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Jeudi 21 novembre 2024, MANAGER L'ODYSSÉE reçoit Richard Strul (Fondateur, RESONEO)

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00:00Bienvenue dans Manager l'Odyssée, un tête-à-tête de 28 minutes dans le quotidien d'un manager
00:14sur BeSmart for Change.
00:16Devenir un bon manager ne s'improvise pas.
00:19Aujourd'hui, j'ai le plaisir d'accueillir Richard Struhl, fondateur de Réseau Néo.
00:25Réseau Néo est une agence de marketing digital spécialisée dans l'accompagnement des entreprises
00:31dans leur transformation numérique.
00:33La devise de Richard, on ne réussit pas tout seul.
00:37Affirmation fondée ou galvaudée, c'est ce qu'on va voir.
00:46Bonjour Richard.
00:47Bonjour Alex.
00:48Merci d'avoir répondu présent.
00:50J'aimerais qu'on commence par une anecdote que vous m'avez partagée Richard.
00:54Vous m'avez raconté qu'une séance de coaching a été un véritable tournant dans votre manière de prioriser les choses.
01:02Qu'est-ce qui a fait cliquer ce jour-là ?
01:04Ce qui a fait cliquer ce jour-là, j'ai à peu près 30 ans, je prends la direction marketing d'une boîte dans le secteur financier
01:11qui est une grosse boîte internationale, il y a beaucoup de monde là-dedans.
01:14Ils ont l'intelligence de penser que je suis un petit peu jeune et que peut-être il me faut du coaching.
01:17Donc, ils me mettent un coach qui est un monsieur allemand qui a débarqué dans mon bureau et qui m'avait dit
01:22j'ai fait contrôle A avec ma boîte mail et puis il m'a dit maintenant tu fais dix lettres.
01:28Alors j'ai fait dix lettres, j'ai eu quand même des gouttes de sueur parce que je me souviens qu'il y avait 768 e-mails dans ma boîte
01:35et je me suis dit je vais virer des tas de trucs vraiment importants, je n'étais pas dans la boîte depuis longtemps,
01:41j'étais même encore en période d'essai et puis je l'ai fait quand même puisque c'est le coach et que le coach il avait dit qu'il fallait faire comme ça.
01:49J'ai viré tous mes mails, il m'a dit tu vas voir, il n'y a que cinq gouttes de personnes qui ont vraiment besoin de toi là-dedans
01:54et les autres mails ça ne servait à rien et il avait raison.
01:57Malgré tout, ces cinq personnes ont disparu, qu'est-ce qu'on en fait ?
02:01En fait, il m'a dit il y a tous les gens qui se couvrent politiquement, on t'a envoyé une copie du mail,
02:06tous les gens qui n'ont besoin de rien en réalité, tous les gens qui ne veulent pas ton avis mais comme politiquement il faut être couvert,
02:12ils t'envoient etc. etc. Il m'a listé toute la typologie de mails qui ne servaient à rien.
02:17Je déconseille peut-être aux gens de faire ça aujourd'hui parce que si on fait contre la dilette dans sa boîte mail aujourd'hui,
02:22on supprime sa facture EDF, on supprime sa facture de fournisseur etc.
02:26Mais à l'époque, on pouvait faire ça et effectivement, il avait raison.
02:30Il m'a dit tu vas voir, ceux qui ont vraiment besoin de toi, ils vont te ressoliciter et ça a fonctionné.
02:35Et en quoi ça a chamboulé votre vision du management ?
02:38Ça a changé ma vision, pas du management mais dans les grosses entreprises comme ça,
02:42j'ai passé du temps dans des gros groupes, j'ai passé du temps dans des boîtes de 250-300 personnes
02:48et j'ai passé pas mal de temps dans les startups puisque j'en ai monté.
02:51Et en fait, quand il y a beaucoup d'interactions, beaucoup de monde avec du management matriciel,
02:56vous avez un patron qui est international, puis un patron local, etc.
03:01Il y a beaucoup de gens qui demandent beaucoup de choses, pas toujours pour de bonnes raisons et pas toujours pour les mêmes raisons.
03:07Et tout est important et on se rend compte que finalement, tout n'est peut-être pas si important que ça.
03:12Donc ça m'a fait tilter sur la notion de ce qui était important, ce qui était vital, ce qui n'était pas vital et ce dont on se foutait complètement.
03:21Mais à ne pas forcément reproduire pour ce qu'on a l'air d'avoir.
03:24Oui, je ne conseille pas de le faire systématiquement mais voilà.
03:27Donc vous l'avez dit, avant Réseau Néo, vous avez eu d'autres expériences formatrices comme cette rencontre avec ce monsieur allemand.
03:34Est-ce que des managers, d'autres mentors vous ont marqué ?
03:41Et si oui, pourquoi ? Lesquels et pourquoi ?
03:44Je dirais qu'il y en a un essentiellement, dans la même boîte où il y a eu le monsieur allemand.
03:49Est-ce qu'on peut la nommer cette boîte ?
03:50Oui, c'était Dow Jones.
03:53Donc en fait, quand j'ai débarqué là-dedans, la boîte avait été rachetée, ça se restructurait, etc.
04:01Et puis, on m'a parachuté des tas de segments de marché auxquels je ne connaissais pas forcément grand-chose à ce moment-là.
04:08Et on m'a dit, ça aussi ça a été extrêmement formateur, on m'a dit là, il y a la grande rencontre européenne,
04:15tous les managers de tous les pays ramènent l'état du marketing dans leur pays.
04:19Donc vas-y, il te reste 72 heures, il faut un état des lieux de tous nos marchés.
04:26Et là, j'ai commencé à regarder ce qu'il y avait comme données disponibles, comme équipes disponibles parce que je venais d'arriver.
04:32Et je me suis rendu compte qu'en fait, même en pondant pour chaque marché 50 pages,
04:37je n'étais pas exhaustif, je n'étais pas précis, ce n'était pas complet, il manquait des choses, les datas n'étaient pas comparables, etc.
04:44Et sur le coup, je me suis dit, ben là, ça ne va pas le faire, je vais rendre quelque chose qui est incohérent.
04:49J'ai rendu, je ne sais plus, j'ai dû rendre 110 ou 120 pages qui, moi, me paraissaient très imparfaites.
04:56Au bout de, presque en arrivant sur l'objectif, il m'a dit, ce n'est pas grave, ce ne sera pas parfait, mais go.
05:03Et quand je suis arrivé sur la grande réunion intergalactique mondiale, les autres pays avaient 2 pages, 4 pages, 5 pages.
05:11Donc, en fait, je me suis rendu compte qu'on pouvait tolérer qu'un résultat ne soit pas parfait, du moins qu'il remplissait l'objectif.
05:19Et ça m'a, ça m'a fait réfléchir au fait que la forme avait autant d'importance que le fond,
05:28ce qui est particulièrement vrai dans des métiers comme le marketing qui sont mon quotidien.
05:33Ça m'a fait réfléchir sur le seuil de tolérance qu'on a par rapport à ce qui n'est pas parfait.
05:37Ça m'a fait réfléchir aux rations entre l'énergie qu'on engage pour produire un résultat et la qualité du résultat en question.
05:45Où est-ce qu'on est en surqualité?
05:48Où est-ce qu'on commence à grignoter sur le temps humain et l'énergie humaine plus que nécessaire pour produire un résultat?
05:55Donc, ça m'a fait réfléchir à beaucoup de sujets comme ça.
05:57Mais j'avais, j'avais 30, 35 balais et je pense que c'était une réflexion qui était utile à ce moment là.
06:03Plus globalement et plus, peut être plus intimement.
06:06Est ce que vous pensez que votre trajectoire personnelle influe votre management?
06:11C'est une évidence alors pour s'en rentrer dans les détails et raconter cosettes.
06:15Mais moi, j'ai été soutien de famille à 15, 16 ans.
06:19Donc, j'ai commencé à travailler à 15, 16 ans.
06:21J'ai fait des tas d'études en cours du soir.
06:22Mais si les études ont des intelligences, je serais au courant de mes temps.
06:25Soutien de famille, qu'est ce que c'est?
06:27Père, mère, frère, soeur.
06:28Enfin, j'étais obligé de nourrir tout le monde globalement.
06:31Je la fais courte, c'est un peu.
06:34Mais ça fait que j'ai travaillé très tôt.
06:35Déjà, pour commencer, je me suis retrouvé à la suite de concours de circonstances sur un poste de direction à 23 ans, 23, 24 ans, sans avoir fait d'école de commerce, d'études, etc.
06:50Donc, ce qui est sûr, c'est que ça a changé ma façon de voir le management parce qu'on ne m'a pas appris la méthode Six Sigma.
06:56On ne m'a pas appris l'organisation comme on l'apprend dans les écoles de commerce.
06:59Il y a des tas de choses dont je n'ai pas appris le substrat théorique.
07:03Je me suis juste trouvé, je me suis juste trouvé confronté à une situation et en me disant ben voilà, là, t'as des mecs, t'as un travail à faire.
07:12Qu'est ce que tu fais pour que ça fonctionne?
07:14Donc, ça change forcément l'approche quand il n'y a pas de théorie à la base.
07:18Et puis, j'en ai vu passer plein des théories depuis le temps.
07:21Mais ça change l'approche du management.
07:25Ça change aussi la façon de voir les gens et le monde.
07:30Et après, moi, quelque chose qui influe beaucoup sur ma façon de voir le monde et le management, c'est que déjà, quand j'étais tout petit comme ça, quand c'était la rentrée des classes à l'école, j'étais content parce que j'allais voir de nouvelles personnes.
07:43Quand j'ai monté des entreprises ou même quand je suis rentré dans des entreprises, j'étais content parce que j'allais voir de nouvelles personnes.
07:50En fait, ce qui m'intéresse le plus, c'est de faire société.
07:53Faire du fric, c'est très bien.
07:54Ça marche.
07:55Si ça marche, tant mieux.
07:56Pour l'instant, ça n'a pas trop mal fonctionné, mais ce n'est pas le nerf de la guerre.
08:00C'était de voir de nouvelles personnes et de créer de nouvelles relations.
08:04Et en fait, quand votre base de fonctionnement, c'est ça, vous ne construisez pas la même chose que quand votre base de fonctionnement, c'est de générer de l'EBITDA.
08:13Vous diriez que le management aujourd'hui pour vous, c'est une extension de votre identité ou est-ce que c'est un rôle distinct ?
08:21Non, ce n'est pas un rôle distinct.
08:22Il y a un truc qui m'a frappé, c'est que quand j'ai fait tout plein de formations, je fais de la sociologie, de tout ce qu'on veut.
08:31Et donc, quand j'ai monté Raisonnéo, il y a 20 ans, pile poil, le 26 septembre, on a eu 20 ans.
08:37J'ai fait exactement tout ce qu'on m'a dit qu'il ne fallait pas faire en management pendant toutes les années qui ont précédé.
08:44Il y a forcément des ratés dans le lot.
08:47Il y a forcément des ratés, mais j'ai tendance à considérer qu'une boîte qui marche bien, dans toutes les boîtes, tout le monde fait des erreurs.
08:54Sauf moi, puisque je suis le chef, mais tout le monde fait des erreurs.
08:59Et en fait, si vous avez une boîte où il y a moins de trucs faux que de trucs qui marchent bien, alors la boîte avance et elle fonctionne.
09:06Et pour moi, gérer une boîte, ça va faire bondir tous les gens qui sont spécialistes de l'optimisation.
09:12Mais pour moi, une boîte, elle fonctionne comme ça.
09:15Il y a une partie d'erreur, d'apprentissage et ses erreurs, c'est à dire qu'on teste des trucs et puis des fois, il y a des trucs qui ne marchent pas.
09:22Et puis, si globalement, il y a plus de trucs qui marchent que de trucs qui ne marchent pas, ça fait une belle boîte.
09:28En 2004, vous avez lancé Raisonnéo sur une échelle de 1 à 10.
09:33A quel point étiez-vous confiant ?
09:36Sur une échelle de 1 à 10, j'ai monté Raisonnéo totalement par hasard, vraiment par hasard.
09:44C'est à dire que je cherchais un job dans le web, un job de DG.
09:48J'ai vu des tas de chasseurs qui m'ont dit écoute, c'est intéressant ce que tu racontes, mais on n'a pas de job de DG sous la main pour l'instant.
09:56Et puis, il y en a qui m'ont demandé de le faire en consulting parce que ce que je racontais semblait leur parler.
10:00Et je parlais déjà de transformation numérique globale, pas juste d'un sujet ou d'un autre.
10:06Et donc, au bout d'un mois, j'avais signé 200 000 euros de chiffre d'affaires dont je ne savais pas quoi faire.
10:12Je ne savais pas les livrer.
10:14Et j'ai repris langue avec mes anciennes équipes chez The Bank Egg, qui était la boîte où je travaillais avant cet épisode-là.
10:25Et il y en avait qui avaient dit si tu montes un business, on viendra.
10:28Et puis, ils sont venus.
10:28Et donc, la première année, en se mettant tous en réseau, on a fait presque un million d'euros de chiffre d'affaires sans bureau, sans rien du tout, sans structure.
10:38Donc, au début, est-ce que j'étais confiant ?
10:40En fait, je ne me suis pas posé la question du tout.
10:44Je suis fils d'un entrepreneur qui s'est planté à un moment donné et ça posait de grosses difficultés à toute la famille.
10:51Et moi, ma vocation, c'était de surtout ne pas reproduire le modèle.
10:55Donc, si j'avais une inquiétude, c'était celle-là.
11:00Non, pas plus que ça.
11:01Parce qu'en fait, quand j'ai fait beaucoup de sports où on vole et quand vous volez, il y a un moment où vous vous lancez et puis après, vous pilotez votre vol.
11:10Mais si vous êtes en panique tout le temps, vous n'y arriverez pas.
11:14Il y a Donald O'Connor, je ne sais pas si ça va peut-être parler à pas grand monde, dans le film Chantons sous la pluie.
11:20Il fait un truc extraordinaire où il monte sur le mur deux fois.
11:23Et il fait un saut périlleux où il retombe sur ses pattes.
11:27Et la troisième fois, il passe au travers d'un décor qui a été placé là opportunément.
11:31Il passe au travers du mur et il racontait que ça paraît très facile quand on voit le film.
11:37Mais dans la réalité, il n'avait qu'une panique, c'était de se planter.
11:40Il a été pourtant excellent acrobate.
11:43Il a fait venir son frère pour le rassurer parce que sinon, il pensait qu'il n'y arriverait pas.
11:48Et il disait si jamais quand vous êtes en l'air, vous pensez que vous n'êtes pas sûr de retomber.
11:53Vous vous cassez le coup, c'est sûr.
11:55Donc une fois qu'on est parti, je me souviens juste les deux anecdotes que je peux raconter là-dessus.
12:01C'est qu'au bout de six mois, en regardant derrière moi et en voyant le volume de chiffres, l'attraction commerciale, le fait que ça semblait bien fonctionner, etc.
12:10Je me suis dit de toute façon, même si tu te plantes maintenant, t'as l'équivalent de deux ans d'ascétique devant toi.
12:16Donc, ce n'est pas la panique.
12:18Et la deuxième chose, c'est que quand vous demandiez si les choses étaient très interpénétrées entre la trajectoire personnelle et la vision de la gestion d'une entreprise.
12:30Vous savez quand on a, je ne sais pas si vous avez fait un peu de graphologie, mais en fait, on a tous une signature qui ressemble à celle de ses parents au départ.
12:38Et ma signature était comme celle de mon père et avec un retour en arrière.
12:42Et quand vous avez un retour en arrière à la fin d'une signature en général, c'est parce qu'il y a un truc que vous n'arrivez pas à franchir.
12:48Et au bout de trois, quatre semaines de raisonnéo, ma signature s'est tronquée.
12:52En fait, j'avais, ça partait et puis ça ne revenait plus en arrière.
12:55Et sur le coup, je me suis dit c'est parce que c'est le début d'une boîte.
12:58Tu signes beaucoup de papiers, tu signes beaucoup de chèques, tu signes.
13:01Et puis après, j'ai réfléchi qu'en fait, le frein, s'il y avait eu un frein, il était parti.
13:05Vous parlez, parce qu'on parle de management, quand on a préparé l'émission, vous m'avez parlé d'une gestion axée sur l'humain.
13:12Mais concrètement, qu'est ce que ça veut dire ?
13:14Déjà, ça veut dire qu'on considère les gens comme des adultes.
13:17Ça veut dire que les gens arrivent quand ils veulent, partent quand ils veulent.
13:21Après, ce que je demande, c'est que celui qui arrive à 10h30, il ne parte pas à 16h30.
13:26Mais je considère que globalement, il y a beaucoup moins d'arnaqueurs que ce qu'on pense et que les gens respectent le deal.
13:32Ça a été particulièrement important au moment du Covid et de l'avènement du télétravail.
13:38Moi, il y a des choses qui me gênent dans le télétravail, c'est de ne pas voir les gens et de ne pas pouvoir échanger avec eux, parce que moi, j'aime bien ça.
13:44Mais en revanche, le fait de ne pas faire confiance aux gens ne faisait pas partie de mes limitations.
13:52Les limitations pour moi, c'est que je pense que les gens ont besoin d'échanger et de se voir.
13:57Donc, c'est pour ça qu'on n'est pas parti sur le full télétravail ou seulement de façon marginale.
14:02En revanche, faire confiance aux gens, c'est le départ.
14:06Si vous faites confiance à quelqu'un, globalement, il vous le rendra.
14:09Ça, c'est une première conviction.
14:11La seconde, c'est que je le disais en entretien d'embauche.
14:15Maintenant, je ne fais plus tous les entretiens d'embauche, on est une centaine.
14:18C'est que je disais en entretien que je n'embaucherai pas quelqu'un que je n'inviterai pas à bouffer chez moi.
14:25Et ça reste vrai.
14:26C'est ce que vous dites pendant les entretiens ?
14:29Bien sûr, ça reste vrai parce qu'on voit plus les bobines des gens avec qui on travaille.
14:33Ça veut dire quoi ? C'est dire qu'il y a une dimension copain ?
14:37Pas forcément. Vous embrassez pas sur la bouche tous les gens avec qui vous bossez au quotidien.
14:41Les gens que j'invite chez moi sont plutôt des amis.
14:42Mais il y a une dimension relationnelle.
14:45Les gens que vous n'inviteriez pas à manger chez vous,
14:47c'est ceux dont vous pensez qu'ils ont des valeurs qui ne correspondent pas à ce que vous avez envie de partager et de vivre.
14:55Donc pour moi, le truc le plus important, c'est qu'on partage à peu près les mêmes valeurs.
14:59Et d'ailleurs, on l'évoquait en préalable, j'ai fait un podcast il y a sept ans où je racontais ce genre de choses.
15:07Et j'ai encore des candidats qui viennent aujourd'hui en me disant si c'est les valeurs que vous vivez vraiment,
15:12alors on a envie de venir travailler ici.
15:14Et alors, ils ne sont pas déçus ?
15:15Pour l'instant, ils ne sont pas déçus. Dans l'ensemble, ils ne sont pas déçus.
15:18Et mon autre conviction, c'est que quand on développe les choses de façon un peu organique comme ça,
15:23c'est un peu comme quand vous faites de la poterie.
15:26Ça y est, il y a d'angostes là.
15:27Quand vous faites de la poterie, le tour, il éjecte la terre qui n'est pas bien agglomérée au reste.
15:34Et en fait, je l'ai constaté dans d'autres organisations, y compris maintenant que je suis Business Angel,
15:39je vois bien comment s'organisent les fonds, etc.
15:43Si vous avez des gens qui ne sont pas dans l'état d'esprit global, en général, ils ne restent pas ou peu ou pas longtemps.
15:48Et c'est quoi l'état d'esprit global justement chez Raisonnéo, la culture d'entreprise ?
15:52Je pense que la culture d'entreprise, on est très peu hiérarchique, on a une structure très plate.
15:56En fait, quand j'ai lancé Raisonnéo, je voulais éviter deux choses.
16:00Je voulais éviter toutes les luttes fratricides et les réunions de nature politique.
16:06Si vous avez le commerce qui y est, alors le marketing doit y être.
16:10Dans le digital, oui, mais le marketing gère le web, mais c'est quand même un truc technique.
16:13Il faut que la technique y soit.
16:15Donc, on arrive à avoir des réunions qui n'ont ni queue ni tête avec des tas de gens qui n'ont rien à faire là,
16:19juste parce que politiquement, ça construit leur position.
16:22Donc, je ne voulais pas de ça.
16:24Je ne voulais pas de baronie pour en avoir vécu dans le tas de boîtes avant.
16:27Mais il y a des leaders, il y a des chefs de service.
16:29Quand on a monté la boîte, on était quatre associés et tout le monde était consultant.
16:33Aujourd'hui, il n'y a pas de problème.
16:35Aujourd'hui, en essence, je n'ai pas de directeur marketing, je n'ai pas vraiment de DRH.
16:40On a très peu de fonctions support.
16:44On a une anomalie, c'est qu'on n'a pas de commerciaux.
16:48On a des commerciaux qui gèrent de l'entrant, mais on n'a pas de prospection.
16:52Ça aussi, ça change la donne à l'intérieur d'une entreprise.
16:54Parce que pour avoir géré des grosses équipes de commerciaux,
16:57vous n'avez pas de profils qui ne sont axés que sur le résultat de la fin d'année
17:00et qui vous disent le 23 décembre qu'ils ne peuvent pas signer ce client-là
17:03parce que leur bonus ne redémarre qu'après le 1er janvier.
17:08Vous n'avez pas ce type de population-là.
17:10Chez nous, il n'y a pas de variable.
17:11Parce que je considère qu'il faut que les gens aient envie de participer à la réussite du résultat collectif,
17:18pas qu'ils le fassent pour avoir 100 balles de plus à la fin du mois.
17:22Ça ne veut pas dire que je méprise l'argent et ayant été soutien de famille,
17:26je suis bien pressé pour savoir l'importance que peut prendre l'argent dans certains contextes.
17:30Mais je pense que l'envie de participer à un résultat collectif,
17:35c'est ce qui fait aussi que je me suis senti bien dans le monde des startups,
17:39pour moi, elle est plus importante que le fait de savoir si on a atteint ses bonus.
17:44D'ailleurs, il y a un cadre.
17:47Mais quand vous regardez le cadre dans certaines entreprises extrêmement structurées,
17:55où vous avez des objectifs qui sont définis au cordeau,
17:58chez nous, il n'y a pas vraiment ça.
18:00Pour être très honnête, à chaque fois qu'on fait un grand meeting intergalactique,
18:05tous ensemble, pour définir la stratégie de l'année d'après...
18:07C'est comme ça que vous les appelez quand il y a tout le monde ?
18:08Oui.
18:10À chaque fois, on me dit qu'il faut que tu donnes des objectifs.
18:14Alors, je donne un objectif et je m'en fous.
18:19Moi, le seul objectif que j'ai, c'est qu'on vive tous bien à l'intérieur de l'entreprise.
18:24Donc, je sais, parce que j'ai quand même une vision des ratios économiques du secteur,
18:29que si on fait tel pourcentage de croissance,
18:32ça nous permet de conserver notre liberté d'action.
18:35Parce que pour moi, c'est la motivation la plus importante.
18:39Je sais que si on est suffisamment rentable,
18:42on peut embaucher correctement, ne pas surpresser les gens.
18:47C'est un des paramètres importants de l'ambiance de la boutique.
18:52C'est que, contrairement à un certain nombre de boîtes de ce secteur-là,
18:57on ne met pas de surpression sur les gens.
18:58Si vous venez chez nous, avant 9h30, il n'y a pas grand monde.
19:03Et après 18h30, il n'y a pas grand monde dans les bureaux.
19:05Mais en termes de valeur, qu'est-ce qui est non négociable ?
19:09La bienveillance, ce n'est pas négociable.
19:12Pas au sens théorique du terme.
19:14La vraie bienveillance, le fait de stolérer que quelqu'un peut se planter.
19:17J'ai coutume de dire, et c'est vrai même pour mes associés.
19:21Ça aussi, c'est un peu anomaliaque.
19:22Le comité d'érection de Raisonnéau, ils sont tous associés maintenant.
19:26La plupart travaillent avec moi depuis 25 ans ou depuis 20 ans.
19:31Et comme on n'est tous pas parfaits, il y a des tas de trucs qu'on ne sait pas faire.
19:37Surtout moi.
19:38J'ai embauché des gens plus intelligents que moi,
19:40parce que sinon, ça aurait été compliqué de faire une boîte.
19:43Mais on sait tous ce que l'autre ne sait pas faire
19:45et on est tous capables de tolérer ce que l'autre ne sait pas faire.
19:48Ça ne veut pas dire que quand quelqu'un fait une grosse connerie,
19:52on ne lui colle pas un avertot ou on ne lui explique pas
19:55que ce n'est pas comme ça qu'il faut travailler.
19:57Mais ce n'est pas la base du fonctionnement de la boîte.
20:02Il y a une forme de tolérance qui, pour moi, est vitale
20:05parce que les gens ne sont pas parfaits.
20:07Ça ne veut pas dire qu'on peut faire n'importe quoi.
20:09Je n'aime pas l'expression, mais je trouve qu'elle est parlante.
20:11Ce n'est pas la fête du slip.
20:12Mais c'est important de tolérer que les gens ne puissent pas être parfaits.
20:19Avec la digitalisation croissante, puisque c'est le cœur de votre activité,
20:24comment est-ce que vous veillez à ce que Raisonno ne perde pas son âme ?
20:28Alors ça, c'est une vraie question.
20:32Je peux donner des éléments de réponse.
20:34Ça vous inquiète ?
20:36Oui, ça m'a inquiété beaucoup post-Covid.
20:39Ça m'a inquiété beaucoup post-Covid.
20:40Pourquoi ?
20:42Parce que quand vous ne voyez pas les gens…
20:44Une des choses que j'avais faites, par exemple,
20:46on a mis un truc qui s'appelle Zest dans l'entreprise,
20:50qui était un espèce d'outil technologique qui nous permettait d'avoir un baromètre
20:55sur la façon dont les gens se sentaient.
20:58Parce que moi, ce dont j'avais la trouille,
21:00mais pas parce que j'avais peur d'aller en taule,
21:02mais parce que je suis attaché aux gens,
21:04je vis ma boîte comme une famille parce que je suis câblé comme ça,
21:07c'était que quelqu'un qui soit tout seul chez soi
21:10ne se sente pas très bien chez soi avec le confinement et tout ça,
21:15et qu'on ne s'en rende pas compte,
21:16et qu'il pète les plombs avant qu'on puisse s'en rendre compte.
21:18Donc, on a mis cette espèce d'outil qui était destiné à avoir une espèce de baromètre.
21:24Donc ça, c'est un premier point.
21:26Et le second, c'est comment vous créez du lien,
21:28surtout avec les nouveaux entrants.
21:30En plus, avec la Gen Z, je sais que c'est caricatural,
21:33mais comment vous créez du lien avec les gens
21:36quand vous onboardez quelqu'un qui arrive pendant une période de full télétravail,
21:42le Covid,
21:43donc il n'a jamais vu personne, il ne connaît pas les gens,
21:45il a vu des gens qu'en visio,
21:46on n'a pas le même rapport en visio qu'en réel,
21:50ça me semblait assez compliqué.
21:52Nous, une des choses qu'on avait faites,
21:53comme moi je suis musicien à un côté,
21:55c'est que pendant un temps, on a monté des bœufs au bureau,
21:57on a monté des jam sessions au bureau,
22:00et on arrivait à faire jouer 15, 18 personnes
22:03qui n'ont pas les mêmes niveaux,
22:04qui n'ont pas les mêmes instruments,
22:05qui n'ont pas les mêmes motivations,
22:07mais vous passez une soirée à jouer de la musique avec des gens.
22:09C'est d'accord, entre des sessions de télétravail pour quelqu'un,
22:11pour que tout le monde se retrouve ?
22:12Pendant le Covid, on a réussi à faire des vidéos musicales,
22:16comme ça, à plusieurs.
22:18Il y en a une où il y avait 30 ou 40 personnes qui ont participé,
22:21y compris avec leurs gosses.
22:22Je passe sur les détails techniques du comment on fait,
22:26mais ça a permis de créer du lien là où il n'y en avait plus.
22:29Et pour moi, c'était un truc primordial.
22:32Après, franchement, je ne suis pas sûr de détenir une pierre philosophale là-dessus,
22:37mais j'ai l'impression que si vous arrivez à créer un état d'esprit
22:41où vous avez des groupes de gens qui ont envie de se voir,
22:44même quand ce n'est pas pour bosser,
22:47vous avez déjà gagné quelque chose.
22:48Nous, on a, alors je sais que c'est la grande mode dans les agences et les machins,
22:52mais il y a un bar qui n'est pas très loin de Raisonnéau,
22:56je sais que, alors je crois que c'est le jeudi,
22:59où ils se retrouvent.
23:00Oui, le traditionnel after-work du jeudi.
23:02Et où c'est interéquipe, parce que ça n'a l'air de rien,
23:04mais quand vous n'êtes pas sur le même plateau,
23:05vous vous voyez moins que quand vous êtes assis à côté de la personne.
23:08Mais malgré tout, c'est suffisant pour faire valer ?
23:10Je ne suis pas sûr que ce soit suffisant.
23:11Alors, on fait une fois par an, on fait un séminaire où on embarque tout le monde,
23:17où on travaille très, très peu parce que je m'en fous qu'on travaille.
23:19Ce qui m'intéresse, c'est que les gens aient du temps à partager ensemble
23:23parce que quand vous avez joué à la pétanque avec quelqu'un
23:27pour lequel vous n'aviez pas beaucoup d'affinités
23:29et que vous vous rendez compte que finalement, il est plutôt sympa,
23:32la prochaine fois que vous aurez quelque chose à négocier ou à discuter avec lui,
23:36vous ne lui demanderez pas de la même manière.
23:38J'ai une conviction extrêmement profonde,
23:40mais même sur la relation commerciale dans l'entreprise.
23:43Le nombre de fois où vous gagnerez un client
23:46parce qu'il trouve que vous lui ressemblez,
23:51entre guillemets, en termes de valeur et en termes de façon d'être,
23:54où vous ne perdrez pas un client
23:56parce que la relation fait que vous faites confiance aux gens.
23:59Vous comprenez qu'il y a eu une erreur,
24:01mais vous vous dites que ce n'est pas structurel.
24:03Ça change tout dans la vision de la relation dans l'entreprise et à l'extérieur.
24:09Et plus globalement, est-ce qu'il y a des domaines relatifs au management
24:13pour lesquels vous avez des inquiétudes quant à l'avenir ?
24:18Oui, je me demande vraiment comment...
24:24J'adore la chanson d'Aurèle Sade, « La terre est ronde ».
24:28Si vous vous souvenez, elle commence par « t'as besoin d'une voiture pour aller travailler »
24:33et « t'as besoin d'un travail pour gagner de l'argent,
24:36pour payer le crédit de la voiture que tu viens d'acheter ».
24:39Je pense qu'il ne faut pas que les boîtes tombent là-dedans.
24:44Raisonnéo a été basée sur le fait que l'entreprise est là pour nous nourrir.
24:52On n'est pas là pour nourrir l'entreprise.
24:53On n'est pas là pour faire vivre l'entreprise.
24:55C'est elle qui est là pour nous faire vivre.
24:56C'est une conviction profonde.
24:58Comme c'est moi le chef, j'ai le droit de le dire et j'ai le droit d'essayer de le mettre en pratique.
25:01Ce n'est jamais parfait, mais je pense que la vision du travail post-Covid-là
25:08est une vision où on essaye tous de trouver des équilibres vie privée, vie professionnelle.
25:16C'est très tâtonnant pour l'instant.
25:20Alors, je crois qu'il est paléo-anthropologue ce type-là.
25:22Pascal Picq a écrit un bouquin qui s'appelle « Les chimpanzés et le télétravail » au moment du Covid,
25:27où il expliquait qu'en fait, on a ramené tout le monde à côté des états industriels avec l'industrialisation
25:32parce que les gens ne pouvaient pas se payer tous des grosses machines.
25:35Mais finalement, avant, il y a quatre siècles, tout le monde télétravaillait.
25:38Le tailleur était chez lui, etc. Tout le monde était chez soi.
25:42Ça a changé juste le fonctionnement de la relation humaine.
25:45Je pense qu'il y a eu un changement d'équilibre entre le poids des entreprises dans la relation
25:52et le poids des individus dans la relation.
25:54Aujourd'hui, on a des candidats, nous quelquefois, qui ne viennent pas à l'entretien d'embauche.
25:57Ils ne téléphonent pas pour dire qu'ils ne viendront pas. Ils ne viennent pas.
26:00C'est un truc qui ne pouvait pas arriver avant.
26:03A contrario, il y a une espèce de loi de l'offre et de la demande.
26:12Ça, c'est une première chose.
26:13Et puis, vous avez de plus en plus de gens qui disent
26:18« Je prends un an pour aller faire un voyage en Australie. Je prends une année sabbatique. »
26:24Les motivations sont parfois diverses.
26:27Il y en a qui disent « Je voudrais aller en Australie maintenant. »
26:30Je dis l'Australie, ça pourrait être ailleurs.
26:32Parce que je pense que dans 20 ans, la planète sera foutue, autant que j'arrive à me balader maintenant.
26:36J'ai entendu aussi, et c'est même familial,
26:41« Mon grand-père a attendu la retraite toute sa vie. Il est décédé avant sa retraite. Il ne l'aura jamais vu. »
26:46Il y a des tas de motivations.
26:47J'entends aussi beaucoup de gens dire « Je ne veux pas faire de gosses parce que vu l'état de la planète qui vient,
26:52je pense que ce n'est pas la peine de leur laisser ça. »
26:56Je ne pose aucun jugement de valeur sur toutes ces positions-là.
26:59Je pense qu'on est sociétalement en train de tâtonner autour de tout ça, tous collectivement,
27:06et qu'il y a besoin de restaurer un équilibre.
27:09D'ailleurs, on s'en rend compte de ces oscillations.
27:14On voit qu'il y a des grosses entreprises, y compris du digital, c'est assez étonnant,
27:18Ubisoft, Amazon, qui reviennent sur ces histoires de travail distanciel.
27:23Le balancier va faire ça.
27:26On va être sur une oscillation amortie pour arriver à trouver un équilibre
27:30où les gens arrivent à vivre correctement et à avoir un boulot qui les satisfasse.
27:35L'autre conviction que j'ai, c'est que je me souviens que quand j'avais 25 ans,
27:43je voulais être directeur parce que je voulais avoir une voiture de fonction et beaucoup de sous.
27:48La question, c'est aujourd'hui, qu'est-ce qu'on veut vraiment ?
27:53Est-ce que ce qu'on veut, c'est rencontrer des gens ?
27:56Est-ce que ce qu'on veut, c'est apprendre des choses ?
27:58Est-ce que ce qu'on veut, c'est gagner de l'argent ?
28:00Est-ce que ce qu'on veut, c'est un mix de tout ça ?
28:04J'ai discuté avec beaucoup d'élèves d'écoles de commerce récemment,
28:07et il y a un truc qui m'a frappé sur un groupe de six.
28:10Il y en a quatre qui retournaient faire de la philo après l'école de commerce
28:13parce qu'ils avaient l'impression, à l'issue de l'école de commerce,
28:16qu'on leur avait donné un corpus de connaissances qui n'était pas nourri.
28:21Mais aucune nourriture et aucune idée de quoi faire avec ça ou aller avec ça.
28:28Et chez certains d'entre eux, c'était manifestement extrêmement anxiogène.
28:32Donc, je pense qu'on a un équilibre à trouver là-dessus.
28:34Et j'espère qu'on va le trouver suffisamment vite pour que ça ne déséquilibre pas trop.
28:41Est-ce que la structure de l'entreprise telle qu'elle est aujourd'hui, c'est encore l'idéal ?
28:46Je n'en sais rien. Mais que ça ne déséquilibre pas trop ça.
28:49Richard, c'est déjà la fin de cet entretien.
28:51C'est passé très vite.
28:53On restera sur cette interrogation en suspens.
28:57Merci beaucoup, Richard Strull, pour cette plongée dans votre univers.
29:01Et vous, chers téléspectateurs, n'oubliez pas de vous inspirer en regardant Manager l'Odyssée.
29:07A la semaine prochaine.

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