Gérald Darmanin est très actif en ce moment pour nous parler de nos prisons. Le ministre de l'Intérieur entend mettre les 100 plus gros narcotrafiquants du pays à l'isolement dans la même prison. Est-ce une bonne idée ? Écoutez Aurélie Jammes, directrice adjointe au chef du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan et secrétaire générale adjointe du Syndicat national des directeurs pénitentiaires.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 13 janvier 2025.
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00:00Yves Calvi et Agnès Bonfillon, RTL Soir.
00:04Il est 18h42, bonsoir Aurélie Jammes, merci de nous rejoindre ce soir sur RTL.
00:09Vous êtes directrice adjointe du chef d'établissement du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan
00:14et vous êtes par ailleurs secrétaire générale adjointe du syndicat national des directeurs pénitentiaires.
00:18Gérald Darmanin est donc très actif en ce moment pour nous parler de nos prisons.
00:22Il entend mettre les 100 plus gros narcotrafiquants du pays à l'isolement dans la même prison.
00:26Est-ce que c'est une bonne idée ?
00:29Dans un premier temps, c'est effectivement une idée d'un ministre qui se montre dynamique
00:35et à l'attention effectivement de notre administration.
00:39C'est effectivement un sujet qui nous préoccupe,
00:43qui préoccupe l'administration déjà depuis quelques mois, la prise en charge des narcotrafiquants.
00:48Sur cette mesure phare qui est celle d'isoler les 100 plus gros narcotrafiquants,
00:55je pense qu'il faut dans un premier temps peut-être se poser effectivement
01:00la question de la méthodologie à employer pour cette mesure,
01:05puisque c'est une mesure quand même qui va nécessiter des moyens en ressources humaines,
01:10en moyens matériels, puisqu'il peut avoir aussi quelques écueils d'isoler
01:15ou en tout cas de regrouper des narcotrafiquants dans un même établissement.
01:21Et je pense qu'il y a du travail à faire en amont avant d'envisager sa mise en place.
01:29Ça veut dire qu'aujourd'hui de toute façon, il faut changer la prise en charge
01:33des détenus condamnés pour du narcotrafic ?
01:37La changer, je pense qu'il y a effectivement des adaptations
01:41en fonction des situations qui peuvent se présenter à nous.
01:44Aujourd'hui, on a quelques mesures qui avaient été prises
01:47par le directeur de l'administration pénitentiaire,
01:50notamment concernant des mesures de sécurisation par exemple.
01:57Aujourd'hui, il y a un certain nombre de propositions
02:00qui avaient été soumises à l'arbitrage du ministre,
02:05dont certaines d'ailleurs avaient nos faveurs,
02:07comme notamment mettre en place différents quartiers de prise en charge
02:12dans les différentes maisons centrales sécuritaires de France,
02:15pas forcément un seul établissement.
02:17Et tout cela mérite effectivement peut-être des discussions préalables
02:22et opérationnelles surtout.
02:24Je n'arrive pas à savoir si vous êtes pour ou contre.
02:27C'est votre métier, vous êtes à l'intérieur,
02:30vous savez comment ça se passe à l'intérieur des prisons.
02:33Le ministre veut totalement isoler et sécuriser un site
02:36avec des agents pénitentiaires particulièrement formés et anonymes.
02:40Est-ce qu'il y a une forme de bon sens là-dedans
02:42ou est-ce que vous pensez que c'est peut-être une erreur ?
02:45Alors, il y a forcément une part de bon sens, effectivement,
02:48puisque encore une fois, cette prise en charge aujourd'hui
02:52est un impératif au regard du risque que les narcotrafiquants
02:56représentent à la fois pour le milieu fermé,
03:00mais également pour la vie civile.
03:03C'est une mesure qui, selon nous, mérite encore d'être expérimentée.
03:11Il est vrai que nous, on avait en tout cas une préférence,
03:14encore une fois, pour l'affecter ou en tout cas dédier
03:18certains quartiers avec une formation spécifique pour les personnels,
03:22des structures peut-être aussi assécurisées
03:26dans des établissements un peu différenciés.
03:29Mais aujourd'hui, c'est une mesure qui mérite quand même
03:33en tout cas que l'on puisse participer, nous, à sa mise en place
03:37si c'est celle-ci que le ministre retient, effectivement.
03:41Pardon, est-ce que vous nous expliquez très très concrètement
03:44quelles seraient les conditions de détention pour ces narcotrafiquants
03:48par rapport aux conditions actuelles ?
03:52Alors, le projet est effectivement de limiter au maximum
03:57le contact de ces narcotrafiquants avec l'extérieur,
04:00puisque la problématique est celle-ci, c'est qu'ils puissent être en contact
04:04effectivement avec leur réseau extérieur, donc l'objectif est
04:08notamment de réduire leur capacité à pouvoir
04:12se prodiguer des téléphones portables, par exemple,
04:16en tout cas des moyens de communication avec l'extérieur,
04:19et notamment installer, par exemple, du brouillage de téléphone,
04:22du brouillage de drone, notamment.
04:25Et puis, bien sûr, alors pour certains, ils le sont déjà,
04:28placés dans des quartiers d'isolement pour limiter leur contact
04:32avec le reste de la population pénale.
04:34Donc ça serait l'isolement pour tout le monde, finalement ?
04:38Alors, c'est une mesure qui existe déjà pour des détenus, quand même,
04:42avec des profils très dangereux.
04:45Là, l'idée du ministre d'affecter 100 personnes dans un même établissement
04:53mérite encore, je pense, d'être précisée et d'être un peu plus affinée,
04:59notamment, effectivement, comme vous le soulignez,
05:01par rapport aux mesures concrètes et opérationnelles
05:04qu'on pourrait mettre en place pour limiter les contacts entre eux.
05:07En fait, Gérald Darmanin propose de faire une super prison
05:10avec du super personnel.
05:12Ça vous choque ou c'est une bonne chose ?
05:15Alors, c'est effectivement pas quelque chose qui nous choque,
05:20puisqu'on a des personnels qui sont formés,
05:24notamment en Maison Centrale, à la prise en charge
05:27de détenus difficiles, de détenus dangereux.
05:30Donc, on a aussi des agents tout à fait volontaires
05:33pour participer à l'accompagnement et à la prise en charge
05:38de ces publics-là, aux raisons de leur spécificité.
05:41Donc, pour moi, c'est effectivement, en tout cas pour nous,
05:44au niveau du syndicat national et directeur pénitentiaire,
05:48c'est une chose sur laquelle on mérite et il faut encore travailler.
05:52Vous nous dites que ce type de personnel existe déjà, quand même,
05:55j'ai l'impression, en vous écoutant.
05:57Alors, on a des agents qui sont spécialisés, effectivement,
06:01dans les prises en charge de détenus avec des profils spécifiques,
06:04pas dédiés au narcotrafic en particulier.
06:06On a des quartiers d'évaluation de la radicalisation, par exemple.
06:10On a également des quartiers de lutte contre les violences
06:15avec des détenus particulièrement violents.
06:17Donc, on a quand même des modes de prise en charge
06:21qui peuvent être adaptés à certains, ou à certaines criminalités,
06:24à certains profils de détenus pour lesquels, effectivement,
06:27certains de nos agents sont déjà formés.
06:29Et donc, c'est quelque chose que nous connaissons déjà,
06:31que nous savons déjà faire et qui mérite peut-être d'être développé
06:34à destination de ces publics-là.
06:36Vous qui êtes directrice adjointe du chef d'établissement
06:39du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan,
06:41c'est à vous aussi que l'on demande qui, quels sont ces narcotrafiquants
06:45qui doivent être regroupés dans une seule et même prison.
06:49Est-ce que vous vous dites, oui, effectivement,
06:52c'est à nous qu'incombe cette tâche et c'est logique
06:55que ce soit nous qui disions qui sont les plus dangereux ?
07:00Alors, votre question est effectivement intéressante
07:03puisque comme la question du repérage est essentielle,
07:07la question de l'identification de ces publics-là est importante
07:12et elle ne devrait pas, selon nous, et elle ne repose pas,
07:16selon nous, que sur nos informations ou nos renseignements
07:22sont évidemment concernés les forces de l'ordre
07:25qui peuvent éventuellement avoir des informations
07:28évidemment sur les réseaux extérieurs, mais aussi les magistrats, bien sûr,
07:32qui décident de l'incarcération de ces personnes
07:36et qui suivent leur dossier au plus près.
07:39Un oui, un non, devoir désigner ces personnes en l'occurrence
07:43et donc les identifier, j'allais vous dire les dénoncer,
07:46ce n'est vraiment pas le terme approprié, mais vous m'avez compris,
07:49est-ce que ça n'est pas un danger potentiellement pour vous
07:51et pour le personnel pénitentiaire ?
07:54Alors, un danger, dans le repérage, on a des critères
07:58qui sont des critères objectifs, des critères légaux également
08:02et parfois des critères effectivement comportementaux
08:05ou plus individualisés, mais ça fait partie de notre travail quotidien
08:10de procéder à ces repérages et à ces identifications.
08:14Donc, c'est quelque chose que l'on fait déjà.
08:17Après, on a le contexte effectivement actuel
08:20pour lequel on peut avoir effectivement des sources de pression éventuelles
08:25qui pourraient émaner de certains publics,
08:27si c'est à quoi vous faites référence et notamment au Beaumet.
08:30Oui, tout à fait.
08:31Je pense que ce n'est pas la question du repérage
08:34qui risquerait de poser de problèmes dans cette hypothèse-là.
08:37On sera plutôt sur la prise en charge au quotidien.
08:41Et ça, après, ce sont des politiques nationales
08:44et ça fait partie du travail que nous faisons au quotidien
08:47et notamment effectivement d'évaluer les risques
08:50que peuvent représenter la prise en charge ou certains publics,
08:53certaines réactions éventuellement de nos détenus.
08:56Merci Aurélie Jarmes.
08:57Je rappelle que vous êtes directrice adjointe du chef d'établissement
09:00du centre pénitentiaire de Bordeaux, Gradignan
09:02et secrétaire générale adjointe du syndicat national des directeurs pénitentiaires.
09:06Dans un instant, un homme libre.
09:08Il nous propose une évasion chaque soir.
09:10Marc-Antoine Lebray est avec nous.