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Meurtres commandités en prison : en 2023, 53 000 téléphones portables ont été saisis en prison...comment est-ce possible ? Que faire pour enrayer ce phénomène ?
Joaquim Pueyo, Maire divers gauche d'Alençon, ancien directeur des prisons de Fresnes et Fleury-Merogis, est l'invité de Thomas Sotto.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 08 octobre 2024.

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Transcription
00:007h42, l'invité d'RTL Matin et Thomas vous recevez ce matin, le maire d'Alençon Joachim Pueyo.
00:08Il a notamment dirigé la prison de Fleury et c'est parfaitement ce qui se passe à l'intérieur de nos prisons.
00:13Bonjour et bienvenue sur RTL Joachim Pueyo.
00:16Comment peut-on recruter un tueur à gage, organiser un crime depuis sa prison ?
00:20C'est la question insensée que l'on se pose tous après les drames du week-end à Marseille
00:23puisque visiblement tout a été commandité par un détenu depuis sa cellule.
00:27Alors vous avez passé, à mon avis, une grande partie de votre carrière à diriger les plus grands centres pénitentiaires du pays
00:32Fleury-Mérogis, Frennes, Nanterre, Bois-d'Arcy.
00:34Vous avez aussi été député et vous avez présidé le groupe d'études sur les prisons.
00:3853 000. Vous savez à quoi il correspond ce chiffre 53 000 ?
00:41Oui, 53 000 portables et appareils associés qui ont été saisis en 2023.
00:46Dans les prisons ?
00:4730 000 appareils de plus en 10 ans.
00:49Et de qui se moque-t-on ?
00:51Alors le problème c'est comment on peut actuellement techniquement détecter les portables,
00:56comment on peut lutter pour que les portables ne rentrent pas dans les prisons.
01:00C'est vraiment un souci majeur et c'est un risque éminent pour la sûreté des prisons
01:04mais également pour la sécurité des citoyens qui peuvent effectivement avoir des conséquences comme on l'a vu récemment.
01:10Mais M. Priot, quand on passe un portique d'aéroport, on vide ses poches, on voit qu'on a un portable, on voit ce qui rentre.
01:16Donc comment la République, la justice, l'administration pénitentiaire peuvent se laisser piétiner comme ça ?
01:21Et c'est quoi ? Ils laissent passer ? Ils sont complices ?
01:25Les portables ne rentrent pas uniquement par les parloirs.
01:28Vous avez des drones, vous avez des projections et quelquefois malheureusement des complicités.
01:33Les drones, pardon, c'est-à-dire que vous commandez votre portable à un copain et le portable par drone c'est livré à la fenêtre ?
01:37À la fenêtre ou effectivement à l'intérieur des cours.
01:41Ça c'est ce qu'on observe.
01:42Maintenant il faut absolument prendre ce sujet à bras-le-corps.
01:47Mais comment ?
01:47Comment ? D'une part il faut renforcer les portiques nouvelle génération.
01:51Vous avez des portiques à ondes magnétiques qui sont beaucoup plus performants.
01:55Vous avez vu dans les aéroports, il y avait auparavant des portiques uniquement métalliques
01:58et maintenant vous avez des portiques à ondes magnétiques qui permettent de tout découvrir ce qu'une personne peut avoir.
02:05Mais ça coûte très cher.
02:06Il faut absolument les mettre en place.
02:08On les a mis en place dans les maisons centrales, il faut les mettre en place dans les maisons d'arrêt.
02:13Ensuite il faut renforcer la détection des portables dans les prisons.
02:16Vous avez par exemple en Allemagne eu beaucoup de recherches avec des détecteurs électromagnétiques
02:22qui permettent effectivement de détecter lorsque un détenu appelle à partir d'un portable.
02:26Il y a pas un truc très simple qui s'appelle un brouilleur ?
02:28Les brouilleurs ont été mis en place.
02:30Mais avec les...
02:32Non, malheureusement ça marche très bien pour la 3G et la 4G, c'est difficile.
02:38Mais quand vous avez effectivement des systèmes de 5G, les brouilleurs ne fonctionnent mal.
02:43Donc on a la génération Minitel des brouilleurs.
02:45Technologiquement on est battu.
02:46Absolument.
02:46Donc il faut absolument qu'on y travaille.
02:48Et puis déjà il y a eu effectivement des protections.
02:52Lorsqu'un établissement pénitentiaire se trouve en milieu rural, il y a moins de risques.
02:56Mais lorsqu'il se trouve en milieu urbain, c'est plus compliqué.
02:59Parce que les brouilleurs brouillent également les portables des résidents autour des prisons.
03:03Donc c'est un sujet.
03:04Cependant, je crois qu'il faut absolument prendre le sujet à bras-le-corps.
03:08Il faut absolument mettre en place des systèmes pour que ce chiffre, qui est ahurissant...
03:14Moi, quand j'ai dirigé Fleury-Mérogis, on avait des portables.
03:18Beaucoup moins quand même.
03:19Quand vous dirigez Fleury-Mérogis, vous aviez des surveillants pénitentiaires.
03:22Vous avez parlé de complicité tout à l'heure.
03:24Il y a beaucoup de complices ou pas déjà ?
03:26Ça peut arriver.
03:27Il ne faut pas généraliser.
03:28Mais c'est quoi ?
03:29Vous fermez les yeux parce que vous achetez la paix sociale ?
03:31Non, non, non.
03:32On n'a pas ça.
03:33Il ne faut jamais fermer les yeux.
03:34Ce serait une grosse erreur.
03:36Il faut renforcer la sécurité dans les prisons.
03:38Parce qu'en réalité, le problème de fond, c'est le sens de la peine.
03:41Si effectivement un trafiquant de drogue arrive en prison et continue son trafic de la prison,
03:48quel sens peut-on donner à la peine ?
03:50Aucun sens.
03:51C'est plus que du trafic.
03:52Comment dites-vous des assassinats ?
03:54On recrute depuis sa cellule de prison des tueurs à gage de 14 ans.
03:58Je pense que dans les nouvelles prisons qui sont mises en place,
04:02il faut tenir compte de ce sujet également
04:05pour empêcher les portables de rentrer dans les établissements pénitentiaires.
04:09Il suffit de fouiller les gens qui viennent les voir.
04:11La surpopulation pénale joue un rôle non négligeable.
04:14Pourquoi ?
04:15Parce que les surveillants contrôlent bien évidemment les cellules.
04:20Mais pour contrôler une cellule lorsque vous avez trois détenus,
04:23ce n'est pas en 30 minutes.
04:24C'est plusieurs heures.
04:25Pourquoi c'est tout petit ?
04:26Pardon, je ne connais pas bien les prisons, je n'y suis jamais allé.
04:30Mais quand même, une cellule, ce n'est pas grand.
04:32Regardez s'il y a un portable qui traîne, il n'y a pas 50 placards.
04:35Ce n'est pas aussi simple.
04:37Il faut du temps pour fouiller une cellule.
04:38Parce que les détenus sont autorisés à rentrer énormément d'affaires.
04:42Il faut peut-être limiter également les affaires des détenus.
04:45Je crois qu'il y avait un garde des Sceaux qui avait fait une note
04:48en disant qu'il faut limiter les affaires dans les cellules
04:51parce que le contrôle est difficile.
04:52Un contrôle, tous les jours on contrôle les barreaux par exemple.
04:56Ça c'est rapide.
04:57Mais contrôler la cellule avec toutes les affaires, il faut du temps.
05:03Malheureusement, la surpopulation pénale empêche que le contrôle soit très fort.
05:09Je crois que si on veut vraiment lutter contre ces faits qui sont dramatiques,
05:15il faut absolument qu'on renforce le contrôle des surveillants.
05:20Ça veut dire peut-être plus d'agents,
05:21mais ça veut dire surtout plus d'établissements pénitentiaires
05:24de façon à terme qu'on puisse héberger un détenu par cellule.
05:29C'est la loi, on n'arrive pas à l'atteindre.
05:31Depuis 10-15 ans on le dit, on n'y arrive pas.
05:34Vous nous dites M. Peuillot qu'aujourd'hui on n'a pas les moyens,
05:36qu'on ne peut pas lutter.
05:37Le cas de Marseille avec ce recrutement des liverous comme on a dit,
05:40il ne vous surprend pas.
05:41Le cas de Mohamed Amra qui est toujours en fuite.
05:43Évasion mortelle qui, rappelons-le, avait entraîné la mort de deux agents pénitentiaires
05:46au péage d'un quart-ville en mai dernier.
05:49On a découvert que la cellule d'Amra ressemblait à une boutique de téléphonie.
05:52Ça ne vous surprend pas, vous qui avez travaillé dans les prisons ?
05:55Non, ça ne me surprend pas.
05:56Mais je pense que ce sujet de la sécurité des établissements pénitentiaires
06:02doit être vu de fond en comble.
06:04Parce qu'on ne peut pas accepter que des détenus qui purgent une peine
06:09continuent leur trafic ou continuent à faire des pressions sur leurs victimes
06:13ou comme on dit, comme on l'a vu tout de suite, des meurtres.
06:16Ça c'est inacceptable dans un état de droit.
06:18Donc il y a un travail à faire.
06:20Il faut peut-être faire un travail de fond sur la sécurité des établissements pénitentiaires
06:26et puis renforcer évidemment le contrôle à l'intérieur des prisons.
06:30Ça nécessite plus de personnel, mais ça nécessite surtout plus de place.
06:35Parce que quand vous avez un détenu par cellule, c'est beaucoup plus facile de contrôler.
06:39Quand vous avez trois détenus par cellule, c'est plus difficile.
06:42Et en plus, quand vous avez 3000 détenus qui dorment sur des matelas, c'est encore plus difficile.
06:47En 3600, ils se bouchent le nez et les oreilles du papier toilette
06:50pour ne pas que les cafards s'y introduisent.
06:52C'est la contrôleur générale des lieux de privation et de liberté.
06:54Donc vous voyez que les conditions de détention des détenus sont difficiles,
06:57mais les conditions de travail des personnels sont compliquées.
07:00Vous avez vu que le directeur, par exemple, de Mayotte vient de démissionner
07:04parce qu'il y a une surpopulation pénale importante et il baisse les bras.
07:08Il ne peut plus gérer sa prison.
07:10Donc moi, je lance un cri d'alarme aujourd'hui
07:13parce qu'on ne peut pas accepter ce qui se passe actuellement.
07:16On est en train d'être battus là en fait.
07:18Vous êtes passionnant dans ce que vous racontez,
07:20mais on se dit que la bataille est perdue en tout cas aujourd'hui.
07:22Non, la bataille n'est pas perdue absolument.
07:24On ne peut pas la perdre.
07:25Les prisons jouent un rôle quand même non négligeable dans la sûreté,
07:29dans la sécurité publique.
07:31Elle fait partie de la chaîne de la sécurité publique.
07:33Donc il ne faut pas baisser les bras.
07:34Par contre, il faut être conscient de ce qui se passe en prison.
07:37Il faut vraiment regarder ce qui se passe
07:39et ensuite mettre en place, effectivement,
07:41tout un plan pour sécuriser les établissements pénitentiaires.
07:44On l'a déjà fait auparavant, mais ce n'est pas suffisant.
07:46On le constate aujourd'hui et tous les jours.
07:49Plus de 50 000 portables qu'on trouve par an,
07:52c'est le chiffre officiel.
07:53Mais le chiffre noir est encore plus important.
07:55Vous avez des détenus qui ont des fades de portables.
08:01Vous avez des caïds qui se développent à l'intérieur des prisons.
08:04Vous avez des détenus qui commandent des portables
08:07à des détenus vulnérables en échange de nourriture,
08:10de cigarettes, de tabac.
08:12Donc vous voyez, il y a un trafic qui se développe.
08:15Et moi, je ne suis pas très satisfait
08:17parce que quand j'ai été député,
08:19j'avais demandé au garde des Sceaux de créer immédiatement plus de 10 000 places.
08:22Je n'ai pas été écouté.
08:23Si on avait créé ces 10 000 places,
08:25on n'en serait pas là aujourd'hui.
08:26Merci Joachim Pouillaud d'être venu ce matin
08:28nous éclairer sur la vie stupéfiante des prisons françaises.
08:32Merci à vous et bonne journée.
08:33Et certains détenus, Thomas, vous le disiez,
08:35qui recrutent des tueurs à gage qui ont à peine 14 ou 15 ans.
08:38On en a encore eu la preuve ce week-end.
08:40Tueurs à gage en quête sur le nouveau phénomène des shooters.
08:43Ça, ça sera notre rendez-vous de 8h15
08:45avec le journaliste Jean-Michel Décugé.

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