L'invité du 13h

  • l’année dernière
L'Invité du 13h (13h - 10 Avril 2023 - Claude Schopp)

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Vous avez peut-être profité du week-end de Pâques pour aller voir ce film.
00:03 Une énième version des Trois Mousquetaires est à l'affiche depuis mercredi dernier.
00:07 A l'issue de la première journée en salle, 200 000 personnes avaient vu le film en comptant
00:12 les avant-premières qui ont été nombreuses.
00:15 Le casting est royal.
00:16 Louis Garel en Louis XIII, Éric Ruff, administrateur général de la comédie française Henri
00:22 Chelieu, Eva Grine en Milady, Vincent Cassel et Athos Romain Duris, Armin Aramis, Pio Marmaille
00:28 et Portos et c'est François Civil qui endosse la cape de D'Artagnan.
00:32 Des mousquetaires qui se battent dans la poussière, violemment, contre les gardes du Cardinal.
00:36 Ce n'est que le premier épisode d'une série de deux.
00:38 On retrouve un peu l'esprit feuilleton des romans de Dumas.
00:41 Alors pourquoi cet attrait jamais démenti pour les oeuvres et personnages de Dumas ? Est-ce
00:46 qu'il y a encore des choses à découvrir sur les Trois Mousquetaires et leur auteur ?
00:49 Jusqu'à 13h45, l'un des meilleurs spécialistes de Dumas est notre invité.
00:53 Allez-y pour vos questions, vos personnages préférés, vos curiosités sur le père
00:56 des Trois Mousquetaires.
00:57 Bonjour Claude Choppe.
00:58 - Bonjour.
00:59 - Un biographe de Dumas, auteur de nombreuses éditions critiques de ses oeuvres ultra méconnues
01:04 ou beaucoup plus connues.
01:05 Vous avez aimé le film ?
01:06 - Assez.
01:07 - Bon, c'est déjà pas mal.
01:10 Qu'est-ce qui vous a plu, qu'est-ce qui vous a moins plu ?
01:11 - Qu'est-ce qui m'a plu ? C'est que ce soit une trahison.
01:15 J'ai beaucoup aimé que ce soit trahi.
01:17 - Oui.
01:18 - Parce que les adaptations sans trahison sont sans intérêt.
01:22 Là, il y a un intérêt profond, c'est-à-dire que c'est très différent en fait.
01:27 - Et oui, la trahison, où sont les différences ?
01:29 - Les différences sont immenses.
01:31 Ne pas avoir de valet pour ces...
01:34 - C'est vrai qu'on ne voit pas plancher les autres.
01:36 - On ne voit pas plancher, on ne voit pas Grimaud qui ne dit pas grand-chose mais qui
01:40 dit.
01:41 Justement, je trouve que c'est un peu...
01:44 Bon, cela est un peu ennuyeux.
01:46 Par ailleurs, le choix est plutôt positif, c'est d'en faire un... d'avoir retrouvé
01:53 une imagination un peu sinistre en quelque sorte.
01:58 - Oui, c'est vrai que le film est sombre.
01:59 - C'est un film sombre, avec des personnages cabossés.
02:04 On n'a pas l'impression...
02:07 Ils ont beaucoup vécu.
02:08 Alors qu'en définitive, notre jeune Gascon arrive tout frais, tout neuf lorsqu'il pénètre
02:16 dans le roman.
02:17 - D'ailleurs, vous dites que...
02:18 Par exemple, c'est Vincent Cassel qui joue Athos.
02:20 Alors certes Athos est plus âgé que D'Artagnan mais Athos a moins de 30 ans.
02:23 - Oui, c'est un jeune homme encore.
02:24 - Vincent Cassel en a un peu plus.
02:26 - Oui, là, à vrai dire, il y a un peu de recul.
02:29 On s'étonne.
02:30 Mais bon, c'est un choix.
02:33 Je veux dire, ce n'est pas pour ça que le film n'est pas bon ou pas.
02:37 C'est un choix fait.
02:38 Et déjà qu'il y a un choix, c'est positif.
02:41 - Avis de spectateurs, Gilles, au standard.
02:45 Bonjour Gilles.
02:46 - Bonjour.
02:47 - Vous avez deux remarques.
02:48 On va les prendre une par une.
02:49 Le premier, sur les mousquetaires.
02:50 - Oui, les mousquetaires.
02:51 Je ne comprends pas que M.
02:52 Treville accepte que ses mousquetaires soient aussi sales.
02:56 Voilà.
02:57 - Alors, on va faire réagir Kotschop.
03:00 C'est vrai que ça tire vers le western.
03:01 Ils sont dans la poussière.
03:02 Ils ont le visage marqué.
03:03 Cradingue, de fait.
03:04 - Oui, chez Dumas, qui est un auteur très hygiéniste.
03:09 - Ah bon ?
03:10 - Oui, quand il voyageait, il éprouvait le besoin de prendre un bain, deux bains, trois
03:19 bains par jour.
03:20 Il n'aurait jamais accepté des mousquetaires qui sentaient mauvais.
03:24 - Et ce côté, ça tire presque vers le western.
03:27 Je ne sais pas si l'expression est bonne, mais ça m'a un peu fait penser à ça.
03:31 Ça correspond à la bonne trahison, pour reprendre votre expression ?
03:35 - Oui, il faut bien sûr toujours choisir un axe.
03:39 Je crois que l'axe, effectivement, western.
03:43 Mais je crois que le western doit beaucoup à Dumas.
03:46 Donc, par là même, il faut retourner la proposition.
03:52 Et d'ailleurs, curieusement, dans Tarantino, nous voyons que Di Caprio a dans sa bibliothèque
04:01 les trois mousquetaires.
04:02 Donc, je crois qu'il y a effectivement un rapport entre le western et deux secondes.
04:13 C'est Dumas qui est le premier.
04:14 - Vous aviez une deuxième remarque, Gilles Ostendah ?
04:16 - Oui, je m'étonnais de l'absence de suivante de la reine lorsqu'elle vaut Vache de Grâce.
04:23 Comment est-ce qu'on peut accepter ça ? Franchement, est-ce que Richelieu a coupé les crédits
04:28 à la reine ?
04:29 - La reine qui n'a pas de suivante, qui n'a pas de dame d'honneur.
04:32 Merci pour votre humour, Gilles.
04:34 Clutch hop.
04:35 Voilà, c'est un choix d'un cinéaste.
04:36 - C'est un choix d'un cinéaste.
04:38 Et puis, ça n'a rien à voir.
04:40 La vérité, c'est la vérité de la fiction et pas la vérité historique.
04:43 - Porto, ce qui dans son appétit de vie glisse dans son lit aussi bien des filles que des
04:48 garçons ?
04:49 - Oui, je pense à ce que disait Dumas.
04:50 On m'a accusé de tout sauf de retourner les pages.
04:53 Ce qui est bon.
04:56 - Encore quelques remarques sur les personnages.
04:58 Louis XIII assez fallot, me semble-t-il, incarné par Louis Garel.
05:02 - Tel qu'il était.
05:03 Je pense que là, Garel est à tout.
05:07 Il faut faire attention à la chose.
05:11 Garel correspond bien à l'image que moi, par ailleurs, j'ai dans mes lectures, après
05:16 lecture des mémoires du temps de Madame de Maudeville, etc.
05:19 Je crois qu'il est assez proche d'une certaine vérité.
05:23 - M'il est dit, c'était Eva Green, ex-James Bond girl.
05:27 On a fait lien avec le western à l'instant, Clutch Hop.
05:30 Là, il y a un lien entre deux épopées.
05:31 - Oui, absolument.
05:32 C'était une figure épique.
05:33 Puis, Green est tellement vénéneuse, j'allais dire vénimeuse, mais bon, l'un et l'autre,
05:42 que bon, je crois qu'elle est parfaite.
05:45 J'attends beaucoup du second volet dans lequel elle joue un rôle plus important que dans
05:51 le premier.
05:52 Là, on a l'impression qu'elle est jetée d'une falaise.
05:57 Et puis bon, on se dit quoi ?
06:00 Nous, on a l'habitude de la voir décapitée.
06:04 Ce n'est pas ça.
06:05 Mais bon, on attend avec impatience de la voir terriblement dure.
06:11 - Le deuxième volet s'appelle en effet « Milady ».
06:14 À propos de Milady, sur l'application pour vous Clutch Hop, l'appli France Inter, faut-il
06:18 réhabiliter Milady De Winter, victime des hommes, pendue sans jugement par son mari
06:23 Athos, violée par D'Artagnan, décapitée après procès, lui-même privée sans avocat
06:28 du juge, bref, victime du patriarcat à Milady ?
06:30 Est-ce qu'il faut la réhabiliter ?
06:31 - Pourquoi pas ?
06:32 C'est un axe extrêmement intéressant d'explication, effectivement.
06:38 J'ai vu quelques films, des films italiens entre autres, dans lesquels elle jouait déjà
06:44 un rôle plus positif que cette fois-ci.
06:48 - Votre version cinématographique préférée des « Trois Mousquetaires », c'est laquelle ?
06:51 - Est-ce que j'ai une version préférée ?
06:54 - Peut-être pas.
06:55 Vous avez le droit de ne pas en avoir.
06:56 - Tout m'intéresse en fait.
06:59 J'aimais bien l'estère, c'était plein de fraîcheur, de gaieté.
07:08 Mais on me dit « moi je l'ai revu et c'était pas si bien que ça ». Alors je crois toujours
07:13 le dernier qui parle.
07:14 Je suis totalement innocent.
07:17 - Est-ce que le succès des « Trois Mousquetaires » a été immédiat, dès 1844 ?
07:21 - Immédiat, absolument.
07:22 Et ça se voit très bien dans la façon dont on eut désigné Dumas par périphrase.
07:28 C'est-à-dire qu'il était, jusqu'aux « Trois Mousquetaires », il était l'auteur
07:35 de « Henri III et sa cour ».
07:36 C'était la périphrase qui courait.
07:38 Et juste après la publication des « Mousquetaires », il est devenu l'auteur des « Trois Mousquetaires ».
07:44 Ça a été sa marque absolument.
07:46 - Et c'est aussi le succès de ce roman qui décide en quelque sorte de son choix de laisser
07:50 de côté le théâtre pour le roman.
07:52 C'est à ce moment-là que le choix se fait ?
07:53 - Non, c'est parce qu'il n'a plus autant de succès au théâtre qu'il va vers le roman.
08:01 - D'accord, c'est dans l'autre sens.
08:02 - Oui, le roman le sauve.
08:04 Et je crois qu'il y vient sans enthousiasme aucun.
08:09 C'est-à-dire que c'est très curieux.
08:11 Il a été forcé, en quelque sorte, par le succès, à prolonger ce roman historique
08:17 à la française où il est un maître absolu.
08:19 - Oui, et on voit trace de l'homme de théâtre aussi dans le sens des dialogues de Dumas.
08:23 C'est ça qui fait sa force ?
08:24 - Il y a deux...
08:26 À vrai dire, je crois que la force de Dumas, ça vient essentiellement de sa rapidité.
08:31 Rapidité d'écriture, il écrit très vite, il a besoin parce que l'argent dépend de cela.
08:39 Et dans cette rapidité, il va entraîner le lecteur à être rapide.
08:45 C'est une lecture rapide également.
08:46 Tout est rapidité chez Dumas.
08:49 Donc, il...
08:50 Et même aujourd'hui, si les enfants, enfin, des jeunes gens lisent encore les Mousquetaires,
08:58 c'est à cause de cette rapidité, surtout du fait que chez Dumas, on ne va pas toujours
09:05 au bout de la ligne.
09:06 Donc, on va très vite dans la lecture.
09:09 - Dans les ingrédients du succès, aujourd'hui encore, même si, tiens, c'est à souligner
09:12 parce que le film a quand même bénéficié d'une forte promotion médiatique.
09:16 Il y a moins d'entrées que le film consacré à Mario Bros, le petit personnage de jeu
09:21 vidéo.
09:22 Ça se note tout de même.
09:23 Dans les recettes du succès de Dumas aujourd'hui, il y a le fait qu'on vit une époque de séries,
09:27 de séries télévisées, pour le dire à l'ancienne, et qu'au fond, c'est ça les
09:31 Trois Mousquetaires et les romans de Dumas.
09:32 C'est du feuilleton.
09:33 - C'est du roman feuilleton.
09:36 Effectivement, mais l'idée quand même, le roman feuilleton, ça supposerait qu'il
09:43 écrive au jour le jour, ce qui n'était pas le cas.
09:46 - Il y avait un plan.
09:47 - Il y avait un plan qui était décidé avec Maquet.
09:49 - Oui, Auguste Maquet avec qui il écrivait.
09:52 - Et ce qui va être très intéressant pour eux, dans leur plan, ils fonctionnent assez,
10:02 comment pourrais-je dire, dans leur plan, ils créent, oui, ils utilisent des notions
10:10 théâtrales de scènes.
10:11 C'est une des scènes, le plan est fait de scènes successives et donc la scène, par
10:17 essence, ça donne une espèce de proximité avec la série actuelle.
10:26 - Il y a une adaptation prévue ensuite de Montécristo.
10:31 - Oui.
10:32 - Vous vous réjouissiez de la trahison au début de cet entretien à propos des Trois
10:36 Mousquetaires.
10:37 Vous avez décidé d'adapter Montécristo ou là aussi on peut trouver une façon de
10:42 l'adapter tout en le trahissant, tout en étant fidèle à l'esprit ?
10:45 - Moi, à vrai dire, j'ai appris qu'il y aura une adaptation et j'ai appris en même temps
10:55 que c'était Pierre Ninet qui allait jouer le comte.
11:00 Et là, ça me ravissait parce que je gardais un mauvais souvenir de l'adaptation de Depardieu
11:09 où véritablement c'était anti-théâtre.
11:12 Là, j'ai mis la trahison, mais là c'était plus qu'une trahison, c'était véritablement
11:17 quelque chose d'impossible.
11:18 - Pourquoi ? Parce qu'il en faisait des tonnes ?
11:19 - Il en faisait des tonnes et puis lui pesait une tonne.
11:23 Donc, si vous voulez, alors que par essence, Montécristo, c'est quelqu'un qui refuse
11:29 toute nourriture au fond jusqu'au moment où il aurait réussi sa vengeance.
11:33 Mais il y a quelque chose d'assez semblable dans Les Mousquetaires et dans Montécristo,
11:42 c'est qu'en définitive, il pose la grande question, et c'est Dumas qui se la pose, jusqu'à
11:50 quand ou jusqu'où peut-on être... se faire justice soi-même ? Peut-on se faire justice
12:00 soi-même ? Et donc, du Montécristo, grand vengeur, c'est le vengeur par essence, de
12:11 même, Les Mousquetaires vengent.
12:13 - Ils vengent et dans le film sorti mercredi, il y a une certaine violence.
12:19 Est-ce que, au fond, la relecture de...
12:22 Là, je parle du point de vue du spectateur.
12:24 J'ai une question, quand j'étais enfant, j'ai lu Les Trois Mousquetaires.
12:26 Après, plus grand, je me suis renseigné sur le vrai d'Artagnan.
12:29 C'était un tueur, il ne se comportait pas bien.
12:31 Les regards a posteriori sur les personnages historiques ou personnages de fiction, c'est
12:36 légitime de votre point de vue ? Ça vous agace ? On avait la question aussi sur Milady,
12:40 victime du patriarcat.
12:41 - Oui, enfin, c'est étrange.
12:45 C'est toujours un rejet, en définitive, de ce qu'il peut y avoir de non historique.
12:53 Alors que nous sommes dans la fiction, donc on accepte tout.
12:59 Tout est possible, enfin.
13:01 - Sur Dumas, vous qui avez consacré une bonne partie de votre vie, il y a encore beaucoup
13:05 de choses à...
13:06 Et vous saluez Jean Lebrun qui vient d'entrer en studio.
13:09 Il y a encore beaucoup de choses à découvrir sur Dumas.
13:11 Et à la fois l'homme et à la fois son œuvre, il y a encore des inédits, il y a encore...
13:17 - Il y a les inédits que ça moindrisse quand même.
13:20 Il n'y en a plus tellement, très honnêtement.
13:23 Que pourrais-je vous dire ? Non, là, je n'ai pas d'idée très précise.
13:31 - En tout cas, vous ne vous lassez pas de Dumas.
13:33 Vous êtes entré en studio en disant "Oh là là, je vais radoter, je parle tellement
13:35 souvent de Dumas".
13:36 Vous, vous ne vous en lassez pas, ni de l'œuvre, ni du personnage, ni de votre travail sur
13:43 cette auteur en particulier.
13:44 - Non, parce que j'ai découvert qu'en fait, ce qui me plaisait au fond chez Dumas, c'était
13:49 un humour absolu.
13:51 Donc je m'amuse.
13:53 Je m'amuse à chaque instant chez Dumas.
13:56 Il n'y a pas une page où je ne souris pas, moi.
14:00 - Merci Claude Schopp d'être passé dans les studios de France Inter très très bientôt.

Recommandations