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Vendredi 14 mars 2025, SMART IMPACT reçoit Clara Pigé (Cofondatrice et responsable de opérations, Dift) , Frédéric Coirier (PDG, Groupe Poujoulat) , Ynaée Benaben (cofondatrice, En avant toute(s)) , Benoît Hamon (Président, ESS France) et Jean Sauttreau (Président, BOUDI)

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00:00Générique
00:08Bonjour à toutes et à tous, bienvenue. C'est un grand format de Smart Impact que je vous propose aujourd'hui.
00:13Une heure d'émission pour creuser les enjeux de transformation environnementale et sociétale
00:18avec un grand entretien de 26 minutes face à une personnalité qui compte dans notre économie.
00:23Cette semaine, je demanderai à Benoît Hamon, ancien candidat à la présidentielle,
00:26directeur général de Singa Global et président de SES France, s'il est prêt pour l'impact.
00:32Pour démarrer cette émission, je recevrai Frédéric Coirier, le président du Poujoulat,
00:37co-président du mouvement des entreprises de taille intermédiaire.
00:40Comment digère-t-elle la crise énergétique de 2022 ?
00:43Les ETI peuvent-elles devenir les championnes de la décarbonation ?
00:46Réponse juste après ces titres.
00:48Dans notre débat, on verra comment prévenir, détecter les violences sexistes et sexuelles,
00:53notamment en entreprise, avec l'association En Avant Tout.
00:56Et puis dans notre rubrique Startup, vous découvrirez Boudi et ses coffrages en plastique recyclés à destination du BTP.
01:04Voilà pour les titres. C'est parti.
01:07Smart Impact en format XXL. Tout de suite.
01:16L'invité de ce Smart Impact, c'est Frédéric Coirier. Bonjour.
01:20Bonjour.
01:20Vous êtes le président du groupe Poujoulat et co-président du mouvement des entreprises intermédiaires.
01:24On va commencer par ces ETI. Comment ont-elles digéré la crise énergétique de 2022 ?
01:30Est-ce que finalement, ce sont des entreprises qui le ressentent encore dans leur fonctionnement, leur marge, etc. ?
01:37Alors, elles l'ont effectivement. Elles ont été très impactées parce que les ETI sont souvent électro-sensibles,
01:43pas vraiment électro-intensives comme l'industrie lourde.
01:46Elles l'ont ressentie, oui, parce que jusqu'ici, elles étaient peu habituées.
01:50Finalement, la France était un paradis électrique avec son nucléaire.
01:55On était relativement protégés. Et c'est vrai que cette augmentation, parfois par 5, par 10, parfois plus des factures, a été très difficile à absorber.
02:04Heureusement, le gouvernement français a pris conscience, je dirais, de cette situation.
02:07Aide française, aide européenne.
02:08Oui, mais il n'y avait rien. En fait, au début, il y avait un tarif spécial pour les PME.
02:12Il y avait des amortisseurs pour les électro-intensifs.
02:15Donc, eux avaient des dispositifs. Et au milieu, les entreprises qui, finalement, étaient très sensibles, mais hors du radar, n'avaient rien.
02:21Donc, on a travaillé avec le gouvernement. Un amortisseur a été mis en place, ce qui a permis de diminuer une partie de l'effort.
02:27Mais beaucoup, beaucoup d'ETI ont vu, en fait, leur facture multipliée par 4, par 5, ce qui, pour certaines, a consommé une grosse, grosse partie de leur marge.
02:36La grosse difficulté aussi...
02:37Et 3 ans après, 2 ou 3 ans après, on peut dire que c'est digéré ou il y a encore les effets ?
02:42C'est nettement mieux. Mais il faut quand même savoir qu'il y a beaucoup d'entreprises qui ont signé des contrats couteau sous la gorge.
02:47Eh oui.
02:47Fin 2022, on leur a dit « Vous n'aurez pas des quantités si vous ne prenez pas d'engagement tout de suite ».
02:52Donc, certains ont acheté très cher, pensant que ça allait continuer à monter.
02:56C'est vrai qu'on voyait des prix d'électricité à 1 000 euros le mégawatt-heure.
02:59Enfin, des choses assez folles.
03:01Donc, certains sont encore, jusqu'à fin 2025, je dirais, touchés par cette situation.
03:08Liés par ces contrats, quoi, d'une certaine façon.
03:09On demande quand même aux opérateurs d'étaler.
03:13C'est-à-dire que, contre signature peut-être d'un nouveau contrat, d'étaler de manière à ce que ce soit moins douloureux.
03:18Pour une grosse partie des entreprises, j'irais, l'expérience est derrière.
03:22Mais elle a laissé des traces, parce qu'évidemment, ça a été très violent pour un certain nombre d'industries.
03:26Alors, c'est aussi l'occasion d'une prise de conscience.
03:29Chaque crise peut être créatrice d'une certaine façon.
03:32Donc, quelle prise de conscience et à quel point elle est à l'œuvre, cette prise de conscience ?
03:36Alors, il y avait déjà eu le Covid qui avait été un révélateur sur les approvisionnements à la sortie du Covid.
03:42Il y avait des grosses tensions.
03:44Cette situation énergétique est aussi un élément.
03:47Il y a aussi la prise de conscience écologique générale des entreprises.
03:51C'est la société qui veut ça, qui fait que les chefs d'entreprise ont aussi évolué dans leur comportement, dans leur choix.
03:56Donc, on a vu une diversification déjà.
03:59C'est-à-dire que les chefs d'entreprise ont cherché à avoir plusieurs sources d'approvisionnement.
04:05Ils ont aussi lancé des programmes de décarbonation parce qu'effectivement,
04:10moi, j'avais déjà enclenché des choses et ça a fait amortisseur.
04:16Oui, ce que vous aviez déjà fait, vous vous êtes rendu compte que…
04:18Ça m'a permis de ne pas être trop dépendant du gaz et d'absorber une grosse partie des coûts.
04:24Mais effectivement, c'est un révélateur qui a fait évoluer les comportements,
04:28qui a accéléré certainement un certain nombre de choix que les chefs d'entreprise avaient déjà dans leur vision,
04:33compte tenu de cette variabilité.
04:35Et puis, l'instabilité politique et géopolitique, qui créent quand même une incertitude sur le secteur énergétique,
04:41restent entières encore aujourd'hui.
04:43Bien sûr. Quels sont les freins, les incertitudes à lever quand on bascule vers les énergies renouvelables pour son entreprise ?
04:51Est-ce qu'il y a… Bon, là, on a bien compris qu'il y avait des crises, qu'ils pouvaient être des accélérateurs.
04:56Mais est-ce qu'il y a encore des patrons de TI qui se disent « Est-ce que j'y vais ? Est-ce que j'ai vraiment raison d'y aller ? »
05:02La grande majorité, aujourd'hui, a basculé. Je pense que la prise de conscience est là.
05:08Quand on fait nos enquêtes au sein des 1 200 ETI qui sont dans l'écosystème du métier, du mouvement des entreprises intermédiaires,
05:1775 % des gens, aujourd'hui, sont dans le mouvement. Alors il y a toujours quelques réticents, il y a toujours quelques personnes.
05:22Puis il y en a qui sont très peu touchés. Dans certaines activités de services, l'énergie n'est pas très peu un objet.
05:28Tous les industriels, aujourd'hui, ont démarré, ont fait des actions.
05:31Un des freins principaux, c'est le coût. Quand on regarde les investissements de décarbonation, ils représentent quasiment autant que les investissements courants.
05:41C'est-à-dire que pour une ETI, faire cette mutation dans un laps de temps très court, comme on l'attend, c'est-à-dire une dizaine d'années,
05:48il faut doubler les investissements puisqu'il faut continuer à remplacer ces machines, il faut continuer à faire vivre.
05:55– Et est-ce que le retour sur investissement pendant les interrompes, il est incertain à cause de la volatilité, justement, des marchés de l'énergie ?
06:03– Aujourd'hui, il n'est pas avéré parce qu'effectivement, avec un gaz qui est revenu, qui était l'année dernière à 30 euros le mégawatt-heure,
06:09qui est une cinquantaine d'euros aujourd'hui, une électricité, le marché s'est calmé, on a aujourd'hui, pour un certain nombre d'ETI, des offres compétitives.
06:20Par exemple, si vous solarisez un parking, etc., ce n'est pas moins cher que d'acheter de l'électricité.
06:25Donc, il n'y a pas de retour sur investissement immédiat.
06:29Si vous voyez à long terme, probablement, oui, puisqu'une fois que vous vous installez, vous fixez le prix.
06:34C'est comme quand vous achetez votre logement par rapport à une location, vous avez fixé une fois pour toutes.
06:39Et puis, c'est aussi une diversification, je pense que stratégiquement parlant, pour la robustesse de votre modèle économique,
06:45le fait de pouvoir vous appuyer sur différents approvisionnements est un plus.
06:50Mais aujourd'hui, ce n'est pas forcément rentable très rapidement, ce n'est pas non plus forcément rentable à court terme sur un changement de process.
06:57Quand, par exemple, vous passez un four verrier à l'électricité aujourd'hui, ce n'est pas forcément moins cher que ce qui était fait avant.
07:04Donc, il y a un choix stratégique, il y a un choix de conviction et puis il y a le choix de long terme.
07:09Mais effectivement, on a une telle masse d'investissements à faire aujourd'hui dans nos entreprises qu'un des éléments indispensables,
07:17c'est l'écosystème français, c'est-à-dire le réalignement compétitif français sur la moyenne européenne, qui n'est pas tout à fait encore atteint.
07:23Il y avait le mois dernier la 6e conférence nationale ENR en entreprise à laquelle vous avez participé.
07:30Quelle leçon principale vous en tirez ? Ce qu'on disait sur la prise de conscience ?
07:36En fait, il y a une géopolitique où on entend des Américains qui ont tendance à revenir en arrière, même si globalement le mouvement continue et s'accélère.
07:46Mais les entreprises qui étaient là ont toutes exprimé finalement la même conviction, c'est-à-dire qu'elles ont vécu des crises successives.
07:53Elles se sont rendues compte que leur chaîne d'approvisionnement, quelle que soit la sorte, et l'énergie en fait partie, était fragile,
07:59qu'il fallait avoir plus de souveraineté, qu'il fallait aussi renouveler son mix énergétique.
08:05C'est une attente consommateur, c'est une attente des distributeurs, la société a évolué, donc il y a une prise de conscience.
08:12C'est en cours.
08:14Ce que disent finalement les industriels qui étaient présents, c'est que d'abord il va falloir que la distribution, que la chaîne de valeur accepte un peu d'inflation,
08:24malgré tout, parce que quand on met des investissements plus importants, ça augmente les coûts.
08:29Mais mon sentiment, c'est quand même que la plupart des acteurs étaient dans le mouvement.
08:34– Il y a cette tentation américaine, qu'on voit certains grands groupes qui décident d'aller, français notamment,
08:39d'aller investir beaucoup d'argent aux États-Unis, peut-être aussi parce que c'est un moyen d'échapper à un certain nombre de sanctions
08:50ou de conséquences de sanctions avec cette guerre commerciale que Donald Trump est en train d'allumer.
08:55Mais vous dites, c'est peut-être simplement une parenthèse, ne cédons pas trop vite à la tentation américaine ?
09:03– Les grands groupes sont déjà le mieux mondiaux, je dirais que là-dessus c'est fait.
09:08Pour les ETI, c'est un élément d'attention particulier, puisqu'on a beaucoup d'ETI qui, par nature, produisent quand même plus que les grands groupes en France.
09:16Donc on a une exposition à l'écosystème français, comme je vous disais, qui est très importante.
09:20Donc pour certains, évidemment, la mise en place de tarifs, alors pour l'instant l'Europe ne sait pas trop encore sur quel pied danser,
09:27mais la mise en place de ces tarifs va certainement créer des accès plus compliqués pour un certain nombre d'acteurs.
09:33Il y a beaucoup d'ETI qui ont déjà des implantations aux États-Unis, donc je dirais que pour celle-ci, il y a moins d'interrogations.
09:40Mais c'est vrai que ça crée quand même une forme d'incertitude, ça ralentit les investissements.
09:45Toute l'instabilité politique, géopolitique, etc., plus un ralentissement économique,
09:49fait que les investissements ont ralenti quand même assez sensiblement depuis six mois en France, dans les ETI.
09:55Donc ça effectivement veut dire que la transformation qu'on espérait peut-être sous quelques années va prendre un peu plus de temps, c'est évident.
10:03Il nous reste quatre minutes, on va parler du groupe Pujula pour terminer, leader européen des marchés des conduits de cheminées,
10:09de la cheminée industrielle et également le bois énergie.
10:13Cette activité-là, les combustibles, le bois énergie, ça prend quelle part de votre chiffre d'affaires aujourd'hui ?
10:19Est-ce que c'est une part croissante ?
10:20Oui, c'est plus de 40 %, donc c'est une activité qu'on a démarrée il y a une petite quinzaine d'années.
10:25Ascension très rapide, c'est la première énergie renouvelable dans le chauffage.
10:31C'est peu connu en France, mais le bois énergie, c'est plus de 25 % de la chaleur consommée dans le logement en France, mais c'est très diffus.
10:39Il y a 8 millions de Français qui se chauffent pour partie ou vraiment au bois en principal.
10:44C'est une énergie qui a beaucoup progressé, qui est décarbonée.
10:48La France a la chance d'avoir une forêt relativement dynamique, donc c'est vrai que c'est important.
10:54C'est 18 % à l'échelle européenne de la chaleur dans le logement.
10:57Le bois énergie individuel, je ne parle pas des réseaux de chaleur, c'est quelque chose de très important.
11:02Nous, nous sommes inscrits là-dedans pour proposer une offre de combustible prête à l'emploi, qualitative, performante, avec une logistique.
11:09Finalement, faire du bois aussi facile que le gaz, que l'électricité.
11:14Ça concerne aussi les entreprises ?
11:15Bien sûr, parce qu'elles peuvent décarboner.
11:17Par exemple, nous, nous avons aujourd'hui 90 % de notre chaleur dans le groupe est décarbonée.
11:22C'est ce que je vous disais tout à l'heure sur l'amortisseur.
11:24On serait resté au gaz, on en aurait eu pour des millions d'euros de charges supplémentaires quand il y a eu la crise.
11:29Le fait d'avoir investi dans la biomasse dès 2010, donc c'est très ancien déjà, fait qu'on a aujourd'hui 80 % décarboné en niveau de la chaleur.
11:37On a à peu près 30 % de notre électricité sur notre site principal qui est d'origine solaire.
11:44Ce site-là est déjà à 55 % d'énergie renouvelable.
11:47Donc on est déjà aux objectifs 2050.
11:50On s'applique à soi-même ce qu'on conseille finalement à nos clients.
11:54Et c'est effectivement très vertueux en termes d'efficacité énergétique.
11:59Cette usine qui est en Haute-Saône, c'est ça, c'est votre dernière usine ?
12:03Oui, ça c'est la dernière usine.
12:04Quelles caractéristiques elle a ?
12:06Parce que quand on crée un nouveau site, une nouvelle usine avec les impératifs d'aujourd'hui, j'imagine qu'on essaye de cocher un certain nombre de cases.
12:14Déjà, elle a été construite sur une friche.
12:17On a dépollué, ce qui n'est pas à nos frais, ce qui n'est quand même pas simple.
12:22On a reconstruit Exnilo, une entreprise complète.
12:26On s'approvisionne dans 50 kilomètres.
12:27Donc aujourd'hui, on travaille dans un périmètre d'approvisionnement en Haute-Saône, un petit peu dans les Vosges, etc. en bois.
12:34On a créé 70 emplois.
12:36On fabrique à peu près 200 000 m3 de bois énergie haute performance.
12:40Donc c'est du bois qui est prêt à l'emploi.
12:42Pour être prêt à l'emploi, il faut qu'il soit sec.
12:44Donc le bois, par nature, c'est 70% d'eau.
12:47Il faut le ramener entre 15 et 20%.
12:49Les déchets de bois vont dans la chaudière biomasse.
12:52On va sécher les bois dans des étuves.
12:54On sort un produit qui est très calorifique.
12:56Et puis, on va le distribuer le plus près possible.
12:59C'est un circuit court, finalement.
13:01Et ce qui est très vertueux, c'est que c'est un investissement de 30 millions, quand même.
13:05C'est 95% de la valeur ajoutée qui est dans un périmètre de 50 kilomètres.
13:10Donc c'est fantastique.
13:12– Sur un projet comme ça, je sais que vous avez reçu le soutien de l'ADEME.
13:15Qu'est-ce que ça représente sur le projet ?
13:17C'est un plus ? C'était essentiel ?
13:21– Ah non, écoutez, l'aide publique sur ce dossier,
13:23toute aide publique confondue, c'est 5% d'investissement.
13:26Non, ce n'est pas ça qui a fait le...
13:28– Vous l'auriez fait quand même ?
13:29– Oui, mais c'est important parce que ça permet certainement
13:32de faire des investissements supplémentaires.
13:34Ce site, il a été lauréat du Fonds Chaleur.
13:36Il a été lauréat de France Relance aussi.
13:38Donc le programme France Relance,
13:40c'est vraiment un site exemplaire, très efficient,
13:44qui tourne quasiment intégralement à l'énergie renouvelable.
13:47Et puis qu'on a construit pour l'intégrer dans le paysage,
13:50c'est un beau site.
13:51Donc on en est évidemment très fiers
13:52et c'est vraiment un fer de lance pour notre activité.
13:55– Avec cette dimension que vous avez évoquée de dynamisation du territoire,
13:58on est vraiment dans un...
13:59Vous l'avez pensé pour être ramassé en circuit court ?
14:03– Oui, et puis on est arrivé dans un village
14:05où il y avait plus de volets fermés que de maisons ouvertes.
14:09Il n'y avait plus d'entreprises, c'était une ancienne filature.
14:12On est vraiment à 30 kilomètres de la plus grande ville.
14:15Donc c'est vraiment de la réindustrialisation au cœur des territoires.
14:18Et puis depuis que l'usine est ouverte, ça rénove,
14:21il y a des commerces qui rouvrent, la vie reprend quoi.
14:23C'est ça aussi qui est intéressant dans cette aventure,
14:25c'est qu'on voit derrière une vie sociale et économique
14:28qui se redynamise en Haute-Saône, notamment auprès de l'usine.
14:31– Merci beaucoup Frédéric Courrier.
14:33À bientôt sur Bismarck for Change.
14:35On passe à notre débat
14:36sur comment prévenir les violences sexuelles et sexistes.
14:40– Bismarck.
14:44– C'est le débat de ce Smart Impact, Smart Cause,
14:48tous les mois une association soutenue,
14:49accompagnée par Bismarck for Change en partenariat avec DIFT.
14:52Bonjour Clara Pigé. – Bonjour.
14:54– Bienvenue, vous êtes la cofondatrice, la responsable des opérations de DIFT.
14:57À vos côtés Inaé Benabin, bonjour. – Bonjour.
15:00– Bienvenue, vous êtes la cofondatrice de l'association.
15:03En avant toute, vous nous rappelez en quelques mots
15:06ce que propose DIFT.
15:07– Bien sûr, DIFT, c'est une jeune start-up qui a été créée
15:12dans l'objectif d'emmener les entreprises dans un grand mouvement
15:16de financement et de visibilité des associations.
15:19On permet aux entreprises de créer des programmes d'engagement
15:22auprès de leurs clients pour flécher des opérations de mécénat
15:26qu'elles viennent financer.
15:26– Donc DIFT, il y a le don et le gift et le cadeau, c'est ça en quelque sorte ?
15:30– Exactement, donc DIFT, c'est la contraction de don et gift.
15:34L'idée, c'est de pouvoir remplacer un certain nombre de programmes,
15:36de cadeaux, d'engagements clients, marketing,
15:39par des dons préfinancés à des associations.
15:42– Inaé Benabin, présentez-nous En avant toute.
15:44– Avec plaisir.
15:46En avant toute, c'est une association que nous avons créée en 2013
15:49et qui a pour objectif un tout petit programme
15:52qui est simplement l'égalité entre les femmes et les hommes
15:54dans notre société.
15:56Et pour ça, on travaille sur trois modes d'action préférentiels.
16:00Le premier, c'est la prévention, l'éducation.
16:03Faire en sorte qu'on arrive à créer une culture collective
16:05d'égalité, de respect.
16:07La deuxième, c'est l'aide et l'accompagnement.
16:10Donc pour que les personnes qui vivent des violences,
16:12qui sont principalement des femmes, principalement des jeunes,
16:15on en reparlera, puissent avoir un vrai soutien
16:18quand elles sont dans ces situations qui les rendent très vulnérables.
16:21Et puis le troisième, c'est de créer de la connaissance
16:25parce qu'encore aujourd'hui, c'est quand même des réalités
16:27qu'on a du mal à comprendre, envisager
16:32et puis sans connaissances précises, on a aussi plus de mal
16:35à trouver des solutions durables.
16:36Il faut déjà faire le constat avant d'imaginer des solutions.
16:40Quel bilan vous faites une douzaine d'années après la création de l'association ?
16:44D'un grand changement, d'abord, quand on a créé l'association.
16:47C'était ce monde étrange avant MeToo, je ne sais pas si vous vous en souvenez.
16:51Et il se trouve que la question d'égalité et la question des violences
16:54faites aux femmes, qui est aussi vraiment centrale chez En Avant Tout,
16:58était complètement inconnue.
17:00Et quand on intervenait quelque part, aussi bien auprès des entreprises
17:03que des établissements scolaires ou des professionnels, par exemple,
17:06on avait vraiment très fréquemment la réponse qu'il n'y avait pas de violence en France.
17:10Aujourd'hui, c'est difficile de porter cette réponse-là.
17:15On a une prise de conscience collective.
17:18Donc déjà, un grand changement, ce qui est une excellente nouvelle.
17:21Et ensuite, du fait de ce changement aussi,
17:24on commence à voir un peu l'étendue de la question
17:27et un peu l'étendue des dégâts aussi.
17:29Et nous, on prend la mesure des besoins qui existent
17:32pour faire en sorte qu'on ne serve plus à rien.
17:34Ce qui est quand même notre objectif, l'objectif de beaucoup d'associations quand même.
17:38Et on voit qu'il y a beaucoup de champs à adresser, à investir.
17:43Et puis que ça nous concerne toutes et tous, surtout.
17:45Évidemment, toutes et tous.
17:47C'est très important de dire que c'est une cause qui concerne évidemment aussi les hommes.
17:52Pourquoi En Avant Tout ? Comment vous accompagnez cette association, Clara Pigé ?
17:56Alors nous, il y a plein de raisons pour lesquelles on aime beaucoup les associations comme En Avant Tout.
18:01Déjà, c'est des associations qui cherchent à répondre à un problème à la source.
18:05Inaé a commencé par citer la sensibilisation.
18:08L'association fait brillamment des campagnes de communication très grand public
18:12pour expliquer ce que c'est que les violences conjugales,
18:15pour identifier qui sont les publics qui ne sont pas assez accompagnés.
18:19Donc on parlait des jeunes femmes qui sont pourtant surreprésentées
18:22parmi les victimes de violences conjugales.
18:24Et enfin, c'est des modes d'action qui sont innovants
18:27et qui ont besoin d'être soutenus financièrement pour être développés.
18:31En Avant Tout a développé un chat qui est accessible en ligne
18:34pour toutes ces victimes de violences et qui est aussi
18:36un mode de communication qui est habituel pour le public qui est ciblé, c'est-à-dire les jeunes femmes.
18:41Enfin, quand on a des associations comme ça qu'on rencontre,
18:44qui ont des équipes qui ne sont non pas bénévoles mais salariées,
18:47on peut les accompagner un peu plus
18:50sereinement en se disant qu'il y a des équipes qui seront toujours disponibles, professionnelles
18:54et qui vont pouvoir répondre de façon hyper pertinente aux problèmes qu'elles essayent d'adresser.
18:58Donc c'est pour toutes ces raisons que nous on choisit d'accompagner ces associations-là.
19:01Et comment vos clients, comment les entreprises s'emparent de cette cause ?
19:08Alors peut-être qu'Inay pourra compléter sur le sujet entreprise, assaut,
19:13mais on a la thématique de la protection des droits des femmes, de l'égalité femmes-hommes
19:19à la chance d'être assez événementialisée,
19:22ce qui permet aux entreprises quand même de s'engager assez régulièrement sur ces sujets-là
19:26quand elles n'ont pas encore la maturité nécessaire pour avoir des programmes qui durent tout au long de l'année.
19:31Donc un pied d'entrée est souvent le 8 mars qui est la journée internationale des droits des femmes.
19:36Il y a aussi le 25 novembre qui est la journée de lutte contre les violences conjugales, violences sexistes et sexuelles.
19:42Et donc c'est des thématiques qu'on arrive à amener dans les entreprises par ces entrées-là
19:48quand il n'y a pas encore la maturité nécessaire.
19:50Et sinon c'est des sujets RH qui sont évidemment très importants pour l'égalité femmes-hommes que d'adresser ces sujets-là.
19:56Donc dans les plus grandes entreprises, les plus matures, c'est assez bien d'adresser.
19:59Avec ces chiffres sur le harcèlement sexuel sur le lieu de travail,
20:03c'est une enquête IFOP qui nous dit que 32% des femmes ont déjà subi du harcèlement sexuel au travail.
20:08Ça ramène à cette question de la prévention dont vous parliez, Inay Ben Abba.
20:13Comment les entreprises s'en emparent de cette prévention ?
20:17Progressivement et de mieux en mieux, je pense, avec en avant toute, nous travaillons depuis longtemps avec des entreprises.
20:23Certaines qui sont venues d'elles-mêmes à nous en voyant qu'il y avait des situations au sein de l'entreprise
20:29ou alors que des collaborateurs et collaboratrices étaient concernées.
20:32Et se disant on ne sait pas forcément en faire.
20:34Exactement, se trouvant un peu en difficulté avec cette thématique, voyant bien que c'était sensible,
20:39voyant qu'en plus ça avait des répercussions sur les proches ou sur les encadrants, managers, manageuses, etc.
20:45Nous, on forme beaucoup de personnes en entreprise à savoir déjà sur le lieu de travail,
20:51comment organiser des modes de travail qui soient le plus sécurisants possible quand il y a des violences à la maison
20:57ou quand il y a des violences sur le lieu de travail.
20:59Et puis aussi pouvoir accueillir la parole si elle se libère quelque part et surtout rediriger au bon endroit
21:05parce que c'est un travail, exactement comme le disait Clara.
21:08Ce sont des métiers particuliers d'accompagner les personnes qui vivent des violences.
21:12On ne peut pas s'y soustraire, l'improviser en tant que proche, mais on peut avoir des bonnes pratiques,
21:18des bonnes réponses immédiates pour passer la main aux professionnels qui ensuite peuvent faire un vrai accompagnement.
21:26Cela veut dire, Clara Pigé, quand une entreprise avec DIFT s'engage pour une cause comme celle-ci,
21:33il y a forcément un environnement, vous voyez ce que je veux dire, des opérations de prévention qui sont organisées,
21:38ce n'est pas juste on propose ça à nos salariés et c'est tout ?
21:42Le cadre avec DIFT, c'est du mécénat financier.
21:45Les entreprises sélectionnent 2, 3, 4, 5, 6 assos qu'elles ont envie de soutenir
21:51et elles demandent aux salariés de choisir laquelle eux ont envie de soutenir.
21:56C'est le cadre très clair avec DIFT et ensuite, en général, effectivement, ça vient s'inscrire.
22:01C'est l'occasion de communiquer sur ces causes-là auprès des salariés, de les faire mieux comprendre, de les faire découvrir
22:08et en fonction des entreprises, d'ouvrir à des opportunités de bénévolat, d'engagement personnel,
22:15de pouvoir faire du mécénat de compétences comme le font certaines entreprises
22:19ou bien d'ouvrir sur des possibilités d'organisation d'ateliers, d'intervention de l'association dans les bureaux
22:24ou de meilleure compréhension en tout cas de ce sujet-là.
22:27Ça, c'est la suite.
22:28Effectivement, vous parliez du tchat, je veux bien que vous nous en disiez plus sur ce tchat,
22:33avec qui les victimes de violences sexuelles et sexistes peuvent échanger dans ce cadre-là.
22:38C'est des professionnels qu'elles, souvent, vont trouver en face ?
22:42Ce tchat, déjà, s'appelle commentonsem.fr, il est accessible sur Internet,
22:48ce n'est pas une application, c'est vraiment sur un quelconque navigateur,
22:54donc aussi bien sur le téléphone que sur tablette, ordinateur.
22:57Commentonsem.fr, on rentre sur un site Internet qui propose d'ouvrir une petite discussion
23:04et ensuite, c'est vraiment comme un fil de message ou WhatsApp sur le téléphone, par exemple.
23:08On est en tête-à-tête, c'est anonyme, ce n'est pas un forum.
23:11Et ce n'est pas un robot en face ?
23:13Ce n'est pas un robot en face, ce sont des vraies personnes,
23:16qui sont des professionnels formés et salariés, ce qui est très important aussi
23:20parce que pour recevoir tous ces vécus et pour avoir une réponse qui soit toujours de qualité
23:25et à la hauteur du besoin, c'est important d'avoir des salariés qui sont formés
23:29et ce sont des travailleurs, travailleuses sociales, des psychologues ou des juristes
23:34qui vont s'adapter à la situation.
23:36Et on a des situations très larges, on a des personnes qui viennent
23:39vraiment pas parce qu'elles détectent des violences
23:42mais parce qu'elles voient que dans leur relation, il y a quelque chose qui marche mal,
23:46qu'elles sentent un poids, qu'elles ne se sentent pas écoutées ou bloquées
23:50et donc elles vont venir pour adresser cette question
23:52et nous, notre rôle, ça va être de poser un regard extérieur, ce n'est pas les proches,
23:57personne ne va juger et donc on va avoir vraiment une prise de recul
24:01et nous, on va les aider à mettre le doigt sur ce qui se passe,
24:04à avoir une compréhension vraiment plus fine
24:06et soit on verra qu'effectivement, il y a des violences
24:10et donc là, ça suppose aussi de se protéger de différentes manières,
24:13soit on va être dans une relation qui peut se débloquer
24:15ou dans une relation qui ne fonctionne pas mais qui n'est pas nécessairement violente,
24:18ça existe aussi et à partir de cet échange, il va y avoir une vraie transformation.
24:24On a mené l'année dernière une mesure d'impact,
24:26vraiment pour voir ce que ça changeait dans la vie des utilisatrices et utilisateurs
24:30de passer sur commonsem.fr et on voit que 40% des victimes de violences
24:35ont compris que leur situation était violente en échangeant avec nous.
24:39Auparavant, elles voyaient bien qu'il y avait un problème
24:41mais elles n'avaient pas réussi à mettre les termes réels sur ce qui se passait
24:45et on voit que 90% de celles qui sont victimes de violences
24:48ont compris grâce à ces échanges qu'elles n'étaient pas responsables des violences.
24:53Donc on est encore dans un moment de société
24:56où ce sont les personnes qui subissent des agissements qui sont illégaux,
24:59les violences, c'est quand même eux qui sont interdits,
25:02qui se pensent responsables de ce qu'il aura à dire.
25:04Oui, il y a cette culpabilisation qui ne devrait pas intervenir mais qui est quand même là.
25:07Avec une dimension, ce qu'on a un peu évoqué, un tchat,
25:11vous vous êtes dit aussi qu'il faut un outil qui parle à une génération ?
25:15Exactement.
25:16C'est beaucoup plus dans nos pratiques aujourd'hui de nous tourner vers Internet pour plein de réponses.
25:21Et puis en plus sur les espaces qui sont plutôt associés à l'intime,
25:24qui parfois sont gênants à aborder avec certaines personnes
25:28ou qui peuvent provoquer de la honte, justement.
25:31On se tourne plus vers tchat GPT ou vers Google
25:34que vers nos collègues, nos amis ou nos parents encore plus quand on est jeune.
25:38Donc l'idée c'était comment est-ce qu'on s'assure que quand on va sur Internet
25:41pour obtenir des réponses, ces réponses soient intelligentes dans le sens d'informer.
25:47On est aussi dans une ère où il y a beaucoup de désinformation.
25:50Donc c'était apporter notre pierre à l'édifice.
25:53Et ce qui est fort sur cette question, c'est que ça vaut pour tous les âges,
25:57toutes les classes sociales, tous les milieux.
25:59On connaît toutes et tous quelqu'un qui en a besoin.
26:02On ne le sait pas nécessairement,
26:04mais c'est une cousine, une collègue, une copine, une partenaire.
26:09Et donc on sera amené à un moment donné dans notre vie
26:12à être relais d'une situation ou d'une histoire.
26:17Et l'idée d'en avant toute, c'est de pouvoir outiller tout le monde
26:21de façon simple à réagir à ces situations.
26:23Merci beaucoup à toutes les deux.
26:25Merci et à bientôt sur Be Smart For Change.
26:27On passe à notre rubrique « Prêt pour l'impact ».
26:35« Prêt pour l'impact », une personnalité qui compte dans l'économie française.
26:3926 minutes d'entretien avec Benoît Hamon aujourd'hui.
26:41Bonjour.
26:42Bonjour.
26:42Bienvenue. Vous êtes le directeur général de Singa Global
26:44et le président de SS France, la Chambre française de l'économie sociale et solidaire,
26:48qui représente, on ne le sait pas forcément, ces 2,7 millions d'emplois.
26:52C'est 13,7 % du total des emplois privés en France.
26:56Et puis, c'est des millions et des millions de bénévoles, 20 millions de bénévoles.
27:00Est-ce que c'est un modèle qui gagne du terrain ou qui est plutôt en stagnation ?
27:04Qu'est-ce qu'on peut en dire de ce modèle ?
27:05Il gagne du terrain.
27:06Il gagne dans la dernière mesure du premier semestre 2024,
27:12en création d'emplois, l'économie sociale et solidaire,
27:15surperformée dans l'emploi privé.
27:16Ce que je dis « surperformée », c'est que quand on regardait la moyenne de création d'emplois privés,
27:21il y en avait davantage dans l'économie sociale et solidaire que dans l'économie conventionnelle.
27:25Alors, l'ESS, c'est quoi, quand même ?
27:26Pour le redire, ce sont toutes les entreprises qui sont non lucratives ou à lucrativité limitée.
27:33Ça ne veut pas dire qu'elles ne gagnent pas d'argent, elles ne réalisent des excédents, des bénéfices,
27:37mais ça veut dire qu'elles n'assurent pas de rendement au capital investi.
27:42Il n'y a pas de rémunération en dividende d'actionnaires.
27:45Qui pose évidemment une question sur comment attire-t-on des investisseurs dès lors
27:48qu'on n'assure pas de rendement fort à ces investissements.
27:52La conséquence de cela, le fait que nous soyons dans un principe selon lequel
27:58les parts que l'on peut avoir dans une entreprise ne permettront pas de faire la bascule,
28:03un immense bénéfice au moment où on les revendra,
28:07c'est qu'il y a un principe qui est « une personne égale une voix ».
28:10Si nous sommes partenaires dans une même coopérative ou entreprise de l'ESS,
28:16si vous avez 10 parts et je n'en ai qu'une, vous aurez une voix, j'en aurai une.
28:21Et ça change la donne profondément.
28:23Ce qui peut heurter dans l'appréciation qu'on peut avoir du fonctionnement de l'économie,
28:29c'est que le montant de l'argent que vous mettez sur la table ne vous donne pas plus de pouvoir.
28:34C'est l'exact inverse de ce qui se passe aujourd'hui aux États-Unis.
28:37Il y a une forme d'hubris, de démesure du capitalisme américain qui prétend le contraire.
28:43Il prétend que l'argent que j'ai dans l'économie doit me donner aussi le pouvoir dans la politique.
28:49Elon Musk et quelques-uns de ses compères sont le symbole de ça.
28:54L'ESS, c'est le contraire de cela.
28:56Et c'est effectivement 2,7 millions d'emplois en France.
29:02Je vais vous donner une comparaison que j'ai découverte il y a peu de temps et qui est pour moi assez parlante.
29:09Quand on fait le chiffre d'affaires cumulé en 2023, je crois,
29:13qui a été réalisé par la Banque de France des principales start-up françaises,
29:18c'est 25 milliards d'euros.
29:20Chiffre d'affaires cumulé.
29:22Les start-up qui ont leur salon, leur ministre.
29:26Je n'ai rien contre.
29:28Le président de la République en parle régulièrement et sont le moteur d'une certaine économie.
29:34Économie avec des entreprises d'ailleurs qui peuvent changer de pavillon,
29:37devenir un jour américaine, alors qu'elles ont été françaises au début, singapouriennes, que sais-je encore.
29:41Mais bon, c'est un modèle économique, il a sa logique et beaucoup de lumière dessus.
29:4725 milliards d'euros.
29:49Et l'OSS, c'est combien ?
29:51Je vais juste prendre les coopératives, qui sont un morceau de l'OSS.
29:53Même pas toute l'OSS, les coopératives.
29:55Le chiffre d'affaires cumulé des coopératives françaises, c'était 380 milliards d'euros.
29:59Donc, est-ce que vous avez l'impression que les coopératives françaises ont 10 fois plus d'attention ?
30:05Je vous vois venir sur les pouvoirs publics.
30:07Parce que vous avez été ministre de l'économie sociale et solidaire, c'était il y a une douzaine d'années.
30:12Je ne demande pas qui est un ministre des coopératives.
30:16Mais c'est simplement pour dire que cette économie-là, elle a l'immense force d'être très territorialisée.
30:23Avec des emplois non délocalisables.
30:25Elle est un élément de la souveraineté économique de la nation.
30:29Donc, ça devrait être un enjeu de politique publique majeure.
30:33Et c'est pour ça que s'ouvrent des discussions sur la stratégie nationale de développement de l'OSS.
30:38La bonne nouvelle, c'est que la précédente Commission européenne avait reconnu l'économie sociale comme un des 14 écosystèmes industriels européens.
30:44Et a demandé que chaque pays se donne une stratégie nationale de développement.
30:48On démarre ce travail-là avec le gouvernement.
30:50Mais jusqu'ici, l'État, depuis 10 ans, alors moi j'avais fait la loi il y a 10 ans, a eu une volonté ou intermittente ou désordonnée.
30:58Par exemple, je vais prendre un exemple.
31:00Il n'y a pas d'alignement des doctrines entre BPI France, la Caisse des dépôts, l'État.
31:05Et il nous manque, en gros, un partenaire.
31:09Et pour pouvoir avoir une stratégie, dans quel secteur insiste-t-on ?
31:15Quelle filière industrielle, dans le domaine du recyclage, des énergies renouvelables, structure-t-on davantage ?
31:21J'ai vu que depuis le mois de janvier, il y a un amendement qui a été porté par une sénatrice socialiste,
31:29la sénatrice de l'Influence, Blatrice Contat, qui a été votée au Sénat, qui n'a pas encore voté à l'Assemblée.
31:36C'était quoi l'idée ? Les moyens budgétaires alloués à l'ESS, présentés chaque année dans le cadre du budget de l'État ?
31:42Ça peut sembler technique, mais est-ce que c'est une avancée ? Pourquoi c'est potentiellement important ?
31:47Oui, c'est important dans le sens où il faut qu'on arrive à objectiver ce que sont la réalité des concours publics à l'économie sociale et solidaire.
31:56Parce que le flou... Nous, on préfère qu'on se mette d'accord sur un chiffre, sur des montants, que sur...
32:02Oulala, vous êtes très aidés, il faut rajouter ceci, cela, cela...
32:05Et pour l'instant, comme ce n'est pas centralisé, on ne sait pas exactement où va l'argent public.
32:09Et nous, on voudrait rappeler que, par exemple, quand on aide le secteur de l'insertion par l'activité économique,
32:13je vais déjà enlever le mot aide, quand l'État finance le secteur de l'insertion par l'activité économique,
32:19c'est pourquoi ? Parce que ce secteur, les entreprises d'insertion, les chantiers d'insertion,
32:23va prendre des personnes très éloignées de l'emploi, et à travers une activité,
32:27qui est une activité marchande, la mine d'énergie, du monde paysage, d'espaces verts, de la production,
32:33de la petite industrie, va vendre ses services, mais en faisant travailler des gens,
32:38qu'il faut remettre en situation de pouvoir se former, acquérir des qualifications, des compétences.
32:45Donc, il rend un service à la société, c'est pour cela qu'il est financé.
32:49En réalité, quand on nous dit que telle entreprise reçoit des subventions,
32:54elle est plus aidée que les entreprises conventionnelles, oui, mais parce que nous sommes délégataires
32:58d'une mission d'intérêt général, c'est-à-dire que nous endossons, nous, des missions que les autres entreprises n'endossent pas.
33:04Et qu'il me soit permis de dire, et c'est là où je voudrais tirer un peu la sonnette d'alarme sur un point,
33:10dans le projet de budget qui avait été proposé par M. Barnier et qui n'a guère été modifié
33:15pendant l'économie sociale et solidaire par le gouvernement Beyrou.
33:19L'union des employeurs de l'ESS, qui est l'UDESS, qui est le principal syndicat employeur de l'ESS,
33:24donc des chefs d'entreprise, estimait que les suppressions d'emplois dans l'ESS,
33:30en application de ce budget, seraient de l'ordre de 186 000.
33:33C'est considérable, c'est un plan social diffus sur l'ensemble du territoire,
33:37qui va amener une petite ressourcerie à se débarrasser de salariés,
33:41à se débarrasser d'établissements culturels, à se débarrasser d'un ou deux salariés,
33:44à se débarrasser d'un club de sport, etc.
33:47Et là où je voudrais alerter, c'est que nous sommes dans un moment où, à juste titre,
33:52le président de la République a pris la parole et devant les menaces,
33:55la guerre commerciale avec les Etats-Unis, les renversements d'alliances et la trahison des Etats-Unis,
34:00et d'ailleurs leur relais en France, le groupe Bolloré qui aujourd'hui se fait l'écho des positions russes,
34:06et clairement dans ces stratégies-là, les menaces militaires qui existent
34:11vont appeler à ce qu'à la fois les budgets militaires en Europe se renforcent,
34:15et donc il va bien falloir prendre l'argent quelque part,
34:18vont appeler à ce qu'on se dote d'une Europe de la défense, et moi j'approuve ces choix-là.
34:23Vous dites attention ? Ou on va chercher l'argent ?
34:26Alors non, j'espère que ce ne sera pas sur les budgets sociaux,
34:29mais ce que je veux dire c'est que le président de la République a dit que nous rentrons dans une période d'efforts,
34:34je veux lui dire que pour que la nation s'unisse,
34:39il ne faut pas remettre en cause ces mille et un liens sociaux sur les territoires
34:44qui sont assurés par des entreprises de l'ESS qui sont coproductrices de l'intérêt général.
34:49Vous prenez des territoires en milieu rural,
34:52vous prenez des territoires urbains un peu isolés, enclavés, que sont certaines cités,
34:57et vous observez qu'il n'y a plus beaucoup de services publics,
34:59qu'il y a très peu d'économies conventionnelles,
35:01et ce qui demeure solide au poste, c'est une maison de retraite non lucrative,
35:06une crèche non lucrative, une ressourcerie, une recyclerie, une épicerie solidaire,
35:10un établissement culturel, et l'économie sociale et solidaire
35:14qui assurent à la fois l'activité économique, mais aussi l'intérêt général.
35:19Et ces mille et un liens sociaux derrière chaque emploi de l'ESS,
35:23s'ils sont remis en cause par des mauvais budgets,
35:26c'est aussi notre capacité à nous lier entre nous, à faire société,
35:30donc à faire nation, qui sera remise en cause dans une période d'efforts et d'épreuves.
35:34C'est pour ça que ces choix-là ont des impacts qui vont bien au-delà
35:38de la santé d'une seule entreprise.
35:40– Ça rejoint cette interview que vous avez donnée au journal Libération l'été dernier,
35:44on était dans cette période où d'attente il n'y avait pas encore de nouveau Premier ministre,
35:49un gouvernement qui expédiait les affaires courantes,
35:51vous disiez aujourd'hui c'est moins le casting gouvernemental qui importe,
35:54même s'il est important, que d'apporter une nouvelle méthode de gouvernement.
35:57Je ne vois pas comment un gouvernement dans un tel contexte politique
35:59peut trouver l'assentiment des Français sans travailler avec la société civile,
36:03il faut faire un pas de côté et innover.
36:05Ce travail avec la société civile, vous l'avez vu à l'œuvre,
36:09pas beaucoup, que ce soit avec Michel Barnier qui n'a pas eu beaucoup de temps,
36:14ou avec François Bayrou depuis qu'il est là ?
36:17– Si vous voulez, en fait ce que j'aimerais dire c'est que
36:21quand on réfléchit à démocratiser la France,
36:24quand on analyse que nos institutions fonctionnent mal,
36:28le réflexe que l'on a, parce qu'on est nourri au biberon de la 5ème République,
36:33c'est de se dire qu'il faut changer les institutions.
36:36Ce débat-là est un débat intéressant, je ne le néglige ni ne le méprise,
36:40mais j'ai envie de dire que réfléchissons à la manière
36:45dont on peut aussi démocratiser l'économie,
36:47la manière dont on peut mieux associer à la fois les partenaires sociaux,
36:50mais aussi la société civile, aux décisions qui concernent les Français.
36:54Parce qu'en réalité, on garde beaucoup de verticalité,
36:58et on donne une forme de… il y a une sacralisation du politique en France,
37:02que je connais bien d'ailleurs, qui amène à considérer
37:06que le politique est omniscient et omnipotent.
37:09C'est fini cela, et il ne faut pas qu'on…
37:11– Oui, en même temps, un mauvais budget, vous nous le dites,
37:14ça peut provoquer la suppression de 150 000 ou 160 000 emplois.
37:18– Absolument, mais il y a des responsabilités qui sont grandes,
37:20d'où l'importance de construire des décisions politiques
37:23avec les principaux concernés, c'est-à-dire celles et ceux
37:26qui vont devoir, derrière, mettre en œuvre des stratégies économiques,
37:30mettre en œuvre des créations d'emplois ou pas,
37:33des services d'intérêt général ou pas, etc.
37:35Et ce que je crois, c'est qu'il faut davantage démocratiser l'économie,
37:38et ma conviction profonde, c'est qu'à un moment où de l'eau outre-Atlantique,
37:45mais ici aussi, certains vous disent,
37:47celui qui possède la richesse et la technologie doit pouvoir dire
37:52où doit aller le monde, considérant d'ailleurs,
37:56c'est intéressant, ce que font les Américains,
37:59c'est intéressant à observer, et Elon Musk, par exemple,
38:02quand il supprime 60 milliards de dollars annuels de USAID, il dit quoi ?
38:06Pourquoi continuer à aider des populations improductives,
38:10là où cet argent serait plus utile à alimenter la création,
38:15les innovations et la richesse de ceux qui sont plus intelligents,
38:19de ceux qui sont en haut de l'échelle sociale, en haut de l'intelligence humaine ?
38:22Eh bien, on a ce modèle-là qui existe aujourd'hui,
38:25où ces entreprises prennent le pouvoir politique.
38:28Moi, ce que je pense, c'est qu'il faut, plutôt que laisser ces entreprises
38:31remettre en cause les principes démocratiques des sociétés,
38:34il faut démocratiser l'économie.
38:36C'est ça que nous défendons, nous, dans l'ESS.
38:38Le principe de la démocratisation de l'économie,
38:40qui a été démarré à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle,
38:44on est largement resté au milieu du guet,
38:46puisqu'on va dire que depuis cette époque-là,
38:48il n'y a pas eu de véritable initiative pour tenter
38:51de mieux partager la décision dans les entreprises.
38:54Toutes les entreprises ne seront pas dans l'ESS,
38:56toutes ne seront pas non lucratives,
38:58mais il faut avoir un objectif, au regard de la résilience de ce modèle,
39:02et de son importance dans les épreuves à venir,
39:04pour la nation et pour l'Europe,
39:06il faut avoir un objectif d'augmentation de la part de l'ESS dans le PIB.
39:10Aujourd'hui, c'est 10% du PIB, 2,7 millions d'emplois.
39:14Nous devons avoir un objectif qu'il y ait davantage d'entreprises de l'ESS,
39:17coopératives, fondations, mutuelles, entreprises associatives,
39:20sociétés commerciales de l'ESS,
39:22beaucoup plus de transformation d'entreprises conventionnelles
39:25en entreprises de l'ESS.
39:26Parce que ce sont des entreprises plus démocratiques que les autres,
39:29par leur fonctionnement, et qui rendent un service à la société.
39:33Absolument.
39:35Elles fabriquent aussi un travailleur, un citoyen,
39:38plus doué pour le dialogue, plus doué pour le compromis,
39:40plus doué pour la responsabilité,
39:42et avec des opinions moins polarisées.
39:44Et je pense que ces services-là sont des services absolument précieux,
39:49et on a là, et je voudrais vous en convaincre,
39:52je crois que le patronat français commence à avoir ces choses-là,
39:56et c'est intéressant, c'est un atout incroyable pour la France,
39:59d'avoir une ESS aussi forte.
40:01On est parmi les seuls dans le monde à avoir tous les modèles d'entreprise de l'ESS.
40:06Ailleurs, vous trouverez principalement des coopératives,
40:08ou principalement des associations.
40:09En France, on a à peu près toute la palette.
40:12La loi que j'avais faite voter entre 2012 et 2014
40:17a servi de modèle à plusieurs pays.
40:19On est considéré comme un des pays qui est parmi les plus innovants
40:22sur les questions sociales.
40:23L'innovation sociale est dans le cœur de nos modèles.
40:26C'est un atout considérable.
40:28Est-ce que c'est aussi un moyen de garder ce modèle social,
40:32qui est aussi spécifiquement français, mais qui coûte cher ?
40:36C'est-à-dire qu'on est à 3 300 milliards de dettes.
40:40Est-ce que le fait de promouvoir l'économie sociale et solidaire,
40:44qui joue, vous nous le dites,
40:46qui remplit des missions de service public,
40:48c'est un moyen de faire perdurer, de sauvegarder ce modèle social, d'après vous ?
40:52Oui, mais après, il faut faire attention.
40:54On nous dit que l'ESS est intéressant, etc.
40:58Pour l'instant, l'État décide d'une taxe sur les mutuels d'un milliard d'euros per aide.
41:05Là, ce n'est pas une taxe temporaire,
41:07mais un milliard d'euros pour réduire les déficits.
41:11Là, c'est un prélèvement sur ce que vous, moi,
41:15comme assurés sociaux avec une complémentaire santé,
41:18on a cotisé, et cet argent-là, une taxe est mise en place.
41:22Ça fragilise ces modèles-là, j'en profite pour le dire.
41:26Mais ce que je crois, c'est qu'il faut surtout qu'on se convainque collectivement
41:33qu'on a là un véritable atout.
41:36Vous parlez des missions d'intérêt général,
41:40mais aujourd'hui, ces services qui sont rendus,
41:45les Français ne pourraient pas s'en passer.
41:48Et la question est de savoir, d'ailleurs,
41:51j'ouvre le débat si vous le souhaitez,
41:55est-ce que, par exemple, dans le domaine du grand âge
41:58ou de la prise en charge des personnes vulnérables,
42:00après le scandale hors PA,
42:02après le scandale dans certaines crèches lucratives,
42:04les uns et les autres, indépendamment de nos opinions partisanes,
42:08de droite ou de gauche,
42:09on ne peut pas se mettre d'accord dans un nouveau compromis social
42:12pour dire que les établissements qui prennent en charge ces personnes-là
42:17doivent être ou publics ou non lucratifs.
42:20C'est-à-dire qu'on ne peut pas jouer au dé
42:23la dignité des personnes âgées, dépendantes,
42:25qui peuvent être demain nos parents,
42:28qui seront nous-mêmes,
42:30sur un tapis où, un jour,
42:33un conseil d'administration décidera
42:36qu'il faut remonter les dividendes,
42:37et que si il faut les remonter,
42:38et que ça se fait au détriment de la santé, de la dignité des personnes,
42:41ce n'est pas grave.
42:42C'est ce qui s'est passé, là.
42:43C'est ce qui s'est passé.
42:45Et mettre à l'abri des personnes vulnérables,
42:47tout petits ou âgés,
42:49ça me semble être une certaine idée,
42:52puisqu'on parle beaucoup d'identité nationale, de civilisation,
42:54une certaine idée qu'on pourrait partager
42:58de la fin de vie ou du début de la vie.
43:00Et voilà, peut-être un champ dans lequel
43:04on attend que les politiques s'expriment,
43:06qu'ils agissent, enfin,
43:08et qu'ils aident l'ESS, qui a des compétences,
43:11de l'expertise, à proposer des solutions.
43:15Est-ce que c'est possible ?
43:16Dans les Landes, le département des Landes,
43:18il n'y a pas un EHPAD lucratif.
43:19Ils l'ont voulu.
43:20C'est public ou non lucratif.
43:22Le modèle de l'ESS appliqué pour les plus âgés
43:25et pour les plus petits.
43:26Il nous reste une dizaine de minutes.
43:28On va parler de Syngap Global.
43:29Vous êtes le directeur général de cette ONG internationale
43:32qui œuvre pour l'intégration et l'inclusion
43:34de personnes réfugiées ou nouveaux arrivants.
43:37C'est quoi, avec vos mots à vous, la mission de Syngap ?
43:40Et pourquoi vous y êtes allé ?
43:41Je vous ai déjà reçu ici.
43:42Je vous ai déjà posé la question,
43:43mais ça m'intéresse de vous entendre.
43:44C'est vent de face, en ce moment.
43:46Nous, nous sommes une ONG,
43:49donc une association internationale,
43:52puisque nous sommes présents dans ce pays.
43:54Nous travaillons principalement avec des grands financeurs privés.
43:59Certains, aujourd'hui, se retirent de leurs engagements
44:03en raison de ce qui se passe outre-Atlantique
44:05ou parce qu'ils sont présents sur les marchés américains
44:08ou parce qu'ils s'autocensurent
44:10ou parce que leurs engagements étaient répondus à des modes, j'imagine.
44:13C'était la mode de faire de l'inclusion.
44:15Maintenant, comme ça ne l'est plus, on arrête.
44:17Je le dis parce que c'est aussi ça qu'on observe.
44:20Et donc, ça, ça existe.
44:21Et donc, c'est plus dur pour nous.
44:23Nous, on est engagés dans l'inclusion des personnes réfugiées
44:25à travers l'entrepreneuriat.
44:27Chaque année, en sortie de nos incubateurs et accélérateurs,
44:30il y a des centaines d'entreprises créées
44:32par des personnes réfugiées ou nouvelles arrivantes
44:34qui créent de l'emploi, qui créent de la richesse.
44:36Bon, ça, c'est ce qu'on fait.
44:38Et ça, ce discours-là, on l'entend très peu.
44:40Nous, on essaie de le porter de temps en temps ici.
44:42Mais c'est plutôt le discours inverse, effectivement, sur l'immigration.
44:45Oui, c'est plutôt le discours positif.
44:47C'est que toute chose crée son contraire.
44:49Les vilains sont très vilains aujourd'hui.
44:51Et moi, ils ne me font pas peur.
44:53En plus, je trouve que...
44:55Entendre Musk et Trump, c'est une insulte à l'intelligence tous les jours.
44:58Ce que j'aimerais, j'en profite pour le dire,
45:00c'est que ça n'a rien à voir...
45:02Je profite parce que j'y pense là.
45:04On dit, quand on voit ces investissements dans l'intelligence artificielle,
45:07formidable, et que l'Europe le fasse aussi.
45:09Mais moi, je pense que là où on met un euro dans l'intelligence artificielle,
45:12il faut en mettre deux sur l'intelligence humaine, l'éducation et la formation.
45:15Parce qu'on voit bien que l'intelligence artificielle,
45:17entre les mains de gens qui n'ont aucun scrupule
45:20et de quelques crétins à côté,
45:22ça peut être extrêmement dangereux.
45:24Bon, je reviens à la fin de la parenthèse sur les euros investis.
45:27Mais là où ces ventes fassent,
45:29et là où c'est positif,
45:31c'est que ce qui se passe aux Etats-Unis
45:34et dans une grande partie du monde occidental
45:36crée son contraire, chez nous.
45:38Il y a des entreprises qui renforcent leurs engagements.
45:41Moi, je vais donner des noms maintenant.
45:43Je ne vais pas faire du name and shame,
45:45je vais faire du name and glorify.
45:47Le Crédit Mutuel, à travers sa fondation,
45:49a un engagement sur les questions d'inclusion
45:52qui est remarquable.
45:54Continuent dans le temps, ils agissent,
45:56et ils agissent en faveur de l'économie sociale et solidaire.
45:58Le groupe L'Oréal, avec lequel nous travaillons,
46:01fait sur ces questions de diversité et d'inclusion,
46:04nous, nous l'observons chez eux,
46:06comme dans leur partenariat,
46:08une action remarquable.
46:10Pourquoi ? Parce qu'ils savent que
46:12celles et ceux à qui ils vendent leurs produits
46:14ont toutes les couleurs, toutes les textures de cheveux,
46:16toutes les cultures,
46:18et qu'il est absurde de décréter
46:21qu'une partie de l'humanité
46:23doit dominer toutes les autres.
46:25C'est ce que font aujourd'hui
46:27les Américains, les Russes d'ailleurs,
46:29et quelques autres.
46:31Le groupe Generali d'assurance
46:33est aujourd'hui engagé aux côtés de Singa
46:35et maintient son engagement à travers
46:37sa fondation de Human Safety Net.
46:39Il y a des gens qui ne marchent pas
46:41dans ce discours selon lequel,
46:43parce que Trump gronde,
46:45il faut rentrer la tête dans les épaules.
46:47Le repli sur soi.
46:49Oui, et qui préfèrent
46:51conserver notre business
46:53et taisons-nous sur le reste.
46:55Et qui ne sont pas en train de brandir
46:57ces entreprises un pavillon en disant
46:59qu'on est contre l'administration américaine,
47:01mais qui maintiennent un engagement
47:03en faveur de l'inclusion.
47:05Et il me plaît de souligner
47:07l'engagement renouvelé
47:09de ces groupes
47:11qui sont ou WSS ou pas,
47:13parce que
47:15je préfère retenir
47:17ces éléments positifs
47:19dans des périodes
47:21où ça tourbillonne
47:23et il n'y a pas de vent de face
47:25que de vous faire la litanie
47:27des mauvaises nouvelles qu'on a.
47:29Mais on a bien compris
47:31que le vent était de face.
47:33Chaque semaine, on demande
47:35à notre invité,
47:37et vous le ferez pour Caroline Néron,
47:39la présidente du mouvement Impact France,
47:41de poser une question
47:43à celui qui pratique
47:45le Grand Entretien.
47:47C'était Mercelle Essera,
47:49la présidente de l'agence BETC.
47:51Je sais très bien votre travail actuel,
47:53votre travail sur Singa,
47:55mais votre travail sur toute la réflexion
47:57sur le sociétal, l'impact.
47:59Mais il y a une chose
48:01qui m'intéresse beaucoup,
48:03c'est de savoir comment est-ce que
48:05votre travail a plus d'impact.
48:07Comment on fait pour que la France,
48:09pour que la politique française
48:11soit davantage concernée par ces questions,
48:13en particulier cette question
48:15de la diversité ?
48:17Il me semble qu'on a du boulot.
48:19Est-ce qu'on peut faire pour que
48:21on ait un rôle plus important,
48:23peut-être un rôle politique, pour demain ?
48:25Il y a toujours la question
48:27de si Benoît Hamon va refaire de la politique.
48:29Mais ça, ce n'est pas pour moi
48:31la plus importante. C'est sur l'efficacité.
48:33Où est-ce que vous,
48:35vous avez le sentiment d'avoir le plus d'impact ?
48:37Aujourd'hui, dans ce que vous faites,
48:39il y a 12 ans que vous étiez ministre.
48:41C'est moi qui pose la question,
48:43parce que sur ces questions...
48:45Elle est particulièrement engagée.
48:47Ce n'est pas du fake.
48:49Merci à elle.
48:51Moi, je vais être très concret.
48:53Je pense que
48:55tout ce que je viens de vous dire
48:57a très peu d'impact.
48:59Au sens où,
49:01dès qu'on parle d'immigration,
49:03on renforce les polarisations.
49:05Ceux qui sont contre sont encore plus contre,
49:07même quand on leur met des preuves sur la table.
49:09Au milieu, on doute.
49:11Je pense que
49:13ce que je peux vous dire, ça fait partie du plaidoyer,
49:15mais ce qui a de l'impact,
49:17c'est la personne,
49:19en tout cas pour Singa,
49:21qui va créer son entreprise.
49:23C'est l'efficacité de l'incubateur.
49:25Rendre des services.
49:27Souvent,
49:29les sujets sur lesquels les entreprises sont créées
49:31partent de l'observation par ces entrepreneurs
49:33de défaillance dans nos sociétés,
49:35notamment sur les questions d'inclusion.
49:37Ils réparent
49:39des problèmes qu'ils ont observés
49:41dans leur inclusion difficile.
49:43En clair,
49:45une famille kurde
49:47qui reprend une boulangerie au coeur de la Creuse
49:49aura beaucoup plus d'impact
49:51que je n'en ai.
49:53Pourquoi ?
49:55Parce qu'elle transforme le regard qu'on a sur la migration.
49:57C'est là où,
49:59souvent,
50:01dans les discussions qu'on a avec nos financeurs,
50:03ils nous disent, sur les données d'impact,
50:05combien avez-vous créé d'entreprises ?
50:07On leur dit que ce n'est pas l'impact,
50:09c'est le résultat de notre programme.
50:11Quels sont nos chiffres ?
50:13L'impact, c'est autre chose.
50:15Cette activité-là
50:17a-t-elle transformé
50:19la perception qu'on a des migrations ?
50:21Là où elles sont vécues comme négatives
50:23et menaçantes,
50:25voit-on les opportunités,
50:27le potentiel, les solutions
50:29qu'il y a derrière ces migrations
50:31aux problèmes qui sont les nôtres ?
50:33Le plaidoyer est important
50:35avec ce chiffre qui est toujours frappant.
50:37Je vais le redonner.
50:39Parmi les 500 premières entreprises américaines,
50:4143% ont été fondées ou cofondées
50:43par des immigrés de première
50:45ou de deuxième génération.
50:47C'est un peu la même chose en France
50:49ou en Europe,
50:51d'une façon moins marquée ?
50:53Sur la tech,
50:55il y a énormément de personnes
50:57nouvelles arrivantes,
50:59d'étrangers.
51:01Il y a une différence entre immigrés et étrangers.
51:03Les immigrés comptent les personnes naturalisées.
51:05La première nationalité, le sait-on,
51:07des immigrants en France,
51:09c'est française.
51:11Il y a 2,5 millions de personnes
51:13qui ont été naturalisées
51:15et comptent toujours ces 10,7%
51:17de migrants en France.
51:19C'est le terme utilisé par l'INSEE
51:21et les Nations Unies.
51:23Je ferme la parenthèse.
51:25Dans la tech, il y a une surreprésentation.
51:27C'est vrai dans toute l'Europe.
51:29En France, on avait une statistique
51:31sur laquelle on aimerait bien travailler.
51:33Il reste une minute.
51:35En France, ce sont des étrangers.
51:37Il y a une surreprésentation des étrangers
51:39dans la création d'entreprises.
51:41Pourquoi ? Parce qu'ils connaissent le déclassement professionnel.
51:43Il faut en moyenne, en France,
51:4510 ans pour retrouver
51:47son statut social d'origine.
51:49J'étais architecte, prof,
51:51ou infirmier.
51:53Avant que je retrouve un statut comparable,
51:55il me faut 10 ans.
51:57C'est loin d'être l'eldorado.
51:59Les gens viendraient pour les aides sociales.
52:01C'est pas vrai.
52:03C'est loin d'être l'eldorado qu'on raconte.
52:05Sachons-le,
52:07sur ces sujets,
52:09il y a de moins en moins d'actifs
52:11pour cotiser de plus en plus d'inactifs.
52:13Sans les migrations, ce sera la retraite à 68 ans
52:15et la baisse des pensions des retraités
52:17à l'horizon de 2030.
52:19Tout dirigeant qui vous dit qu'il faut baisser les migrations,
52:21il faut lui dire qu'il s'engage sur la retraite à 68 ans
52:23et la baisse des pensions des retraités.
52:25Quand les gens sauront ça,
52:27peut-être qu'ils réfléchiront différemment
52:29à la question des migrations.
52:31Merci.
52:33On passe à notre rubrique Start-up.
52:41Smart Ideas avec Jean Sautreau.
52:43Bonjour.
52:45Vous êtes le président de Boody,
52:47créé en janvier 2023.
52:49Avec quelle idée ?
52:51A l'idée de départ, c'était de réduire les déchets plastiques
52:53et d'offrir au monde de la construction,
52:55aux bâtiments, des solutions
52:57avec des panneaux faits à partir de déchets plastiques
52:59pour remplacer soit des bois bacalysés
53:01qui venaient de Chine, de Russie,
53:03et surtout des solutions plutôt à usage unique
53:05qui, dès qu'ils avaient servi,
53:07ça partait à la poubelle et ça partait en enfouissement.
53:09Et parfois, même si c'était des plastiques
53:11qui partaient directement des coffrages à usage unique
53:13qui partaient en enfouissement.
53:15Je trouvais ça absolument délirant
53:17parce que c'était des tonnages très importants
53:19alors qu'on a une quantité de déchets
53:21incroyable.
53:23Je me suis dit que j'avais déjà monté une entreprise
53:25dans des matériaux innovants avant
53:27et j'ai dit qu'on allait faire quelque chose.
53:29Donc, déchets plastiques que vous transformez
53:31en coffrages à usage du BTP, c'est ça ?
53:33C'est ça. En fait, on prend votre mobilier de jardin,
53:35votre chaise, votre table, quand elle est cassée,
53:37ça part en déchetterie, c'est broyé dans des grands centres
53:39de tri, de recyclage, et on va prendre des déchets
53:41qu'on appelle post-consommation,
53:43très hétérogènes, qui viennent de partout
53:45et puis on a travaillé
53:47en termes de R&D et on va les presser
53:49en faire comme une grosse machine à panini.
53:51On presse tout ça et on fait
53:53des très beaux panneaux qui vont servir justement
53:55pour ces usages, qui vont pouvoir être réemployés
53:57un grand nombre de fois, mais surtout à la fin.
53:59On va pouvoir les récupérer de nouveau
54:01et les recycler une fois encore.
54:03Vous avez fait le choix de l'économie sociale et solidaire. Pourquoi ?
54:05Alors, j'avais eu la chance de vendre
54:07ma première entreprise à un grand groupe
54:09et il me restait quelques années à travailler
54:11grâce à Emmanuel et je me suis dit
54:13on va faire quelque chose quand même.
54:15Et à faire quelque chose, je voulais quelque chose qui me parle
54:17énormément et je me suis dit
54:19mon problème, ce n'était pas de créer
54:21de la valeur pour moi-même, mais plutôt
54:23ou alors, ça dépend de quelle valeur on parle
54:25mais en tout cas
54:27de faire quelque chose qui avait énormément de sens
54:29et de partir de mon expérience
54:31et de me dire, les dernières années
54:33je vais mettre à profit mon expérience, mon expertise technique
54:35et mon envie de faire
54:37au service des personnes en situation de handicap
54:39et au service d'une cause environnementale
54:41sur la réduction des déchets, de l'impact de CO2
54:43et ainsi de suite. Donc, c'est une entreprise
54:45adaptée, vous dites. C'est très particulier
54:47on est à la fois une entreprise innovante
54:49on est incubée dans un centre de recherche
54:51à l'école des mines d'Alès
54:53on a nos propres locaux de production à côté
54:55mais on est également une entreprise adaptée
54:57une entreprise de l'ESS
54:59et quasiment tous nos salariés
55:01sont en situation de handicap.
55:03Alors, pourquoi Boudi ?
55:05C'est lié à ce
55:07positionnement géographique, c'est ça ?
55:09Complètement. Quand j'ai cherché un nom pour l'entreprise
55:11en fait, moi je suis un cénode d'adoption
55:13ça fait une vingtaine d'années et à chaque fois qu'on leur demandait
55:15quelque chose, ils disaient Boudi !
55:17En fait, ça veut dire bon dieu en occident
55:19Boudi, Boudio, Boudiou, peu importe
55:21mais c'est ce qui ressortait
55:23tout le temps et comme je voulais aussi qu'on marque la surprise
55:25l'étonnement, je me suis dit bon ben voilà
55:27j'ai enfin le nom de l'entreprise.
55:29Vous en êtes où là ? Vous êtes quoi ? Deux ans
55:31après la création
55:33un petit bilan d'étape ?
55:35Alors un petit bilan d'étape, on a passé une grosse
55:37année à aller
55:39chercher les déchets plastiques
55:41qui étaient les moins valorisés
55:43vous et moi on consomme 70 kilos de plastique
55:45à peu près par an en moyenne, il y en a seulement
55:4780% qui vont être
55:4920% qui vont être recyclés
55:51les 80% vont finir dans le sol
55:53dans la mer, dans l'eau, enfin tout ce qu'on veut
55:55et donc il fallait regarder
55:57pourquoi on
55:59ne recyclait pas plus et on a été chercher
56:01des gisements qui étaient
56:03difficilement valorisables parce que très
56:05hétérogènes, votre mobilier de jardin, vous ne savez pas d'où il vient
56:07vous ne savez pas ce qu'il y a dedans, donc plutôt des déchets
56:09post consommation, très mal valorisés
56:11et on a travaillé en recherche pendant une année
56:13pour comprendre comment
56:15on pouvait les utiliser, puis une année supplémentaire
56:17l'année dernière pour trouver les process
56:19pour arriver à faire ces panneaux
56:21et commencer à faire des premiers tests chantier
56:23faire des premières applications
56:25et là on lance la partie industrielle et commerciale
56:27alors on a quand même facturé un petit peu
56:29on a trouvé des moyens de vivre
56:31de survivre et puis maintenant
56:33on rentre dans une nouvelle phase d'industrialisation
56:35et commercialisation. Donc industrialisation, commercialisation
56:37emploi ?
56:39On a déjà recruté
56:41nos salariés qui sont
56:43notamment en production, mon assistante également
56:45qui sont des salariés
56:47en situation de handicap, il y a deux jeunes
56:49ingénieurs aussi des mines d'Alaise
56:51qui sont venus nous rejoindre
56:53et ça fait
56:55déjà une belle petite équipe qu'on anime
56:57et on démarre là.
56:59Merci beaucoup Jean Sautreau et bon vent
57:01à Boudi et on vous souhaite
57:03le meilleur. Voilà c'est la fin de ce numéro
57:05de Smart Impact
57:07je vous dis à très vite pour une nouvelle émission
57:09sur la chaîne des Audacieux et les Audacieux, salut !