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Xerfi Canal a reçu Evelyne Rouby, Université Côte d’Azur, CNRS, GREDEG, France, pour parler des apprentissages superstitieux.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00Bonjour Évelyne Rouby. Bonjour Jean-Philippe Denis.
00:11Université Côte d'Azur, GREDEG, donc le Centre de Recherche en Droit,
00:15Économie et Gestion de l'Université Côte d'Azur. Papier publié avec Catherine Thomas
00:20dans la revue Management, arrobas, soyons mindful, consacré à la mindfulness justement.
00:26La mindfulness, pour faire très simple, c'est une capacité d'attention active en situation,
00:32tant aux signaux forts qu'aux signaux faibles, une capacité à évoluer, c'est ça être mindful.
00:36Jean-Claude Vendrame dirait « aware ». Voilà, mais scientifiquement on dit mindful.
00:40Mindful, tout à fait.
00:42On dit mindful. Ce qui est très intéressant dans votre papier, c'est les obstacles.
00:45Oui.
00:45C'est-à-dire ce qui fait que ça ne marche pas, la mindfulness. Alors est-ce que vous
00:49pouvez nous expliquer un petit peu ces trois barrières là que vous identifiez ?
00:53Alors ces barrières sont spécifiques au développement de la mindfulness collective,
00:58c'est-à-dire au passage de la mindfulness individuelle vers la mindfulness de petites
01:03équipes, de petits collectifs de travail, vers la mindfulness de l'ensemble des équipes qui,
01:07dans notre cas, ont à gérer le processus de fabrication du ciment dans le temps.
01:13Donc en fait, il y a un premier élément qui est important à noter selon nous et qui a été
01:20montré dans notre papier, c'est que pour que la mindfulness se développe au niveau individuel,
01:25la littérature finalement met en évidence un point crucial qui est une relation de
01:30récursivité entre l'apprentissage et la mindfulness, qui est un premier élément
01:34bloquant. Pour être en capacité de devenir mindful à l'échelle individuelle, il faut
01:40déjà apprendre à le devenir et pour apprendre à le devenir, il faut être mindful.
01:44Voilà. Il ne n'est pas mindful, on le devient.
01:48Je suis complètement d'accord avec vous. Donc la question qui peut se poser, si des
01:53individus ne sont pas mindful, comment peuvent-ils apprendre des autres à le devenir ? Sur ce point,
01:58la littérature est très claire, elle suggère que l'apprentissage par transfert de la mindfulness
02:04est possible via le dialogue et les nombreuses interactions. Notre cas a montré, d'une part,
02:10que cet apprentissage n'est pas automatique et d'autre part qu'il est surtout très difficile
02:15à opérer. Il est très difficile à opérer en raison de l'existence de barrières organisationnelles
02:20qui sont interreliées les unes aux autres. La première barrière est l'indépendance artificielle
02:27des tâches qui repose, dans notre exemple, sur la règle de souveraineté, la règle tacite de
02:33souveraineté des équipes pendant qu'elles ont en charge leurs huit heures de travail. Et ce,
02:38même si l'organisation reconnaît que les tâches des équipes sont interdépendantes.
02:43Donc, en fait, rien n'est fait du côté managérial pour bloquer cette règle tacite de souveraineté et
02:53mettre en place un mode managérial de continuité d'une équipe à l'autre. La deuxième barrière est
02:59l'ambiguïté sur le rôle des équipes. Ce que nous avons constaté, c'est que certains managers
03:04préfèrent penser que la conduite du four suit des règles prédéterminées dont ils ont la
03:10responsabilité et que les salariés devraient uniquement appliquer, alors que d'autres managers
03:16pensent, à l'inverse, que les salariés doivent être en capacité d'autonomie, autrement dit,
03:22être en capacité de gérer la situation ici, maintenant, en enrichissant les règles et en
03:28développant des réponses flexibles, autrement dit, des réglages qui ne sont pas prédéterminés par
03:34la hiérarchie. Cette ambiguïté est à la fois à l'échelle de l'équipe managériale, puisque les
03:43managers n'ont pas la même vision de ce qu'est le rôle des équipes, mais elle se situe aussi à
03:47l'échelle de certains managers, au niveau individuel, qui sont très ambigus, parce que,
03:52dans le même temps, ils vont à la fois reconnaître la performance des équipes flexibles et, dans le
03:57même temps, continuer à affirmer leur volonté de vraiment tout cadrer, tout décider. Enfin,
04:06et cette barrière, finalement, renforce la première autour du découpage artificiel des tâches. La
04:14troisième barrière, qui elle, est très liée à la seconde, réside dans la difficulté d'évaluer les
04:19routines de travail pertinentes. Et ça, c'est fondamental, parce que cette barrière est liée
04:25à l'ambiguïté qu'il y a dans un environnement complexe, de faire un lien clair entre les actions
04:31et leurs résultats. C'est passionnant. From individual to collective qualities of attention
04:37in dynamic work settings, c'est dans la revue Management, c'est sur la mindfulness et c'est
04:43extrêmement riche. Merci à vous, Yveline. Je vous remercie, Jean-Philippe.

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