Xerfi Canal a reçu Norbert Alter, professeur à sciences Po, pour parler de l'irresponsabilité des dirigeants.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
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00:00Bonjour Norbert Alter, bonjour Jean-Philippe Denis. Pour en finir avec le machin, avec des
00:15majuscules au machin, c'est pas l'OTAN, le général de Gaulle, les désarrois d'un consultant
00:21en management édition EMS. Ouvrage critique, ouvrage où vous faites la synthèse de décennies
00:27de travaux de recherche. Vous êtes sociologue, professeur à Sciences Po. Je cite un petit
00:32paragraphe. Par contre les dirigeants ne géraient pas. Ils définissaient les principes et les
00:37objectifs du machin en se désintéressant de leurs suites, de leurs effets sur le terrain.
00:42Isolés dans leurs bulles, tout là-haut dans le ciel, ils agissaient donc de manière irresponsable.
00:48Le langage machinal pour une fois avait quelques vertus me disais-je. On ne nommait jamais
00:53responsable entre guillemets. Les dirigeants ont gardé ce thème pour les n-1, n-2, n-3, n-4 et ainsi
01:00de suite. Logiquement il aurait fallu les nommer irresponsables, mais ça aurait été malséant. Donc
01:06les dirigeants sont irresponsables. Ça va leur plaire d'entendre ça. Merci pour cette pour cette
01:15lecture qui souligne le fait que le livre est à la fois critique et par le vrai et mobilise
01:27l'humour et la dérision pour dire les choses que le langage ordinaire du management veut taire.
01:39Avec des termes qui sont très souvent flous et moraux à la fois. Alors on appelle les responsables,
01:51les personnes qui ont la responsabilité d'un projet, d'une équipe. Donc les responsables,
02:00ce ne sont jamais les dirigeants. Quand on dit un responsable, on sait bien qu'on ne parle pas
02:05d'un dirigeant. Et donc par esprit de provocation et de dérision, je me demande dans ce livre si
02:12finalement il n'y a pas anguille sous roche, comme on disait autrefois. C'est-à-dire que si les
02:22dirigeants ne sont pas considérés comme responsables du point de vue des termes qui définissent leur
02:29fonction, on peut supposer d'une certaine manière qu'ils ne sont pas responsables. Ça ne veut peut-être
02:36pas dire qu'ils sont irresponsables, mais au minimum qu'ils ne sont pas responsables d'une
02:44affaire, d'une action, d'une politique. Et de fait c'est bien ce qui se passe, puisque le rôle d'un
02:53dirigeant, c'est de définir des décisions, des principes, et puis de demander au terrain de les
03:04mettre en œuvre. C'est-à-dire d'être suffisamment responsable pour leur donner sens et efficacité,
03:14quelle que soit la qualité de la décision initiale qui a été prise par les dirigeants. Alors ce qu'il
03:24y a de très original dans cette affaire, tout le monde le sait bien, c'est que si les gens du terrain,
03:32les responsables donc, arrivent à rendre la décision intelligente et efficace, les dirigeants
03:42diront c'est parce que la décision était bien prise. Si sur le terrain, malgré la bonne volonté,
03:51on n'y parvient pas, en haut on dira c'est parce que les responsables ne sont pas compétents et
04:00donc c'est leur problème. Ce qui veut dire que lorsque les dirigeants prennent des décisions,
04:07ils se dégagent de la responsabilité concrète de leur application. C'est pour ça que je m'interroge
04:15avec un peu d'humour sur le terme d'irresponsabilité par rapport à la fonction dirigeante. Pour en
04:28finir avec le machin, les désarrois d'un consultant au management, merci Norbert Alter. Merci à vous.