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Qu'est-ce que notre voix dit de nous ? Le phoniatre Jean Abitbol nous met sur la voie dans son ouvrage "La voix de notre vie" (Grasset). Il est l'invité de 9H10.

Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
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Transcription
00:00 Il est 9h09, Sonia De Villers, votre invitée ce matin est fauniatre !
00:04 Mais quelle drôle de spécialité en médecine ! Bonjour docteur, bonjour Jean-Habitbol.
00:09 Bonjour.
00:09 Soyez le bienvenu sur France Inter, on veut tout savoir, qu'est-ce que c'est que la faunation ?
00:13 La faunation c'est tout simplement une expression qui est d'abord une mécanique, la respiration
00:19 qui donne le pouvoir, entre guillemets, la puissance de votre voix.
00:22 Les cordes vocales, on n'en a que deux, on n'en a pas 52, on a deux cordes vocales qui
00:26 sont à l'horizontale, juste au-dessus de la trachée, qui vont vibrer, donc c'est le
00:30 vibrateur, et puis la caisse de résonance qui va donner justement le timbre de votre
00:33 voix.
00:34 Si je vous dis bonjour, et je vous dis bonjour, je viens de me pinceler, j'ai les mêmes
00:38 cordes vocales, j'ai le même poumon, mais j'ai pas la même résonance au niveau de
00:41 la voix.
00:42 Parlons de ces athlètes de la voix, 400 muscles, 400 muscles mobilisés pour parler.
00:49 Oui, alors parce que au moment de la respiration, vous allez activer vos muscles respiratoires
00:55 et puis pour les chanteurs ou les professeurs de la voix que vous êtes, vous allez également
00:59 agir sur les muscles qu'on appelle du pelvien, c'est-à-dire du bas-ventre.
01:02 Et puis toute la face, les muscles du visage, les muscles de la langue, les muscles des
01:08 lèvres, tout ça se met en route dans une synchronisation absolument incroyable, incroyable
01:13 au niveau du cerveau, qui va être la mécanique.
01:16 Mais à côté de cela, il y a quelque chose de superbe, c'est quand vous parlez, vous
01:19 allez faire travailler également vos émotions.
01:22 Et l'émotion là, ça va être votre cerveau droit, votre cerveau gauche, qui vont quelque
01:25 part se mettre ensemble pour créer l'authenticité de votre voix, la vérité de votre voix.
01:30 Et quand vous truquez, un ami, si vous dites "allô, comment tu vas ? Bah je vais bien",
01:34 vous lui dites "non, non, j'entends que tu vas pas bien".
01:36 Pourtant c'est la même voix.
01:37 Je vous préviens, c'est pas Johnny Hallyday.
01:39 * Extrait de Michael Gregorio *
01:55 - C'est Michael Gregorio.
01:57 - Alors, Michael Gregorio, c'est un imitateur exceptionnel, Laurent Gerard également et
02:01 bien d'autres.
02:02 Mais Michael Gregorio, lui, c'est hyper spécialisé dans la voix chantée.
02:06 Et il prend les mimiques de l'imité, le visage qui va se transformer légèrement.
02:11 Et il a, comme beaucoup d'imitateurs, dans 95% des cas d'ailleurs, des cordes vocales
02:16 asymétriques.
02:17 C'est-à-dire qu'il peut truquer, c'est un véritable artiste des artistes.
02:20 Mais c'est également ce qu'on appelle un acrobate du larynx.
02:23 C'est-à-dire qu'il va tourner, truquer son larynx pour pouvoir imiter.
02:27 - Sauf que tout acrobate du larynx qu'il est, puisque j'ai lu votre dernier ouvrage, docteur,
02:32 "Les voix de notre vie" qui paraît chez Grasset, il n'y a pas d'imitation totale.
02:36 - Exactement.
02:37 - C'est trop complexe.
02:38 - C'est trop complexe.
02:39 Et heureusement, chacun, on est 8 milliards d'individus, 8 milliards de voix différentes.
02:44 Mais toutes ces voix en question ont une force extraordinaire.
02:47 Cette force universelle qui est la spiritualité.
02:49 C'est-à-dire que la voix n'existe qu'à partir du moment où vous la sentez, vous
02:53 parlez avec vous-même.
02:54 Mais ça veut dire quoi, parler avec soi-même ? Ça veut dire se respecter soi-même, respecter
02:58 les autres.
02:59 Et très souvent, ceci, on l'oublie.
03:00 Cette parole avec soi-même que les grands sportifs font, notamment en ce moment Roland-Garros,
03:03 eh bien c'est "oui, je vais gagner, oui, je vais" mais ils se parlent à eux-mêmes.
03:07 C'est une force et un pouvoir intérieur formidable.
03:09 Presque plus qu'un pouvoir extérieur.
03:10 - Dans cet ouvrage, un petit peu plus personnel que vos précédents, docteur Habitbol, vous
03:16 racontez vos débuts.
03:18 On vous connaît comme médecin de stars.
03:19 Vous avez soigné la voix de président de la République.
03:22 Vous avez soigné la voix de stars mondiales de la chanson, de grands acteurs et de grandes
03:28 actrices.
03:29 Vous avez aussi soigné la voix de professeurs et d'enseignants qui n'arrivaient plus à
03:33 parler à leur classe.
03:34 Vous étiez au départ médecin de campagne et c'est par la voix que vous preniez le
03:39 pouls de vos patients.
03:40 - Absolument.
03:41 Je prends le pouls de la voix, comme le vulcanologue prend celui de la terre.
03:45 C'est-à-dire que quand j'entends quelqu'un, immédiatement, quelques secondes, j'arrive
03:49 à savoir s'il y a une sincérité, s'il y a un problème de burn-out, s'il y a un
03:51 problème de dépression, immédiatement.
03:53 Mais effectivement, quand j'étais externe, interne des hôpitaux, puis plus tard, chef
03:57 de clinique, eh bien pendant les vacances, pendant les week-ends, pour gagner ma vie,
04:01 j'ai été médecin de campagne à côté de Provence-Saint-Émerveille.
04:03 Et c'est une expérience extraordinaire.
04:05 Parce qu'un an et demi après d'être médecin de campagne, où je connais déjà les gens,
04:10 on m'appelle vers 4h du matin, soir de Noël, et je dis « Allô ? Oui, oui.
04:15 Écoutez docteur, ma fille ne va pas bien.
04:17 Je dis « Parfait, ne vous inquiétez pas.
04:19 Allumez le feu de cheminée, vous la mettez au chaud et j'arrive.
04:21 » Et je raccroche.
04:22 Et ma femme me dit « Mais tu n'as même pas entendu l'adresse ni rien ? »
04:25 « Ben non, la voix était le GPS.
04:28 Je savais par la voix du père où était cette maison.
04:31 Elle était à Donne-Marie-Dantilly.
04:32 Donc je savais parfaitement qu'elle était à l'adresse.
04:34 Oui, c'est ça.
04:35 C'est-à-dire une sorte de cartographie des voix de vos patients.
04:38 La voix est un GPS.
04:39 C'est un GPS émotionnel.
04:40 Mais c'est un GPS également…
04:42 Mais d'ailleurs, dans toute votre carrière, il y a quelque chose que vous garderez de
04:45 cette expérience originelle et matricielle, c'est qu'au fond, on ne soigne pas une
04:51 voix.
04:52 Non.
04:53 On soigne un homme.
04:54 On soigne une femme.
04:55 On soigne un enfant.
04:57 On soigne un être humain.
04:58 C'est-à-dire que c'est être très réducteur d'un médecin de dire « je soigne la maladie
05:02 ». Ça ne veut pas dire grand-chose.
05:03 On soigne un malade et la maladie en fait partie.
05:06 Mais la maladie n'est que rapportée au malade en question.
05:10 On ne soigne pas tout le monde, comme dans les livres.
05:12 Ce n'est pas un Google.
05:13 Le docteur Google va soigner quelque chose de mécanique.
05:16 Mais heureusement, la voix, quand on…
05:18 Moi, j'opère beaucoup de cordes vocales.
05:20 Mais on n'opère pas une corde vocale comme on opère une appendicite.
05:23 Opérer une voix, c'est une chirurgie émotionnelle.
05:26 On change la personnalité.
05:27 - Vous avez eu des acteurs atteints de cancer, par exemple, dont évidemment vous masquez
05:32 les noms secrets médicaux oblige, mais qui vous ont appelés en larmes en vous disant
05:37 « on nous propose une opération ».
05:38 « Perdre ma voix, c'est perdre ma vie ».
05:40 - Tout à fait.
05:41 Et une expérience extraordinaire que je raconte d'ailleurs dans le livre.
05:45 Si vous voulez, c'est un comédien qui vient me voir qu'il y a un cancer au niveau de
05:50 la corde vocale, qui était terrible.
05:52 Et je l'envoie à un de mes collègues, tout simplement parce que c'était le fils d'un
05:56 de mes amis qui était gynécologue.
05:58 Il le voit, il dit « écoutez, monsieur, c'est simple, ils font un VOD à l'ARNX ».
06:02 Je dis « quoi ? » « Ils font un VOD à l'ARNX ».
06:05 « Bah non ». Il m'appelle, il devait être 9h du soir, il avait mon téléphone personnel,
06:09 il me dit « écoutez, Jean, il y a un truc qui ne colle pas, je suis au bord de la scène,
06:12 qu'est-ce que je fais ? »
06:13 Je dis « comment, qu'est-ce que tu fais ? »
06:14 « Tu viens, on prend un café ».
06:15 On prend un café ensemble et je dis « écoute, on va trouver une autre solution ».
06:19 La chance, ça a voulu qu'avec la chirurgie laser et la radiothérapie, on l'a guéri.
06:22 Et puis je lui dis « mais t'inquiète pas, tu feras peut-être la voix de François
06:26 Mauriac plus tard ».
06:27 Et quelques mois, non, il y a quelques années maintenant, on lui a proposé ce rôle.
06:33 - Et qu'est-ce qu'elle avait la voix de François Mauriac ?
06:35 - C'est une voix un peu comme ça.
06:36 Elle était complètement cassée.
06:39 Donc ça a changé sa personnalité, mais ça a changé ses rôles.
06:42 Et ça a changé, non pas sa vie, comme vous le disiez très bien, sa vie c'est sa voix.
06:47 Mais on voit ça chez les enseignants et chez les enseignantes.
06:49 Une institutrice de l'école maternelle, comme on disait, elle a une voix chantée,
06:55 elle a une voix parlée, mais elle va donner cette influence.
06:57 La force du professeur de faculté, la force de l'enseignant dans l'école primaire,
07:04 il va vous donner envie, ou au lycée, il va vous donner envie d'une carrière.
07:07 Il est sur une scène, si vous l'idéalisez, sa voix va vous transporter, sa voix va vous
07:13 quelque part hypnotiser et dire « oui, j'aimerais bien être comme lui ».
07:16 Mais c'est la voix qui vous a dirigé.
07:18 - Et vous racontez le moment où on perd sa voix et où on perd la voix.
07:24 C'est-à-dire, vous racontez une grande chanteuse qui s'écroule, vous êtes appelée à son chevet.
07:29 Elle n'a plus de voix.
07:31 Et vous racontez le bras de fer avec son manager, à qui vous dites « attention, elle n'est
07:38 pas qu'une voix ».
07:39 - Exactement.
07:40 Ce qui est terrible dans ce métier, on le voit avec Tina Turner qui nous a quittés,
07:45 c'est qu'elle était un objet voix.
07:48 Un objet voix qu'on manipulait, qu'on allait quelque part lui dire « là, il faut que
07:52 tu chantes ».
07:53 « Oui, non, mais je peux pas.
07:54 Non, non, non, mais il faut y aller ».
07:55 - C'était soit Ike Turner son mari, soit Phil Spector son manager, mais on avait fait
08:00 d'elle un produit.
08:01 - Un produit.
08:02 Et ce produit devait créer une émotion.
08:03 C'est comme si vous disiez « je vais acheter quelque chose et je veux une émotion dans
08:07 ce gars ».
08:08 Vous ne pouvez pas.
08:09 Ce n'est pas possible.
08:10 Et en fait, lorsqu'elle met ses émotions, et c'est ça qui est beau, c'est qu'elle combat
08:15 l'autre en disant « je ne suis pas qu'une voix, je suis aussi une femme ».
08:18 Et on va s'acheter la femme parce que la femme est protectrice, la femme est maternelle,
08:22 la femme est quelque chose qui va rassembler, est quelque chose qui a beaucoup plus que
08:27 l'homme, désolé messieurs, mais beaucoup plus que l'homme, elle a une intuition émotionnelle
08:31 impressionnante.
08:32 Et cette intuition émotionnelle passe dans sa voix.
08:34 - Et cette chanteuse au chevet de laquelle vous êtes appelée parce qu'elle perd sa
08:37 voix, c'est Céline Dion ?
08:38 - Ça, je ne peux pas vous dire.
08:40 Parce qu'il y en a, j'en ai soigné beaucoup, mais je ne peux pas vous dire, ce ne serait
08:46 pas bien.
08:47 Mais ce qui est vrai, c'est que chez les chanteuses notamment, et on trouve ça aussi,
08:52 paradoxalement, chez les avocates, chez les avocats.
08:57 Et une très belle histoire que je raconte souvent.
08:59 - Mais d'ailleurs, on les appelle les ténors du barreau.
09:00 - Exactement.
09:01 - Mais moi, c'est en lisant votre livre que j'ai compris pourquoi on les appelle les
09:03 ténors du barreau.
09:04 - Même les femmes, même les femmes qui sont des sopranos du barreau.
09:07 Mais la voix grave est indispensable pour donner du charme.
09:11 C'est pour ça qu'une belle voix de femme, c'est une voix qui a des aigus, comme la
09:14 vôtre, mais où on entend dans votre voix, par exemple, tous les graves qui sont derrière,
09:19 qui vont donner le relief de votre voix.
09:21 Ce qui est beau entre le blanc et le noir, c'est le relief.
09:23 Ce n'est pas une voix pure.
09:25 Ce n'est pas beau une voix pure.
09:27 Ce qui est beau, c'est l'imperfection de la voix.
09:29 C'est ça qui nous charme.
09:30 - Évidemment, on va écouter Tina Turner.
09:33 Évidemment, dans sa période dorée, les années 60.
09:37 Mon invité s'appelle le docteur Jean Habitbol.
09:39 Il est fauniatre.
09:40 Je ne sais pas si vous avez déjà consulté un fauniatre, mais Emmanuel Macron, probablement.
09:44 Et le général de Gaulle aussi.
09:46 On va parler politique.
09:47 - Je suis un peu fatiguée.
10:13 - Je suis fatiguée.
10:40 - Je suis fatiguée.
11:04 - Je suis fatiguée.
11:32 - Je suis fatiguée.
12:00 - Tina Turner est morte hier.
12:16 Il nous reste sa voix.
12:17 Not Bush, City Limits.
12:19 C'était cette chanson historique.
12:21 Avec les amitiés de toute l'équipe.
12:23 Anaïs Reinhardt à la réalisation, Redouane Tellac, Grégoire Nicolet, Élisabeth Rouvée
12:27 et DJ Odibert.
12:28 - Moi, je le porterai dans la durée.
12:39 Je le porterai jusqu'au bout.
12:43 Mais maintenant, votre responsabilité, c'est d'aller partout en France pour le porter et
12:51 pour gagner.
12:52 Ce que je veux, c'est que vous, partout, vous alliez le faire gagner parce que c'est
13:00 notre projet.
13:01 Vive la République !
13:02 - Là, ça fait vraiment très très mal aux oreilles.
13:08 - Oui, alors là...
13:09 - Docteur Jean Habitbol et Fauniatre, mon invité du jour, auteur de "Les voix de notre
13:14 vie" chez Grasset.
13:15 - Alors, ce qu'on entend là, c'est qu'il incarne ce qu'il veut être.
13:19 Il est complètement habité par le désir de pouvoir servir.
13:24 - C'est Emmanuel Macron en campagne en 2016.
13:26 - Oui, Emmanuel Macron, tout à fait.
13:27 Mais ce qui est incroyable, c'est qu'il est au milieu, on pourrait presque dire d'un
13:29 ring au milieu de ces gens-là.
13:31 Il est transporté, il est pratiquement habité par une voix.
13:35 Mais écoutez bien, il n'a pas dit "c'est mon projet", il a dit "c'est notre projet".
13:40 Ce qui fait qu'il incorpore le collectif à lui-même.
13:42 Et là, il idéalise quelque chose de magnifique.
13:46 Il est jeune, il emporte, on y va.
13:48 - Sauf que sa voix ne le suit pas, docteur.
13:50 - Sa voix ne le suit pas parce qu'il est dépassé par ce qu'il veut dire.
13:55 Sa voix va au-delà de ce qu'il veut.
13:56 Et après, il va la dompter et puis il va apprendre.
13:59 - Il a travaillé depuis.
14:01 - Il a travaillé depuis, bien sûr.
14:02 - Avec vous ?
14:03 - Non, pas avec moi.
14:04 Il a travaillé depuis, bien sûr.
14:06 Et puis, il a su la poser.
14:07 Il a su mettre des silences, comme a fait le président François Mitterrand, qui en
14:10 début de carrière était extrêmement rapide dans tout ce qu'il disait.
14:13 Et puis, petit à petit, a géré les silences entre les différentes apparitions télévisées.
14:19 - Sur les conseils de Jacques Pilan, qui a été un des maîtres de la communication
14:23 politique contemporaine, qui lui a appris justement à ralentir, vous le racontez.
14:27 Vous racontez aussi que l'entourage de François Mitterrand vous contacte en 1992 et que le
14:33 président a presque perdu sa voix.
14:35 J'imagine qu'en 1992, il était déjà très fatigué à ce moment-là.
14:40 Et effectivement, j'ai juste amené un petit plus pour qu'il puisse faire cet entretien
14:47 et cette interview qui était avec Guillaume Durand, qui était à l'époque extrêmement…
14:50 - À la télé.
14:51 - Voilà, qui était fondamentale.
14:52 Et ce petit coup de pouce lui a permis de dire d'une façon totalement positive et
14:57 de rassurer.
14:58 Parce qu'une voix qui va vous parler comme ça, elle ne rassure pas.
15:01 On va penser à la maladie qui est derrière, mais pas au message qu'on veut donner.
15:06 La voix, quelque part, si elle n'est pas authentique, si elle n'est pas sincère,
15:10 si elle n'est pas complètement vous-même, elle vous trahit.
15:13 Elle vous trahit dans la bonne santé.
15:15 Elle vous trahit dans la maladie.
15:16 - Le général de Gaulle en 1968.
15:20 - Françaises, Français.
15:23 J'ai envisagé depuis 24 heures toutes les éventualités sans exception qui me permettraient
15:31 de la maintenir.
15:32 J'ai pris mes résolutions.
15:35 Dans les circonstances présentes, je ne me retirerai pas.
15:40 J'ai un mandat du peuple, je le remplirai.
15:44 Je ne changerai pas le premier ministre.
15:49 Je dissous aujourd'hui l'Assemblée nationale.
15:54 - Je ne changerai pas.
15:56 Je ne me retirerai pas.
15:58 - Voilà.
15:59 Alors c'est un rythme vocal.
16:00 Car la voix, c'est une musicalité.
16:03 C'est un rythme.
16:04 C'est les mots qui vont habiter cette voix quelque part, qui vont être le véhicule
16:09 du message que vous voulez donner.
16:10 Mais le général était absolument incroyable.
16:13 C'est ce que m'a raconté l'amiral de Gaulle.
16:14 - Alors l'amiral de Gaulle, c'est son fils qui est aujourd'hui centenaire.
16:17 - Absolument.
16:18 Et qui m'avait raconté cette histoire pour qu'il ait cette voix de tribun.
16:23 Il a été écouter Jean Jaurès à Lille une fois par semaine pour essayer de parler
16:29 avec cette voix de tribun.
16:30 Parce qu'à l'époque, les micros, ce n'était pas nécessaire.
16:32 On avait une voix qu'il devait porter.
16:34 Et c'est cette voix de tribun qu'il avait et qu'on connaît également entre l'âge
16:38 à Moulins.
16:39 - Jean Jaurès, dites-vous, qui restera une référence tout au long du XXe siècle pour
16:45 la rhétorique politique.
16:46 - Oui, absolument.
16:47 Jean Jaurès restera et le général a été celui qu'il a le mieux, entre guillemets,
16:51 mis en exergue.
16:52 - Parce que vous, vous dites que le général jeune n'a pas du tout la même voix.
16:54 - C'est pas moi, c'est l'amiral qui m'a dit, absolument, son fils, qui me dit que sa voix
16:59 était un peu trop aiguë.
17:00 Et pendant des heures, il répétait à la maison des discours.
17:05 C'était un homme extrêmement cultivé.
17:07 Il lisait des textes pour imiter quelque part cette voix grave en ayant sa propre personnalité.
17:12 Il n'imitait pas le style, mais il imitait le timbre de la voix.
17:17 - Sire Marie Quérouse.
17:18 * Extrait de « Les voix de notre vie » de Sire Marie Quérouse *
17:40 - Je l'ai dit docteur, ce livre, « Les voix de notre vie » est un écrit plus personnel
17:44 que les précédents.
17:45 - Oui, absolument.
17:46 - Il y a de longues pages dédiées à la voix de la mère entendue in utero.
17:52 Vous le dites, le fœtus n'entend pas, il perçoit.
17:55 Vous dites que la voix de la mère et les voix perçues pendant la grossesse ont une
18:01 influence immense sur le développement du cerveau.
18:03 - Tout à fait.
18:04 C'est-à-dire qu'effectivement, un enfant in utero et ce petit homme qui est dans le
18:09 ventre de sa maman, dès l'âge de trois mois, commence à entendre.
18:12 À six mois, il intègre.
18:13 Et si on voit des femmes très heureuses qui écoutent de la musique, qui sont contentes
18:17 et qui sont, eux, en plein bonheur, l'enfant va développer la zone du langage, on voit
18:22 sur l'IRM fonctionnel, d'une façon beaucoup plus rapide qu'un enfant, qu'un fœtus
18:27 qui va être pris par une maman dépressif ou complètement laissé aller.
18:31 - Et le fameux enfant de la Veyron, cet enfant sauvage de la Veyron dont Truffaut avait fait
18:36 un film, qui avait grandi en entendant si peu de voix humaines, n'a jamais pu développer
18:42 les fonctions du langage.
18:43 - Absolument.
18:44 - Cette partie du cerveau.
18:45 - Exactement.
18:46 Et c'est l'expérience que je raconte, c'est Frédéric II au XIIIe siècle, c'est incroyable.
18:49 Il a pris des tout-petits entre l'âge de un jour et l'âge de trois mois, qu'il a isolés,
18:55 et il les a fait, entre guillemets, il y avait des nerds qui leur donnaient à manger, rien
18:58 d'autre.
18:59 Et il leur a demandé, à quatre ans, maintenant vous allez parler.
19:02 Alors vous allez parler quoi, araméen, vous allez parler latin, français, germanique ?
19:05 Eh bien, ils ne parlaient pas.
19:07 Et ils sont tous morts débiles profonds à l'âge de 12 ans.
19:09 Qu'est-ce que ça veut dire ?
19:10 Ça veut dire que la voix, et on le voit dans le livre, la voix, c'est, on commence avec,
19:15 on va dans le ventre de sa maman l'écouter, mais on va dans les voix des disparus.
19:18 C'est quelque chose, ce qu'on a aimé quand on entend leur voix.
19:22 C'est extraordinaire.
19:23 Si vous voyez une photo, vous la regardez, vous avez une certaine émotion, c'est le
19:29 regard, elle est statique.
19:30 Mais lorsque vous avez une vibration, quand vous entendez la voix de quelqu'un que vous
19:34 avez aimé, qui est parti, un ami, un parent, une soeur, un frère, peu importe, eh bien
19:38 c'est une véritable machine à remonter le temps.
19:41 Elle vous remet dans la situation où vous étiez il y a quelques années.
19:44 Et là, vous avez la larme à l'œil.
19:46 Au commencement était le Verbe.
19:48 C'est la première phrase de l'évangile selon saint Matthieu.
19:52 Saint Jean.
19:53 Saint Jean.
19:54 Et au commencement était le Verbe.
19:56 Donc, c'est le début de la Bible.
19:58 Alors, c'est exactement.
20:00 Du Nouveau Testament et dans l'Ancien Testament pareil.
20:03 Parce qu'en fait, le mot « voix » dans l'écriture hébraïque, ça veut dire « le
20:09 singe qui va devenir un homme ».
20:11 C'est incroyable quand on voit les trois lettres en hébreu de cela.
20:15 Eh bien, ce qui est formidable, c'est que la voix existe, mais avec la spiritualité.
20:19 Sans voix, il n'y a pas de religion.
20:21 Sans religion, il n'y a pas de voix.
20:22 La voix est le transport de votre imaginaire.
20:24 Elle va vous emmener dans un monde qui n'est pas le monde concret, mais qui est un monde
20:28 impalpable, qui est le monde de la vibration.
20:30 Merci docteur, les voix de notre vie par Aiché Grasset, Jean Abitbol était mon invité.

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