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Regardez L'invité de RTL avec Amandine Bégot du 20 février 2023

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00:02 RTL Matin
00:06 Excellente journée à vous tous qui nous écoutez, il est 7h43.
00:10 Amandine Bégaud, vous recevez donc ce matin François Hisbourg.
00:12 François Hisbourg, conseiller spécial à la Fondation pour la Recherche Stratégique.
00:16 Vous êtes spécialiste des questions de géopolitique, de défense.
00:18 Vous étiez par exemple à Munich la semaine dernière pour la conférence sur la sécurité.
00:22 On va y revenir.
00:23 Et vous publiez donc "Les leçons d'une guerre".
00:25 Le livre, je le disais, sort mercredi aux éditions.
00:27 Odile Jacob, volontairement un peu provocatrice, vous posez cette question.
00:32 Est-ce que ce n'est pas un peu tôt pour tirer les leçons d'une guerre alors même qu'elle n'est pas terminée ?
00:37 Écoutez, en mai 40, on a appris que la Blitzkrieg était la marque de fabrique des Allemands
00:43 moins d'un an après le début de la Deuxième Guerre mondiale.
00:46 En 1915, on apprenait que la guerre des tranchées était le nouveau visage de la guerre,
00:53 moins d'un an après le début.
00:54 Autrement dit, lorsqu'on est au début d'une grande guerre,
00:58 assez rapidement, les grands traits, les axes essentiels de cette guerre apparaissent.
01:05 Donc là, un an, ce n'est pas trop tôt pour esquisser ces traits.
01:12 Ça ne vous donne aucune indication sur la durée de la guerre
01:16 et sur la façon dont elle va se terminer.
01:18 Ça, c'est autre chose.
01:19 On va y revenir dans un instant.
01:21 Avant cela, je voulais avoir votre commentaire sur ces propos d'Emmanuel Macron
01:24 dans l'avion qu'il ramenait justement vendredi soir d'Allemagne.
01:27 Le président français a indiqué qu'il souhaitait la défaite de la Russie en Ukraine.
01:30 Mais, ajoute le président, je ne pense pas comme certains qu'il faut défaire la Russie totalement,
01:35 l'attaquer sur son sol.
01:37 Certains observateurs, dit Emmanuel Macron, veulent avant tout écraser la Russie.
01:41 Cela n'a jamais été la position de la France et ça ne le sera jamais.
01:44 Est-ce que c'est possible, François Esbourd, une défaite de la Russie sans pour autant l'écraser ?
01:49 Le problème de la guerre, c'est qu'il est très difficile de faire du en même temps de
01:55 "je gagne, mais je ne veux pas gagner tout à fait, mais je ne veux pas perdre non plus,
02:00 et je ne vais surtout pas perdre tout à fait".
02:02 Ce n'est pas comme ça que je...
02:03 Ce n'est pas tenable la position d'Emmanuel Macron ?
02:05 J'allais dire, malheureusement, cette séquence dans l'avion avec les trois journalistes
02:10 a largement défait l'excellente impression qu'Emmanuel Macron avait faite à Munich.
02:17 Il avait fait un discours extrêmement construit, extrêmement intelligent,
02:22 largement tourné vers l'angle mort de la politique occidentale,
02:28 à savoir les relations avec les pays d'Afrique, d'Amérique latine, d'Asie, et ainsi de suite.
02:33 Il a souligné qu'on était dans une guerre avec des implications mondiales.
02:38 Le message était formidablement bien passé, et pas seulement auprès d'un public acquis.
02:44 Ce n'était pas le cas.
02:45 Et là, dans l'avion, il a refait du Macron, du "en même temps"...
02:50 - Il a tout gâché dans l'avion ?
02:52 - Pas tout, non, pas tout.
02:54 Honnêtement, il y a des choses dans le discours qui sont restées malgré tout,
02:59 et notamment ce que j'appellerais la fin de la romance,
03:03 ou de la vision romantique de la relation avec Poutine.
03:07 Ça, là, dans le discours, il y a eu trois mots du président,
03:12 essentiels, qui sont passés largement inaperçus.
03:16 Il rappelle que Poutine avait essayé de lui raconter des nanars,
03:21 il y a un an avant la guerre, sur le groupe Wagner,
03:24 qui n'avait rien à voir avec la Russie, n'est-ce pas ?
03:27 Et Macron doit faire cet aveu, mais qui est un aveu, pour moi, positif,
03:31 qui est "j'y croyais".
03:34 Autrement dit, il n'y croit plus.
03:36 - Il n'a pas eu tort de vouloir conserver ce lien pendant des mois et des mois avec Vladimir Poutine ?
03:40 - Il a perdu, en 2022, une occasion formidable pour la France
03:45 de prendre le leadership des opérations en Europe, à la tête des Européens.
03:50 Il a préféré consacrer ses efforts et son temps dans un impossible en même temps,
03:57 avec le président Poutine, qui, à dire vrai, n'était pas très intéressé par la paix.
04:03 Il était intéressé par le succès de son invasion,
04:05 et continue pour l'instant, en tout cas, d'être sur ce registre,
04:08 ce dont Macron, d'ailleurs, a tiré acte à Munich, en disant "le temps du dialogue n'est pas là".
04:14 - Mais pourquoi ne pas écraser la Russie ?
04:18 - Il faut lui poser la question, là, pour le coup,
04:22 parce qu'effectivement, soit on gagne, soit on perd dans la guerre.
04:27 Il vaut mieux gagner, savoir, bien entendu,
04:31 lorsqu'on gagne, il y a toutes les chances pour que cette guerre soit effectivement remportée par les démocraties.
04:38 Et il faut savoir, effectivement, ne pas aller trop loin dans la gestion d'un éventuel succès.
04:47 Mais il ne faut pas commencer par dire "ah oui, je veux du succès, mais pas trop".
04:52 Ce n'est pas comme ça qu'on fait.
04:53 - À plusieurs reprises dans votre livre, vous regrettez justement l'attitude de la France dans cette guerre.
04:57 Nous avons, écrivez-vous, été petits joueurs sur le plan militaire,
05:00 adeptes d'un en même temps équivoque par rapport à l'envahisseur, vous nous l'avez expliqué.
05:05 Vous rappelez aussi que la France a livré, pendant les dix premiers mois de guerre,
05:08 environ dix fois moins d'aides militaires que la Pologne.
05:12 Ça veut dire quoi, François Hessebourg, que la France n'a pas été à la hauteur ?
05:15 - C'est très compliqué de tenir à la fois un discours que j'approuve, par ailleurs,
05:21 qui est de dire "il faut que l'Europe ait davantage d'autonomie stratégique,
05:24 il ne faut pas qu'elle demeure éternellement dépendante des États-Unis,
05:28 qui vont être de plus en plus impliqués dans les affaires de l'Asie pacifique",
05:35 et ne livrer qu'à l'époque, ça s'est un peu amélioré depuis,
05:40 1,4% des armes occidentales à l'Ukraine.
05:45 Quand on pèse 1,4%, on ne peut pas tenir des discours sur l'autonomie stratégique européenne.
05:52 On ne peut pas faire ça en même temps là, sans en subir les conséquences,
05:58 sans qu'à la fin, pour parler très vulgairement, tout le monde se foute de votre gueule.
06:03 - Parce que tout le monde se fout de la gueule de la France et d'Emmanuel Macron ?
06:06 - Non, il y a six mois, les discours de Macron sur "il ne faut pas humilier la Russie",
06:11 "il faut lui donner des garanties de défense à cette pauvre petite Russie
06:15 qui a vraiment besoin d'être défendue contre l'Ukraine".
06:19 Oui, effectivement, on avait perdu beaucoup de crédit,
06:22 et pas simplement auprès de nos partenaires de l'Union Européenne en Europe orientale, ou en Ukraine,
06:30 mais on avait perdu du crédit aussi vis-à-vis des Russes,
06:32 parce que les Russes, ils ont beaucoup de défauts géopolitiques ou géostratégiques,
06:37 mais ils ont une grande qualité, c'est qu'ils savent que la guerre, c'est quelque chose de sérieux,
06:41 et notre attitude à l'époque n'était pas sérieuse,
06:45 et ça, les Russes ont beaucoup de mal à comprendre et à l'admettre.
06:49 Aujourd'hui, on est dans un registre différent,
06:52 le discours de Minich, de ce point de vue-là, va rester, il va faire date,
06:56 même s'il a un peu patachonné le service après-vente dans le Falcon au retour.
07:03 - Quand on parle de cette attitude française, beaucoup disent
07:09 "oui, mais il faut et il fallait faire attention, mettre en garde contre ce risque d'escalade",
07:13 vous, vous n'y croyez pas, ce risque d'escalade ?
07:16 - Là encore, on ne conduit pas une politique dans le cadre d'une guerre,
07:23 en passant son temps à expliquer ce qu'on ne fera pas.
07:28 Alors là, pour le coup, la critique, elle n'est pas seulement française.
07:37 Biden est aussi, c'est largement dans ce registre,
07:40 on ne commence pas par dire, le jour de l'invasion russe,
07:44 "ah, on ne va pas livrer d'artillerie ou de blindés".
07:49 - Surtout si c'est pour le faire quelques mois plus tard.
07:51 - Surtout si c'est pour changer d'avis deux mois plus tard,
07:54 ayant constaté qu'après tout, la Russie, tout d'ailleurs comme les Occidentaux,
07:59 pendant la guerre froide, chacun livrait des armes à ses partenaires ou à ses alliés.
08:05 Ça, ce n'était pas de l'escalade.
08:08 Il y a des choses qui sont de l'escalade, mais pas ça.
08:11 - Pardonnez-moi, quand le secrétaire d'état américain dit ce week-end
08:15 que la Chine envisage de fournir des armes à la Russie,
08:18 ça, ça vous paraît crédible, logique ?
08:20 - Je pense que c'est d'abord un avertissement vis-à-vis de la Chine.
08:26 Personnellement, je n'ai pas d'informations qui permettent de penser
08:31 que la Chine soit en train de livrer des armements à la Russie.
08:37 Et ce n'est d'ailleurs pas ce qu'a dit l'américain.
08:39 Mais je pense à une piqûre de rappel des Américains vers les Chinois,
08:45 en disant "écoutez les gars, n'y songez même pas,
08:48 on a maintenant à nouveau des relations presque normales
08:53 entre les Occidentaux et la Chine, ne venez pas tout gâcher".
08:57 - Si c'était le cas, ce serait un tournant, on est d'accord.
08:59 On y serait à cette troisième guerre mondiale.
09:01 - Non, il ne faut pas aller tout de suite vers les grands mots.
09:08 Ce serait un comportement inamical, évidemment, de la part de la Chine.
09:13 Ça compliquerait sérieusement les calculs de défense vis-à-vis de l'Ukraine.
09:21 Ce ne serait pas la troisième guerre mondiale.
09:23 Mais, encore une fois, avertissement sans frais.
09:26 - Merci beaucoup François Hesbourg.
09:27 On aurait pu continuer des heures, parce que c'est vraiment passionnant
09:30 de voir comment on peut sortir de ce conflit.
09:33 Ça s'appelle "Les leçons d'une guerre", ça sort mercredi aux éditions Odile Jacob.
09:37 Franchement, que vous soyez spécialiste ou pas de ces questions-là,
09:40 lisez-le, c'est passionnant.
09:41 Merci à tous !

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