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Bernard Phelan a passé 8 mois dans les prisons iraniennes entre 2022 et 2023, après avoir été accusé d'espionnage par le régime. 222 jours de privation totale de liberté et de tortures psychologiques, au bout desquels vous avez été libéré après de nombreuses interventions diplomatiques. Il est l'invité de RTL Soir.

On l'a appris ce jeudi : l'un des otages français encore détenus à Téhéran, Olivier Grondeau, a été libéré après plus de 2 ans de détention. Il avait été condamné à 5 ans de prison pour les mêmes raisons que vous: "conspiration contre la république islamique".
Regardez L'invité de Yves Calvi du 20 mars 2025.

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Transcription
00:00RTL Soir. Yves Calvi et Agnès Bonfillon.
00:03Bonsoir Bernard Félin.
00:04Bonsoir.
00:05Vous avez passé 8 mois dans les prisons iraniennes entre 2022 et 2023
00:09après avoir été accusé d'espionnage par le régime.
00:12222 jours de privation totale de liberté et de torture psychologique
00:16au bout desquels vous avez été libéré après de nombreuses interventions diplomatiques.
00:20On l'a appris aujourd'hui, l'un des otages français encore détenu à Téhéran,
00:23Olivier Grondot, a donc été libéré après plus de 2 ans de détention.
00:27Il avait été condamné à 5 ans de prison pour les mêmes raisons que vous.
00:30Conspiration contre la République islamique.
00:33Quelle est votre réaction, vous qui avez partagé les mêmes épreuves ?
00:37Surtout de joie.
00:38Quand j'ai appris ce matin, j'étais hyper content.
00:41On avait prévu avec des amis et des familles d'Olivier de faire quelque chose prochainement.
00:47Maintenant, il est libéré.
00:48J'imagine sa mère et ses amis vont marcher sur des nuages.
00:54C'est magnifique.
00:55Avant de revenir sur vos conditions de détention,
00:58j'ai envie de vous demander de nous décrire le chemin,
01:01pour ne pas dire le voyage de retour.
01:04C'est compliqué.
01:06Le retour en arrivant en France, j'imagine Olivier va être comme moi,
01:11avec rien, juste nos tongs sur les pieds et des vêtements.
01:16Il va commencer à zéro, à reconstruire la vie.
01:19Ce qui est important dans les histoires d'otages, c'est qu'on oublie souvent...
01:24L'Iran a pris Olivier et moi et Benjamin en otage.
01:26Ils prennent Cécile et Jacques.
01:27Ils prennent aussi les familles en otage.
01:30Nos familles sont des otages.
01:32Mon mari Roland était obligé d'aller travailler.
01:36Ma sœur Caroline était otage.
01:38Mon père était otage.
01:39Les familles des autres sont des otages.
01:41Il ne faut pas les oublier.
01:43Eux aussi, il faut qu'ils se reconstruisent.
01:44C'est très compliqué.
01:46Vous dites que c'est un drame beaucoup plus large que celui du prisonnier en tant que tel.
01:51Absolument, c'est tendre partout, dans les couples, dans les familles.
01:56C'est quelque chose qui est très compliqué.
01:58Heureusement, il y a des aides, il y a des ONG comme l'Ontario International qui nous aident,
02:02qui trouvent des bons psychiatres pour nous aider.
02:05Mais la reconstruction est longue.
02:07Au moment où l'avion décolle, quand vous partez,
02:10qu'est-ce qui se passe ?
02:11Qu'est-ce qu'on a dans la tête ?
02:13La tête, dans mon cas, c'est un petit particulier.
02:16C'est le 12 mai, j'étais avec Benjamin Brière.
02:18On est montés dans l'avion sanitaire, le pilote est sorti.
02:21Il nous a dit, par direction de France, quitter l'espace aérien iranien.
02:26On a 28 minutes de vol pour quitter l'espace.
02:28Donc on vole Nord, parce que c'est la frontière avec l'Histoire la plus proche.
02:33Et c'était tendu dans l'avion.
02:35Tout le monde avait peur que ça allait être annulé la dernière minute.
02:40Mais après 28 minutes de vol, c'était la joie,
02:43des hurles, des rires, des larmes de tout le personnel.
02:46C'était fantastique.
02:47Donc la vraie libération pour vous, elle consistait à sortir du territoire iranien,
02:51même dans les airs, c'est ça ?
02:52Absolument.
02:53J'ai aucune confiance que quelque chose, à la dernière minute,
02:56c'est arrivé à Benjamin, il était libéré,
02:58et jusque-là, dans le compte de son avocat, annulé.
03:01Vous êtes franco-irlandais.
03:03Si vous n'étiez qu'irlandais, ce qui, dans ma bouche, n'a rien de désagréable,
03:07est-ce que vous auriez été arrêté ?
03:09J'ai appris, lorsque j'ai rencontré différents diplomates français-irlandais,
03:15si le visa n'était pas sur mon passeport français,
03:18je n'aurais pas été arrêté.
03:19Je voyage toujours avec mes deux passeports,
03:21j'ai présenté mes deux passeports quand j'étais arrêté,
03:24et là, visa sur le passeport français,
03:27ils avaient une course, une liste de course, pour des français.
03:31C'est comme ça que j'ai été pris.
03:32Donc c'est bien la France qui est visée ?
03:34Absolument.
03:35Le juge, quand j'étais jugé, le juge a dit
03:40vous avez envoyé des informations à un pays ennemi,
03:43et j'ai dit France est ennemi, il m'a dit pas encore.
03:47Vous avez réussi à aller plus loin dans la conversation avec lui ?
03:49Ou ça s'est arrêté là ?
03:50Ça s'est arrêté là, mais la première fois que j'ai rencontré le juge,
03:54d'où vient l'édite de mon livre,
03:57j'ai refusé à signer des papiers,
04:00ils avaient emmené une garde dans la pièce du juge,
04:04c'était en uniforme, avec les menottes, les menottes aux pieds,
04:07c'est très dégradant,
04:09et j'ai continué à refuser de signer des papiers,
04:11il m'a dit, sortez, il m'a dit, tu vas mourir en prison.
04:15Et c'était comme une claque.
04:17Je ne pense pas que les prisonniers, Jacques et Cécile, qui restent,
04:20ils vont sortir, mais vraiment c'est quand ?
04:22Et dans quel état de santé ?
04:24C'est ça le souci.
04:26La santé mentale, c'est la torture blanche spécialité iranienne,
04:30qu'ils utilisent sur les prisonniers politiques et sur nous.
04:33Qu'est-ce que c'est que cette torture blanche ?
04:34Cette torture blanche consiste à, par exemple,
04:37à vous dire, oui vous pouvez téléphoner à votre famille une fois par semaine,
04:40ce que dit la loi iranienne,
04:42et bien non, vous ne téléphonez pas à votre famille toutes les semaines.
04:44On vous dit, oui, peut-être tout à l'heure, peut-être pas,
04:47je ne sais pas, la ligne est cassée,
04:49donc on est déçus.
04:51Le but c'est de vous briser, de vous casser.
04:54Absolument.
04:54Parlons quand même de vos conditions de détention,
04:56je sais que ce n'est pas facile,
04:58comment se passaient vos journées ?
05:00Les détentions,
05:01nous j'étais au départ pendant plus d'un mois en détention, en isolement.
05:07Chaque fois on sort de la cellule,
05:09menottes et bandes sous les yeux,
05:11interrogation plusieurs fois par jour,
05:13aucune sensation du temps,
05:15il n'y a pas de fenêtre, il est doux, il y a 24-24.
05:18Le temps n'existe plus ?
05:19Il n'existe plus,
05:21et pendant 7 mois et demi, je n'ai pas eu de nuit.
05:24J'ai eu la journée tout le temps, tout le temps, tout le temps,
05:26pas de rideau pour le lit,
05:28le calme, la nature, ça n'existe plus quand il y en a pas.
05:31Vous étiez en cellule seul ou avec d'autres détenus ?
05:34Moi j'étais dans un bloc assez particulier,
05:37à Machade, ça s'appelle le bloc des Satans,
05:40bloc 6-1,
05:42qui n'avait que des prisonniers politiques,
05:44et il y avait aussi Benjamin Brière,
05:46qui était l'otage français que j'ai retrouvé là-bas.
05:49Il y avait quelques étrangers, des trafiquants de drogue de Turquie et de Bahreïn,
05:53et notre bloc avait la réputation,
05:56triste réputation d'avoir les deux cellules
05:58où tous les prisonniers qui vont être exécutés
06:00vont passer la nuit avant.
06:02Régulièrement, on entend, on voit les flips-flops devant la porte de leur cellule,
06:08la trappe en bas ouverte,
06:09on entend les hommes en train de pleurer,
06:11ils vont être exécutés le matin suivant après les prières.
06:14Comment étaient-ils exécutés ?
06:16Pendaison ?
06:16Pendaison.
06:18On sait le nombre de français qui sont présents ou pas ?
06:22C'est pas clair du tout.
06:23C'est pas clair du tout, j'ai entendu ce matin,
06:25il y avait un français qui était en détention à domicile en Iran,
06:29première fois que j'entends parler de cette histoire,
06:31il vient à Suisse, il n'y a pas longtemps qu'il se sudait,
06:34et j'avais entendu cette personne.
06:36Personne ne sait combien d'européens restent encore en Iran.
06:39Les iraniens voulaient vous faire avouer que vous étiez un espion ?
06:42Oui.
06:43Ils voulaient insister que j'envoie des informations à l'étranger,
06:47et même je décris dans le livre ce qui est incroyable,
06:50à un moment d'interrogation,
06:52on me demande est-ce que vous voulez travailler pour eux ?
06:55Tiens, tiens.
06:56Il n'y a pas de limite à la perversité ?
06:58Non, pas du tout.
07:00Vous étiez informé des manœuvres diplomatiques
07:01contre la France et l'Iran pour vous faire libérer, ou pas du tout ?
07:04On nous, régulièrement, quand on a rencontré l'ambassadeur de France,
07:07Nicolas Roche, à Machad, lors de compétitions consulaires,
07:10il nous disait que tout le monde est en train de négocier,
07:13on négocie avec les iraniens, on négocie tout ça,
07:16de rester calme, de ne pas parler trop, de faire du bruit.
07:19C'est tout le problème, il faut faire du bruit.
07:22Maintenant que tout le monde sait qu'Olivier était en prison,
07:25avant personne n'en parlait d'Olivier.
07:27C'est la même chose pour Johan en Suède, personne n'en parlait.
07:29Maintenant, les médias parlent, c'est en première ligne des actualités,
07:33et les iraniens n'aiment pas ça.
07:35Il faut, comme dit mon mari, la peur change de camp.
07:38Il faut que nous, on fasse peur aux iraniens,
07:40regardez comment vous traitez nos citoyens, nos européens.
07:43Il faut le dire, vous nous traitez mal, on ne nous traite pas comme ça.
07:46Vous avez croisé d'autres français en prison ?
07:49À part Benjamin, qui était dans mon bloc,
07:50qui était là presque plus de deux ans, quand je suis arrivé,
07:53je n'ai jamais croisé d'autres français.
07:55Vous dormez normalement ?
07:56Excusez-moi d'être aussi direct, mais...
07:58On imagine que le cauchemar peut reprendre à tout moment.
08:03C'est très compliqué ces derniers jours,
08:05parce que demain, c'est une rouse,
08:08c'est le Nouvel An Perse.
08:10Et là toujours, un radio concurrent, ce week-end,
08:14il parlait de la cuisine Perse,
08:16et à un moment, il commençait à dire
08:19« Souhaitez bon Nouvel An » en persan.
08:22J'ai commencé à trembler, j'étais obligé de couper la radio.
08:26Je ne pensais pas que ça allait arriver.
08:27Et des choses comme ça, quand je sors du stress post-traumatique,
08:32c'est très compliqué.
08:33Et ça, je pensais que c'était effacé,
08:35et là, ce samedi dernier,
08:37robotnotes.
08:38J'ai en face de moi un homme qui sourit,
08:41avec des yeux bleus, je vous vois en forme a priori,
08:44mais vous transportez avec vous encore
08:47tout un chariot de souffrances,
08:49et de souffrances psychologiques et physiques.
08:52Oui, les souffrances psychologiques,
08:54ce n'est pas comme moi,
08:55je vois mon mari Roland, ma sœur et...
08:59Tous vos proches.
09:00Très proches, ils souffrent, c'est compliqué.
09:03La vie n'est pas la même chose qu'avant.
09:05Ce qui est bizarre dans « Les otages »,
09:07si j'ose dire, c'est que
09:09quand il y a un accident qui arrive à quelqu'un,
09:11un cancer, un accident de voiture,
09:13on sait où appeler.
09:14Quand vous êtes en otage, on commence où ?
09:16C'est très dur.
09:17On va se séparer sur ce dernier propos
09:20qui nous fera réfléchir.
09:21Merci beaucoup, Bernard Felland.
09:23« Tu vas mourir en prison »,
09:24le témoignage d'un otage d'État en Iran
09:26est paru aux éditions HarperCollins.
09:28Merci beaucoup d'avoir pris la parole
09:30aujourd'hui sur RTL.
09:31Et rappelons enfin que,
09:32tout à fait officiellement,
09:34Cécile Koller et son compagnon Jacques Paris
09:36sont toujours emprisonnés en Iran.
09:37Merci beaucoup.
09:39Le gouvernement vient donc officiellement
09:40de lancer son plan épargne
09:42dédié à notre défense.
09:43Ticket d'entrée, 500 euros.
09:45Comment ça marche ?
09:46Quels sont les avantages ?
09:47Et éventuellement les risques ?
09:48Réponse à 18h40
09:50avec le spécialiste Maxime Chipolle.

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