Xerfi Canal a reçu Alain Cotta, professeur émérite à l’Université Paris-Dauphine, pour parler de la lettre B comme Business.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
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00:00 Bonjour Alain Cotat.
00:09 Bonjour, bonjour.
00:11 L'abécédaire d'Alain Cotat, B comme business.
00:17 Je trouve que c'est un très vieux terme.
00:20 C'est un terme qui date, pas simplement parce qu'il est anglais, mais parce qu'il
00:27 fait référence quand même au pays où ce business en tant que tel est né, qui n'est
00:36 pas tellement l'Angleterre, mais qui est les États-Unis.
00:40 Au fond, business est très lié à cette volonté des immigrants américains de s'implanter,
00:51 de faire quelque chose, et non seulement de faire quelque chose, mais de devenir riche.
00:57 Faire du business, c'est pas simplement créer de nouveaux produits, transformer
01:02 la nature, mais c'est quand même le faire en devenant riche.
01:05 Et en devenant riche d'une façon particulière, elle, et qui est justement, c'est ce que
01:16 je viens de prononcer comme terme, la transformation de la nature.
01:20 Au fond, le business est très lié à l'argent et au matériel, au monde matériel.
01:26 C'est faire de l'argent en transformant matériellement le monde matériel.
01:30 Et je trouve que le terme a vieilli.
01:37 A vieilli, tout simplement parce qu'il est très lié à la révolution industrielle.
01:44 Business, c'est l'industrie.
01:47 Et que cette révolution industrielle, elle est vraiment terminée, ou plutôt elle se
01:51 poursuit mais de façon très souterraine et très secondaire, parce que la grande révolution,
01:58 c'est la révolution informatique.
01:59 La révolution informatique, c'est simplement, non pas transformer d'ailleurs, mais produire
02:08 de l'immatériel.
02:09 Quand on dit de l'information, la transmettre, enfin, nous savons tous de quoi il s'agit,
02:18 dans un certain nombre de moyens qui, eux, restent industriels mais qui, au fond, n'intéressent
02:23 personne.
02:24 On n'est plus intéressé à l'heure actuelle par qui fabrique les téléphones portables,
02:29 on est beaucoup plus intéressé par les réseaux, c'est-à-dire par ce qu'on fait de l'information.
02:36 Or, les grandes entreprises qui créent, qui utilisent, qui transforment, qui vendent
02:46 l'information, on ne dit plus d'elles d'ailleurs curieusement qu'elles font du business.
02:52 On dit qu'elles participent à l'unification intellectuelle du monde, qu'elles permettent
03:02 à chacun d'être mieux informé, donc de mieux vivre, mais ce n'est plus du business.
03:11 Or, et c'est là où il y a un paradoxe, alors que le profit tiré du business industriel
03:21 ne fait que décroître comparé au profit tiré de l'activité informatique, qu'on
03:29 n'appelle plus business.
03:32 On ne dit plus de monsieur Zuckerberg, qui a essayé de nous transformer, même le monde
03:44 dans lequel nous vivons, on ne dit plus qu'il fait du business.
03:47 On dit que c'est le pape de l'information.
03:51 Et je crois que le mot disparaît au profit du mot pouvoir, un peu comme si ce business
04:09 se dématérialisait lui-même.
04:11 On ne parlait plus du pouvoir des machines, au fond, on ne parlait plus, mais on parle
04:18 maintenant du pouvoir de l'information.
04:20 On ne parlait plus du pouvoir de l'industrie, alors que maintenant on se dit que qui peut
04:30 contrôler la circulation de l'information sur un territoire, fait plus que contrôler
04:36 les esprits.
04:37 Donc, ce business est un vieux terme, un terme un peu marxiste, enfin, et comme la plupart
04:48 des commerçants marxistes, ils connaissent un présent très décroissant.
04:55 De B comme business à P comme pouvoir, on rappellera que vous êtes l'auteur de l'Exercice
05:01 du pouvoir.
05:02 De B comme business à P comme pouvoir.
05:05 Merci Alain Cotta.
05:06 Merci à vous.
05:13 [Musique]