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  • il y a 3 jours
Jeudi 17 avril 2025, retrouvez Quentin Bordet (Cofondateur et Président, Les Collectifs) dans MANAGER L'ODYSSÉE, une émission présentée par Alix Nguyen.

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Transcription
00:00Générique
00:00...
00:01Bienvenue dans Manager l'Odyssée, votre rendez-vous hebdomadaire sur Be Smart for Change.
00:1428 minutes en immersion dans le quotidien d'un manager.
00:17Devenir un bon manager ne s'improvise pas.
00:20Aujourd'hui, j'ai le plaisir d'accueillir Quentin Bordet, cofondateur de l'association Les Collectifs.
00:26Depuis 2021, les collectifs mobilisent des salariés dans près de 200 entreprises
00:32pour porter des initiatives sociales et écologiques concrètes avant de se lancer dans cette aventure.
00:38Quentin était consultant, il a fait le choix de quitter son poste pour agir autrement.
00:42Qu'est-ce qui l'a poussé à franchir ce cap ?
00:44Comment structurer un engagement collectif en entreprise ?
00:48Et comment faire évoluer les organisations de l'intérieur ?
00:51On en parle tout de suite.
00:53...
00:54Bonjour Quentin.
00:59Bonjour Alix.
01:00Bienvenue.
01:00Merci de l'invitation.
01:01Merci d'avoir répondu présent.
01:03Avant toute chose, avant de parler d'engagement et de collectif, revenons un instant sur votre parcours.
01:09Vous avez évolué au sein du cabinet de conseil BCG.
01:13À quel moment est-ce que vous avez ressenti le besoin d'agir au-delà de votre mission de consultant ?
01:20En fait, dès les premiers jours. Je suis arrivé au BCG en 2015.
01:25Il se trouve qu'à ce moment-là, j'ai commencé par un projet sur les secteurs agricoles.
01:30Et en fait, j'étais déjà sensibilisé, mais très peu en fait, à ces sujets de transition écologique et sociale.
01:39Et en fait, travailler sur les sujets agricoles m'a fait réaliser.
01:44C'était ma porte d'entrée en fait sur ces sujets-là parce que j'ai réalisé qu'en fait, les sujets agricoles, c'est fantastique parce qu'à la fois, ça concerne les grands enjeux de société qui sont sur la résilience de nos sociétés, qui sont sur le bien-être des paysans, qui sont sur le lien social, qui sont sur les problématiques écologiques très, très fortement, très, très fortes.
02:04Et en même temps, ça nous concerne trois fois par jour.
02:07Et en commençant sur ce projet sur les secteurs agricoles, en fait, on se rend compte de la taille des enjeux écologiques sociétaux.
02:17Moi, j'ai commencé par ça sur l'alimentation en fait, parce que ça me parlait très, très fortement.
02:20Et je me suis dit, mais en fait, c'est assez incroyable.
02:22J'ai envie, moi, de prendre ma part dans cette situation-là.
02:26Et j'ai rencontré ma, pour la petite histoire, j'ai rencontré ma future femme en fait, à ce moment-là, qui était végétarienne.
02:32Et du coup, commencer au BCG, m'intéresser aux sujets agricoles et du coup, découvrir toute la panoplie des sujets écologiques et puis avoir cette espèce de, cette rencontre.
02:42En fait, ça m'a interrogé.
02:44Les planètes se sont alignées.
02:45Les planètes se sont alignées.
02:46Et en fait, ça m'a donné, ça a été un peu le déclencheur qui m'a donné envie ensuite de creuser et après d'agir.
02:52Et alors, qu'est-ce qui se passe ?
02:53Assez rapidement, vous décidez de fonder ce petit collectif en interne.
02:58Quand je prends conscience de ces sujets-là, donc je m'intéresse sur l'alimentation, l'agriculture et je creuse le sujet.
03:05Et en fait, je déroule la pelote et puis après, on arrive à des sujets plus globaux d'écologie et de transition sociale.
03:12Et en fait, pendant deux ans, moi, je ne fais rien.
03:14D'accord.
03:14J'apprends, je lis des livres, j'écoute des podcasts.
03:18Donc sans objectif en tête, vraiment, juste vous nourrissez.
03:21Je me nourris, j'apprends et en fait, je me rends compte que là, on a face à nous un problème qui nous dépasse.
03:26Et justement, je suis démuni sur la manière dont moi-même, je peux contribuer à cela.
03:31Parce que là, on arrive sur des sujets qui sont beaucoup trop grands.
03:33Moi, j'ai 26 ans.
03:35C'est mon premier boulot.
03:36C'est intense comme travail.
03:39Donc moi, je fais mon travail culturel et de connaissances à côté, mais je ne sais pas comment agir.
03:44Et il se trouve que je suis aussi frustré parce que je vois bien les discussions qu'on a avec les collègues, avec la famille, avec les copains.
03:49Et à chaque fois, je me dis, mais qu'est-ce que ça fait changer concrètement le lendemain ?
03:52Et cette phase, en fait, elle dure deux ans.
03:54Du coup, de monter en conscience sur ces sujets et ne pas trouver...
03:57Et c'est-à-dire quoi ? C'est deux ans de sentiments de solitude ?
04:01Pas forcément de solitude, mais deux ans d'interrogation et de frustration sur le fait de ne pas pouvoir apporter quelque chose
04:08et se poser la question si on est à la bonne place, si on fait assez bien.
04:13Moi, j'ai le sentiment que du coup, j'ai une position quand même privilégiée.
04:17J'ai fait ces études, j'ai eu de la chance dans mon environnement familial.
04:22Je me retrouve là à Paris.
04:23Moi, je viens de Chambéry.
04:24Je me retrouve là à Paris.
04:26Parce que pour rappel, pour nos auditeurs, vous avez fait donc Centrale.
04:30J'ai fait Centrale, je viens de Chambéry, j'ai étudié à Lyon, j'étais à Centrale, à l'ESSEC.
04:35Et mon travail au BCG, c'était mon premier emploi.
04:40Et du coup, en fait, c'était plutôt une phase de frustration, ouais, et puis parfois de vertige aussi.
04:45Parce qu'en fait, on se rend compte de tout ce qu'il va falloir changer dans nos modes de société.
04:49Et moi, j'étais assez démuni sur la manière dont je pouvais contribuer à tout ça.
04:52Mais aucune hésitation quand vous faites qu'il fallait faire quelque chose ?
04:56Jamais frileux quant au fait que, en fait, c'est trop gros.
05:00Pourquoi je m'embarque là-dedans ?
05:02J'étais très bien dans ma petite vie de consultant.
05:04Ça, c'est un peu le problème de qu'est-ce qu'on fait une fois qu'on sait ?
05:08C'est ça.
05:08Parce que quand on commence à se renseigner, déjà, c'est un sujet passionnant.
05:13Oui.
05:14Parce qu'en fait, ça remet quand même en question comment est-ce qu'on organise la société ?
05:20Quels sont les métiers qui ont du sens ?
05:23Comment est-ce qu'on peut résoudre ces problématiques ?
05:26Et en fait, on peut rester indifférent.
05:28Mais moi, ça m'a surtout passionné.
05:30Donc, j'ai continué à creuser le sujet.
05:31Et une fois qu'on sait, on se retrouve quand même avec la question qu'est-ce qu'on peut faire à son niveau.
05:36Moi, je savais que je voulais trouver un point de sortie de contribution.
05:39Pendant un certain temps, je ne l'ai pas trouvé.
05:40Puis à un moment, c'est arrivé.
05:42Et alors là, qu'est-ce qui se passe ?
05:43En fait, le déclic, il a été assez…
05:46Je me disais, mais est-ce qu'il faut que je change de métier ?
05:48Est-ce qu'il faut que j'aille faire de l'associatif ?
05:50Est-ce qu'il faut que je m'engage dans ma copro ?
05:53Enfin, il y avait plein de…
05:54Je me demandais en fait, qu'est-ce que je peux faire à mon niveau ?
05:57Il se trouvait que c'était un métier quand même assez intense.
05:59Donc, il laisse assez peu de place à côté.
06:02Et il y a eu une rencontre à un moment avec quelqu'un.
06:05Mais une rencontre vraiment banale.
06:07Et qui m'a dit, mais tu sais, pour convaincre, il faut montrer l'exemple et donner envie.
06:10Et en fait, moi, mon déclencheur, c'était un été.
06:14Et il a été là.
06:15Et je me suis dit, à la rentrée, je vais essayer de convaincre en montrant l'exemple,
06:21en faisant des choses à mon niveau, en donnant envie.
06:24Et puis, je me suis dit, je vais voir ce que ça donne après.
06:27Et je me suis dit, mais ça, je pourrais essayer de le faire dans mon entreprise en fait.
06:31Parce qu'on a un bureau qui fait 1000 personnes.
06:33Je vois énormément de sujets sur lesquels on puisse faire changer les choses de manière concrète.
06:37Et en fait, il se trouve que, je pense, c'est un champ d'action qui est fantastique.
06:45Parce que si je fais changer quelque chose, ça touchera directement des centaines de personnes,
06:48potentiellement les clients, les fournisseurs, ou en tout cas tout l'écosystème autour.
06:54Et donc, je me dis, lance-toi en fait.
06:57Et donne-toi un certain, essaye de lancer une communauté de personnes qui veulent agir,
07:02de faire des choses assez concrètes et de voir ce que ça donne.
07:06Et donc, c'est là que vous lancez le mouvement, quoi.
07:09Et là, je ne lançais même pas un mouvement.
07:11Je lance du coup un collectif de salariés.
07:14Et alors, ça a été facile de fédérer tous ces collaborateurs ?
07:17Ce qui était fantastique, c'est qu'en fait, parfois, on a l'impression qu'il suffit d'une étincelle
07:24pour que les choses se mettent en route.
07:27Et il y a eu deux phases.
07:29Déjà, la première phase qui m'a vraiment mis en mouvement, c'est un peu la technique des fumeurs.
07:33Alors, c'est que j'ai commencé à annoncer autour de moi, pour arrêter, la technique des fumeurs,
07:37pour arrêter de fumer, j'ai commencé à dire autour de moi,
07:39j'aimerais mener des initiatives éco-citoyennes au bureau, qu'est-ce que vous en pensez ?
07:43Et en fait, j'ai vu qu'il y avait une demande, que ça a résonné.
07:46En fait, il y a plein de personnes qui m'ont dit, mais en fait, vas-y, c'est génial.
07:50Donc, je me suis déjà pré-engagé.
07:51Et après, la deuxième étape, c'est un moment où je me suis dit, ok, je vais trouver quelques collègues
07:58et puis on va réfléchir à ce qu'on peut faire.
08:00Tout ça sans consulter la direction ?
08:02Et si, en fait, ça, c'est le troisième qui est très, très important.
08:06Parce que dès le début, dans les personnes que je suis allé voir,
08:08je suis aussi allé voir une des personnes dirigeantes du BCG en lui disant,
08:12j'aimerais lancer des initiatives parce que c'est valorisé de contribuer à la vie du bureau.
08:18J'aimerais lancer des initiatives sur ce sujet qui m'a dit, en fait, vas-y, propose-nous quelque chose.
08:25Lance-toi, retrouve-toi avec quelques collègues et puis proposez-nous quelque chose.
08:30Et du coup, là, on a commencé à plancher avec…
08:32En fait, dès le début, on s'est retrouvés dans un petit groupe motivé pour proposer des initiatives.
08:39Et puis déjà, une relation de confiance, en tout cas un espace ouvert de la part de la direction.
08:44Et ça, c'est fondamental parce qu'en fait, dans l'engagement, dans le monde de l'entreprise,
08:47il faut des… ça marche bien quand il y a les deux.
08:51Oui, c'est ça. Comment est-ce qu'on fait pour introduire un sujet aussi engageant,
08:55sans être perçu comme un poids ou un perturbateur ?
08:58Montrer l'exemple, donner envie.
09:02Donc, sans être perçu comme un poids ou un perturbateur,
09:05déjà, la question peut être anglais dans le sens où c'est comme si on abordait des sujets
09:09qui seraient intéressants ou en tout cas difficiles à appréhender,
09:14on serait un perturbateur.
09:17Là, dix ans après, enfin presque dix ans après, quand je repense à tout ça,
09:21moi, au-delà de l'expérience des collectifs, je suis aussi allé rencontrer des citoyens,
09:25des dirigeants de plusieurs sphères sur les questions d'engagement.
09:29Et en fait, de la même manière que quand on s'engage,
09:33tout d'un coup, on trouve plein de personnes qui sont prêtes à s'engager.
09:36Il y a plein de personnes qui, à tous les niveaux hiérarchiques,
09:41sont en fait eux-mêmes complètement chamboulées par ces sujets.
09:44Et il se trouve que le monde de l'entreprise, en effet, peut invisibiliser ces sujets
09:48parce qu'en fait, ils sont un peu compliqués.
09:49Déjà, il faut trouver la clé d'entrée qui permet d'aller toucher toutes les personnes sur ce sujet.
09:56Donc, on n'est pas pris comme un perturbateur si déjà on pose et on partage la question
10:01à laquelle on essaye de répondre.
10:04Et ces sujets, alors moi, j'ai travaillé notamment sur les sujets écologiques,
10:07mais finalement, ils embarquent bien plus largement des sujets sociétaux.
10:10Finalement, quand on ne vient pas avec une réponse en disant,
10:13une revendication en disant, il faut faire ça,
10:15mais qu'on se dit, mais en fait, on a ce sujet de, je ne sais pas,
10:19la transition vers les accords de Paris sur la question de la justice sociale,
10:25qu'on pose le sujet, y compris en tant que salarié,
10:28et qu'on pose une question, mais en fait, il y a plein de personnes que ça va intéresser.
10:31Et après, tout le but, c'est aussi de donner une voie,
10:37de faciliter des moyens pour les personnes qui vont s'engager de le faire.
10:43Et c'est ce qu'on faisait aussi avec le petit groupe de salariés, en tout cas au début,
10:47c'est de se dire, nous, on est un groupe qui veut travailler sur ce sujet-là,
10:52et du coup, on a pu agréger des personnes qui, en fait, avaient ce désir d'agir,
10:56et puis on est aussi directement en interaction avec des personnes de la direction
10:59qui peuvent donner des moyens, qui peuvent, en tout cas, proposer une écoute,
11:04et puis qu'eux aussi, ces sujets vont toucher.
11:07Et alors, à quel moment est-ce que vous avez réalisé que l'engagement collectif
11:12pouvait dépasser le cadre de cette entreprise ?
11:15En fait, très vite.
11:18Parce que quand on a commencé, on a fait une action, puis deux,
11:23alors sur le zéro déchet, sur changer des fournisseurs,
11:25sur faire un manifeste pour interroger ce que ça pourrait être,
11:29ce que notre secteur pourrait devenir.
11:31Et en fait, très vite, moi, je me suis dit, mais ça, ça se passe chez nous,
11:34et on voit la dynamique avec des dizaines de personnes qui sont engagées,
11:39en voyant que la démarche résonne, et je me suis dit,
11:41mais ça pourrait se passer dans d'autres entreprises.
11:42Donc, en fait, très vite, moi, j'ai vu le potentiel de réplication
11:47de ce genre de démarche.
11:50Et surtout, nous, on trouvait des solutions qui étaient très adaptées
11:53à notre contexte, qui était le contexte d'un cabinet de conseillers en stratégie
11:57à Paris, où toutes les équipes sont dans un bureau.
12:00Et je me suis dit, mais en fait, finalement, pour une entreprise industrielle,
12:03ça se réplique, mais ça ne se répliquerait pas de la même manière.
12:06Donc là, ça commençait à germer, en fait, dès 2000...
12:09J'ai commencé à créer le collectif en 2017,
12:11mais dès 2018, 2019, je me suis dit, mais il faudrait trouver des manières
12:16de le répliquer.
12:18C'est ça qui avait fait que j'avais d'ailleurs postulé au prix du think tank
12:21Entreprises pour l'environnement et LCI en 2019,
12:25qui avait récompensé la démarche du collectif,
12:28en se disant, mais il faudrait trouver des relais
12:30et valoriser la démarche qui a été menée
12:32pour pouvoir faciliter sa réplication.
12:36Et vous dites que l'engagement est un processus d'appropriation par les équipes.
12:43Quels sont ces moments clés où cet engagement se transforme réellement ?
12:47C'est progressif.
12:49C'est quand la personne est en confiance
12:51et tout le but d'avoir créé une structure,
12:53ou qu'on a appelé un collectif,
12:56c'est qu'en fait, ça décharge une partie de la responsabilité
12:59de l'employé qui va...
13:04Ça demande d'oser, d'aller s'exposer dans son entreprise.
13:08Et en fait, en créant une structure avec un nom, par exemple,
13:12qui est identifiée, qui a sa propre interaction
13:15avec le reste de l'entreprise,
13:16ça permet de diminuer la charge mentale qui vient des personnes.
13:22Et donc, ça permet de faciliter, de légitimer
13:24le rôle que peut avoir un employé là-dedans.
13:30Donc déjà, la structure permet de légitimer
13:32et de faciliter le fait de passer à l'action
13:34parce qu'en fait, on n'a pas l'impression de s'exposer personnellement non plus.
13:37On va s'exposer au nom du groupe, au nom du collectif,
13:42en tout cas par le collectif.
13:45Et après, ça se fait très progressivement.
13:48Quand le collectif avait déjà 3-4 ans,
13:51souvent, en fait, il y a les nouveaux arrivants,
13:54notamment ce sujet de transition écologique,
13:56qui touche toutes les générations,
13:58mais il touche du coup les jeunes qui arrivent dans une entreprise.
14:01Donc souvent, il y a des personnes qui étaient motivées
14:02pour rejoindre le collectif dès leur arrivée dans l'entreprise.
14:05Et ça, c'est quelque chose qui se passe dans toutes les entreprises.
14:09Et au début, on voit que c'est un intérêt.
14:11Puis après, il peut y avoir une première action.
14:13Il y a quelqu'un qui est arrivé,
14:14puis c'était au moment du Covid,
14:15qui a travaillé sur les masques pour trouver des masques,
14:18faire des masques en tissu et pas des masques...
14:19Ça peut paraître anecdotique,
14:20et pas des masques à usage unique.
14:23Et finalement, cette personne,
14:24elle est devenue progressivement un pilier du collectif,
14:27qui a travaillé sur notre processus de convention citoyenne interne.
14:30Et en fait, l'engagement, il se crée,
14:33et la légitimité, elle augmente au fur et à mesure de l'engagement.
14:37Et ça, c'est très important, en fait.
14:38C'est que, en fait, l'action va donner accès à la suite.
14:43Et donc, il faut faire sur sa zone de légitimité.
14:45Même dans une entreprise un peu frileuse,
14:47quant au fait de laisser de l'autonomie à ses salariés ?
14:53Je pense qu'en fait, déjà, le contexte dans lequel j'étais
14:57a vraiment permis de se...
15:00Vraiment, moi, je l'ai trouvé très propice
15:01au fait de pouvoir s'engager.
15:04Et je pense que la question, c'est plutôt
15:06comment des salariés peuvent trouver,
15:09dans le contexte de leur entreprise,
15:11des manières de s'engager et puis d'en parler.
15:13Et ça, c'est très spécifique à la culture.
15:16Des cultures industrielles vont, par exemple,
15:19des salariés vont mettre plus de temps
15:20peut-être à venir à une feuille de route,
15:24à oser s'exposer en interne, etc.
15:27Alors que des milieux serviciels,
15:28comme des milieux de conseil, en fait,
15:29sont des milieux où, finalement,
15:31ça va être plus facile de le faire.
15:35Quelles conditions doivent être réunies
15:36pour qu'un engagement sincère puisse avoir lieu ?
15:41Alors, les conditions d'engagement,
15:44c'est la bonne question.
15:47Parce qu'en fait, souvent,
15:48ces dernières années,
15:50on m'a souvent posé la question
15:51de comment est-ce qu'on crée de l'engagement.
15:54Et la réponse que je trouve maintenant,
15:56avec toute cette expérience,
15:58c'est en tout cas pour une direction,
15:59parce que ce sont les personnes
16:01qui nous écoutent aujourd'hui, notamment.
16:04Dans une direction,
16:05il faut plutôt se mettre en mode
16:06comment est-ce que je peux créer les conditions
16:08pour que cet engagement émerge ?
16:11Et là, il y a plusieurs ingrédients
16:13à créer les conditions de l'engagement.
16:14Il est déjà important que les dirigeants
16:16fassent eux-mêmes leur propre chemin.
16:19Donc, ça veut dire se former sur les sujets sociétaux.
16:22Ça veut dire se former sur ce que ça peut vouloir dire
16:25sur leur secteur.
16:27Ça veut dire aussi être exemplaire,
16:29ce qui est quelque chose qui est sous...
16:32On sous-estime le pouvoir de l'exemplarité.
16:36Il y a un premier pilier quand même
16:38qui est d'en créer les conditions de l'engagement,
16:40qui est faire sa propre trajectoire.
16:41Il y a ensuite se mettre en capacité
16:44d'aller identifier les personnes
16:47qui sont déjà désireuses d'agir,
16:49qui sont déjà sachantes potentiellement sur le sujet.
16:52Donc, créer les conditions de l'engagement.
16:54Il faut déjà se dire qu'il est certain,
16:57quand aujourd'hui on est dans une entreprise
16:58qui a plusieurs dizaines, centaines ou milliers de personnes,
17:00qu'il y a des personnes qui sont déjà
17:01très sensibilisées sur ce sujet.
17:04Et l'idée, c'est d'aller déjà les identifier
17:06et créer des interactions avec elles.
17:11Troisième pilier pour créer les conditions d'engagement,
17:13c'est commencer peut-être sur des petits périmètres,
17:15mais en fait, commencer à faire.
17:17Donc, il faut lancer des projets en interne,
17:19des projets qui sont en lien avec les produits
17:22ou les services d'entreprise,
17:23mais il ne faut pas avoir peur
17:24de commencer à mener une initiative concrète
17:27à un mois, à deux mois, à trois mois.
17:29Et en fait, ça donnera accès à du savoir,
17:30ça donnera accès à des projets plus forts.
17:35Et puis après, dans créer les conditions de l'engagement,
17:37il y a savoir écouter le terrain aussi.
17:39Il faut savoir remonter les signaux faibles.
17:41Qu'est-ce que pensent les salariés ?
17:43Qu'est-ce que pense le reste de l'entreprise ?
17:44Oui, la confiance est un élément indistensable.
17:47Et après, de ça émerge la confiance.
17:49Et c'est pareil, souvent la confiance,
17:50on voudrait la décréter,
17:51et en fait, c'est un processus long, la confiance.
17:53C'est plutôt le processus d'engagement
17:55avec le reste de l'entreprise,
17:56le processus d'exemplarité du dirigeant
17:58qui vont créer la confiance au fur et à mesure.
18:00Lorsqu'une vision d'entreprise
18:02n'est pas bien comprise par les équipes,
18:05quel impact, justement, ça peut avoir sur l'engagement ?
18:09Ça crée du désengagement.
18:11Le cas typique, c'est une vision
18:14qui a été définie par un petit groupe de personnes
18:18et qu'en fait, après, on voudrait décliner
18:22dans le reste de l'entreprise, cascadée.
18:26Et en fait, une vision,
18:27et c'est là que ça crée de l'engagement,
18:29une vision pour qu'elle soit appropriée par tout le monde,
18:31qu'elle puisse parler à tout le monde.
18:33et le premier principe pour créer une vision
18:36qui puisse être appropriée par tout le monde,
18:38c'est d'avoir impliqué.
18:40En fait, se retrouver en dernière roue du carrosse,
18:43proposer une vision qu'on va devoir porter tous les jours,
18:49ça crée du désengagement dans le sens
18:51où on ne se sent pas impliqué dans le processus.
18:54Et ça, on le voit à toutes les échelles,
18:55on le voit dans le monde de l'entreprise,
18:57on le voit aussi de manière plus large
19:00sur les problématiques sociétales.
19:02Quand on est mis devant le fait accompli,
19:04ça crée du désengagement.
19:05Du coup, l'antidote à ça,
19:07c'est de mettre dans la boucle, en fait,
19:09ce qu'on appelle les parties prenantes,
19:11donc en fait, notamment les salariés,
19:13de manière beaucoup plus en amont
19:15que ce qu'on fait aujourd'hui.
19:18Donc moi, ma recommandation pour des dirigeants
19:19sur la vision et la mission de l'entreprise,
19:21c'est en fait, n'ayez pas peur,
19:22déjà dès le début,
19:24d'aller écouter ce qu'on va vous dire les salariés,
19:26ce qu'on va vous dire les clients,
19:28ce qu'on va vous dire les fournisseurs.
19:30Oui, c'est la meilleure façon d'éviter cette déconnexion.
19:33Exactement.
19:34Et c'est une des conditions qui va créer l'engagement.
19:37Et en fait, j'ai parlé un jour à un dirigeant
19:39qui m'a dit, en allant voir,
19:40on a fait un début de vision d'entreprise
19:44et on est allé voir les salariés très tôt.
19:48Et en fait, ça a permis de changer à 25% le plan
19:53et ça a créé 80% d'engagement de plus que d'habitude.
19:58Et donc, en fait, mettre à contribution le corps social
20:03ou à contribution les salariés
20:05et puis toutes les composantes de l'entreprise,
20:06en fait, va créer de l'engagement
20:08sur ce qui sortira de ce processus.
20:11Et vous m'avez parlé aussi de la posture managériale.
20:14C'est quoi une mauvaise posture managériale, par exemple ?
20:18Alors là, je vais parler de la posture
20:19sur comment est-ce qu'on crée les conditions d'engagement
20:21pour que l'entreprise puisse être...
20:23Je ne parle pas de sujets de management toxiques
20:26ou en tout cas de...
20:27Non, bien sûr.
20:28Ah non, non, non, là, on est vraiment sur le sujet de l'engagement.
20:29C'est plutôt la posture de créer les conditions de l'engagement.
20:32Une posture serait de...
20:35Si un sujet nous paraît un peu décalé
20:38par rapport à ce qui peut être admissible,
20:43mais un peu décalé,
20:44où ça va questionner, je ne sais pas,
20:45le business model de l'entreprise,
20:46ça va questionner la stratégie sur la sobriété
20:48et puis ça rentre un peu...
20:50On ne voit pas tellement le lien direct
20:52avec le business model de l'entreprise.
20:56De là, fermer, en fait, les écoutis
20:59et de se dire, non, non, ce sujet, c'est politique,
21:01donc on ne veut pas en parler dans le monde de l'entreprise.
21:03Donc, fermer la discussion.
21:05Une mauvaise posture managériale voudrait être
21:06de fermer la discussion quand une idée sort du terrain.
21:11Et une bonne posture, en fait, managériale,
21:14c'est par exemple si des salariés veulent travailler
21:15ou ont des questions sur la sobriété,
21:17déjà d'écouter, en fait, ce qu'ils ont à dire
21:20et ne pas forcément trouver une solution tout de suite
21:25sur qu'est-ce que ça peut vouloir dire dans mon entreprise
21:27de faire de la sobriété, mais écouter.
21:30Une bonne posture managériale,
21:32c'est déjà une posture d'écoute.
21:34Vous dites sur l'engagement
21:36que les opportunités de renforcer l'engagement
21:41sont souvent perçues trop tard.
21:42Pourquoi ?
21:44Alors, trop tard, je ne sais pas si le cas,
21:47ça me fait penser à un exemple un peu typique
21:49d'un salarié qui part de son entreprise
21:51et qui va le dire à son directeur
21:55et qui ensuite, le directeur lui dit
21:56« mais j'aurais aimé vous rencontrer plus tôt ».
21:58Et là, c'est l'exemple d'un salarié
22:00qui voulait s'engager,
22:01qui n'a pas trouvé la manière de le faire
22:02dans son entreprise,
22:04qui du coup décide de partir.
22:05Et puis quand le dirigeant lui dit
22:08« mais j'aurais voulu vous rencontrer plus tôt »,
22:09c'est typiquement le cas pour moi qui est dommage,
22:13qui est un peu du gâchis
22:13parce qu'on est arrivé à un point de non-retour
22:15alors qu'en fait, ça montrait,
22:17ça montre qu'il y avait une manière,
22:19il y avait une possibilité en fait.
22:20Mais alors, comment les dirigeants,
22:21ils peuvent mieux détecter ces moments clés en amont ?
22:24Pour moi, ce qui est important,
22:25c'est de garder le contact avec le terrain.
22:29Donc en fait, en tant que dirigeant,
22:31si on n'a pas de signaux,
22:33c'est un signal qu'on n'en cherche pas assez.
22:37Donc je pense que l'alarme
22:39que devraient avoir des dirigeants,
22:42c'est « est-ce que je suis bien au courant
22:45de ce que mes équipes… »
22:47Et là, on en revient sur
22:48« qu'est-ce qu'être un bon manager ou pas ? »
22:50Mais ne pas avoir la perception,
22:53avoir le sentiment qu'on ne sait pas tellement
22:55ce que pensent les équipes,
22:56ça devrait être un signal d'alarme
22:57pour tout dirigeant.
23:00Et ça permet en fait d'aller capter
23:02ce qui travaille les personnes
23:06de ces équipes ou de son entreprise.
23:08Parce qu'en fait, l'engagement,
23:09c'est aussi qu'aujourd'hui,
23:10on est dans une phase
23:11où on a l'impression que le monde se délite,
23:14on a l'impression de ne plus pouvoir
23:15avoir un rôle à jouer.
23:17Et il y a énormément de personnes
23:18qui sont en fait traversées
23:19par ce doute sur le rôle
23:22qu'on peut avoir à notre niveau.
23:24Et ça, on n'enlève pas ces doutes
23:26quand on passe la porte du bureau.
23:28Donc, les personnes qui vont travailler
23:30sont en fait traversées par ces doutes.
23:34Et on est un peu schizophrène
23:36dans la manière dont on aimerait vouloir
23:39laisser ces convictions
23:40et ces interrogations
23:42à la porte du bureau.
23:43Mais en fait, ça ne se passe pas comme ça.
23:45Donc en fait, en tant que dirigeant,
23:46une posture manageriale d'écoute,
23:47c'est aussi accepter que les équipes
23:49sont préoccupées par ce genre de sujet
23:52et puis aller les écouter.
23:53Parce que partager des convictions fortes,
23:57ça ne suffit pas à créer l'adhésion
23:59chez un manager.
24:01Il faut être...
24:02C'est du chaque instant.
24:03Je pense que c'est plutôt
24:04une éthique de tous les jours
24:07que quelque chose
24:10qu'on peut borner dans le temps.
24:14Et je pense que c'est une des erreurs
24:16peut-être qu'on a faites.
24:19Alors, les moments forts,
24:20c'est super important,
24:22mais la transformation de modèles
24:25que les sujets écologiques,
24:26géopolitiques, politiques, sociaux
24:28sont en train de nous...
24:29Ces questions qui sont en train
24:32de nous être posées,
24:33ça va en fait,
24:34ça va transformer la société
24:35sur des années.
24:36Donc ça nous impose,
24:38en fait, c'est du long terme.
24:41Donc croire qu'il y a une baguette magique,
24:42on va réussir à trouver le workshop,
24:44l'atelier qui va trouver la solution.
24:47En fait, ça permet d'accélérer
24:49des prises de conscience,
24:50ça permet d'accélérer
24:51des moments, des relations.
24:54Mais finalement, je pense
24:55qu'il faut tous rentrer
24:55dans un état d'esprit.
24:57On se dit que ça va être
24:58un changement au long cours
24:59et du coup, se demander
25:00comment chaque jour, en fait,
25:01on peut essayer d'incarner
25:03cette posture-là.
25:04En préparant cette émission,
25:06je vous ai demandé des anecdotes,
25:07comme j'ai l'habitude
25:08de le faire avec mes invités,
25:09parce qu'ici, on aime le concret.
25:10Et vous m'avez parlé
25:11d'un dirigeant qui redoutait
25:13de s'exposer devant ses équipes.
25:14Est-ce que vous pouvez
25:17m'en dire plus ?
25:17Avec cet exemple,
25:18on va vraiment toucher
25:19quelque chose de super important,
25:23en fait, dans la manière
25:24dont un dirigeant peut s'appuyer
25:27sur ses équipes.
25:29C'était un dirigeant
25:29dans le secteur du bois.
25:32Et en fait, il me disait,
25:33moi, je fais de l'import-export
25:36de bois.
25:38Et on pourrait se dire
25:38que c'est légitime,
25:39parce qu'aujourd'hui,
25:39dans l'architecture,
25:40la construction de bois,
25:41c'est quand même un des vecteurs
25:42de transformation de l'industrie
25:44de l'architecture et du BTP,
25:47qui est vraiment vu
25:47comme un débouché
25:49qui est pertinent.
25:50Il me disait,
25:50moi, je suis embêté
25:51parce que finalement,
25:52avec les calculs de l'ADEME,
25:54je ne sais pas
25:54si ma solution,
25:56elle est vraiment vertueuse
25:57ou pas.
25:58Et à un moment,
25:58je lui ai dit,
25:59mais pourquoi tu ne vas pas voir
26:00tes salariés ?
26:02Et tu leur demandes,
26:03en fait,
26:04ce qu'ils en pensent,
26:04ce qu'ils en pensent
26:05c'est la manière
26:06dont eux,
26:06ils perçoivent
26:07cette difficulté
26:08d'envisager la transition
26:11de son entreprise.
26:12Et là,
26:13il m'a dit,
26:13mais je n'ose pas
26:14m'exposer devant mes salariés
26:15et leur montrer mes doutes.
26:18Et en fait,
26:19on avait typiquement
26:20la situation
26:21d'un dirigeant
26:22qui, en fait,
26:23lui-même était traversé
26:24par ces questionnements.
26:26Est-ce que vraiment
26:27je contribue positivement
26:29à mon industrie ?
26:30Comment je fais
26:31pour appréhender
26:32toutes les normes
26:33comptables de bilan carbone
26:35qui, en fait,
26:36en tant que dirigeant,
26:37l'agenda est déjà bien rempli
26:39et donc aujourd'hui,
26:40elle s'ajoute aussi
26:41à l'agenda
26:41et il était, en fait,
26:43préoccupé
26:44par ces sujets-là.
26:47Mais en fait,
26:47ce qui faisait
26:47qu'il n'en parlait pas
26:48à ses salariés,
26:49c'est parce qu'il avait peur
26:49de s'exposer
26:50et de montrer une vulnérabilité.
26:52Et en fait,
26:52c'est presque le plus important
26:54et le conseil numéro un
26:56des dirigeants,
26:56c'est de se dire,
26:57en fait,
26:57c'est normal
26:58d'avoir ces vulnérabilités,
26:59c'est normal
27:00d'être traversé
27:01par ces doutes
27:02et la meilleure manière
27:03d'aller créer l'engagement
27:04dans ces équipes,
27:06c'est aussi
27:06d'être capable
27:07de l'exprimer
27:08et souvent,
27:09quand on ouvre la porte
27:10à ça,
27:10en fait,
27:11les personnes
27:12et le reste de l'entreprise
27:13vont vouloir y contribuer
27:14parce qu'en fait,
27:14les questions
27:15qui sont traversées
27:15par ce dirigeant
27:16qui ne savait pas trop
27:17par quel bout
27:17prendre le sujet,
27:19elles sont aussi ressenties
27:21par le reste de l'entreprise
27:21et donc,
27:23j'ai peur de m'exposer
27:24devant mes salariés.
27:25Avec les pièces comptées,
27:26c'est...
27:27Il faut aller au-delà
27:28de sa peur
27:28et en effet,
27:29c'est un peu
27:30une mise en déséquilibre
27:33mais finalement,
27:33moi,
27:33ce que j'ai vu,
27:34c'est comme quand
27:34à mon niveau,
27:35jeune consultant,
27:37je suis allé voir
27:37des dirigeants
27:37leur disant
27:38j'aimerais mener
27:40des initiatives
27:40et construire nos bureaux.
27:42Cette mise en mouvement,
27:42moi,
27:43elle a changé ma vie
27:43et je pense que
27:44tout dirigeant
27:45qui a cette espèce
27:46de peur
27:46mais cet intérêt
27:47sur les sujets sociétaux
27:48devrait se dire
27:48je vais aller accepter
27:50ce petit déséquilibre
27:51et moi,
27:51je suis persuadé
27:52qu'en fait,
27:52derrière,
27:53il en sortira quelque chose
27:54qui créera de la confiance
27:56et qui créera l'engagement
27:57au sein de l'entreprise.
27:58Tu peux avoir peur
27:58de l'inconfort.
27:59Exactement.
28:00Merci beaucoup,
28:01Quentin.
28:01C'est déjà la fin.
28:02Merci, Alix.
28:03Merci,
28:03Quentin Mordet
28:04d'avoir partagé
28:05avec nous votre vision.
28:07Quant à moi,
28:07je vous dis
28:08à la semaine prochaine
28:08pour un nouvel épisode.

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