"Mayotte ne doit pas redevenir une île bidonville" : le gouvernement présente sa loi spéciale pour la refondation de Mayotte.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 09 janvier 2025.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 09 janvier 2025.
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00:00RTL Matin
00:04Et tout de suite l'invité de RTL Matin, Thomas, vous recevez aujourd'hui le
00:07ministre des Outre-mer, ministre d'Etat et ancien Premier ministre,
00:10Manuel Valls. Bonjour et bienvenue sur RTL Manuel Valls. Bonjour Thomas Soto.
00:14On est heureux de vous avoir avec nous ce matin mais qu'est-ce que vous faites
00:17là Manuel Valls ?
00:18J'assume une mission passionnante,
00:21exaltante,
00:22s'occuper, être attentif
00:25à nos compatriotes ultramarins. Mais justement vu la gravité de la
00:29situation à Mayotte, est-ce que votre place ne serait pas là-bas ? Est-ce que
00:31vous ne devriez pas y installer votre bureau
00:33pendant un mois ou deux au plus près des habitants et des problèmes qui sont
00:36innombrables ?
00:37Il faut laisser travailler évidemment les services de l'Etat,
00:41les associations, les ONG,
00:44les élus et leur administration et tous les bénévoles qui sont sur le
00:47terrain. J'y ai passé
00:48trois jours,
00:49d'abord avec le Premier ministre et ensuite seul.
00:52Et puis je vais y revenir dans quelques semaines à la fin du mois de
00:56janvier pour refaire
00:58un point. Je dois donner aussi
00:59une impulsion d'ici Paris avec une mission Mayotte
01:03qui est auprès de moi. C'est plus facile d'aider Mayotte depuis Paris qu'en aidant là-bas ?
01:07Il faut faire les deux parce qu'il faut d'abord mobiliser tous les ministères,
01:11toute l'administration. Si le ministère des Outre-mer a été placé par
01:14le Premier ministre à ce niveau-là, c'est précisément pour répondre aux
01:18urgences qu'il y a dans les Outre-mer et d'abord bien sûr à Mayotte.
01:22Une mission auprès de moi
01:23pour
01:24mobiliser toute l'administration
01:26en lien évidemment avec ceux qui sont sur
01:29le terrain. Et puis si je suis là aussi,
01:31c'est parce que lundi prochain, à l'Assemblée Nationale, devant la
01:34Commission des Affaires Économiques, je présente le projet de loi Urgence.
01:38On va y venir. Ça fera un mois dans quelques jours que Mayotte a été
01:41dévastée par ce cyclone Chido et un mois après on n'est toujours pas
01:44capable de donner un bilan humain sûr,
01:46fiable de cette catastrophe. Est-ce que vous pouvez nous dire ce matin combien
01:50de victimes a fait ce cyclone ?
01:51Rappelez-vous, on a parlé d'abord de 50 000 morts.
01:54Oui, le préfet, la voix de la République.
01:57Pas seulement. Oui parce qu'il y avait,
01:58vous l'avez remarqué vous-même,
02:00il y avait une espèce de silence, de sidération
02:03avec la destruction de tous les bidonvilles et il y avait une interrogation.
02:07Aujourd'hui, officiellement,
02:08il y a 39 morts,
02:10124 blessés graves et un peu moins de 5 000...
02:14C'est un bilan qui s'approche du bilan définitif ou on ne le sait toujours pas ?
02:175 000 blessés légers pour être précis.
02:20Je suis prudent,
02:20on peut découvrir encore peut-être
02:23quelques dizaines de morts supplémentaires.
02:26On verra aussi au moment de la rentrée scolaire.
02:29Vous savez que l'INSEE va faire avec les élus
02:32un travail de recensement à la demande du Premier ministre.
02:36Vous savez qu'il y a aussi des questionnements sur le nombre d'habitants.
02:39Il y a 50% de la population qui est étrangère à Mayotte,
02:43dont une grande partie sont des irréguliers.
02:46Donc il y a besoin d'avoir un recensement,
02:49mais on est très loin, fort heureusement,
02:51même si chaque victime est une victime de trop,
02:53des chiffres alarmants qui avaient été donnés.
02:56On est en gros à 320 000 habitants recensés
02:58et 100 000 étrangers dont on estime qu'ils seraient là en situation irrégulière.
03:02Hier, le Conseil des ministres a adopté, vous l'évoquiez,
03:04le projet de loi d'urgence pour la reconstruction de l'archipel.
03:06Il faudra combien de temps pour reconstruire Mayotte,
03:09les écoles, les logements ?
03:10Plusieurs mois, bien évidemment.
03:12Et pour changer le visage de Mayotte,
03:16il faut évidemment du temps.
03:17Parce que la reconstruction, on parle d'algeco
03:19ou on parle de vraie reconstruction ?
03:20On parle de provisoire ou du retour des bidonvilles ?
03:23Essayons d'ordonner les choses, en tout cas pour ce qui concerne le gouvernement,
03:26pour ce qui concerne l'État.
03:27Il y a l'urgence immédiate qui se poursuit,
03:30c'est-à-dire faire en sorte que tous les habitants
03:32aient accès à l'eau courante, à l'eau potable
03:35et qu'ils soient, par exemple, aussi réalimentés.
03:38Ça sera chose faite fin janvier, disait le Premier ministre ?
03:41Fin janvier, mais je me méfie des pourcentages.
03:43C'est pour ça qu'autour du préfet, il y a les sous-préfets,
03:45il y a les fonctionnaires qui sont chargés.
03:47Ce sont des missions pour aller jusqu'au dernier kilomètre
03:50parce qu'on peut avoir des pourcentages
03:51et puis après on s'aperçoit qu'il y a un village, il y a une commune,
03:54il y a des habitants, il y a des citoyens qui ne sont pas alimentés
03:57ni en eau courante ni en électricité.
04:00Et puis faire en sorte que les aliments arrivent partout.
04:02Ça c'est l'urgence.
04:03Ensuite, il faut préparer la rentrée scolaire
04:05administrative à partir du 13 janvier
04:07et pour les enfants, pour les jeunes, à partir du 20.
04:11Ça, ça se fera. C'est confirmé ou c'est pas sûr ?
04:1330% des établissements scolaires sont impraticables.
04:17Donc il faut organiser cette rentrée.
04:19C'est très important.
04:20Donc c'est pas garanti pour le 20 janvier pour les élèves ?
04:21Si, c'est garanti pour 70% des écoles, des collèges et des lycées.
04:27Mais ça s'organise. Il y avait déjà une surpopulation scolaire.
04:30Donc il faut l'organiser.
04:31C'est la tâche évidemment d'Elisabeth Borne.
04:33Mais il faut surtout que,
04:35j'ose pas dire une vie normale parce que ça mettra du temps,
04:38mais que les enfants maorais puissent évidemment revenir à l'école.
04:43Il y a encore des sinistrés qui occupent les écoles aujourd'hui ?
04:45Il y en avait il y a quelques jours,
04:47il y en avait un peu plus de 10 000.
04:50Aujourd'hui, il doit être autour de 2 000.
04:52Et là, tous les travaux de réfection,
04:54l'arrivée de matériel scolaire, de mobilier,
04:57arrivent dans les écoles.
04:59Et finalement, il n'y aura plus aucune occupation
05:02des écoles, des collèges et des lycées.
05:04Il y a le problème, j'insiste, de la santé.
05:07Il y a toujours des risques d'épidémie.
05:09Le choléra ?
05:10Il y a déjà eu du choléra il y a quelques mois à Mayotte.
05:14Par exemple, il faut dégager d'ici au 15 janvier
05:16tous les déchets ménagers.
05:18Le problème de l'eau, plus les déchets,
05:19vous voyez ce que cela peut représenter.
05:21Il y a un travail formidable de l'hôpital, de l'hôpital de campagne,
05:24des médecins sur place pour éviter cela.
05:26Ça, c'est l'urgence.
05:28Et ensuite, il y a la question de la reconstruction.
05:30Le texte de loi auquel vous faisiez allusion
05:33est là pour écraser les procédures.
05:35Mais il n'y a rien dans ce texte de loi sur les bidonvilles ?
05:37Il va y avoir quelque chose dans les bidonvilles.
05:40Là, dès lundi, par voie d'amendement gouvernementale ou parlementaire...
05:44Ils seront interdits, ce sera au programme ?
05:46Interdire l'interdiction, interdire quelque chose qui est interdit,
05:49c'est évidemment toujours un peu compliqué.
05:52Ou est-ce que vous ferez respecter cette interdiction ?
05:54Est-ce que l'État fera en sorte que ces bidonvilles ne se reconstituent pas ?
05:58Exactement, c'est bien ça.
05:59D'abord, par les moyens qu'on donne aux forces de l'ordre
06:02pour empêcher ces reconstitutions.
06:05Mais moi, je veux être franc,
06:06ils se sont reconstitués très vite après le cyclone.
06:11Et puis, on va allonger les délais de flagrance,
06:13on va élargir le travail des agents qui peuvent constater ces édifications illégales,
06:18on va faciliter juridiquement le travail des officiers de police judiciaire
06:22afin de traverser les bidonvilles, ce qu'on appelle les bangas...
06:25Il n'empêche Manuel Valls que tout ça, ça crée des tensions
06:28à tel point que le préfet de la République a appelé à la paix civile.
06:31Elle est menacée aujourd'hui, la paix civile américaine.
06:33Il y a une très grande tension parce qu'au fond...
06:35Donc oui, elle est menacée ?
06:36D'une certaine manière, une forme de vivre ensemble est menacée.
06:39Pourquoi ? Parce que Mayotte crève de deux fléaux
06:43qui sont liés, l'immigration irrégulière et l'habitat illégal.
06:49Donc, ces deux questions doivent être traitées avec la plus grande fermeté.
06:53Lutter contre l'immigration irrégulière, reconduire à la frontière,
06:57c'est-à-dire des moyens qui ont été en partie détruits, je pense, au radar par le cyclone.
07:02Un travail aussi très ferme avec les Comores.
07:06Et puis, nous créons un établissement public pour la reconstruction de Mayotte.
07:11Sur le mode de Notre-Dame, en fait.
07:13Oui, il y a d'ailleurs le général Facon qui a été désigné hier comme préfigurateur.
07:17Il s'agit là aussi de maîtriser le sol.
07:19Vous savez que la grande majorité des Mahorais n'ont pas de droit de propriété
07:24et n'ont pas non plus d'assurance.
07:26Donc, tous ces sujets-là pour reconstruire.
07:28Moi, je suis volontariste et je sais, de l'autre côté,
07:31qu'il y a encore beaucoup de problèmes à résoudre et à surmonter.
07:33Mais nous le ferons parce que le monde nous regarde.
07:35C'est essentiel, les Outre-mer, mais aussi toute la région,
07:39autour, ce que la France peut faire dans une région.
07:43Les Mahorais sont particulièrement attachés à la France.
07:46Et des problèmes en Outre-mer, il y en a d'autres en Guadeloupe, en Martinique,
07:48la Vichère, qu'on aura l'occasion d'en reparler.
07:50C'est pour ça que je ne peux pas être qu'à Mayotte.
07:51Il y a évidemment la question de la Nouvelle-Calédonie ou de la Vichère.
07:54Il nous reste un peu plus d'une minute.
07:55Question politique.
07:56Est-ce que, comme Bruno Retaillou, vous êtes favorable à l'interdiction du port du voile
07:59pour les accompagnatrices de santé scolaire à l'université et à l'université ?
08:03Thomas Soto, avec un peu d'expérience qui est la mienne,
08:07moi je ne veux pas participer à des débats qui ne sont pas directement de mon département ministériel.
08:12Il y a une ministre de l'Éducation, elle traite ces questions.
08:15Ça s'appelle Baudrillantouche, quand même.
08:17Oui, exactement.
08:17Parce que moi, je me consacre à 100%.
08:21Vous ne pouvez pas me demander d'être présent tout le temps à Mayotte
08:24alors qu'il y a les urgences en Californie.
08:26Mais puisque vous êtes là, j'en profite.
08:27Est-ce que c'est une erreur de mettre ce sujet sous le tapis ?
08:29Est-ce que la porte-parole du gouvernement, Sophie Prima, a eu raison de fermer la porte sur le sujet hier ?
08:33Les convictions républicaines et laïques, qui sont les miennes et d'autres membres du gouvernement,
08:37chacun peut les connaître.
08:39Mais je crois que nous devons nous consacrer chacun à sa tâche et à ses priorités.
08:44Moi, je suis ministre d'État en charge des Outre-mer, c'est un changement majeur.
08:48Nos compatriotes, près de 3 millions qui vivent dans ces Outre-mer,
08:52ont depuis longtemps le sentiment d'une forme d'abandon, de mépris.
08:57Donc moi, je me consacre à eux d'abord,
09:00et je ne participe pas évidemment à tous les débats, à toutes les polémiques qui peuvent exister aujourd'hui sur l'espace médiatique.
09:05J'ai une toute dernière question, vous avez une jolie cravate rose aujourd'hui.
09:07Est-ce que vous êtes toujours un homme de gauche, un socialiste, Manuel Vaz ?
09:10Je suis toujours un républicain de gauche.
09:13Socialiste ?
09:14Un patriote.
09:15Ce n'est plus ma famille politique, je ne suis plus au Parti Socialiste.
09:17Et il y a très longtemps, j'avais pu dire que le socialisme était un mot qui était dépassé.
09:22Mais j'ai les convictions de gauche républicaine,
09:24je suis membre du gouvernement de la France,
09:26et je dois m'occuper de tous les Français qui vivent en Outre-mer,
09:29ou tous les ultramarins, près d'un million, qui vivent dans l'Hexagone.
09:32Merci beaucoup Manuel Vaz d'être venu sur RTL ce matin.
09:35Philippe Cavrivière arrive.