Xerfi Canal a reçu Jean-François Chanlat, professeur émérite à l’Université Paris-Dauphine PSL, professeur affilié à HEC Montréal et professeur invité à l’Université de Rennes, pour parler du travail qui est devenu un "impensé".
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Bonjour Jean-François Chandat.
00:10Bonjour Jean-Philippe Denis.
00:11Professeur émérite, Paris Dauphine, PSL, vous êtes professeur affilié à HEC Montréal,
00:15professeur invité à l'Université de Rennes, homo anthropologicus, la gestion à l'épreuve de la
00:20condition humaine, collection des grands auteurs francophones, parce que vous êtes un grand auteur
00:24francophone. Comment les organisations, les entreprises, façonnent les relations sociales,
00:31les identités et en particulier quelle interaction avec la question des symboles du langage ? Vaste
00:39question. Vous avez quatre minutes. C'est une vaste question mais oui, les organisations,
00:50les entreprises, sont des systèmes sociaux qui mettent en rapport des gens, ce que j'appelle des
00:59acteurs-sujets, c'est-à-dire que pour être d'autant plus acteurs, il faut que la subjectivité soit
01:07interpellée dans ce qu'on fait, dans son travail, dans ses activités. Je vous interromps, c'est là
01:14que c'est important, on ne parle pas d'objet, on parle bien de sujet. Absolument, et donc que
01:19l'impensée, souvent d'ailleurs, j'ai écrit un article là-dessus récemment à l'IAE de Paris,
01:25il y avait justement une journée sur cette question objet-sujet, et évidemment, on fait
01:35face à des sujets. Et d'ailleurs c'est ce qui, dans notre tradition de langue française, a distingué
01:43d'une certaine manière la perspective sociologique des organisations de Michel Crozier,
01:50où il a mis de l'avant avec raison la notion d'acteur, mais en fait, il n'y avait pas de sujet
01:56dans son acteur. Et donc la question, c'était de réintroduire le sujet dans l'acteur, et bon,
02:06la psychosociologie des organisations a beaucoup travaillé cette question-là. Évidemment, on la
02:13retrouve dans notre tradition de langue française avec beaucoup de richesse, puisqu'il y a beaucoup
02:20de travaux depuis la fin des années 50 sur ce sujet-là. Donc, pourquoi ? Parce que les
02:28organisations, les entreprises, sont la production de ces relations, de ces pratiques, pour évidemment
02:37viser l'objectif de l'action collective, parce que bien sûr, en général, elles ont été mises sur
02:45pied pour viser un objectif, elles ont une mission, et on doit mobiliser les gens pour que cette
02:52mission soit remplie le mieux possible. Voilà, c'est un peu ça. Et alors la question qui se
02:58pose aujourd'hui par rapport à l'identité, c'est qu'on voit surgir d'autres identités,
03:04c'est-à-dire qu'on avait les entités traditionnelles, métiers, des entités de classe,
03:10on était ouvrier, on était cadre, on était patron, on était que ça. On avait les identités de genre,
03:17on était homme ou femme. Mais aujourd'hui, on découvre qu'il y a des gens qui font appel à
03:24d'autres éléments de leur identité, que ce soit l'orientation sexuelle, que ce soit l'âge,
03:31puisqu'on voit bien que l'âge aujourd'hui joue un rôle. Il y a aussi l'origine ethnique,
03:37l'origine culturelle, parfois la religion, la confession religieuse, etc. C'est-à-dire qu'il y
03:45a des choses qui, à une époque, étaient un peu moins présentes, deviennent plus présentes et font
03:52débat dans les organisations. Parce que la question qui est derrière aussi tout ça,
03:58qui est une question des êtres humains, c'est que tout le monde a une identité,
04:04mais cette identité est toujours plurielle. Unitas multiplex. Elle n'est pas mono. Elle
04:12est multiple. Oui, mais la question, comme le disait De Vreux, c'est que dans certains cas,
04:18vous pouvez avoir des gens qui se définissent que par un seul élément. Et comme il le disait,
04:25lui, le père de l'ethnopsychiatrie, l'ethnopsychanalyse, si vous vous définissez
04:29que par un seul élément, vous êtes proche d'être rien. Homo anthropologicus,
04:34la gestion à l'épreuve de la condition humaine. Merci Jean-François Chandlin.
04:37Merci Jean-Philippe pour cet entretien.