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Xerfi Canal a reçu Alexis Roche, maître de conférences HDR, IAE Lyon school of management, Université Jean Moulin Lyon 3, pour parler de la reconnaissance du travail.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00Bonjour Alexis Roche. Bonjour. Alexis Roche, vous êtes maître de conférence,
00:12habilité à diriger les recherches à l'IAE Lyon School of Management, donc Université Jean Moulin
00:17Lyon III, auteur dans Management et Sciences Sociales d'un papier sur la reconnaissance.
00:23Reconnaissance au travail versus mépris et déni, reconnaître l'existence et l'évolution
00:28positive des salariés. La reconnaissance, Accès le Net, l'école de Francfort, alors est-ce que
00:35vous pouvez nous nous parler un peu de ce concept complexe et pourquoi il vous amène à traiter de
00:39déni et de mépris ? Eh bien du coup la reconnaissance c'est un concept où les professionnels comme les
00:46académiques, c'est un concept très éclaté, polysémique, avec beaucoup de définitions différentes,
00:52beaucoup d'approches différentes et moi mon but c'était justement d'essayer de clarifier un
00:56petit peu ce concept de reconnaissance et pour identifier mieux le concept je me suis dit qu'est-ce
01:01qu'on oppose à la reconnaissance ? Et j'ai lu beaucoup d'auteurs, je pratique aussi beaucoup
01:08de recherche intervention en entreprise auprès de dirigeants et donc du coup j'ai identifié un
01:12certain nombre d'éléments, le déni et le mépris, qui sont deux choses qu'on oppose traditionnellement
01:19à la reconnaissance. Le déni c'est le fait de ne pas se sentir exister, c'est-à-dire par exemple ce
01:27matin j'étais dans le métro et bien en fait les gens sont autour de nous mais on ne les calcule
01:32même plus, on ne sait même plus qu'ils sont présents, on ne les voit plus et en entreprise c'est
01:37pareil avec les dirigeants, les managers, si un dirigeant ou un manager passe dans le couloir et
01:42ne vous salue pas, ne vous dit pas bonjour, avec le codivide aussi on n'a eu, on ne fait plus la
01:47bise etc. Il y a une certaine distance qui s'est créée, ça renforce ce sentiment de déni et de ne pas
01:52être considéré. Donc ça c'est le premier niveau que j'ai opposé à ce qu'on appelle une reconnaissance
01:58de l'existence, c'est-à-dire que l'existence c'est sentir qu'on existe, sentir qu'on est vivant et pas
02:04qu'on est un objet du paysage ou qu'on est invisibilisé, ce qui est beaucoup reproché
02:08aujourd'hui, parce qu'avec le capitalisme et l'augmentation du nombre d'êtres humains qu'il y a
02:12sur cette planète, en fait on devient invisible, les gens ne vous perçoivent plus, ne savent plus
02:17qui vous êtes, ce que vous faites et donc les gens cherchent à exister dans le regard des
02:23autres. Alors ça peut être les petits pouces bleus sur internet, mais dans l'entreprise c'est déjà
02:28d'être regardé, de serrer la main, d'être considéré, d'être écouté, d'avoir une écoute
02:34active et pas une écoute superficielle, de prendre en compte les avis. Donc ça c'est le premier niveau
02:38opposé, déni, reconnaissance de l'existence. Le mépris c'est le fait d'être abaissé, d'être
02:46dévalorisé, d'être sous-estimé. Là aussi peut-être que le monde fait qu'en fait on parle de
02:54réification, c'est-à-dire on objettise les gens, ça devient des objets, des objets productifs peut-être
03:00pour l'entreprise, quand on est dans le cadre de l'entreprise, et donc ces objets productifs
03:05ils sont plus considérés réellement comme des êtres humains, et donc potentiellement on peut
03:09un petit peu les manipuler, les rabaisser, etc. Et c'est ce que j'ai un peu expliqué dans le papier.
03:14Et au regard de ce mépris, l'inverse c'est la reconnaissance de l'évolution positive de la
03:21personne, c'est-à-dire la valoriser, les félicitations, mais aussi prendre en compte
03:26ses conditions de travail, puisqu'en fait il n'y a pas que la personne qui doit être valorisée,
03:29c'est aussi ses conditions de travail. Alors peut-être, est-ce que vous pouvez nous en dire
03:32un petit peu plus sur ces deux niveaux de reconnaissance ? Alors, existence et évolution
03:37positive ? En fait, ce que j'ai découvert et que j'explique dans le papier, c'est que ces deux
03:41niveaux successifs, c'est-à-dire que les personnes, elles veulent d'abord se sentir justement vivant
03:46et exister, avant d'avoir une évolution positive, etc. C'est déjà d'exister, donc elles vont chercher
03:51à faire reconnaître cette existence, des fois en se rebellant, en étant critique, en faisant des
03:59sabotages. Vous voyez, c'est comme les enfants. Les enfants, moi j'ai une petite-fille de trois
04:04ans, pour exister, dès qu'on ne les regarde pas, ils vont faire une bêtise. Et bien, ça peut être
04:10pareil avec les salariés en entreprise. Dès qu'on ne les regarde pas, ou dès qu'ils sentent qu'ils
04:13ne sont pas considérés, ils vont faire peut-être des bêtises, du sabotage, ou lever le pied,
04:17être démotivés, voilà. Donc existence d'abord. Existence d'abord, et après le deuxième niveau,
04:23c'est la reconnaissance plutôt de l'évolution positive, c'est-à-dire des promotions, tout ce
04:29qui va faire un sentiment de progression chez la personne. Donc les promotions, les nouveaux titres,
04:33les nouvelles responsabilités, des augmentations de salaires, mais aussi, voilà, par exemple, si
04:40j'ai trois employés sous ma supervision et que demain j'en ai cinq, c'est un élément de progression.
04:45Donc on cherche la progression. C'est pour ça que dans le mépris, en fait, il y a une forme de
04:52reconnaissance. Parce qu'en fait, quand on méprise les personnes, quand on fait des critiques
04:56inconstructives, au moins elles existent, c'est le minimum. Et donc c'est pour ça que les personnes
05:00préfèrent être méprisées qu'être déniées. C'est pour ça qu'ils vont se rebeller, quitte à se faire
05:05insulter, mais on va dire créer une tension, créer un conflit, parce qu'à minima, on reconnaîtra leur
05:11existence, si on ne les reconnaît pas au moins, leur évolution, leur progression, etc. Et qu'on
05:17ne leur offre pas des perspectives de progression, que ce soit aussi sur les compétences. Par exemple,
05:21une formation, ça permet de sentir qu'on progresse, qu'on a acquis de nouveaux savoir-faire. Et donc ça,
05:27c'est valorisant pour soi et ça confirme notre existence. Et ça évite pas mal de pathologies
05:31mentales chez les gens. Pathologies qui vont créer de l'absentéisme, du turnover. Les gens vont vouloir
05:37quitter une entreprise où ils sont déniés ou méprisés. Une baisse de productivité avec des
05:42démotivations qui sont liées au fait de ne pas se sentir progresser ou de ne pas se sentir considéré.
05:46Donc c'est un impact très fort sur la productivité. Évidemment, derrière la reconnaissance se joue la
05:51paix sociale. Merci à vous. Merci beaucoup.

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