• l’année dernière
Philippe Chauvin a perdu son fils Nicolas, décédé brutalement sur un terrain de rugby à l'âge de 18 ans. Il raconte ce drame dans "Rugby : Mourir fait partie du jeu" (éditions du Rocher). Il est l'invité de 9H10.

Retrouvez "L'invité de Sonia Deviller'" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10

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Transcription
00:00 Il est 9h09, Sonia De Villers, votre invitée se bat en justice et dans les médias.
00:06 Pour que les choses changent et pour que le regard sur le rugby change.
00:11 Bonjour Philippe Chauvin.
00:13 Bonjour Sonia.
00:14 Est-ce que vous pourriez raconter à ceux qui ne connaissent pas le rugby ce qu'est un plaquage ?
00:19 Un plaquage, c'est une action de jeu qui consiste en fait à stopper un joueur qui porte le ballon.
00:27 Voilà. Alors on va revenir à ce match fatidique de 2018 pendant lequel Nicolas a trouvé la mort.
00:35 Nicolas, c'était l'un de vos trois fils.
00:37 Il adorait le rugby comme vous, vous avez toujours adoré le rugby et vous continuez d'aimer le rugby.
00:44 Oui, écoutez, ça fait partie de 25 ans ou un peu plus de ma vie puisque j'ai pratiqué le rugby longtemps.
00:50 Et puis ensuite j'ai accompagné mes enfants.
00:53 Donc je me posais la question...
00:55 Des tout petits ?
00:56 Oui, ils ont commencé très très jeunes.
00:59 Mais ça ne veut pas dire parce qu'on aime le rugby qu'on n'aime pas les autres sports.
01:02 Moi j'ai fait d'autres sports, j'ai fait des coupures.
01:05 Et Nicolas aussi, comme je l'explique dans le livre, a fait une coupure.
01:09 Et Antoine a aussi fait des coupures, mon fils aîné.
01:12 Donc en fait, le rugby c'est un sport qui est polycompétence.
01:17 Il demande de la force, il demande de l'engagement, il demande de la vitesse, il demande de l'intelligence.
01:23 Il demande de la dextérité manuelle.
01:25 Donc en fait, c'est très intéressant.
01:26 Il demande aujourd'hui aussi un certain gabarit.
01:29 Et quand Nicolas a fait une coupure justement dans sa pratique du rugby,
01:35 c'est parce qu'il ne se sentait pas bien dans son corps, parce que sa croissance n'était pas achevée justement.
01:40 Oui, c'est exactement ça.
01:43 Mais je crois que ça nous arrive à tous.
01:46 Et à un moment donné, on n'est pas forcément dans la même évolution morphologique.
01:53 Et du coup, au rugby, on peut jouer à tous les postes et on accepte tous les gabarits.
01:58 Donc lui, du coup, il était plus en première ligne et il s'éclatait moins parce que c'est plutôt un coureur,
02:05 manipulateur de ballons et plaqueur.
02:08 Et la première ligne était un petit peu moins intéressante pour lui.
02:12 Mais c'est surtout qu'en fait, il n'était pas très à l'aise à ce moment-là dans son corps.
02:16 Et je trouvais que ça commençait à devenir un petit peu contre nature pour lui.
02:20 Donc lorsqu'il a voulu arrêter, moi, j'ai trouvé ça très bien.
02:23 Et puis, il y est revenu. Il y est revenu. Il avait beaucoup grandi.
02:26 Il avait pris de la masse. Il se sentait mieux dans son corps, mieux dans sa tête.
02:29 Il est revenu à son club de formation, l'Union des Bords de Marne, parce que vous vivez en Ile-de-France.
02:35 Il a un entraîneur qui est en mission de détection pour le stade français.
02:39 Nicolas est vite repéré. Il va être vite recruté.
02:43 Il va être vite titularisé.
02:46 Vite ? Oui, c'est vrai que vu comme ça, ça s'enchaîne vite.
02:52 Après, ça fait... ça fait... ça faisait 11 ans.
02:55 Nicolas avait 11 années de rugby.
02:57 Donc en fait, disons qu'on n'a pas été cherché, nous, particulièrement à l'exposé sur des grands clubs,
03:04 parce qu'en fait, d'abord, le rugby, c'était une affaire de famille et de copains.
03:08 Et donc, moi, ce qui m'importait, c'est qu'il s'éclate et qu'il s'amuse.
03:12 Ça, c'était l'essentiel.
03:14 Après, bien évidemment, tout sportif ne pense qu'à développer sa compétence, sa performance et aller au niveau.
03:21 Donc en fait, Nicolas était dans cet esprit-là.
03:23 Et quand on lui a parlé du stade français, mes projets de l'envoyer en Allemagne pour faire des études de kiné sont vite tombés à l'eau.
03:31 Parce que forcément, le stade français avait d'autres arguments.
03:34 Et le deal, c'est qu'il fasse une double formation.
03:36 Et le stade français était bien dans cet esprit-là.
03:38 - Philippe Chauvin, vous publiez aux éditions du Rocher, ça paraît, demain.
03:42 "Mourir fait partie du jeu", rugby, "Mourir fait partie du jeu", le combat d'un père endeuillé.
03:48 Nicolas est mort sur le terrain.
03:52 Sur le terrain, au moment d'un match face à une équipe bordelaise.
03:56 On parle de jeune joueur.
03:58 Il avait 18 ans.
04:01 Vous n'avez pendant même un moment même pas pu regarder la vidéo de cette action de jeu, de ce qui s'est passé sur le terrain.
04:10 - En fait, moi, j'avais la...
04:13 Quand j'ai été à l'hôpital et ensuite j'ai rencontré les personnes du stade français qui m'ont proposé de...
04:19 Qui avaient la vidéo avec eux.
04:20 Moi, je ne voulais pas regarder la vidéo.
04:22 J'ai regardé que la première minute, c'est-à-dire la minute où en fait...
04:25 Mon inquiétude, pour être très franc, c'était est-ce qu'il était dans le bon tempo ?
04:29 Est-ce qu'il était rentré dans le moment, dans le match ?
04:32 Est-ce qu'il n'était pas à contre-courant ?
04:33 Parce que quand vous démarrez, vous pouvez avoir...
04:36 Vous vous êtes posé à des difficultés.
04:37 Et donc, ils m'ont rassuré en disant "non, pas du tout, il a fait une entrée super".
04:41 Effectivement, il était sur un premier plaquage offensif avec un de ses copains.
04:46 Et ensuite, ils ont récupéré le ballon et il est à la clôture, à la conclusion d'un essai.
04:51 Donc, en fait, il ne pouvait pas démarrer mieux.
04:52 Et ça, ça m'avait énormément rassuré pour lui parce qu'il devait être dans un état d'esprit où il était heureux.
04:57 Heureux d'être là, content parce que finalement, vous rentrez sur le terrain, vous avez l'appréhension et puis vous vous dites...
05:02 Enfin, c'est certainement comme votre première émission de radio, à ce moment-là.
05:05 Vous vous rentrez et vous vous dites "super, ça s'est bien passé".
05:08 Et j'y étais.
05:09 Bon, là, il y était. Cette première minute, il y était.
05:11 Donc après, la suite, moi, je n'ai pas voulu la voir tout de suite parce qu'il y a un temps pour tout.
05:16 Il y a un temps pour pleurer ses enfants.
05:18 Il y a un deuil.
05:20 Et moi, je ne voulais pas être perturbé par des images et je ne voulais pas avoir à discuter de quoi que ce soit avec quiconque de ce sujet.
05:29 D'ailleurs, vous ne m'en avez jamais entendu parler dans les médias ou ailleurs à ce moment-là parce que...
05:34 Il y a un temps pour tout, vous le dites.
05:36 C'est-à-dire que viendra le temps de voir les images, la façon dont Nicolas a été plaqué par deux joueurs.
05:42 Deux joueurs de quatre années de plus que lui et ça compte beaucoup à cet âge-là.
05:47 La violence et la brutalité de l'action dont il a été victime.
05:52 Il y aura un temps pour la justice, il y aura un temps pour la bataille dans les médias parce qu'au fond, le rugby ne change pas.
05:58 Et qu'en 2018, l'année où Nicolas est mort, quatre joueurs sont morts en France.
06:05 Peut-être un mot quand même, c'est que vous l'avez rapidement compris, le second plaqueur de Nicolas venait d'être pénalisé par l'arbitre pour jeu dangereux.
06:15 Oui, à la deuxième minute, après avoir pris un essai, le retour dans le match a été peut-être un peu plus rugueux.
06:25 Et donc, le second plaqueur a été pénalisé pour un plaquage haut et une pénalité simple.
06:32 Mais ça, c'est l'appréciation de l'arbitre et l'arbitre est là pour apprécier la situation.
06:38 Bon, il n'avait pas forcément vu une extrême violence à ce moment-là.
06:42 C'est ce qui fait réagir les dirigeants du Stade français en disant mais oui, mais si on avait mis un carton jaune, on n'aurait pas eu à ce moment-là 10 minutes.
06:49 Et on aurait peut-être pu sauver Nicolas.
06:52 Avec des scies, on peut tout imaginer. Mais effectivement, voilà, il était là trois minutes plus tard.
07:00 Il était toujours sur le terrain.
07:01 Il était toujours sur le terrain et il était le second plaqueur.
07:04 Oui.
07:05 Écoutez Bernard Laporte, c'était le patron du rugby en 2019, donc c'est juste quelques mois après la mort de Nicolas.
07:11 Il y a eu des accidents et j'ai toujours une pensée pour tous ces jeunes qui nous ont quittés, que ce soit Adriel, Louis ou Nicolas.
07:19 Comment faire en sorte que cela ne puisse plus arriver ?
07:23 Donc il y a l'évolution des règles.
07:24 C'est une évidence et c'est pour cette raison qu'on a fait deux propositions de nous, qui est abaisser le niveau du plaquage des épaules à la taille,
07:31 interdire le plaquage à deux quand il y a un premier plaquage offensif.
07:34 Mais il y a une chose qui est indispensable, c'est la responsabilisation des joueurs.
07:39 Et moi, je trouve qu'il y a des joueurs qui se comportent mal sur le terrain.
07:42 Aujourd'hui, je vois des joueurs qui viennent et qui, à l'image d'un boxeur avec l'épaule, vont agresser le haut du corps de l'adversaire.
07:48 Moi, je suis pour les exclure et les punir grandement.
07:51 Le rugby déshonoré par des joueurs déviants.
07:57 Philippe Chauvin.
07:59 Il faut, et c'est ce que j'attendais du président Laporte et ce que j'attendais du ministère et des instances,
08:05 c'est qu'on regarde sans concession ce qui s'était passé, parce que c'est de ces erreurs qu'on apprend.
08:10 Ça ne sert à rien de s'agiter, de gesticuler.
08:13 À un moment donné, il faut regarder les choses.
08:15 Vous avez eu un problème, faisons un retour d'expérience et regardons ce qui a fonctionné, ce qui n'a pas fonctionné.
08:20 Et là, en l'occurrence, effectivement, ce que ce que dit Bernard Laporte.
08:23 Et je pense qu'on s'était vu peut être une semaine ou deux semaines avant, avec un rapport assez détaillé que j'avais réalisé image par image,
08:30 et dans lequel il a effectivement constaté qu'il y avait un épaule qui était un peu haut au niveau de la tête de mon fils et avec une violence inouïe.
08:38 Donc, forcément, ce qu'il dit là, moi, je ne peux qu'être que d'accord.
08:43 Et tout passe d'abord par la responsabilisation des joueurs, puisque ce sont eux les premiers éléments acteurs du terrain.
08:50 Donc, s'ils ne se rendent pas compte qu'on n'est pas là pour démolir l'adversaire, mais qu'on doit être là...
08:56 - Philippe Chauvin, vous continuez de regarder le rugby, vous continuez de aimer ça.
08:59 Vous le dites dans votre livre, les gros plaquages, les plaquages violents, les plaquages spectaculaires sont toujours acclamés par le public,
09:07 sont toujours acclamés par les commentateurs, sont toujours félicités.
09:11 En fait, il y a une pédagogie hyper importante.
09:15 Et le sujet, si vous voulez, c'est qu'il faut que quand on regarde un match de rugby, on se souvienne simplement d'une chose.
09:23 Si je devais mettre une seule règle qui est l'état d'esprit, c'est la règle 9, alinéa 11, qui dit
09:29 "on ne doit rien attenter qui soit dangereux ou imprudent pour son adversaire".
09:34 Quand vous dites ça, vous résumez l'esprit, finalement, que devrait avoir un rugbyman sur le terrain.
09:39 Vous dites ça, donc ça veut dire que quand vous allez le plaquer, vous n'allez pas pour le blesser, vous n'allez pas pour le sortir.
09:44 Or, effectivement, on s'est aperçu dans des matchs internationaux, et dites-vous que ce que vous voyez à la télé, vous le voyez sur les terrains en amateurs,
09:52 parce qu'on réplique ce qu'on voit au plus haut niveau, on a vu effectivement des comportements agressifs qui visaient à sortir des joueurs clés.
10:00 On a tous vu une Coupe du Monde en Nouvelle-Zélande où le numéro 10 Morgane Parra a été harcelé au point de sortir à un moment donné du jeu sur commotion.
10:12 On a vu des matchs d'destination, là, du tournoi Destination récemment, des matchs du tournoi Destination dans lequel l'équipe de France joue,
10:20 et on voit des stades s'enflammer après des plaquages. On les voit, on les voit à la télévision.
10:25 Oui, mais parce qu'en fait, il y a aussi une culture et on pousse à cela.
10:31 Donc maintenant, si les journalistes, les spécialistes, les consultants modéraient et étaient pédagogues en expliquant, au lieu de dire "magnifique" sur une percussion à l'épaule,
10:43 sur la tête de quelqu'un, en disant "là, on a fait une erreur, on a un gros problème, il va y avoir un carton", et ça n'a pas loupé,
10:51 eh bien là, on amènerait de la compréhension. Parce que moi, vous savez, quand j'ai écrit ce livre, avant d'écrire ce livre, j'ai échangé avec des collègues,
10:58 et qui me disaient "mais pourquoi tu veux porter plainte ? C'est autorisé". Et je disais "mais non, ça ne l'est pas".
11:05 On ne peut pas tout faire sur un terrain de rugby. Il faut juste se souvenir qu'il y a des règlements, il y a une codification, et quand vous adhérez,
11:10 et que vous prenez votre licence, vous vous engagez dans ce règlement. Et si vous ne voulez pas le comprendre, si vous ne voulez pas le connaître, à ce moment-là, faites un autre sport.
11:17 Si vous voulez de la violence, si vous voulez démolir votre adversaire, il y a des rings qui servent à ça.
11:23 Et encore sur les rings aussi.
11:25 Et il y a des règles.
11:26 Il y a des règles. Philippe Chauvin est mon invité, et dans quelques instants, on va parler de cette bataille en justice.
11:33 On va parler de ces règles qui existent, de ces arbitres qui existent, et pourtant, ça ne change pas.
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14:02 Fontaine's DC, how cold love is.
14:06 France Inter, le 7 9 30, l'interview de Sonia De Villers.
14:12 Autrefois vous aviez en première ligne des gens un petit peu ventripotents qui se traînaient d'une mêlée en touche.
14:19 Maintenant vous avez des gens qui courent comme des avions, qui font 100, 110, 115, voire 125 kg,
14:25 qui se déplacent très vite, ce qui fait qu'au niveau des contacts, ce ne sont plus des aimables rencontres,
14:31 mais ce sont des TGV qui se rencontrent, et tout simplement ça fait mal.
14:35 Le Néo-Zélandais John Lomouf, 1m96, 118 kg, est le prototype du joueur de l'an 2000.
14:41 Dans 5 ans, les Peter Pan du rugby auront sans doute disparu.
14:46 Là vous entendiez le docteur Marc Bichon qui était le médecin du 15 de France, c'était à la fin des années 90,
14:51 donc c'était il y a presque 30 ans, et au moment de la professionnalisation du rugby,
14:56 la fin des Peter Pan posait déjà énormément de questions sur les conséquences physiques des chocs sur le terrain.
15:03 Mon invité s'appelle Philippe Chauvin, il est ce père endeuillé qui publie "Rugby, mourir, fait partie du jeu" aux éditions du Rocher.
15:12 D'ailleurs vous la senez, mourir fait partie du jeu, vous ne posez pas la question, vous la senez.
15:17 C'est-à-dire que jusqu'à présent, je rappelle que vous avez perdu un de vos trois fils sur un terrain de rugby,
15:23 et qu'il n'est pas le seul jeune en France à avoir perdu la vie sur un terrain.
15:29 La question de l'âge des espoirs et des jeunes joueurs est très importante, elle est même décisive Philippe Chauvin.
15:37 Elle l'est, puisqu'en fait on est sur une classe d'âge un peu charnière, de construction du corps, de la morphologie,
15:43 et c'est ce qui avait été effectivement mis en avant par les médecins, qui était très réticent lorsque la catégorie a évolué,
15:49 de mémoire je crois que c'est en 2014, parce qu'auparavant elle était séparée en deux catégories.
15:56 On avait les 18-20 ans, et puis on avait les 21-23 ans.
16:00 Et à partir du moment où on mélange ces deux populations, on se retrouve avec des très jeunes qui ont 50 différences sur le terrain.
16:07 On peut se retrouver jusqu'à 50 différences, et même pire, l'année dernière, enfin pardon, en 2018,
16:12 vous pouviez avoir jusqu'à 4 ou 5 joueurs qui étaient au-delà de 23 ans, y compris professionnels.
16:19 Donc vous pouviez vous retrouver avec, j'allais dire Antoine Dupont, qui est un très beau joueur,
16:26 et je pense que son style de jeu démontre qu'il ne va pas chercher la destruction, mais bien au contraire la création.
16:31 Mais vous pourriez vous retrouver devant d'autres joueurs plus massifs, plus expérimentés,
16:37 et s'ils n'y mettaient pas finalement les précautions, un jeune de 18 ans pourrait effectivement subir de terribles dommages.
16:44 C'est ça, ils sont pulvérisés au moment du choc, évidemment.
16:48 Votre plainte en justice, vous êtes vraiment l'empêcheur de tourner en rond aujourd'hui pour la Fédération,
16:54 et même depuis quelques années, cette plainte en justice.
16:57 Cette plainte en justice, c'était la seule manière, entre guillemets, de se faire entendre,
17:04 et c'est la seule porte qu'on m'a laissée.
17:07 Est-ce que vous regrettez ?
17:09 Complètement. Vous savez, c'est ce que j'explique dans le livre,
17:12 on me trouve un peu trop poli, un peu trop calme, un peu trop, voilà, pas assez énervé.
17:17 Mais ça ne sert à rien d'être en colère, très franchement ça ne sert à rien.
17:22 Parce que si vous voulez avoir un dialogue constructif, il faut que les gens aient envie de se parler.
17:26 Et moi, je suis un ancien rugbyman, je comprends la mentalité d'un rugbyman,
17:31 et j'évolue, et j'essaie de faire évoluer mes frères, entre guillemets, dans la même voie.
17:35 Je pensais avoir été entendu, quand vous avez entendu le témoignage de Bernard Laporte tout à l'heure,
17:40 je pensais avoir été entendu et je m'étais dit, ça va, ils vont prendre les choses en main,
17:44 ils vont faire le travail, et ça va bien se passer.
17:47 Et moi j'allais faire mon travail, ma part de travail, qui consistait à déposer une plainte,
17:51 parce que si on ne responsabilise pas les joueurs personnellement,
17:54 on a peu de chances de les protéger d'eux-mêmes, et aussi de leurs entraîneurs.
18:00 Parce que si votre entraîneur vous dit, non mais vous me les sortez, il faut le blesser, ou un truc comme ça,
18:06 moi en tant que joueur, j'ai la capacité de dire, attention là, je suis responsable pénalement, je ne ferai pas ça.
18:12 Mais là aujourd'hui, dans la tradition du rugby, on ne déposait pas de plainte,
18:19 parce que ce qui se passait sur un terrain de rugby, restait sur un terrain de rugby.
18:21 Je suis désolé, mon fils est mort au bout de cinq minutes de jeu.
18:23 Les joueurs n'étaient pas fatigués, les joueurs, il n'y avait pas de conditions exceptionnelles,
18:27 on n'a pas vu une moto traverser le terrain et renverser mon fils.
18:30 Pour avoir un arrachement de la seconde vertèbre cervicale, c'est un choc d'une violence inouïe.
18:35 Donc, il faut mettre les choses à plat, il faut que la justice fasse son oeuvre,
18:40 et donc j'ai déposé une plainte, effectivement, avec un chef qui est un peu anormal,
18:46 un peu incert, mais il faut que ça s'instruise et l'instruction est en cours.
18:49 Et c'est dire, le chemin que vous avez parcouru, c'est-à-dire que ce jour fatidique,
18:55 où on vous appelle à Paris, enfin en région parisienne, pour vous dire Nicolas a été transporté à l'hôpital,
19:01 vous n'avez même pas pu croire que ce fut grave, même pas pu l'imaginer, même pas pu l'envisager,
19:08 tellement pour vous, le rugby n'était pas associé à la mort.
19:13 En fait, je m'attendais à une commotion cérébrale, à un chaos, je m'attendais à ce qu'il soit sonné,
19:18 qu'il soit pris en charge, et dans un hôpital comme l'hôpital Pellvin, je n'étais pas du tout inquiet.
19:23 - À Bordeaux. - À Bordeaux.
19:25 Donc, sur le moment, si vous voulez, mais c'est aussi une forme de déni,
19:29 dans lequel on est tous plongés en tant que rugbyman, on a une telle résilience,
19:33 on a une telle habitude à prendre des coups et des chocs, et c'est un sport dur,
19:37 même dans les règles, c'est un sport très dur le rugby, parce qu'il est très édigeant physiquement.
19:42 C'est un sport de contact, on n'évitera pas les contacts.
19:44 La question, c'est de savoir ce qu'on veut faire. Est-ce qu'on veut détruire ? Est-ce qu'on veut jouer ?
19:47 Et donc, moi, je m'attendais simplement à ce qu'il soit effectivement commotionné.
19:53 Voilà, mes enfants ont déjà été à l'hôpital pour des fractures,
19:57 j'y suis également allé pour d'autres choses, et donc, et alors, on est réparé,
20:02 et comme on est tellement malin au rugby, qu'on repart le plus vite possible sur le terrain,
20:06 parce que c'est la seule chose qu'on a envie de faire.
20:09 Et alors, rugby, mourir, fait partie du jeu.
20:12 Merci Philippe Chobin, merci pour ce témoignage, merci de ne pas vous mettre en colère.
20:17 Merci Sonia, à votre accueil.
20:19 Ça paraît aux éditions du Rocher.
20:21 Merci Sonia Totemich, Rebecca, à suivre.

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