre
16:01 Oui, mais je ne savais pas sur le moment, c'est quand je me suis mis à écrire que ça m'est apparu
16:07 J'aurais dû m'en douter quand j'y étais, mais ça n'a pas du tout été évident pour moi
16:14 Donc ça a été en quelque sorte une manière de convalescence ce séjour aux Kerguelen
16:27 Et ça m'a fait énormément de bien, et je crois, on parlait tout à l'heure, vous citiez ce texte là
16:33 Où l'on est comme un plongeur qui lentement remonte à la surface
16:38 Je ne sais pas si je vais remonter à la surface, véritablement, c'est à ma femme et à mes proches de le dire
16:44 Mais on remonte par palier, vous voyez, et dans ce palier, les Kerguelen ont joué un rôle décisif très très important
16:52 Après votre libération, vous avez cessé d'être journaliste, vous dites même que la détention a tué le journaliste
16:58 Parce que vous êtes passé de témoin à victime, il restait donc cet espace de la littérature, les Kerguelen
17:04 Mais après les Kerguelen, en fait, vous ne vous autorisez pas totalement à entrer dans l'écriture non journalistique
17:12 Vous passez par un des tours qui sont les articles de voyage
17:15 Oui, oui, tout à fait, le livre qui a été publié par la suite, c'est un livre sur l'île de Sainte-Hélène
17:23 Où est mort Napoléon, a priori Napoléon ne m'intéressait pas énormément
17:29 Mais ce qui m'intéressait, c'est le fait d'y aller par bateau
17:33 Et moi je crois beaucoup à l'attente, à l'ennui dans le voyage
17:38 Et maintenant, d'un coup d'aile, on arrive quelque part
17:43 Tandis qu'il y a dans ce voyage, l'attente, encore une fois l'ennui
17:51 Et c'est la raison pour laquelle j'y suis allé
17:54 Et après, évidemment, la figure de Napoléon, du Napoléon captif
17:59 Je ne veux pas dire que c'est imposé à moi, mais j'ai longtemps hésité
18:04 Je me suis dit, encore, on va me parler du Liban, la captivité de Napoléon
18:08 Et j'ai hésité pendant une année, et puis finalement, je me suis jeté à l'eau
18:15 Et beaucoup de mes livres aussi, c'est une histoire de frustration
18:19 C'est des articles qui ne peuvent pas aboutir
18:23 Et donc j'écris un livre, et ça a été le cas pour les Kerguelen
18:29 J'avais intégré, j'avais lu un certain nombre de choses
18:35 Et là, il y avait un trop-plein, donc il me fallait écrire un livre
18:39 Vous parlez aussi de ces lieux qui ont un trop-plein d'histoires
18:42 Et dont votre écriture se charge
18:45 Mais ces lieux, ce sont au fond le récit en filigrane de votre détention
18:50 Au fond, il y a une géographie intérieure qui se dessine
18:54 Et vous vous êtes raconté sans le dire
18:56 Oui, alors, ce qui m'intéresse, en effet, dans Outre-Terre
19:01 C'est un livre que j'ai écrit sur cette enclave de Kaliningrad
19:06 Dont on parle beaucoup aujourd'hui
19:08 Vous voyez, c'est des lieux de trop-plein
19:12 L'histoire a débordé, puis elle s'est retirée
19:16 Et en fait, c'est cet estrant, moi, qui m'intéresse
19:20 Vous voyez, cette partie humide que j'essaie de décrire
19:24 En tout cas, il y a un écrivain que vous n'êtes pas devenu
19:27 C'est celui qui racontait un roman d'anticipation
19:30 Une guerre civile qui se produisait en France
19:33 Lorsque vous étiez otage au Liban
19:35 Pendant neuf mois, vous avez eu le droit d'écrire
19:37 Avant que vos geôliers vous retirent votre crayon
19:39 Pourquoi vous n'êtes pas devenu cet écrivain d'anticipation, Jean-Paul Schopman ?
19:42 Ce n'était pas fameux, je crois que cette première version
19:47 Ce n'était pas du tout dans mes cordes
19:51 Et j'ai eu raison très vite d'abandonner
19:56 D'ailleurs, je n'ai pas eu le choix puisqu'on m'a retiré très vite ce crayon
20:00 Jean-Paul Kaufmann, "Zone limite"
20:03 C'est ce que vous avez pu écrire, ensuite
20:05 Grand recueil de vos textes et votre géographie intérieure, je vous le disais
20:09 C'est sorti chez Bouquin, merci, grand merci à vous
20:12 C'est moi qui vous remercie