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  • 07/03/2025
Au lendemain de l'annonce de Gérald Darmanin des nouvelles prisons ultra sécurisées, un des Procureurs les plus confronté aux narcotrafiquants est l'invité de RTL. Cette prison est-elle la solution ? Est-ce le début d'une offensive efficace ? Regardez Nicolas Bessone, Procureur de la République de Marseille.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 07 mars 2025.

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Transcription
00:00RTL Matin
00:03L'invité de RTL Matin est aujourd'hui Thomas, vous recevez le procureur de Marseille Nicolas Besson.
00:09Bonjour et bienvenue sur RTL Nicolas Besson.
00:11Bonjour.
00:12Vous êtes un des procureurs les plus confrontés au narcotrafic.
00:15Le garde des Sceaux Gérald Darmanin a annoncé hier soir que c'est dans deux prisons de haute sécurité
00:20à Vendin-le-Vieil dans le Pas-de-Calais et à Condé-sur-Sarthe dans l'Orne
00:23que seront accueillis d'ici la mi-octobre 200 des plus gros trafiquants de drogue du pays.
00:27C'est la première pierre d'une révolution ou votre enthousiasme est plus feutré ce matin monsieur le procureur ?
00:33Non, on avait un réel besoin d'isoler les personnes du haut du spectre de la criminalité organisée
00:40puisqu'on avait constaté ces derniers mois qu'ils continuaient à gérer leur trafic
00:45voire à commanditer des assassinats depuis leur lieu de détention
00:49et donc la création de ces établissements très fermés et très sécurisés va dans le bon sens.
00:57Ça va dans le bon sens, mais est-ce que c'est de nature à stopper ce qu'on appelle la mexicanisation de la France ?
01:01A terme, ce sont 600 à 700 détenus qui seront isolés comme ça en haute sécurité ?
01:06Oui, c'est un des outils, un des instruments.
01:10Comme vous le savez, une loi est devant le Parlement, l'Assemblée Nationale en ce moment
01:15concernant une lutte globale contre le narconotrafic
01:19qui est une menace très forte pour notre société, n'ayons pas peur des mots.
01:25C'est un outil, parmi d'autres, tel que celui de l'évolution du statut des collaborateurs de justice,
01:32des cours d'assises spéciales et d'autres mesures qui ont pour objet de donner aux magistrats
01:38et aux services enquêteurs la capacité de juguler ce phénomène.
01:42Donc quand Gérald Darmanin dit que l'objectif c'est qu'il n'y ait plus jamais une affaire AMRA du nom de Mohamed Amra,
01:47vous dites, c'est sur la bonne voie, mais il faudra d'autres choses en complément, ça ne suffira pas en soi ?
01:53Oui, comme je vous l'indiquais, c'est un élément.
01:56Quand les personnes ont été traduites devant la justice, qu'elles ont été condamnées ou qu'elles ont été placées en détention provisoire,
02:02il est inentendable qu'ils puissent continuer à trafiquer, à commettre des infractions depuis leur lieu de détention.
02:10Donc au regard de l'autorité de l'État et de l'efficacité de la réponse judiciaire, c'est un élément fondamental.
02:17Mais comme je vous l'indiquais, ce n'est pas le seul.
02:19Il faut également avoir des outils qui nous permettent d'identifier les auteurs
02:25et de permettre à la police de les traduire devant la justice.
02:28Combien vous avez de narcotrafiquants qui posent problème chez vous, à Marseille, dans la région ?
02:32Combien seraient concernés ? Combien il faudrait isoler aujourd'hui ?
02:36Nous sommes en train de procéder à cette évaluation avec l'administration pénitentiaire,
02:42le tribunal de Marseille naturellement, et les services enquêteurs.
02:46Je ne peux pas vous livrer un chiffre...
02:48Un ordre de grandeur, c'est-à-dire des dizaines ?
02:50En revanche, ce que je peux vous indiquer, l'action résolue de la justice marseillaise
02:56fait qu'actuellement 2000 personnes sont mises en examen pour des faits relatifs au narcotrafic,
03:03que ce soit des narcomicides, ou des trafics, ou des extorsions, et d'autres types d'infractions.
03:08Naturellement, ces 2000 personnes ne relèvent pas du haut du spectre,
03:12mais j'estime que sur Marseille, effectivement, on peut parler de plusieurs dizaines.
03:17Et quand vous dites 2000 personnes, c'est un chiffre qui est en forte hausse
03:20par rapport à ces derniers mois, ces dernières années ?
03:22Oui, oui, oui. Ce contentieux du narcotrafic est devenu un contentieux de masse,
03:29sur une agglomération comme Marseille, et comme je vous le dis,
03:33avec une action résolue de la police judiciaire des magistrats et instructeurs du parquet,
03:38nous avons eu quelques résultats qu'il conviendra évidemment de conforter,
03:42mais c'est un phénomène massif, et c'est la raison pour laquelle cette loi est tant attendue
03:48pour nous donner les moyens de lutter.
03:51Il n'y aura pas, pour l'instant en tout cas, de prison de haute sécurité à Marseille,
03:55ville concernée au premier chef, ça change quelque chose ?
03:58Vous êtes un peu déçu, entre guillemets, ou au contraire vous dites qu'il vaut mieux les éloigner ?
04:02Alors, le ministre a parlé d'ouvrir quatre établissements.
04:10À mon sens, il est évident qu'il y a deux établissements dans le nord,
04:14il faudra à terme, quand les travaux auront pu être engagés,
04:18que les possibilités techniques seront réalisées,
04:21il faut nécessairement qu'il y ait également un établissement dans le sud.
04:25Je ne suis pas déçu, la localisation, en réalité, peu importe,
04:30c'est le contenu de ces quartiers sécurisés qui me paraissent importants.
04:36Par ailleurs, on ne sait toujours pas où sera installé, M. le procureur,
04:39le PNACO, le Parquet national contre la criminalité organisée,
04:42contre le narcotrafic, pour simplifier.
04:44Vous souhaitez que ce soit à Marseille, au plus près de vos problèmes, ça vous aiderait, ça ou pas ?
04:47Alors, une mission de préfiguration, qui a été nommée par le garde des Sceaux,
04:54qui a rendu des conclusions, il y avait effectivement une possibilité,
04:58soit de l'installer à Marseille, soit de l'installer à Paris.
05:02La mission de préfiguration, pour un certain nombre de raisons tout à fait légitimes,
05:06a préconisé que le PNACO soit placé à Paris.
05:10Moi, je serais tenté de vous dire, peu importe la localisation,
05:14l'importance de ce PNACO, c'est qu'il coordonne, qu'il représente,
05:20et que nous ayons une sorte de navire amiral qui gère, pour l'ensemble du territoire,
05:27les aspects stratégiques de la lutte contre le narcotrafic.
05:30Après, on nous a questionnés, et nous, nous étions naturellement prêts à le recevoir à Marseille.
05:36Nicolas Besson, vous évoquiez ce qui se passe aujourd'hui dans les prisons,
05:38avec des meurtres qui sont parfois commandités depuis les cellules.
05:41C'est vrai que les prisons ont une image aujourd'hui de zones de non-droit,
05:44où l'on trafique ce qu'on veut, où les drones livrent ce qu'ils veulent,
05:47où finalement les détenus font la loi.
05:49A-t-on encore le contrôle de nos prisons aujourd'hui en France ?
05:52Vous avez un constat là, qui est même un petit peu sévère.
05:56Pardon, mais c'est dans le cadre d'une enquête partie de chez vous,
05:59que la cellule d'Amra avait été sonorisée,
06:01et qu'on s'était aperçu qu'il vivait tranquillement sa vie de dealer et de chef criminel depuis sa cellule.
06:05Oui, vous avez raison.
06:07On a des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire
06:11qui ont subi la même vague que la justice et la police par rapport à ce narcotrafic.
06:16Il est évident qu'il y a des problématiques de drones, c'est évident.
06:23Il faut que nous travaillons tous ensemble,
06:27et c'est l'action du parquet de Marseille avec la direction des Beaumètres par exemple,
06:32qui a fait que nous avons eu quelques résultats.
06:34Donc ces prisons, comme je vous l'ai indiqué,
06:37vont dans le bon sens pour éviter ce que vous venez de décrire.
06:42Il y a une question qui est un peu taboue,
06:44c'est celle de la corruption des fonctionnaires pénitentiaires.
06:47Ça relève du problème réel ou du fantasme aujourd'hui ?
06:51La problématique de la corruption...
06:55Par les narcotrafiquants ?
06:56Oui, par les narcotrafiquants, c'est évident.
06:58Ils ont des moyens financiers illimités.
07:01Et elle est de quelle ampleur ?
07:03Elle est importante et elle ne touche pas d'ailleurs que l'administration pénitentiaire,
07:07il faut dire les choses, également les forces de sécurité intérieure,
07:11les services judiciaires,
07:13mais également les auxiliaires de justice
07:16et puis les opérateurs privés tels que les personnes qui peuvent travailler sur les ports.
07:22Donc c'est une vraie problématique qu'il convient là aussi de traiter
07:27et la loi a prévu des dispositions donnant des compétences aux juridictions spécialisées
07:32telles que celles de Marseille pour travailler plus spécifiquement
07:36sur la corruption liée au narcotrafic.
07:38Mais pardon, mais c'est assez inquiétant de nous entendre dire que c'est important
07:41et nous décrire tout ça.
07:42Ça concerne quelques dizaines, ou concernerait quelques dizaines de personnes,
07:45quelques centaines, c'est généralisé ?
07:47Je vois que vous aimez bien les chiffres, c'est compliqué.
07:51Non, mais j'imagine que c'est compliqué.
07:53C'est un phénomène réel, c'est un phénomène qu'il convient de nommer
07:58et qu'il convient de traiter.
08:00Je ne peux pas vous donner de chiffres comme ça,
08:02mais effectivement plusieurs enquêtes sont actuellement diligentées à Marseille
08:06et ailleurs d'ailleurs, pour lutter contre ce phénomène.
08:11On entend dire aussi que des complices des trafiquants passeraient le concours
08:14de l'administration pénitentiaire pour devenir surveillants
08:17et noyauter les prisons de l'intérieur.
08:19C'est fantasme ou réalité ça ? Ça existe ?
08:23C'est ce qui se dit, mais en revanche, je suis magistrat
08:27et je n'ai aucune enquête en cours liée à ce phénomène.
08:33C'est des choses que l'on entend ici ou là,
08:35mais comme vous le savez, nous nous devons d'être rigoureux.
08:38Et là, je n'ai aucun élément ou aucune enquête
08:40qui me permet d'accréditer cette idée-là,
08:44mais il faut être méfiant.
08:46Dans certains pays, nous le savons,
08:48les organisations criminelles ont essayé également
08:51de noyauter les administrations par le biais du concours.
08:55Quand on pense drogue et Marseille, on pense des aides-mafias.
08:59Est-ce que vous avez réussi à affaiblir véritablement ces aides-mafias
09:03et on en est où des règlements de comptes à Marseille ?
09:07On a eu une chute très importante en 2024 des règlements de comptes.
09:12Depuis le début de l'année, il n'y en a eu que deux,
09:16si je puis dire, deux de trop naturellement.
09:18Donc effectivement, le fait, trois raisons,
09:22incarcération et regroupement dans des quartiers d'isolement
09:29des personnes qui pouvaient commanditer,
09:32action proactive de la police judiciaire
09:35et puis aussi peut-être,
09:37parce qu'il faut être toujours complètement objectif,
09:40une victoire de la des aides-mafias sur le clan adverse
09:43a fait que nous avons une chute très importante.
09:46Nous avons eu également des opérations
09:49qui ont été largement relayées médiatiquement,
09:52telles que les tentatives d'extorsion sur un certain nombre de rappeurs
09:57ont effectivement affaibli l'organisation.
10:00Vous dire que le problème est réglé ?
10:04Bien évidemment non et nous devons continuer à travailler.
10:08Merci beaucoup Nicolas Besson, Monsieur le Procureur.

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