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Xerfi Canal a reçu Norbert Alter, professeur à sciences Po, pour parler des bullshit jobs.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00Bonjour Norbert Halter, professeur à Sciences Po, professeur de sociologie, penseur de l'innovation
00:16ordinaire. Pour en finir avec le machin, les désarrois d'un consultant en ménagement,
00:22c'est l'ouvrage que vous publiez aux éditions EMS qu'il faut mettre entre les mains de tous
00:25les jeunes consultants qui débutent dans la profession. Évidemment, pour qu'ils sachent à
00:29quelle sauce ils vont être mangés, ce serait pas mal. Je vous lis parce que le consultant fricote
00:36un peu avec le monde académique. Quand il fricote avec le monde académique, il ne fait
00:40pas fricoter avec le monde académique au passage. Il faut vraiment lire le bouquin,
00:44c'est une vraie respiration. « Je tombais sur un bouquin qui décryptait les ressorts de
00:48l'absurdité au travail, ce phénomène qui m'occupait l'esprit depuis une trentaine d'années. Deux
00:54points, les bullshit jobs. » Ce qui est intéressant, c'est qu'il n'est pas convaincu. Il n'est pas
01:00convaincu par David Graber. Il est même critique de la méthode. Avec Graber qui nous sort ça sur la
01:07base de ses followers, enfin là, il y a une petite critique. Donc, il n'est pas d'accord. Je résume la
01:12pensée et vous allez me dire si j'ai bon. En fait, il n'y a pas de bullshit job, il y a des jobs qui
01:16deviennent bullshit. C'est ça. C'est exactement ça. Bon, on peut s'arrêter là.
01:21Qu'est-ce qui fait qu'un job devient bullshit ? En gros, il est passé entre les mains du machin.
01:28Voilà, c'est ça. L'idée de David Graber, c'est qu'il y a des jobs qui ne sont pas bullshit,
01:35qui sont des jobs dans lesquels il y a une utilité sociale évidente qui permet à la
01:43personne de se reconnaître dans son œuvre de travail. Médecin, professeur,
01:48agriculteur autrefois, ébéniste. Et puis, il y a des jobs qui sont bullshit. C'est caissière,
02:05consultant, contrôleur de gestion, qui n'ont pas d'utilité sociale, qui sont des jobs qui n'ont
02:18que pour seule vertu que de gagner de l'argent pour vivre ou de consolider le système managérial
02:27capitaliste. Alors, Frédéric, le personnage de mon livre, est un peu en pétard après les analyses
02:38de Graber. D'abord parce qu'il a appris à l'université que pour démontrer quelque chose,
02:45il fallait en sciences sociales utiliser des méthodes solides, ce que ne fait pas David
02:52Graber, ce que vous avez identifié dès le début de notre entretien. Mais ce n'est pas le problème
03:01le plus important. Le problème le plus important, c'est de bien comprendre qu'il y a des médecins,
03:09des ébénistes, des agriculteurs, des professeurs, des gens qui normalement font un travail à forte
03:18utilité sociale, donc non-bullshit, qui aujourd'hui sont dans le bullshit. Donc,
03:24on a des travaux nobles qui sont transformés en bullshit. Et à l'inverse, on peut très bien
03:31avoir des bullshit jobs comme ceux que définit David Graber, qui sont des travaux vécus comme
03:40ayant une belle utilité sociale. Une caissière dans une épicerie qui vend du bio, du circuit
03:51court, dans un univers collectif, elle peut avoir le sentiment de participer à une cause noble et
04:00d'avoir des relations de respect mutuel avec les clients. On se comprend. C'est-à-dire que ceux
04:09qui comptent un consultant peuvent très bien faire un travail avec des clients sur des
04:18problématiques précises qui vont lui donner la certitude de rendre au réel la place qui est la
04:28sienne dans la vie des entreprises. C'est principalement ça, le travail d'un consultant,
04:34c'est de dire aux dirigeants, regarde la réalité, c'est celle-là. Dans certains cas,
04:40c'est possible, il faut se battre pour ça. Et dans ce cas-là, le métier n'est plus bullshit.
04:46Ce que je veux dire, c'est tout simplement que ça n'est pas la nature intrinsèque des tâches qui
04:52posent problème, c'est le management des tâches qui pose problème. Donc, le problème, mais cette
04:59affaire-là est connue dans le monde des organisations, du conseil et dans le monde
05:07académique. Mais il faut le souligner, c'est-à-dire que le problème n'est pas de faire des tâches qui,
05:16en tant que telles, ne soient pas bullshit, c'est de créer des pratiques managériales qui donnent
05:25sens au travail, plutôt que de l'éradiquer jusqu'à en faire des situations de travail
05:34insupportables. Pour en finir avec le machin, les désarrois d'un consultant en management,
05:41c'est une réflexion long cours où se croise l'académique, le consultant, le dirigeant,
05:47et les dialogues, une grande richesse. Merci Norbert Alter. Merci à vous.
05:55Merci à tous les partenaires de l'Université d'Ottawa et à l'Université d'Ottawa.

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