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Dimanche prochain, France 5 diffusera « L’amour vache », le nouveau documentaire d’Edouard Bergeon. Pendant trois ans, il a suivi les Dahetze, des éleveurs qui ont été contraint de faire abattre tout un troupeau atteint par la tuberculose.

Retrouvez "L'invité de Mathilde Serrell" sur
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10

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Transcription
00:00 Mathilde Serrel, vos invités se sont contactés via Facebook, un couple d'éleveurs et un
00:11 réalisateur qui les a suivis pendant 3 ans, ça donne l'amour vache.
00:16 Un documentaire diffusé dimanche prochain sur France 5.
00:19 Bonjour à tous les 3, Edouard Berjon, Bernard et Sylvie Detz, merci d'être avec nous.
00:25 Un mot sur ce salon de l'agriculture 2023.
00:27 On a vu cette vidéo, il a été inauguré par le président Macron samedi.
00:32 Vous avez pu échanger en 2 minutes chrono avec lui, Sylvie, parce que c'est vous qui
00:37 avez eu cette mission, vous avez réussi à tout lui résumer.
00:40 J'ai essayé de faire au mieux d'être le plus… voilà, de demander ce que j'avais
00:45 à demander mais au nom de tous les agriculteurs et ça s'est vraiment très bien passé.
00:49 Je me suis concentrée sur ce que j'avais à dire, pas me laisser parasiter par le fait
00:53 que c'était le président de la République et ça a donné ce que ça a donné.
00:56 Elle a été extraordinaire, elle a tout dit.
00:57 Elle a fait de la radio presque tellement c'était concis.
01:00 En rigolant, le président demande à Sylvie si elle a tous ses trimestres et vous lui
01:05 dites Edouard qu'elle n'a que 54 ans.
01:07 Mais c'est vrai que c'est un vrai sujet le cas des conjoints et principalement des
01:13 conjointes qui travaillent sur une exploitation, parfois en plus d'un autre boulot comme
01:17 vous Sylvie.
01:18 Comment la prise en compte-ci ce n'est de leurs heures mais de leur apport a évolué
01:22 selon vous Edouard Berjon ?
01:23 Il évolue positivement parce que je le vois, le cas de Sylvie c'est aussi le cas de
01:27 ma maman qui a travaillé aussi à l'extérieur avant d'être co-exploitante agricole.
01:31 Aujourd'hui les exploitants en couple qui travaillent sur une ferme c'est moins de
01:34 20% des exploitations agricoles donc il y a toujours un double actif généralement
01:38 sur une exploitation quand on est en couple.
01:40 Il y a eu des progrès sur les retraites récemment mais les retraites restent toutes petites
01:46 quand on est agriculteur.
01:47 Oui c'est ça parce que vous le disiez dans votre film Au nom de la terre c'est bien
01:51 votre mère qui gère la compta d'administratif, les relances de la banque comme de la MSA,
01:55 la fameuse sécurité sociale des agriculteurs.
01:57 Et au 1er janvier 2026 la pension des agriculteurs non salariés sera évaluée sur leurs 25
02:03 meilleures années et plus sur la totalité de leur carrière.
02:05 Mais qu'est-ce que ça change ? Quid des conjoints et conjointes des exploitations ?
02:09 Est-ce qu'il y a une revalorisation aussi ?
02:10 En fait les agriculteurs déjà doivent faire leur retraite en fait.
02:16 Mais aujourd'hui revendre une exploitation agricole ça reste assez compliqué.
02:21 On a fini de payer mais je ne sais pas si vous avez déjà fait les calculs de combien
02:25 vous allez toucher mais ça va tourner autour de combien.
02:27 Sylvie et Bernard, réponse ?
02:29 On a commencé à regarder un petit peu.
02:31 Oui, toi il faut que tu arrives jusqu'à 64 ans.
02:36 Il est déjà placé 64 ans et pour 1000 euros à peu près je pense de retraite.
02:43 Et pour vous Sylvie ?
02:44 A peu près pareil, un peu plus moi parce que j'ai travaillé dans le…
02:47 Comme ma mère à peu près, ça devrait être autour de 1100-1200 euros.
02:51 En prenant en compte ce que vous avez fait pour la ferme.
02:55 Ce que j'ai fait pour la ferme, de toute façon ça n'apparaît pas.
02:58 Donc c'est grâce à ce deuxième boulot finalement.
03:02 C'est le deuxième boulot qui me permet de faire ça autrement que de travailler à la ferme.
03:05 On touche la retraite de Kelly à mon papa qui s'appelle la pension de reversion.
03:08 Mon père qui n'est plus là c'est environ 250 euros brut par mois.
03:11 Donc vous voyez on n'est pas sur des gros chiffres.
03:13 On va replanter le décor de ce documentaire Edouard Bergeon, ça s'appelle l'amour vache on l'a dit.
03:19 En 2019 vous recevez un message de Sylvie Daël sur Facebook.
03:23 Elle veut à O5 se monter ce truc dans le berne et elle demande votre aide.
03:26 Elle s'inquiète pour Bernard qui est avec nous ce matin aussi.
03:29 Elle a peur qu'il flanche après avoir envoyé à l'abattoir tout son troupeau, vache et veau,
03:33 suite à un contrôle positif de l'une des bêtes à la tuberculose.
03:37 À ce moment-là pour vous Sylvie, en quoi c'est Edouard le seul recours ?
03:40 Parce qu'on était sur la sortie du film "Au nom de la terre" qui pour le milieu agricole est très parlant.
03:45 Parce que malheureusement dans le milieu agricole il y a beaucoup beaucoup de suicides.
03:49 Nous on sentait qu'on allait flancher parce que pour un agriculteur il n'y a rien de pire que de voir que
03:54 tout son bétail va partir à l'abattoir pour simplement un cas avéré de tuberculose bovine.
04:00 Donc ça c'est très dur à vivre.
04:02 Donc moi j'étais souciée parce que la vie elle continue et tu te dis mais
04:06 comment on va s'en sortir financièrement et psychologiquement ?
04:09 Et ça ça a été un post une bouteille à la mer et voilà après j'ai fait en sorte que ça arrive à la chaîne.
04:15 À l'époque tu avais déjà "Au nom de la terre" qui était si je ne me trompe.
04:18 Et après on a échangé par mail avec Edouard et ça s'est mis en route au fil du temps.
04:22 Et vous Bernard, comment vous avez perçu l'arrivée d'Edouard le sauveur ?
04:26 Non je ne suis pas un sauveur, pas Zorro.
04:28 Justement comme un grand sauveur.
04:31 Parce que c'est vrai on se retrouvait tout seul et
04:35 en voyant Edouard arriver ça nous a quand même...
04:41 On a remonté un peu la pente.
04:43 Ça a été dur mais c'est vrai qu'on a rencontré quelqu'un de formidable,
04:48 de très humain et qui nous a apporté beaucoup.
04:52 Edouard, vous voulez réagir ? Vous refusez chaussons.
04:54 Non mais c'est vrai, après mon film "Au nom de la terre" on en a parlé,
04:59 qui a fait 2 millions d'entrées, c'était dingue.
05:01 Et principalement un gros retentissement dans le milieu rural, agricole.
05:05 Ce film a parlé aux agriculteurs et j'ai reçu des centaines de mails, de messages.
05:10 Et ça c'est ce que vous avez reçu, vous en avez reçu bien d'autres.
05:12 Plein, plein, plein, plein que j'ai pu lire ou pas lire.
05:16 Aujourd'hui j'arrive vraiment plus à lire les messages de détresse et je m'en excuse.
05:20 Je ne peux même pas y répondre parce que je ne les lis pas forcément
05:23 parce que c'est trop difficile pour moi et j'essaie de me protéger de cette histoire.
05:26 Et je ne veux pas vivre toute ma vie, même si c'est un film marquant
05:29 qui s'inspire de ma vie, mais je ne peux pas vivre toute ma vie
05:32 au nom de la terre et sur la détresse du monde agricole.
05:35 Moi je veux plutôt parler de ce qui va bien aujourd'hui.
05:37 Et c'est pour ça que dans "L'amour vache" il y a beaucoup de douleurs
05:42 puisqu'il y a l'abattage de ce troupeau comme on le disait,
05:43 mais dans le titre il y a le mot "amour".
05:46 On raconte l'amour d'un éleveur pour ses bêtes,
05:49 ses bêtes qu'il a fait naître une par une comme des enfants.
05:53 L'amour d'un couple qui est là à côté de moi et je suis très heureux qu'ils soient là.
05:56 C'est la première fois qu'ils montent à Paris,
05:58 c'est la première fois qu'ils viennent au Salon de l'agriculture
06:00 et d'être à côté d'eux, d'être leur témoin, 32 ans après leur mariage,
06:04 pour moi c'est quelque chose de très très touchant
06:09 parce qu'il y a trois ans quand ils m'écrivent,
06:10 je ne pense pas qu'on va en arriver là, je ne sais même pas que ça va devenir un documentaire.
06:14 Et pour finir sur l'amour, c'est une déclaration d'amour
06:17 que moi je fais à la terre et au mien en fait.
06:21 - Mais c'est aussi une enquête, Edouard Bergeon,
06:23 parce que vous allez aider, soutenir Bernard et Sylvie,
06:26 mais vous rentrez aussi dans un processus d'investigation, de questionnement,
06:30 qui est laissé d'ailleurs libre à l'interprétation du spectateur dans le documentaire,
06:34 mais vous allez chercher des infos.
06:36 - En fait, au moment où Sylvie et Bernard me contactent,
06:41 j'accompagne une mission parlementaire
06:43 qui a été lancée par le président de la République et le Premier ministre de l'époque,
06:47 puisque j'avais projeté mon film à l'Elysée au président Macron,
06:51 et c'est une mission parlementaire sur le mal-être et le suicide des agriculteurs.
06:56 J'y vais sur le terrain avec le député qui s'en occupe à l'époque,
06:58 Olivier Damaisin, qui est dans le documentaire,
07:00 et ça a donné lieu à un plan que j'ai accompagné avec le ministre de l'époque,
07:05 Julien Denormandie, qui est aussi dans le documentaire.
07:07 Ça aurait pu être un autre gouvernement de gauche, de droite, je l'aurais fait,
07:09 parce que c'est la cause des agriculteurs qui m'importe.
07:12 Et là, on reparle de mettre de l'humain, de l'humanité dans l'administration
07:16 et dans les process de banque, d'administration.
07:20 Et là, en fait, quand l'administration apprend que je vais venir
07:25 sur la demande de Sylvie et Bernard, pourquoi ?
07:26 Pour faire des images, pour des souvenirs, en fait.
07:30 Eh bien, on me dit "non, tu n'as pas le droit de tourner".
07:32 Donc moi, quand on me dit que je n'ai pas le droit de tourner,
07:34 alors qu'on est chez des agriculteurs pour témoigner de ce qui se passe,
07:37 j'y vais, je sors mon iPhone pour faire des images et ça commence.
07:41 - Je ne pensais pas que ça allait être si dur à voir.
07:48 - Ça représente quoi, pourquoi ?
07:52 - C'est que c'était où on s'est attachés, c'était des vaches à qui on s'occupait tout petit.
07:57 Ils allaient partir pour une colonie, ils avaient quelque chose.
08:02 - Rentre, mamie.
08:03 Ne regarde pas.
08:05 Il ne faut pas.
08:06 On l'entend dans cet extrait, toute la ferme pleure.
08:10 Votre fils, votre mère, c'est un élevage qui se transmet depuis trois générations.
08:14 Et puis autour, il y a les voisins, les amis qui se demandent à qui le tour ?
08:18 Au prochain contrôle de tuberculose.
08:20 Mais ce n'est pas une angoisse seulement financière.
08:22 Et c'est ça qui n'est pas pris en compte, Bernard.
08:25 - C'est ça.
08:27 Parce qu'on n'est jamais à l'abri, on voit tous les ans des élevages disparaître.
08:32 Et c'est vraiment très dur pour tous les éleveurs qui sont confrontés à cette situation.
08:40 - Il n'y a pas d'accompagnement psychologique comme si quelque part, ça n'allait pas vous toucher ?
08:46 - Non, je pense que l'État ne met pas vraiment les moyens pour éradiquer la maladie.
08:56 C'est toujours, depuis des années...
09:00 - Il y a trois régions, principalement, qui sont concernées par cette épidémie de tuberculose.
09:04 Mais on a un taux quasiment...
09:06 Donc la France est un pays indemne des cas de tuberculose,
09:08 car elle a plus de 99% de non-contamination.
09:11 Et ce statut d'indemne permet les échanges de viande entre pays,
09:16 permet de vendre aux éleveurs et puis d'exporter.
09:21 Ce n'est pas pour rien qu'il y a des règles.
09:22 - Comme à la Belle.
09:23 - Oui, mais ce sont des règles sanitaires, c'est au nom du principe de précaution.
09:25 Après, qu'il faille abattre, c'est une chose,
09:27 mais après, il faut un accompagnement financier et psychologique.
09:31 - Mais il n'y a pas assez de lutte contre la maladie elle-même, vous dites, Bernard ?
09:34 - Voilà, c'est ça.
09:35 Je pense que nous avons des formations par rapport à la biosécurité,
09:44 mais je pense que cela ne suffit pas.
09:47 Peut-être que dans la recherche de la maladie, il faudrait mettre plus de moyens.
09:54 - Et ce ne serait pas vous, donc, la vale d'ajustement.
09:57 Sur le plan financier, Sylvie, il y a cette viande non contaminée
10:00 qui a été achetée deux fois moins cher, avec des délais de compensation
10:03 qui ne sont pas pris en compte d'un côté.
10:04 De l'autre, la pression des banques.
10:06 Là, c'est l'attitude du crédit agricole qui vous a choqué.
10:09 - Oui, après, ça aurait pu être une autre banque comme le crédit agricole.
10:12 Mais c'est vrai que rien n'est mis en place.
10:15 Nous, il faut savoir que le temps qu'on touche les indemnisations,
10:18 il s'est passé à peu près six mois.
10:19 Et pendant six mois, vous n'avez pas de revenus
10:21 puisqu'on n'a pas le droit de vendre notre bétail.
10:25 Et il y avait uniquement mon salaire.
10:26 Mon salaire, il est dérisoire par rapport aux dépenses
10:28 que peut engendrer une exploitation agricole.
10:31 On s'est retrouvé à demander un report de nos échéances d'emprunts.
10:35 Mais ça coûtait.
10:35 Alors c'est accepté, oui, évidemment, mais ça coûtait.
10:38 Pour avoir un peu de trésorerie, il y a failli l'appui du député
10:41 monsieur Olivier Damesin, qui a mis un peu de pression.
10:43 Mais il a fallu quand même en face montrer qu'on allait avoir une rentrée d'argent
10:47 grâce à la... Enfin grâce...
10:48 À cause de l'abattage de notre troupeau.
10:50 Ce n'est pas normal, ça doit être déjà...
10:51 Comment on peut laisser quelqu'un travailler six mois sans revenus ?
10:54 Qui dans le milieu... Quel salarié va le faire ?
10:58 - Et justement, ce député, on le voit,
11:01 il utilise cette expression qui revient tout au cours du film
11:03 qui est "il faut remettre de l'humain".
11:06 Le sujet, finalement, ce n'est pas la nécessité du protocole sanitaire
11:09 qui est appliqué dans le fond.
11:11 Mais à quel moment le l'humain, il a disparu ?
11:13 Sylvie, Edouard, Bernard ?
11:15 - Après, je pense que l'humain, c'est propre...
11:18 Enfin, on ne peut pas instaurer de règles générales.
11:20 Ça dépend sur qui vous tombez au moment où vous êtes dans la situation
11:23 que vous traversez.
11:25 Nous, on n'a pas eu de chance.
11:26 Je suis désolée, les personnes qu'on a eues en face.
11:29 Il faut faire du cas par cas.
11:30 On ne peut pas...
11:31 Notre exploitation, elle est différente d'une autre.
11:34 On n'a pas les mêmes besoins au même moment.
11:36 Il y en a peut-être qui auront les rêmes plus solides
11:37 pour pouvoir passer six mois sans revenu.
11:40 Nous, ce n'était pas le cas.
11:41 Donc là, il faut vraiment que la personne, elle soit en face,
11:43 qu'elle regarde tout dans sa globalité.
11:45 - Edouard Bergeon ?
11:46 - Il y a plein de gens extraordinaires qui font un super boulot
11:49 dans les équipes de la mutualité sociale agricole, la MSA,
11:51 avec Agriécoute, notamment, qui est développée.
11:54 C'est le plan aussi dont je parlais tout à l'heure
11:56 sur le plan mal-être et suicide.
11:58 Il y a des associations comme celle d'Arrêté Paysan
12:01 qui font aussi un travail extraordinaire.
12:02 Il y a plein d'accompagnements qui existent,
12:06 mais il y a de moins en moins d'agriculteurs
12:07 et il y a toujours beaucoup d'administratifs et de pression financière.
12:10 Donc à un moment donné, ça rippe souvent.
12:11 - Et il se trouve que les difficultés, non seulement persistent, mais s'accélèrent.
12:14 Avec l'urgence environnementale et climatique,
12:16 il y a une transition nécessaire qui pèse sur le monde agricole à nouveau.
12:19 On en reparle avec vous, Bernard et Sylvie Daël-Selverdorn-Le Bern.
12:22 Edouard Bergeon, réalisateur agro-activiste
12:25 qui signait ce documentaire, "L'amour vache".
12:29 Quand je me tourne vers mes souvenirs
12:35 Je revois la maison où j'ai grandi
12:40 Il me revient des tas de choses
12:46 Je vois des roses dans un jardin
12:52 Là où vivaient des arbres maintenant
12:58 La ville est là et la maison
13:03 Les fleurs que j'aimais tant n'existent plus
13:13 Ils savaient rire tous mes amis
13:18 Ils savaient si bien partager mes jeux
13:23 Mais tout doit finir pourtant dans la vie
13:27 Et j'ai dû partir les larmes aux yeux
13:31 Quand j'ai quitté ce point de mon enfance
13:36 Je savais déjà que j'y laissais mon cœur
13:40 Tous mes amis enviaient ma chance
13:44 Mais moi je pense encore à leur bonheur
13:48 Je reviendrai un jour un beau matin
13:53 Parmi vos rires
13:59 Oui, je prendrai un jour le premier train
14:05 Du souvenir
14:11 Le temps a passé et me revoilà
14:15 Cherchant en vain la maison que j'aimais
14:20 D'elle et de mes amis plus une trace
14:24 D'autres gens, d'autres maisons ont volé leur place
14:28 Là où vivaient des arbres maintenant
14:34 La ville est là et la maison
14:42 Où est-elle, la maison où j'ai grandi ?
14:52 Je ne sais pas où est ma maison
14:57 La maison où j'ai grandi
15:01 Où est ma maison ?
15:05 Françoise Arzy sur France Inter
15:08 La maison où j'ai grandi, 9h23
15:11 Dans Au nom de la terre, dans la maison où vous avez grandi
15:14 Edouard Bergeon, il y a un enchevêtrement de changement
15:16 La réforme de la PAC dans les années 90
15:19 L'ouverture des marchés, la baisse des prix
15:21 Les investissements toujours plus grands qu'il faut faire pour garder la ferme
15:24 Aujourd'hui, il faut ajouter la transition écologique
15:27 Le défi du renouvellement générationnel
15:30 Comment on peut vivre ça ?
15:33 Est-ce qu'on peut l'accompagner au mieux ?
15:35 Maintenant qu'on sait ce qui a pu mal se finir dans les années 90
15:38 C'est qu'il continue à se passer
15:40 Comment nous consommateurs ?
15:42 Nous consommateurs, nous la France
15:45 Nous la France, les consommateurs, c'est déjà d'acheter au maximum français local, de saison
15:49 Ça paraît bête mais à un moment donné, c'est ce que produisent nos éleveurs, nos agriculteurs, nos agricultrices
15:55 Plus c'est près de chez nous, plus c'est français et meilleur c'est pour la planète
16:00 Il n'y a pas de coût de transport
16:01 Et puis nos agriculteurs français sont déjà en transition
16:05 Mais il faut les accompagner pour aller encore plus loin d'un point de vue technique, politique, agronomique
16:09 Parce que tout ça, ça coûte
16:11 Et la recherche doit les accompagner aussi
16:15 On a été dans une politique de massification depuis la Seconde Guerre mondiale
16:19 Pour produire beaucoup, pour exporter
16:21 Et aujourd'hui, on n'a plus le choix
16:23 Il faut revenir à la ferme, à la parcelle
16:25 On sort de la parenthèse des Trente Glorieuses ?
16:28 Oui, c'est différent de faire de l'agriculture en Bretagne que dans le Béarn, qu'en Alsace
16:32 Ce ne sont pas les mêmes contraintes climatiques, on le voit aujourd'hui
16:35 On est dans une des pires sécheresses hivernales depuis les années 50
16:39 Et là, c'est une catastrophe
16:40 J'imagine que les éleveurs craignaient le préalable
16:43 Bernard et Sylvie, comment vous voyez ce surplus de changements qu'il faut encaisser maintenant ?
16:49 C'est sûr, il va falloir changer peut-être les moyens
16:53 En 2022, on n'a presque pas eu d'eau
16:58 Et là, l'hiver sans rien
17:00 Je pense que l'année 2023 sera très difficile pour nous éleveurs
17:05 Il y a eu un plan sur la sobriété de l'eau qui a été annoncé par le président Macron
17:10 Sylvie, comment vous voyez-vous ces changements ?
17:12 C'est compliqué parce que même le bétail
17:14 On est en train de se dire qu'on a des cultures et de l'élevage qui ne vont même plus être adaptés au climat qu'on est en train d'avoir
17:21 L'élevage se supporte très mal des chaleurs comme ça
17:23 On en a vu qui étaient à deux doigts de faire des malaise cardiaque
17:27 Tu le voyais, il a fallu même des petits veaux, il a fallu les arroser carrément un peu avec un jet d'eau
17:32 Parce que les bêtes, elles ne supportent pas
17:34 Vous vous mettiez en plein soleil dehors, mais il fait quoi ? Il fait 50 degrés
17:37 Cet été, ça a été réellement exceptionnel
17:40 Et le monde agricole, pendant ce temps-là, finalement, il est assez mal représenté
17:45 Assez mal compris, assez mal raconté
17:48 C'est peut-être ça qui lui joue le plus des tours, Edouard Bergeon
17:51 D'autant qu'il est soustrait de plus en plus aux panneaux représentatifs des sondeurs
17:57 Puisqu'il y a un rétrécissement de la population des actifs agriculteurs
18:01 On est passé d'à peu près 14 millions il y a un siècle
18:06 1,5 million dans les années 80, aujourd'hui moins de 400 000
18:09 Du coup, ce n'est pas représenté et pas écouté d'une certaine manière
18:14 Mais le monde agricole n'a pas su se raconter aussi
18:16 Il est aussi responsable, aujourd'hui, du fait qu'on parle de bien-être animal
18:21 Et de tous les débats d'aujourd'hui de produits phytosanitaires
18:26 C'est qu'à un moment donné, il n'a pas voulu, je pense, écouter ou prendre le pouls de la société
18:31 Et bien se raconter, on le voit aujourd'hui maintenant
18:33 Le monde agricole, et notamment par les jeunes, se raconte par beaucoup de youtubeurs, d'agri-youtubeurs
18:38 Et puis, moi, avec ce que je fais, avec ma chaîne "Au nom de la terre TV"
18:41 Et puis avec ce documentaire, par exemple, "L'amour vache"
18:44 J'essaie de raconter l'agriculture telle qu'elle est
18:48 D'où je parle, moi, je parle de mes racines rurales
18:50 Je suis un enfant de la terre, j'ai mon bac pro agricole, j'ai grandi dans une ferme
18:55 Et aujourd'hui, je pense que des réalisateurs ou des réalisatrices
18:58 Qui parlent du monde rural en ayant les racines encore profondément ancrées dans leur territoire
19:04 Même si je vis dans la région parisienne, mais je suis toujours sur le terrain
19:08 Il y en a de moins en moins, et je ne dis pas qu'on ne peut pas raconter le monde rural quand on n'en est pas issu
19:13 Mais je ne peux pas faire ce documentaire "L'amour vache" avec Bernard Essivy si je ne suis pas fils d'agriculteur
19:18 J'arrive à... Quand je vous arrive, on a échangé déjà par mail et tout
19:23 Mais quand j'arrive, la première fois que je vous vois, je suis déjà en train de filmer avec mon téléphone
19:27 Quelque part, je l'efforce un peu, mais non, puisque je les connais
19:32 Oui, il y a un moment de gêne, parce qu'il est intrusif au départ ce téléphone, et puis il se dissout
19:37 Et puis Bernard, à chaque fois que je reviens le voir, il me dit "Non, tu ne vas pas me filmer encore une fois"
19:41 Non, pas encore, et puis à chaque fois, il commence à parler, il ne s'arrête plus, on ne peut plus l'arrêter
19:47 Et surtout, Edouard Bachon, vous filmez aussi beaucoup Bernard dans la tendresse de son contact avec les bêtes
19:55 avant qu'elles partent, puis après il y aura ce nouveau troupeau à 50% que vous êtes en train de reconstituer
20:01 Bernard, pourquoi c'est important pour vous ces gestes ? Et au fond, on l'entend dans le documentaire
20:06 parfois vous vous sentez un peu en concurrence avec le bien-être animal, comme s'il y avait une opposition
20:12 entre les éleveurs qui vont un jour mener les bêtes à l'abattoir, mais c'est leur métier
20:19 C'est ça le bien-être animal, et on va dire qu'il est égal aux combattants
20:25 C'est notre contrat social depuis 2000 ans entre "je soigne bien mes animaux" et en retour "ils nous nourrissent"
20:29 C'est dur de le comprendre quand on est urbain, mais c'est ça la vie
20:34 C'est ça Bernard, finalement, qu'on voit très bien dans les images
20:37 C'est le métier des lèveurs, on aime nos bêtes, on y vit tous les jours au milieu
20:42 et c'est sûr que la bête est destinée à l'abattoir, mais devoir partir tout, tout un troupeau en même temps
20:50 c'est là où le bas blesse
20:55 Et c'est là aussi où on comprend que ce n'est pas à front ou enversé, qu'il faut être sur place pour comprendre ces liens aussi
21:02 - Je voudrais avoir une pensée très forte pour Gisèle, la maman de Bernard, qui n'est pas très en forme
21:07 Gisèle c'est aussi le prénom de ma grand-mère, j'étais très touché de la filmer
21:11 L'amour vache c'est aussi un hommage aux femmes de la terre
21:14 Sylvie a une place extrêmement importante dans ce documentaire, je suis ému parce que je pense à ma mère et à toutes les femmes de la terre
21:21 Et je raconte et ça documente aussi ce documentaire la vie rurale en fait
21:24 Sylvie c'est 32 ans de grande distribution, 32 ans de SMIC, à 54 ans elle a repris ses études
21:29 Elle a eu son diplôme, elle ne le dira pas là, et aujourd'hui elle travaille avec des personnes handicapées à la retraite
21:34 Elle gagne 183 euros de plus grâce à la loi Ségur, 300 euros de plus parce qu'elle fait deux week-ends et elle a 10 semaines de vacances
21:40 On ne prend pas son vélo, on prend sa voiture pour se déplacer à la campagne
21:43 Et c'est l'amour vache, et c'est Dimanche sur France 5 et vous allez voir
21:46 - Je vais m'en occuper Edouard, vous inquiétez pas
21:49 - Non mais c'est de là d'où on vient en fait, c'est vraiment une ode à la terre et à cette famille
21:56 - Et à Sylvie quand même, qui tient ce film
22:00 Merci à vous trois, donc Bernard et Sylvie Dahlet-Selver dans le Béarn
22:04 Que vous avez accompagné Edouard Bergeon pendant trois ans et on le comprend dans le film, pas que pour trois ans
22:09 Ce documentaire inédit sera diffusé ce dimanche 5 mars à 20h55 sur France 5
22:14 - Merci Mathilde Serrel et merci à vos invités

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