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LEX INSIDE du 13 mars 2025

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00:00Alors on poursuit notre émission avec notre séquence cas pratiques. Mathieu,
00:14concrètement comment se met en œuvre le devoir de vigilance ? Alors le devoir de vigilance il
00:21se met en œuvre en appliquant les règles de droit par chacune des entreprises concernées et aussi
00:27en tenant une importance significative aux décisions de justice qui sont rendues sur ce
00:36domaine en particulier dans ce domaine de manière générale mais en particulier dans ce domaine
00:40parce que c'est un domaine en construction. Les textes sont récents et il y a encore très peu de
00:46jurisprudence et donc toute décision qui est rendue en la matière a une portée ou en tout
00:53cas un intérêt qui mérite d'être suivi pour interroger sa propre pratique quand on
00:59naît une entreprise et qu'on met en place le devoir de vigilance. Sur les décisions qui ont
01:04été rendues aujourd'hui, un peu moins de dix ans après l'entrée en vigueur de la loi, vous avez
01:11seulement ou déjà, c'est selon, deux décisions au fond qui ont été rendues. Une qui date du 5
01:18décembre 2023, qui a été très commentée, qui concerne la société La Poste, qui était assignée
01:25par un syndicat et qui considérait que le plan de vigilance de la société était insuffisamment
01:32précis. Le juge, en première instance, a considéré que le plan de vigilance de La Poste avait un trop
01:38haut niveau de généralité et donc il a invité, même ordonné à la société, de modifier son plan
01:44de vigilance. Dans cette décision, il y a des éléments de droit très intéressants, pédagogiques
01:49et intéressants, pour comprendre, selon le juge du tribunal judiciaire de première instance, qu'est-ce
01:55que doit être le plan de vigilance et comment est-ce que l'entreprise doit l'implémenter. C'est une
02:00décision qui fait l'objet d'un appel, donc elle n'est pas définitive. Il faut se garder d'y accorder
02:03trop d'importance, ou en tout cas une importance définitive. Ce qu'on voit aussi, et là c'est
02:10un enseignement pratique qui est fondamental, même si la décision n'est pas définitive, c'est la
02:13question de la preuve. La société faisait notamment valoir qu'elle avait eu un certain
02:19nombre d'échanges avec le syndicat en question sur tel et tel sujet. Le juge a relevé qu'il n'y
02:26avait pas d'élément de preuve écrit de l'échange, il n'y avait pas de compte-rendu, il n'y avait pas
02:32de notes, il n'y avait pas d'email de synthèse de l'échange qui avait pu avoir lieu entre la
02:36société et le syndicat. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que très pragmatiquement et
02:41sans être un génie juridique ou de la RSE, il faut se ménager à chaque fois qu'on fait quelque
02:48chose, la preuve qu'on l'a fait et qu'on l'a bien fait. Parce que le contentieux par nature,
02:53il est postérieur au fait, il peut arriver six mois, un jour, mais aussi comme deux ans,
03:00trois ans ou cinq ans plus tard. Et il faut absolument se garder la preuve, pour le devoir
03:05de vigilance par exemple, de ce travail de co-construction. Ça passe par des échanges
03:09écrits, parce que le juge n'est pas là pour croire les partis ou leurs avocats sur parole
03:15plusieurs années plus tard. Ça c'est fondamental. S'il y a quelque chose à retenir de simple mais
03:20d'efficace, c'est la preuve. Le droit n'est rien devant le tribunal si vous n'avez pas la preuve
03:24du droit. Ensuite ce qu'on voit aussi, et c'est l'autre décision au fond qui a été rendue,
03:30qui vient d'être rendue et que mon cabinet a participé à obtenir, c'est que le devoir de
03:36vigilance peut être utilisé par les demandeurs, en l'occurrence c'était également un syndicat,
03:42pour critiquer un plan de réorganisation de l'entreprise. Le syndicat en deux mots considérait
03:49que le plan de réorganisation de l'entreprise avait des conséquences environnementales et
03:54sociales négatives et que ça aurait dû être inscrit dans le plan de vigilance. On a soutenu
03:58le contraire, le tribunal a rejeté les demandes. La décision n'est pas définitive non plus. Mais
04:03on voit qu'il y a aussi un travail de pédagogie à faire, parce qu'à mon avis le plan de vigilance,
04:09ça n'est pas un outil qui est là pour critiquer un plan de réorganisation de l'entreprise. Il y a
04:14des outils de droits sociaux, il y a des outils qui existent sur ce sujet là, mais je pense qu'il
04:18faut que tout le monde comprenne que le plan de vigilance c'est quelque chose, c'est un document
04:24public qui est là pour exposer les risques liés à l'activité de l'entreprise. Et une réorganisation
04:30n'est, à mon avis en tout cas, pas une activité. Donc un, pédagogie, deux, preuves, trois, le
04:38pilotage du plan de vigilance. Ça je laisserai Sabine et Philippe en parler mieux que moi parce
04:43qu'ils sont au sein des entreprises alors que moi je suis à côté, je les accompagne. Mais ce que
04:49je vois c'est qu'il faut qu'il y ait des gens qui soient investis de responsabilité sur ce sujet là,
04:54il faut qu'il y ait un responsable du plan de vigilance, mais il faut aussi une implication
04:57collective de l'entreprise et en particulier de ses dirigeants sur ce sujet là. Et j'en finis par
05:03là, une implication et une mise en valeur du juriste, parce que le juriste il a, que ce soit
05:10le juriste interne ou externe, cette grande chance de parler à tout le monde. Moi mes interlocuteurs
05:16ce sont autant des directeurs généraux que des directeurs financiers, que des directeurs RSA,
05:20j'essaye de speak with the language et de trouver un language commun, un langage commun à tout le
05:26monde. Et le droit c'est un point de réunion de tout le monde, surtout sur ce sujet là qui
05:31objectivement intéresse tout le monde. On a tous intérêt à ce que l'environnement aujourd'hui et
05:37plus tard pour nos enfants et nos petits-enfants soit préservé et soit vivable. Vous n'avez pas
05:43un chef d'entreprise, vous n'avez pas un salarié qui vous dira le contraire, vous n'avez pas un
05:47conseil le plus cynique possible qui vous dira le contraire. C'est un sujet qui réunit, qui réunit
05:52les bonnes intentions mais au-delà des bonnes intentions, l'intérêt et les bonnes oeuvres et
05:58les bonnes activités. Et moi ce que je vois c'est qu'au sein de l'entreprise ça réunit et c'est
06:04une force de canalisation de beaucoup d'énergie, dans le bon sens et pour le bien commun. Et en
06:10dehors de l'entreprise c'est aussi quelque chose de fondamental. Le juge se mobilise sur le devoir
06:15de vigilance, la cour d'appel, le tribunal judiciaire, le tribunal de commerce, toutes ces
06:19juridictions importantes, la cour d'appel de Paris, le tribunal judiciaire de Paris, le tribunal de
06:24commerce de Paris et d'autres sont en train ou ont créé des chambres spéciales pour avoir des juges
06:29qui sont au fait de ces nouveaux droits. Donc le juge se mobilise, le jury se mobilise, les entreprises
06:35se mobilisent et quel que soit le contexte politique, géopolitique actuel et ce qu'on peut
06:42vivre de difficile ou de dramatique, le fait de préserver l'environnement c'est quelque chose qui
06:48durera. On a besoin de ça à court, à moyen et long terme et c'est un sujet sur lequel le juriste
06:54peut se considérer humblement comme au centre des échanges. Alors ça j'imagine que ça doit vous
06:59plaire Philippe, le juriste au centre du jeu. D'abord ce débat me plaît beaucoup parce que c'est
07:05je trouve qu'il contribue à la lutte contre l'éco-anxiété et le juriste peut être un agent
07:10pharmaceutique quelque part pour lutter contre cette anxiété. Non mais plus sérieusement moi je
07:16trouve ça très intéressant parce que ce que j'entends aussi dans tous les termes de ce débat
07:22c'est que la place du juriste elle devient centrale aussi par un autre point. Dans le débat
07:29précédent on avait parlé de la gestion de crise, le fait que le juriste peut être aussi un moment
07:35d'innovation, de créativité pour anticiper ces risques et sortir aussi de sa case où on l'a
07:41souvent mis pendant longtemps. Il y a un autre aspect ici que je trouve intéressant c'est le
07:46fait aussi que le juriste peut se présenter dans la cartographie des risques vers la
07:52contractualisation de l'avenir de l'entreprise. Parce que même si on est sur une obligation de
07:58moyens, lorsqu'on évoque dans son rapport son plan pour demain, donc on fait de la
08:04prospective, on le fait un peu comme de la soft law, c'est à dire du droit souple et non pas mou,
08:09qui va s'inscrire sur qu'est ce que je veux moi en tant qu'entreprise, quelle ambition je
08:15peux afficher vis-à-vis d'un cadre donné, d'un cadre avec des règles du jeu complexes. Les règles
08:21du jeu, tout ce dont on parle a été écrit avant une mutation récente en Amérique, avec des règles
08:31moindres probablement pendant au moins quatre ans sur les règles en matière environnementale. Donc
08:37je pense qu'il faut aussi prendre ça en compte. Et social et de gouvernance. Et social et de
08:42gouvernance et du reste. Donc sans vouloir entrer aucunement dans un débat politique complexe et
08:49improbable, juste dire que gardons en tête, je l'ai dit dans le premier temps de ce débat,
08:57l'attractivité des entreprises en France et en Europe nous concerne. Donc le mieux est l'ennemi
09:02du bien. Si vos concurrents ont quatre fois moins de règles que vous, ça ne va pas être très
09:09sympathique pour votre PNL après. Donc on a aussi besoin de le faire avec une approche
09:15en droits comparés. Alors je sais que le Sénat travaille beaucoup sur le texte, que la directive
09:23elle-même est en réforme, CSRD. Donc on a aussi, nous en tant que juriste, l'obligation de lever
09:30les yeux au-dessus du nez de l'avion et de se dire, attendez, où on va ? Tout ça c'est très joli, ça fait
09:36travailler plein de juristes, tout ça c'est très bien. Mais est-ce qu'on n'en parle pas aussi sur la
09:41perspective du droit ? On ne parle pas de la mise en oeuvre du droit, de la perspective du droit comme on
09:45veut, qu'il soit pour que les entreprises rayonnent. Identifier ce qui peut être intéressant. Équaliser
09:51les règles, anticiper ce qu'elles vont être ou ne plus être également. Et un dernier point aussi,
09:56là où les juristes ont un rôle à jouer, c'est sur la configuration de l'IA générative appliquée
10:03à ces matières. C'est une matière qui se prête bien à la cartographie, les matières de l'analyse,
10:10du crawling du web, à ce que l'IA puisse être un outil de la direction juridique. Et là je dis,
10:16il faut prendre le flambeau, il ne faut pas attendre que l'IT vous le donne. Le mot de la fin Philippe.
10:21C'est le moment de conclure cette émission. Merci à tous les trois, merci pour votre fidélité,
10:30c'était Lex Inside, Le Grand Débat.

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