Xerfi Canal a reçu Anaïs Boutru, maîtresse de conférences à l'Université Paris Dauphine PSL, DRM (UMR CNRS), pour parler des professionnels qui deviennent chercheurs.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
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00:00Bonjour Anaïs Boutru. Bonjour Jean-Philippe Denis. Anaïs Boutru, vous êtes maîtresse de
00:12conférence à l'Université Paris Dauphine PSL, laboratoire DRM, Dauphine Recherche et
00:16Remanagement. Article publié dans la revue française de gestion avec, je vais essayer
00:21de ne pas écorcher, Anne-Laure Delenay, Marie-Pierre Vasselet et Norelia Oiseux. Voilà,
00:27j'ai cité tout le monde. C'est quoi un praticien qui devient chercheur ? Alors un praticien qui
00:32devient chercheur, c'est quelqu'un de terrain, un servant ordinaire, comme disait Girin, qui à un
00:39moment donné décide d'adopter une posture réflexive par rapport à sa pratique professionnelle et qui
00:46décide aussi de rejoindre le milieu académique. C'est d'ailleurs la genèse de ce papier, c'est
00:51qu'on était toutes les quatre doctorantes à l'IAE de Paris, institution qui... C'est spécialisé
00:57aussi dans des thèses faites par des professionnels. Exactement. Et où, dans cette formation, on s'est
01:03rendu compte qu'on partageait une condition commune qui n'était pas forcément traitée d'un point de
01:08vue méthodologique. Et c'est comme ça qu'est né le papier. Et c'est dans ce papier qu'on définit
01:13peut-être trois critères qui font la spécificité du praticien en devenant chercheur par rapport
01:19aux chercheurs de terrain. La première, c'est le fait qu'il ait une identité professionnelle
01:27préexistante à son entrée en recherche. Il s'identifie à travers cette identité, justement,
01:32et il est reconnu par elle. La deuxième, c'est qu'il y a un lien de familiarité avec son matériau
01:38empirique, son terrain d'investigation, tout ou partie de son terrain d'investigation. Et la
01:43troisième, c'est qu'il veut se reconvertir dans le milieu académique, et donc il opère une
01:48transition professionnelle. Une transition même identitaire, vous me dites. Et une transition
01:53identitaire, tout à fait. Qu'est-ce qu'il faut entendre par là ? Comment ça se gère,
01:57une transition identitaire ? Je me mets dans la tête du commun des mortels, c'est-à-dire qu'on
02:01change de genre, en gros, si je reprends les grands débats de société actuelle. On change
02:06d'identité professionnelle. Alors, on a identifié trois pratiques. La première pratique, elle est au
02:11niveau individuel, et elle est assez frappante et étonnante, c'est-à-dire que sans se concerter,
02:15et en comparant nos travaux, on s'est rendu compte qu'on s'était toutes les quatre donné un nom.
02:20L'une d'entre nous s'est nommée chercheur fugitif, une autre chercheur caméléon,
02:26une autre chercheur voyageur. Moi-même, je me suis nommée chercheur funambule,
02:30pour montrer, nommer en fait cette transition identitaire. La deuxième pratique, elle est en
02:37lien avec le terrain de recherche, et elle est liée à un risque qu'on a nommé risque de double
02:45circularité, en faisant référence au risque de circularité d'Hervé Dumez, qui consiste à
02:50confirmer, grâce ou plutôt à cause de ses préconceptions professionnelles, des éléments
02:56qu'on retrouverait dans le matériau empirique. Et donc là, c'est tout un jeu de transparence quant
03:01à son passé de praticien et son futur de chercheur, avec un changement transparent et d'honnêteté,
03:06mais aussi avec un jeu de changement de posture et de casquette, assez facile et assez jubilatoire.
03:12Et puis, la troisième pratique, elle est avec la communauté de recherche, avec sa communauté de
03:19pairs, et elle consiste en des efforts réflexifs, vraiment spontanés, de la part du praticien
03:26chercheur, qui répondent moins à une injection méthodologique de transparence qu'on peut
03:30retrouver pour n'importe quel chercheur de terrain, mais vraiment une nécessité intime de rendre
03:38compte de cette transition d'identité. La question provoque, que vous affrontez d'ailleurs dans le
03:43papier, est-ce que finalement d'anciens praticiens, professionnels, font de meilleurs chercheurs ? Non,
03:49évidemment, mais ce qu'on voulait donner à voir, c'est la diversité des profils de chercheurs dans
03:55les sciences de gestion, et aussi visibiliser donc ces parcours qui sont nombreux, mais qui sont peu
04:01visibles une fois qu'on est rentré dans l'académique. Le deuxième point, c'est que finalement c'est une
04:07incitation à se reconvertir pour ceux que ça pourrait intéresser. Nous, on a vraiment traversé
04:12cette transition, pas toujours facile, mais avec énormément de plaisir, et c'est une richesse
04:17qu'on a envie de partager. Et puis enfin, c'est le moyen d'ouvrir le débat, d'animer des dialogues,
04:24et d'ailleurs on lance une session thématique à l'IMS sur le sujet pratique-recherche dans les
04:32sciences de gestion. Alors vous dites que les praticiens ne font pas de meilleurs chercheurs,
04:35vous l'assumez ? Moi je dis, ouvrons le débat plutôt. Merci à vous du bureau au labo,
04:42j'aime beaucoup ce titre du bureau au labo, les pratiques de transition identitaire du praticien
04:45devenant chercheur, c'est dans l'arbitre français de gestion. Merci Anaïs. Merci Jean-Philippe.