• il y a 2 mois
Xerfi Canal a reçu Norbert Alter, professeur à sciences Po, pour parler des marchés de dupes.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00Bonjour Norbert Halter.
00:10Bonjour.
00:11Norbert Halter, professeur à Sciences Po, sociologue, sociologue de l'innovation ordinaire.
00:16Pour en finir avec le machin, les désarrois d'un consultant en management, édition
00:22EMS, qu'il faut absolument lire.
00:25Je cite un passage.
00:27« Je concevais ainsi des usines à gaz qui articulaient des données savamment collectées,
00:32des stratégies simplistes et des logiciels sophistiqués pour produire des résultats
00:36très onéreux et largement inutiles.
00:38C'était le marché du machin.
00:40» C'est un marché de dupes, le marché du machin.
00:45Un marché de dupes.
00:48Il faut contextualiser la phrase en question qui est celle d'un consultant d'un grand
00:55cabinet conseil anglo-saxon qui s'appelle Frédéric, qui n'existe pas, que j'ai inventé
01:03pour pouvoir donner de la chair et de pouvoir rendre, grâce au caractère dévergondé
01:16de son personnage, de pouvoir dire ce qui n'est pas dit dans le monde du management,
01:23c'est-à-dire pratiquer l'irrévérence, l'impertinence, mais également et surtout
01:30échapper à la novlangue du management, qui est principalement une langue qui interdit
01:37de rendre compte de la réalité des choses et d'utiliser des mots simples pour décrire
01:44la réalité.
01:45Donc, qu'est-ce que ça veut dire, ce marché du machin ?
01:49Le management est fondé sur des croyances, ce qu'on appelle une croyance, c'est une
01:59affirmation qu'on ne peut pas vérifier immédiatement, que ça concerne l'avenir d'une équipe de
02:06foot, d'une stratégie industrielle, on ne sait pas à l'avance ce que ça va devenir.
02:13On peut y croire, bien sûr.
02:15En management, c'est pareil, si on place une organisation matricielle ou transversale
02:22ou je ne sais quoi, on pense, on croit que ça peut être efficace, mais on ne peut pas
02:28en être certain au départ.
02:30Donc, quand on vend des solutions organisationnelles, on vend des croyances, on ne vend que des
02:38croyances.
02:39Ce n'est pas grave, parce que l'expérience, normalement, nous permet de corriger nos croyances.
02:48On peut améliorer finalement une organisation matricielle, on peut améliorer le fonctionnement
02:57d'une équipe de foot en tenant compte des expériences.
03:03Le problème, c'est que très souvent, dans le management, on ne tient pas compte des
03:09expériences.
03:10On se satisfait de prendre des décisions qui sont considérées comme justes, bonnes
03:21en tant que telles, parce qu'elles correspondent à un code, je dirais, normatif, à la fois
03:28intellectuel et esthétique, qui correspond à ce que sait faire le management, à ce
03:34qu'il aime faire, à ce qu'il honore, à ce qu'il trouve beau et juste.
03:39Et puis, bien évidemment, de l'autre côté, c'est-à-dire du côté des vendeurs de solutions,
03:47on sait ce qui va plaire au client, et donc on lui vend des solutions de ce type-là,
03:54en sachant qu'on vend des croyances, puisque là aussi, on ne peut pas être, à l'avance,
04:01persuadé du bien fondé de ce que l'on vend.
04:05Alors dans le livre, j'explique que j'ai mis, plus exactement, Frédéric, le personnage
04:11dont je relate l'histoire, a mis en place une petite opération que de fait connaissent
04:19beaucoup de consultants, du type de cabinet que de ceux que je décris.
04:26Les désarrois d'un consultant au management, c'est le soutitre de l'ouvrage de Norbert
04:30Alter pour en finir avec le machin.
04:32Merci Norbert Alter.
04:33Merci à vous.

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