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Xerfi Canal a reçu Marie-Josée Bernard, professeure en Management – Leadership - Développement humain à l’emLyon business school, pour parler de la responsabilité en entreprise.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00Bonjour Marie-Josée Bernard. Bonjour Jean-Philippe. Marie-Josée Bernard, tiens, je vais renverser
00:14votre titre. Vous êtes professeur en développement humain, management et leadership à l'Union
00:19Business School. Vous êtes spécialiste de résilience entrepreneuriale. Papier dans HBR
00:24France, donc Harvard Business Review France. Responsabilité, vous avez dit responsabilité,
00:29un petit papier un peu coup de gueule, on va dire ça comme ça. Je crois qu'on peut dire ça comme
00:35ça, donc à lire, à lire. Vous explorez la question de la responsabilité et là vous mettez le doigt
00:42sur les dérives. Oui, alors il faut rappeler que ce papier il est sorti à un moment où on a été
00:52bombardé de cette notion, on nous a mis en face toute la journée, tout le temps en permanence,
01:02le fait que nous devions être responsables. Et alors ce que je trouve extraordinaire c'est que
01:08quand on utilise à ce point-là un concept, il faut quand même être cohérent avec l'utilisation
01:18du concept. Donc finalement, on a augmenté la charge mentale de millions de gens. On parle du
01:25contexte de confinement. Voilà, tout ça. Et effectivement, cette responsabilité, pour moi,
01:34n'a de sens que si elle s'assortit d'une base, j'allais dire physico-chimique, tangible que
01:40chacun peut repérer comme étant effectivement sous sa capacité d'action, de l'ordre de sa
01:49capacité d'action. Or ça n'a absolument pas été le cas. Donc je trouvais outrageant, je ne sais pas
01:55comment le dire autrement, monstrueux de faire porter à ce point-là avec des présupposés qui
02:04n'ont jamais été lucidés. C'est ça qui est extraordinaire, c'est-à-dire qu'on est parti
02:08sur une croyance que moi j'appelle un virus de pensée, un virus de pensée qui nous a envahis les
02:14uns et les autres, et donc effectivement les responsables et les non-responsables. Et alors
02:18ça s'est joué à tous les niveaux, et ça s'est joué aussi au niveau des organisations. Et pendant
02:23cette période, vous avez dû vivre ça aussi. Jean-Philippe, par exemple, en tant que professeur,
02:28on était tous passés en distanciel, et donc on avait aussi des échos de ce que vivaient nos
02:35étudiants. Moi je ne suis pas avec des étudiants de première année, je travaille avec des
02:41professionnels, et qui vivaient parfois en tension, mais complètement dingue, toutes les dimensions de
02:48leur propre vie, et venait se rajouter la sur-responsabilisation au niveau de leurs
02:54propres équipes, alors qu'ils avaient quasiment très très peu de moyens, alors que rien n'était
02:59clair au niveau du management au-dessus, et qu'il y a eu donc cette espèce de sur-abondance
03:05permanente, sans pouvoir. Ce qui est intéressant dans le concept de responsabilité, c'est que vous
03:12avez le pouvoir qui va avec, c'est-à-dire que vous pouvez assumer en disant « je suis responsable de
03:19cette équipe, de cet objectif, de cette technique, et effectivement j'ai les moyens de pouvoir assumer
03:24cette responsabilité ». Et donc moi ce qui m'a révoltée, c'est l'asymétrie absolue, le
03:30détournement, puisque la plupart, alors je ne vais pas mettre des pourcentages, mais beaucoup de
03:34personnes se sont trouvées dans l'impossibilité d'assumer ce qu'on leur demandait, comme étant
03:41de l'ordre de leur responsabilité. Et donc ça, ça devient très très glissant, parce que c'est
03:48une bonne manière aussi de développer du contrôle, du sur-contrôle, et de ce fait-là, finalement,
03:54comme tout le monde est responsable, mais on ne sait pas trop de quoi ni comment et de quelle
03:59manière exercer cette responsabilité, ça veut dire que personne n'est plus responsable de rien.
04:02Donc on arrive à l'effet totalement paradoxal de vider de son sens une notion, alors moi je vous
04:08avais, j'ai parlé dans mon, je crois que c'est dans cet article, de Hans Schoenass, que j'aime
04:14beaucoup, qui a été un des premiers à parler de la responsabilité, en disant « on a une
04:19responsabilité sur ce que l'on provoque ». Et ce que je trouve absolument indispensable d'associer
04:27pour réhabiliter la responsabilité, c'est la notion d'impact que nous produisons. Et de conséquences.
04:32Voilà, impact, qui dit impact, qui dit conséquence. Mais si je n'ai jamais la pensée de l'impact,
04:36et dans beaucoup de têtes de leaders, on voit bien qu'ils n'ont pas du tout la pensée des impacts,
04:41a priori. Donc ça, c'est quand même très important, et puis Emmanuel Lévinas, ils sont
04:48dans la même lignée, qui dit, mais finalement, c'est pas, la liberté et la responsabilité vont
04:56ensemble. Mais quelque part, c'est aussi, lui il dit carrément, c'est parce que je suis
05:02responsable que je suis libre. Donc, ça c'est quand même assez intéressant, dans une organisation,
05:07et on en est très loin. Et on en est très loin, et effectivement, cette sur-responsabilité est le
05:15paradoxe total, une forme d'irresponsabilité complète, c'est-à-dire d'incapacité à attribuer
05:20et à créer des relations cause-conséquence. Fascinant. Merci à vous, Marie-Josée.

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