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Dans la nuit de lundi à mardi, des individus ont « été interpellés près d'un établissement pénitentiaire avec des jerricans d'essence » en Isère, selon le ministre de la Justice.
Écoutez Éric Delbecque, expert en sécurité intérieure, ancien Directeur sûreté de « Charlie Hebdo », auteur des « Irresponsables. Dix ans après Charlie Hebdo » (Plon) est l'invité de RTL Soir.
Regardez L'invité de Yves Calvi du 22 avril 2025.

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Transcription
00:00RTL Soir, Yves Calvi et Agnès Bonfillon.
00:03Il est 18h18, bonsoir Eric Delbecq, vous êtes expert en sécurité intérieure, auteur de nombreux ouvrages.
00:09Nous y reviendrons, notamment sur l'islamisme et les radicalités violentes.
00:12La semaine dernière, au lendemain des premières attaques contre les prisons,
00:16on s'est interrogé, ici même d'ailleurs sur l'origine de ces actions, ultra-gauche ou grand banditisme.
00:21Voilà ce qu'en disait en tout cas le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, jeudi dernier sur notre antenne.
00:25Moi je pense, l'intime conviction qu'un certain nombre de nos agents du ministère de l'Intérieur ont,
00:31c'est plutôt la piste de narco-racaille, du narco-trafic.
00:35Il faut savoir que ce n'est pas eux qui nous déclarent la guerre, c'est nous qui leur avons déclaré la guerre.
00:39Avec la loi que j'ai poussée depuis que j'étais au Sénat, avec la commission d'enquête, la loi narco-trafic.
00:45Parce que ça va leur faire mal, on va leur faire mal.
00:47Le ministre de l'Intérieur parle de narco-racaille, mais c'était, rappelons-le,
00:51avant les tirs qui ont visé les domiciles de personnel pénitentiaire,
00:55narco-racaille, vous êtes d'accord avec lui ?
00:57Alors moi j'essaie d'aller un peu plus loin que ça,
01:00parce qu'on voit bien l'idée qui se développe,
01:03mais il faut essayer peut-être d'être un peu plus précis.
01:07On a le sentiment qu'on voit se développer quelque chose
01:10qu'il faudrait techniquement appeler le narco-terrorisme.
01:14Je dis technique parce que ce n'est pas la volonté d'employer de grands mots anxiogènes.
01:19C'est d'en revenir à l'article du Code pénal, l'article 421.
01:23C'est-à-dire une action qui a pour but de troubler gravement l'ordre public
01:28et de le faire par l'intimidation ou la terreur.
01:30Donc on voit bien que techniquement, on est là-dessus.
01:33Et je rappelle au passage que le terrorisme est d'abord une technique,
01:36ce n'est pas une identité idéologique.
01:37On peut être un terroriste djihadiste, islamiste,
01:41on peut être un terroriste d'ultra-gauche, on peut être un terroriste d'ultra-droite.
01:44Là, en l'occurrence, on pointe l'aspect technique.
01:46D'ailleurs, le parquet national anti-terrorisme s'est saisi.
01:48Donc est-ce qu'on n'a pas affaire à du narco-terrorisme ?
01:53On a le phénomène d'intimidation, on s'en prend à des membres de l'administration pénitentiaire,
01:58des incendies, des tirs d'armes automatiques qui sont faits également pour intimider,
02:02en plus de troubler l'ordre public, des actions coordonnées,
02:05et puis là, des actions qui durent.
02:07Donc il faut tranquillement, mais fermement, se poser la question
02:10de est-ce qu'il n'y a pas naissance d'une forme de narco-terrorisme ?
02:14Mais en quoi est-ce du terrorisme ?
02:17Il n'y a pas de théoriciens, il n'y a pas d'idéologues,
02:20il y a éventuellement des trafiquants de drogue ?
02:22Ça peut perturber la perception qu'on a de ces choses qui nous inquiètent énormément ?
02:28C'est pour ça que je dis que c'est une technique.
02:30C'est-à-dire qu'encore une fois, un acte terroriste,
02:34c'est une technique qui vise à répandre la peur, à intimider, à faire pression.
02:38Alors après, on peut l'employer dans le cadre d'une idéologie,
02:41et on peut l'employer dans le cadre d'une activité.
02:45Là, en l'occurrence, c'est dans le cadre d'une activité,
02:47c'est-à-dire le trafic de stupéfiants,
02:49qu'on pourrait recourir à des moyens terroristes
02:54pour essayer de faire progresser, défendre son business,
02:59s'il faut employer ce mot, et faire reculer l'État.
03:02Et en l'occurrence, si on veut faire reculer l'État,
03:04la technique terroriste peut être un outil utile.
03:09Ce que vous nous décrivez ce soir,
03:10est-ce qu'on l'a déjà observé dans d'autres pays ?
03:13Je ne sais pas, je pense notamment aux Pays-Bas.
03:15Alors, nous, dans notre domaine, quand on pense à tout ça,
03:19on a plutôt tendance à pointer le regard vers l'Amérique du Sud.
03:23Oui.
03:24Évidemment, il ne s'agit pas de dire qu'on est dans la même situation
03:26et qu'on a atteint les mêmes extrémités.
03:28On note qu'on a des indices qui vont dans le sens
03:32de la consolidation, de la cristallisation de réseaux criminels
03:36dédiés au narcotrafic,
03:38qui vont s'en prendre de plus en plus à l'État
03:40pour s'imposer et faire en sorte que l'État ne les combattre pas
03:42et les laisse développer leur business.
03:44Donc, c'est vers l'Amérique du Sud
03:46qu'on a plutôt tendance à regarder,
03:48y compris dans le niveau de violence.
03:49La coordination des attaques,
03:51la même nuit à plusieurs centaines de kilomètres de distance,
03:55on aurait eu tendance à se dire
03:56que ça ressemblait quand même beaucoup à l'ultra-gauche.
03:58Les trafiquants de drogue peuvent aussi se coordonner ?
04:01Oui, et puis c'est un petit peu ce qu'on dit
04:03depuis des mois, voire quelques années,
04:05sur des organisations comme la DZ Mafia
04:07ou tous ceux qui ont aidé Amra.
04:10On a bien vu qu'il y avait,
04:11lors de l'évasion d'Amra,
04:12il y avait quand même une démonstration
04:14de coordination qui était très forte.
04:17Alors, pourquoi la piste de l'ultra-gauche,
04:18ce n'est pas totalement convaincant ?
04:19Parce que, certes, il y a la question des prisons
04:23dans la plateforme idéologique de l'ultra-gauche.
04:26Maintenant, si l'ultra-gauche devait basculer
04:28dans la violence de manière aussi claire
04:30avec l'usage d'armes automatiques,
04:32je ne suis pas persuadé qu'elle le ferait
04:34ou qu'elle pourrait le faire
04:35et mobiliser des gens sur la thématique des prisons,
04:38sur l'écologie radicale,
04:40sur les antispécistes,
04:42la cause animaliste, etc.,
04:44pour les durs des durs, pourquoi pas.
04:46Y arriver sur les prisons,
04:48moi, je ne suis pas persuadé.
04:49Après, je serais peut-être démenti par les enquêteurs,
04:51mais comme ça, je ne le sens pas trop.
04:53Et dernier point, l'acronyme des DPF,
04:55je le trouve un peu bizarre.
04:58Défense des droits des prisonniers français,
05:00je le rappelle.
05:00Alors, dites-nous pourquoi vous le trouvez bizarre.
05:02Déjà, parce qu'à l'ultra-gauche,
05:04on n'est généralement pas français.
05:05Prisonniers français, directs des prisonniers.
05:08Voilà, ils sont internationalistes.
05:10Quand ils emploient des mots liés au fait national,
05:12c'est généralement pour être assez négatif.
05:15Donc, pourquoi français ?
05:16En plus, le canal Telegram a été créé récemment.
05:20Ce n'est pas un truc qu'on connaît très, très bien.
05:22Donc, on a le sentiment que ça a été fait pour l'occasion.
05:25Là, on voit plus des opérations de désinformation,
05:29de manipulation de l'information.
05:31Et dans des cas comme ça,
05:31on a plutôt envie de regarder vers l'ingérence étrangère
05:34en disant, tiens,
05:35ils sont en train de nous construire des fausses revendications.
05:39Donc, voilà.
05:40Tout ça, ça a l'air d'être de l'ultra-gauche.
05:44Ça sent un peu l'ultra-gauche,
05:46mais on a du mal à se dire que c'est de l'ultra-gauche.
05:48Certaines attaques, justement,
05:49ont été filmées par leurs auteurs
05:50et diffusées sur le réseau Telegram.
05:52Ça vous fait penser à quoi ?
05:53Vous évoquiez le Mexique il y a quelques minutes.
05:56Ça me fait penser à toutes les formes de criminalité
05:58qui, aujourd'hui, ont tendance à se glorifier de leurs actions.
06:01Ah oui.
06:01Donc, cet usage-là, qui est un usage de propagande,
06:05d'assertivité des gens en disant,
06:08regardez, c'est nous les plus forts
06:10et on est extrêmement violents,
06:11vous le retrouvez chez les djihadistes,
06:13vous le retrouvez chez les narcos, aujourd'hui,
06:15vous le retrouvez, bien évidemment, chez les djihadistes.
06:18Donc, cette mise en avant de la violence criminelle,
06:21elle ne nous dit rien en soi,
06:23sinon qu'elle est extrêmement moderne,
06:25extrêmement contemporaine,
06:25et qu'elle marque une décomplexion tout à fait éberluante de la violence.
06:30Il y a une forme de désinhibition ?
06:33Ah oui.
06:34Si inhibition, il y avait initialement ?
06:36Oui, tout à fait, mais la désinhibition, elle progresse,
06:39ça, ça me paraît indiscutable,
06:40et c'est pour ça qu'il faut, aujourd'hui,
06:42prendre le temps d'analyser froidement les phénomènes,
06:47ne pas en faire des marqueurs idéologiques à droite ou à gauche.
06:49Quand on parle, aujourd'hui, de décivilisation,
06:52il ne faut pas prendre ça comme un terme d'ultra-droite.
06:56C'est un phénomène sociétal qui a à voir
06:59avec le fait que cette violence se propage,
07:01et je vous prends un marqueur, pour le coup, très concret,
07:04puisqu'on dit toujours que ce sont des gens d'extrême-droite
07:06qui emploient ce mot, ou d'ultra-droite.
07:08La décivilisation, c'est un terme qui a été,
07:11enfin, la décivilisation, mais, par exemple, l'ensauvagement,
07:14qui a été promu par Thérèse Delpech,
07:16qui était une spécialiste des relations internationales.
07:18Donc, quand on parle d'ensauvagement, si vous voulez,
07:20on ne parle pas spécialement d'un vocabulaire politique.
07:23Après, on y a rajouté décivilisation, pourquoi ?
07:26Parce que des pédopsychiatres, notamment Maurice Berger,
07:28nous ont dit qu'on voit bien que la violence progresse.
07:31Donc, il faut observer ces phénomènes et les lier,
07:33voir qu'il y a une désinhibition de la violence
07:35qui touche les criminels, comme elle touche le reste de la société.
07:39Les criminels deviennent de plus en plus violents,
07:41parce qu'également, la société devient de plus en plus violente.
07:44En tout cas, il y a de la désinhibition dans les rapports sociaux,
07:46et il n'y a pas de raison que la criminalité ne soit pas touchée
07:49par les phénomènes de société.
07:51Alors, le problème dans tout ça,
07:52c'est qu'on arrive à notre point de ces quelques derniers jours.
07:56comment est-ce qu'on va faire pour arriver dans un temps raisonnable,
08:00et les enquêteurs font tout pour,
08:01à comprendre exactement ce qui se passe ?
08:03Et j'en reviens au début de mon propos,
08:05est-ce qu'on a affaire à du narco-terrorisme ?
08:07Est-ce qu'on a affaire aussi, c'est possible,
08:09à des effets de copie 4,
08:11de reproduction de la violence ou d'effet d'aubaine ?
08:13Est-ce que les incendies de ces dernières heures,
08:16ou tentatives d'incendie,
08:17sont le fait de gens qui profitent de cela
08:20pour s'y mettre eux-mêmes,
08:21alors qu'ils n'appartiennent pas aux narcos ?
08:24Dans l'Isère, là, on ne sait plus.
08:27En tout cas, pardonnez-moi de vous interrompre,
08:30en tout cas, on retient cette notion
08:31que vous nous avez proposée ce soir de narco-terrorisme.
08:34Merci beaucoup, Éric Delbecq,
08:35expérience sécurité intérieure,
08:37votre dernier livre, je le rappelle,
08:38Les Irresponsables,
08:4010 ans après Charlie Hebdo,
08:41paru chez Plon.
08:42Dans un instant, notre journal de 18h30,
08:44puis nous partirons à Rome.
08:45La date des obsèques du pape François
08:48a donc été fixée à samedi.
08:50La basilique Sainte-Marie-Major
08:51se prépara à accueillir des milliers de fidèles.
08:54Notre envoyé spécial,
08:55Maura Djabari,
08:56a pu s'y rendre.
08:57A tout de suite sur RTL.

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