Le Garde des Sceaux Gérald Darmanin veut rassembler et isoler les 100 plus gros narcotrafiquants dans une prison de haute sécurité. Une proposition qui suscite des interrogations sur son application concrète et qui a pour but d'empêcher ces trafiquants de drogue incarcérés en France de poursuivre leurs activités depuis leur cellule. Pierre Botton, alerte de plus de 15 ans les responsables politiques sur la situation carcérale. Il est l'invité de RTL Soir.
Regardez L'invité de Yves Calvi du 15 janvier 2025.
Regardez L'invité de Yves Calvi du 15 janvier 2025.
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00:00RTL Soir, Yves Calvi et Agnès Bonfillon.
00:04Il est 18h18, bonsoir Pierre Botton.
00:06Bonsoir.
00:06Merci de prendre la parole sur RTL, ancien homme d'affaires, ancien détenu aussi.
00:09A la prison de Freyne et de la Santé, vous publiez « Quand les détenus font la loi ».
00:13Le livre paraît demain aux éditions Robert Laffont.
00:16Gérald Darmanin, désormais garde des Sceaux je le rappelle, veut rassembler et isoler les 100 plus gros
00:21narcotrafiquants dans une prison de haute sécurité.
00:24Est-ce que c'est une bonne idée ? Est-ce que vous validez cette idée-là ?
00:26Alors d'abord je veux dire que j'ai beaucoup d'estime pour Gérald Darmanin, que je connais depuis très longtemps.
00:32Et je lui fais une grande confiance.
00:34Alors je fais une grande confiance à Gérald Darmanin, je ne le connais pas comme ministre de la justice,
00:39je vais le rencontrer, mais je ne le connais pas comme ministre de la justice.
00:42Je pense qu'on ne peut pas comparer les comparaisons qui ont été faites entre les détenus islamistes radicalisés
00:47et les détenus liés à la drogue, tout simplement pour le nombre.
00:51Il y a 17 000 détenus liés à la drogue en prison.
00:54Donc en isolant les 100, je vais juste vous donner un exemple.
00:56Mohamed Amra, qui est le détenu qui a organisé son évasion d'une cellule et où ça a tué deux surveillants
01:04et blessé trois au péage d'un Carville, n'aurait pas été identifié comme un détenu à isoler.
01:10Je reprends une autre.
01:11Maître à isolement, à Strasbourg, dans une cellule d'isolement, on a retrouvé 12 téléphones.
01:17Je pense qu'on ne prend pas conscience du poids que j'ai vécu, du poids du trafic de drogue et de l'argent que ça amène.
01:27C'est pour ça que vous avez toujours défendu l'idée de trier les détenus.
01:30Mais sur quels critères, Pierre Botton ?
01:32Sur des critères, je vais vous dire.
01:34La dangerosité, leur spécificité, si je puis dire.
01:36Les voleurs avec les voleurs, les violeurs avec les violeurs.
01:38Moi, je suis vraiment un détenu, donc j'ai un comportement très spécifique vis-à-vis des violeurs
01:45J'ai isolé, en tant que plus vieux détenu, c'est moi qui me chargeais de leur dire qu'il ne fallait pas...
01:50Voilà, j'aime pas ces gens-là.
01:52Ensuite, je pense que les gens qui ont des petites peines, qui sont en prison pour la première fois, c'est pas la peine de les mettre dans l'école du crime.
02:00Je vais vous donner un exemple, encore, qui est dans le livre.
02:03À Nice, il y a un gamin de 16 ans qui est pris parce qu'il a menacé des policiers.
02:10Il ressort un an après, et là, ça devient un tueur, et il y retourne parce qu'il a tué.
02:15Aujourd'hui, les trafiquants de drogue recrutent parmi ces jeunes pour qu'ils deviennent des tueurs.
02:21Et ils le deviennent, d'ailleurs.
02:22Ça fait plus de 15 ans que vous alertez nos responsables politiques sur la situation carcérale.
02:26Est-ce que vous avez été écouté et suivi d'une quelconque façon ?
02:30Alors, je vais vous expliquer.
02:31On a fait des choses.
02:32On a fait beaucoup de choses.
02:33J'ai permis aux surveillants de défiler sur les Champs-Élysées, ce qui n'existait pas.
02:36On a fait les quartiers respectos, où c'est des quartiers où les détenus sont responsables eux-mêmes.
02:43Franchement, on a fait beaucoup de choses.
02:45On a fait le téléphone légal, même si ça ne marche pas, si c'est une catastrophe, peu importe.
02:50On a fait des choses.
02:51Là, aujourd'hui, je n'ai pas vraiment le sentiment d'être écouté.
02:54Je répète, je n'ai pas vu le nouveau garde des Sceaux.
02:57En revanche, j'ai vu l'administration pénitentiaire.
03:00Alors qu'on arrive avec des financements privés, j'ai le sentiment qu'on me dit
03:05« Oui, ça, on y a déjà pensé, mais ce n'est pas fait. Je prends le cas des conteneurs. »
03:08Excusez-moi, Yves.
03:09Pour lutter contre la surpopulation, c'est très simple.
03:12Il faut mettre des conteneurs.
03:13On le met pour les étudiants.
03:14Il faut installer des conteneurs.
03:15Ça prend très peu de temps.
03:17Pourquoi on ne le fait pas ?
03:18– Vous avez la réponse ?
03:20– J'ai la réponse.
03:21Quand j'ai vu le directeur de l'administration pénitentiaire, il y pensait.
03:25– Donc, ça peut bouger et ça peut évoluer.
03:29– Ça fait combien de temps que vous êtes dans le monde politique, Yves ?
03:32Que vous les interviewez ?
03:33– Plus de 35 ans.
03:34– Vous y croyez encore, c'est bien.
03:37– Je crois la démocratie, ce n'est pas une croyance.
03:40– Ce n'est pas une question de démocratie.
03:42Si on vous dit que ça va arriver, ça va arriver.
03:44Il y a beaucoup de choses où on m'a dit que ça allait arriver, ce n'est pas arrivé.
03:47– J'en reviens à Gérald Darmanin, garde des Sceaux.
03:50« Isoler les 100 plus gros narcotrafiquants dans une prison de haute sécurité. »
03:54C'est une bonne idée ou pas ?
03:55– Oui, franchement, ce n'est pas une mauvaise idée, mais ça ne suffira pas.
04:01Je vais vous donner encore un autre exemple.
04:03Les détenus qui sont des détenus qui ont une grosse dimension dans le trafic de drogue,
04:08ils ont l'habitude d'être toujours doublés.
04:10Et je vais vous expliquer pourquoi ils se font doubler.
04:12Ils sont toujours deux dans la cellule.
04:14Parce que quand on trouve des téléphones, le gars qui est à côté,
04:17il est payé pour dire que c'est les siens.
04:19– C'est le complice.
04:21– Non, il est payé pour ça.
04:23Donc si vous voulez, le monde de la prison, il faut le connaître, M. Calvi.
04:26Le monde de la prison, il faut le connaître.
04:28– Vous décrivez une situation intenable des surveillants pénitentiaires
04:31qui ne rentrent plus dans les cours de promenade,
04:33des stratégies d'intimidation qui vont jusqu'à demander les familles,
04:36jusqu'à menacer les familles des juges,
04:39des prisons passoires où tout peut rentrer.
04:41On vient de le faire.
04:43Il n'y a plus aucune autorité de l'État à l'intérieur de nos prisons, Pierre Botton.
04:46– Mais il n'y a plus aucune autorité.
04:47La seule autorité qu'il y a, c'est celle des détenus.
04:49Moi, je vous le dis, la seule autorité qu'il y a à l'intérieur des prisons aujourd'hui,
04:52c'est celle des détenus.
04:53Avec des surveillants à qui je veux rendre hommage,
04:55parce qu'ils sont totalement lâchés par leur direction.
04:58Il faut libérer la parole des surveillants.
05:00Vous savez, moi, j'ai été menacé.
05:02Et quand on est menacé, il ne faut pas reprocher à quelqu'un qui est menacé de lâcher.
05:07Alors moi, je n'ai pas lâché parce que j'ai été soutenu par d'autres détenus,
05:09et c'était pour d'autres raisons.
05:11Mais il ne faut pas reprocher.
05:12Vous êtes tout seul devant la menace.
05:14Vous êtes tout seul.
05:16Vous voyez, j'ai vu des scènes.
05:18Vous savez quand un détenu dit à un surveillant,
05:20tu fais ça, sans ça, ce soir, ta voiture, elle crame.
05:24Le problème, c'est que le soir, la voiture, elle crame.
05:26Vous comprenez ?
05:27On n'est pas dans des paroles, là.
05:28On est dans des actes.
05:29On explique qu'aujourd'hui, il y a des parrains,
05:31j'utilise le terme, pas facilité,
05:32mais qui, tout simplement, font rentrer en prison
05:34des gars qui travaillent pour lui,
05:36afin qu'ils deviennent eux-mêmes surveillants.
05:38Oui, c'est une révélation qu'a fait Guillaume Darré.
05:40C'est quelque chose qui est...
05:41Mais moi, je l'ai signalé il y a quatre ans...
05:43Vous n'écoutez pas ?
05:44Non, bien sûr.
05:45Mais comme aujourd'hui, on ne veut pas m'entendre sur les containers.
05:49On ne veut pas m'entendre sur les chiens.
05:51Les chiens, pourquoi ?
05:52Dès son arrivée, Gérald n'a pas mis les chiens dans les coursives pour trouver la drogue.
05:57Et puis l'autre chose, il ne faut pas être...
05:59Parce qu'on pense que c'est peut-être une paix civile,
06:02qu'on s'octroie dans nos prisons.
06:03On a tort.
06:04On a tort d'être faibles ?
06:05Oui, parce que cette paix civile,
06:07cette paix civile momentanée pendant l'incarcération,
06:10on ressort avec des gens qui sont devenus tellement durs,
06:15qu'ils s'en foutent.
06:16Leur vie n'a pas de prix.
06:17J'ai été avec eux dans les cours de promenade, Yves.
06:19J'ai été avec eux.
06:20Leur vie n'a pas de prix.
06:22Vous entendez ce que je vous dis ?
06:23Ils savent qu'ils vont mourir sous les balles de leurs...
06:26Mais je vais vous donner un autre exemple.
06:28Il ne faut pas être que dans le négatif.
06:29Pourquoi on ne fait pas des tests salivaires pour la drogue ?
06:33Et si un gars accepte de se sevrer de la drogue pendant un mois,
06:37on lui fait une remise de peine.
06:39Je vais terminer cette interview par une citation.
06:42Je ne cesse de le répéter de livre en livre,
06:45de chapitre en chapitre, la prison est l'école du crime.
06:48On ne naît pas avec une kalachnikov en bandoulière ou un couteau à la main.
06:51En promenade, un proche de l'assassin de Samuel Paty m'avait expliqué
06:55comment, dès son plus jeune âge, il visionnait des vidéos de décapitation
06:59et comment pour ses 14 ans, on lui avait offert un couteau
07:02de 35 centimètres en provenance de Turquie.
07:04Au moment des faits, il venait d'avoir 18 ans
07:06et moi, je garde encore le souvenir marquant de son visage d'adolescent.
07:10Tout le reste est à lire dans votre livre.
07:12Oui, merci beaucoup.
07:13C'est une chose très difficile parce que c'est...
07:15Quand vous vous côtoyez, c'est jeunes.
07:17Excusez-moi, mais c'est des jeunes.
07:19Quand les détenus font la loi, prison, le pire, est déjà là.
07:22Le livre paraît demain chez Robert Laffont.
07:24Merci d'être venu nous voir ce soir, Pierre Botton.
07:26Merci.
07:28Nous venons d'évoquer le narcotrafic il y a...
07:31Dans cette interview, sachez qu'à 18h40,
07:33nous nous arrêterons sur un chiffre très inquiétant,
07:35celui de la consommation de cocaïne en France.
07:37Elle a doublé en 6 ans.
07:39Et si certains se tournent vers la cocaïne, c'est parfois pour tenir au travail.
07:42Notre reporter Arthur Perara a rencontré plusieurs consommateurs.
07:45Leurs témoignages sont absolument saisissants.
07:47A tout de suite pour le journal de 18h30.