• l’année dernière
Rédoine Faïd est l’un des prisonniers les plus surveillés de France. Il a eu des échanges épistolaires avec la journaliste Plana Radenovic. Elle en a fait un livre : “Depuis l’enfer gris”, dans lequel elle plonge dans la tête du spécialiste des attaques de fourgons blindés et raconte les conditions extrêmes de sa détention.

Aujourd’hui âgé de 51 ans, Rédoine Faïd est un braqueur. Sa vie est une succession de faits délictuels, puis criminels. Il s’est évadé deux fois de prison par le passé. Il est placé à l’isolement de longue durée depuis 5 ans.

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Transcription
00:00 Edouard Nfait, c'est quelqu'un qui est placé à l'isolement de longue durée.
00:03 Donc là, ça fait cinq ans qu'il est dans une cellule tout seul, où il va en cours
00:08 de promenade seul, il côtoie jamais aucun détenu.
00:10 C'est quelqu'un aussi qui n'a pas le droit de toucher, de prendre dans ses bras personne,
00:16 aucun membre de sa famille.
00:17 Quand il a un parloir, c'est derrière une vitre en plexiglas, ça s'appelle un parloir
00:21 hijyaphone.
00:22 Pour info, on l'a retiré à Salah Abdeslam du Bataclan parce qu'on a considéré que
00:27 c'était inhumain.
00:28 Bonjour Kita, je suis Plana Radenovic, journaliste au Journal du Dimanche et auteure d'un livre
00:38 qui s'appelle Depuis l'Enfer Gris, qui raconte les conditions de détention de Edouard Nfait,
00:43 mais pas seulement, qui raconte aussi son humanité.
00:45 C'est un braqueur, c'est un homme qui a fait de sa vie une succession de faits délicatifs.
00:58 Sexuels, puis criminels, qui s'est professionnalisé dans le vol à main armée.
01:03 Depuis maintenant 2018, depuis qu'il a été repris en évasion de Réau, c'est aussi
01:12 un détenu qui est le détenu le plus surveillé de France.
01:15 Et puis évidemment, c'est aussi un être humain qui a eu une enfance qui s'est passée
01:23 dans une cité de Creil, dans l'Oise.
01:25 Et puis maintenant, c'est aussi un homme qui a quand même 50 ans et puis la vie devant
01:32 lui, c'est une vie en prison.
01:33 Ce qui s'est passé, ça a eu un retentissement énorme.
01:40 Je me souviens qu'on a fait plusieurs unes de suite avec ces histoires-là.
01:45 Et puis pour moi, j'étais jeune fédiversaire, je débutais.
01:53 Il y avait tous les médias nationaux qui étaient là, tout le temps.
01:57 Enfin bref, c'était vraiment la folie.
02:00 J'ai voulu, une fois qu'il a été repris, aller le rencontrer au Parloir, à la prison
02:09 de Vendin-le-Vieil, ici dans le Pas-de-Calais.
02:12 C'était une rencontre qui était destinée à faire une interview pour le JDD sur la
02:17 thématique de ces conditions de détention.
02:19 Et ensuite, il m'a écrit une première lettre, quelques mois après l'apparition
02:23 de l'article.
02:24 Et une première lettre qui en appelait une autre, en fait.
02:28 Donc j'ai répondu et puis on a entamé notre échange épistolaire comme ça.
02:32 Au fur et à mesure de nos échanges, comme j'ai vu qu'il écrivait très, très bien
02:40 et qu'il avait cette capacité à faire ressentir au lecteur ce que lui ressentait,
02:45 ce qui n'est pas donné à tout le monde, de traduire ses émotions en mots.
02:48 Quand on écrit une lettre, on réfléchit vraiment à chaque mot, le papier ça reste
02:53 et tout ça.
02:54 Donc on n'est pas dans la même démarche, on dit des choses plus importantes.
02:56 Et là, il y avait un côté assez brut de l'humanité brute qui m'a vraiment intéressée
03:05 à explorer.
03:06 C'est quelqu'un qui est à terre, qui n'a pas d'espoir, qui n'a pas de perspective.
03:14 Il n'y a même pas tellement de raison de manipuler.
03:17 Je ne vois pas trop à quoi je peux lui servir à part d'être sa porte-voix sur ses conditions
03:22 de détention.
03:23 Et moi, je n'appelle pas ça de la manipulation, c'est juste de m'utiliser pour publier son
03:28 combat comme font des militants associatifs, des politiques.
03:33 Redouane Fayid, c'est quelqu'un qui est placé à l'isolement de longue durée.
03:41 Là, ça fait cinq ans qu'il est dans une cellule tout seul, où il va en cours de promenade
03:46 seul.
03:47 Il ne côtoie jamais aucun détenu.
03:48 C'est dénoncé comme une torture blanche par la Cour européenne des droits de l'homme,
03:51 l'isolement à longue durée.
03:52 Longue durée, c'est plus d'un an.
03:53 Donc voilà, on est à cinq.
03:54 Donc premièrement.
03:56 Deuxièmement, c'est quelqu'un aussi qui n'a pas le droit de toucher, de prendre dans ses
04:02 bras personne, aucun membre de sa famille.
04:04 Quand il a un parloir, c'est derrière une vitre en plexiglas.
04:08 Ça s'appelle un parloir hijyaphone.
04:09 Pour info, on l'a retiré à Salah Abdeslam du Bataclan parce qu'on a considéré que
04:15 c'était inhumain.
04:16 Il a subi des fouilles à nu à répétition.
04:18 Fouilles à nu, on regarde même ce qu'il y a à l'intérieur de tous les orifices.
04:22 Enfin voilà, je ne vais pas faire un dessin.
04:23 C'est quelqu'un qui s'est évadé deux fois.
04:25 Évidemment qu'il y a un risque de récidive.
04:27 Je le comprends.
04:28 C'est juste que je pense qu'il faut faire quand même une balance entre les droits de
04:34 l'homme, les droits de l'homme qui doivent s'appliquer partout, et puis la sécurité
04:38 qui bien sûr est nécessaire aussi.
04:40 Mais cette balance, en fait, pour moi, elle n'est pas équilibrée.
04:42 J'ai à cœur d'envisager les gens d'abord comme des humains avant de les envisager
04:50 comme des criminels par exemple, ou des détenus, ou des policiers.
04:55 Toutes les qualifications, je vois d'abord l'humain.
04:58 Et en fait, ça fait que je ne juge pas les gens.
05:01 Je pense que ça se voit dans mon approche.
05:03 Et donc, je pense que lui, il s'est senti entre guillemets à l'aise.
05:07 Quand on est journaliste, police, justice, oui, on est pote avec des policiers, des
05:12 avocats, moi aussi avec des détenus.
05:15 Voilà, tout simplement.
05:16 Et il y a toute une galaxie de personnes que je fréquente, que je tutoie.
05:20 Quand on est journaliste politique, on fait des déjeuners avec des politiques et on se
05:24 tape dans le dos et on boit des coups ensemble.
05:26 En fait, ce qui compte, c'est ce qui paraît dans le journal.
05:30 Et moi, dans le journal, je fais que des papiers assez factuels, etc.
05:34 Là, on est dans un livre.
05:35 Donc, on n'est pas dans un livre que de journaliste.
05:39 C'est un échange épistolaire.
05:41 Forcément, il y a du personnel.
05:43 Et pour moi, oui, ça apporte une autre dimension à Redouane Fahy.
05:46 [musique]

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