Chroniqueuse : Marie Portolano
C’est une évasion digne d’un film d’action qui a défrayé la chronique… Le 1er juillet 2018, Redoine Faïd, un braqueur multirécidiviste, a fait les gros titres après avoir réalisé un exploit : celui de s’être évadé de la prison du Réau en Seine-et-Marne en hélicoptère ! Un scénario pas tout à fait inédit mais qui reste spectaculaire. Alors qu’il sera jugé aux assises ce mardi 5 septembre 2023, le journaliste Jérôme Pierrat est venu nous parler de ce hors la loi, passé maître dans l'art de l'évasion, qui risque la perpétuité.
C’est une évasion digne d’un film d’action qui a défrayé la chronique… Le 1er juillet 2018, Redoine Faïd, un braqueur multirécidiviste, a fait les gros titres après avoir réalisé un exploit : celui de s’être évadé de la prison du Réau en Seine-et-Marne en hélicoptère ! Un scénario pas tout à fait inédit mais qui reste spectaculaire. Alors qu’il sera jugé aux assises ce mardi 5 septembre 2023, le journaliste Jérôme Pierrat est venu nous parler de ce hors la loi, passé maître dans l'art de l'évasion, qui risque la perpétuité.
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00:00 Il est quasiment 8h14, l'interview d'actualité.
00:02 Marie, vous recevez le journaliste Jérôme Piera.
00:04 Il connaît bien le braqueur Redouane Faïd.
00:06 Il a même écrit un livre avec lui.
00:08 "Faïd dont le procès très attendu s'ouvrira demain".
00:10 Bonjour et bienvenue à vous.
00:11 Bonjour.
00:12 Bonjour Jérôme Piera, merci beaucoup d'être avec nous.
00:15 Donc demain s'ouvre ce procès de Redouane Faïd.
00:17 Vous y serez évidemment.
00:18 Je rappelle quand même qu'il est jugé pour son évasion
00:20 de la prison de Réau en Seine-et-Marne.
00:22 C'était en 2018.
00:23 Il s'était déjà évadé en 2013 d'une prison du Nord.
00:27 Il avait écopé de 10 ans de prison pour cette évasion.
00:30 Qu'est-ce qu'il risque aujourd'hui ?
00:31 C'est la perpétuité, j'imagine ?
00:32 Oui, la perpétuité, en tout cas des années supplémentaires
00:35 vu qu'il a déjà une cinquantaine d'années à faire.
00:38 Le quantum ne va pas changer beaucoup le résultat.
00:41 Mais effectivement, il risque en théorie la perpétuité.
00:44 Vous le connaissez, Thomas le disait.
00:45 Vous avez écrit un livre avec lui.
00:47 C'est qui Redouane Faïd ?
00:49 Un charmant garçon.
00:50 Ça peut paraître bizarre de dire ça,
00:52 mais c'est un garçon qui est issu des quartiers défavorisés,
00:56 de la banlieue parisienne,
00:57 et qui a grandi dans le banditisme jusqu'à atteindre le Graal,
01:02 c'est-à-dire du braqueur, les attaques de fourgons blindés, etc.
01:05 Et puis à côté de ça, c'est un garçon
01:07 qui n'a pas du tout le profil du caïd de Cité.
01:10 Alors c'est-à-dire ? C'est quoi son profil ?
01:12 C'est un type qui pourrait être présentateur du Télématins.
01:15 Il est charmant, charmeur, intelligent, cultivé.
01:18 Non mais c'est vrai, il n'a pas du tout la carte postale
01:21 comme on l'imagine du gangster.
01:23 Et alors pourquoi il a pris cette direction-là ?
01:26 Je crois qu'il a été passionné par le cinéma,
01:28 Raymond Fayd, très petit.
01:30 Alors il a regardé "Port sur la ville" avec Jean-Paul Belmondo,
01:32 il aurait pu devenir commissaire de police,
01:33 mais manque de coup, il était plutôt fasciné par "It",
01:37 les films de Michael Mann, les trucs de "Fakers" etc.
01:38 D'ailleurs, il a interpellé un jour Michael Mann à la Cinémathèque.
01:41 Oui, Michael Mann était venu présenter un film à la Cinémathèque de Paris,
01:45 il avait été le voir en disant "Vous avez été mon professeur
01:47 et c'est vous qui m'avez orienté vers cette voie, malheureusement."
01:50 Alors vous, vous le connaissez, vous êtes allé le voir
01:52 il y a quelques jours, je crois, à la prison.
01:53 Il est dans quel état d'esprit là, aujourd'hui ?
01:55 Il est combatif, il a envie de démontrer que ce dont on l'accuse,
01:59 en tout cas, il a l'impression que le procès qu'il attend
02:02 est un peu démesuré par rapport à ce qu'il a fait,
02:05 c'est-à-dire une évasion sans violence, sans…
02:09 Juste, juste et faite.
02:10 Trois guillemets, je parle toujours trois guillemets.
02:12 Avec un hélicoptère et un chercheur.
02:14 Et effectivement, il y a cette semaine de procès dans la salle du 13 novembre,
02:18 là où on accueille d'habitude les procès terroristes,
02:20 il y a deux procureurs, enfin, on a l'impression qu'il y a un immense barnum.
02:24 On présente ses co-accusés qui sont en fait ses frères et ses neveux,
02:29 comme un espèce de clan criminel, ce qu'ils ne sont pas,
02:32 je ne prends pas du tout la défense, mais ils ont des casiers judiciaires vierges.
02:35 C'est une affaire de famille ?
02:36 Oui, qui ont aidé l'oncle, le frère, voilà.
02:39 Donc il y a effectivement…
02:40 Donc lui, il arrive assez combatif face à tout ce barnum
02:45 qu'il juge peut-être un peu trop spectaculaire.
02:47 Qu'est-ce qu'il espère là, vraiment ?
02:49 Là, aujourd'hui, il n'espère plus grand-chose.
02:52 Il espère déjà revenir dans une détention normale,
02:54 puisqu'il est quand même le détenu le plus surveillé d'Europe.
02:56 Aujourd'hui, ce n'est pas moi qui le dis.
02:57 En même temps, il y a des raisons.
02:58 Il s'est évadé deux fois, effectivement.
03:00 Il s'est évadé deux fois.
03:01 Donc on le surveille comme le lait sur le feu, même voire pire.
03:04 Donc il espère déjà, dans un premier temps,
03:06 pouvoir retourner dans un régime à peu près normal,
03:09 voir d'autres êtres humains.
03:10 Aujourd'hui, il vient de battre le record d'isolement,
03:13 de détention à l'isolement,
03:14 plus que le terroriste Carlos qui avait fait neuf ans et demi.
03:17 Lui, il attaque la onzième année d'isolement total.
03:19 Onzième année d'isolement, c'est-à-dire qu'il n'a pas le droit de voir…
03:21 Il ne te parle à personne.
03:22 Il ne peut pas sortir dans la cour avec les autres.
03:24 Il est dans un cube de béton,
03:27 23 heures sur 24 quasiment.
03:28 Donc voilà, ce sont des conditions qui sont très difficiles.
03:30 Donc déjà, lui, ce serait déjà pas mal
03:32 s'il pouvait revenir dans une détention plus classique.
03:35 Après, la date de sortie est assez lointaine sur le papier.
03:39 C'est ça qu'il espère, donc, revenir à des conditions de détention.
03:41 Au moins, déjà améliorer ses conditions de vie quotidiennes.
03:44 Alors, vous le connaissez, ça fait trois fois que je le dis,
03:47 mais c'est important parce que c'est devenu un ami.
03:49 En tout cas, lui, vous, considère comme un ami très fidèle.
03:52 Comment on devient ami avec un braqueur ?
03:54 Et comment on ne dépasse pas la limite ?
03:56 Alors, comment on devient ami ?
03:57 Ben moi, je suis arrivé journalistiquement.
04:01 Je travaille sur ces questions-là depuis des années.
04:03 Donc, c'était un de mes clients.
04:06 Quand il est sorti de prison la première fois où on s'était rencontrés,
04:08 on a décidé de faire un livre parce que ce qui m'intéressait,
04:10 c'était d'avoir le parcours d'un jeune de quartier, justement,
04:13 et pas le traditionnel, encore, à l'accent rocailleux.
04:16 Et donc, voilà, on a commencé comme ça.
04:18 Et puis, au fil des semaines et des mois,
04:20 évidemment, on s'est liés d'amitié.
04:22 Après, vous ne choisissez pas dans la vie les gens avec qui vous matchez,
04:25 comme on dit.
04:26 Après, voilà, moi, je fais la part des choses entre le professionnel et l'être humain.
04:32 Alors, demain, vous y êtes avec quelle casquette ?
04:34 Journaliste, ami ?
04:36 Ben, j'y vais avec un regard de journaliste, quand même, ça m'intéresse.
04:38 Et puis, j'y vais par amitié, évidemment, pour faire preuve de présence.
04:41 Vous considérez, vous, que c'est un procès hors norme ?
04:45 Alors oui, de part déjà sa logistique en façon d'organisation,
04:47 oui, c'est un procès hors norme.
04:48 Je veux dire, on est dans une configuration un peu hallucinante.
04:51 Encore, vous n'avez pas vu les normes de sécurité qui vont être…
04:54 enfin, le dispositif de sécurité qui va être mis en place.
04:57 Alors, du côté de l'administration pénitentiaire, de la police,
04:59 on va vous dire non, ce garçon est quand même parti deux fois
05:01 de l'établissement ultra sécurisé, dans des conditions, voilà, rocambolesques.
05:04 Donc, on est à l'abri de rien.
05:07 Lui, juge, bon, on n'a pas visiblement l'intention de partir à ce moment-là.
05:11 Et donc, juge, oui, c'est un peu disproportionné.
05:14 Moi aussi, je pense que vu les personnes qu'il y a dans le box,
05:17 je veux dire, à part lui, et ici, il va y avoir un corps,
05:19 Sophie Chaud, grand banditiste, qu'on a mis dans ce dossier aussi.
05:23 Bon, le reste, voilà, ce sont des travailleurs.
05:25 Donc, je pense que déjà, quelques types de gérants
05:27 auraient peut-être suffi à sécuriser ce périmètre.
05:30 Enfin, voilà, va falloir s'attendre à du grand spectacle.
05:32 Ce ne sont quand même pas des enfants de cœur.
05:34 Non, non, mais voilà, il ne faut pas se méprendre sur ce que je dis.
05:36 Il ne reste pas du tout la question.
05:38 Mais on peut avoir un procès sécurisé, peut-être sans en faire autant.
05:42 Vous pensez qu'il va recommencer ?
05:44 Je ne sais pas, il faut lui poser la question.
05:45 Je ne sais pas du tout, moi.
05:47 Je ne veux pas être dans ce genre de confident.
05:49 Je ne sais pas, là, il n'est pas du tout dans cet état d'esprit.
05:51 Il est plutôt dans un état d'esprit de se défendre au procès,
05:54 de faire valoir ce qu'il a à dire.
05:56 Vous publiez le 14 septembre prochain
05:58 "Une histoire du milieu de 1850 à 2000,
06:00 grands banditismes et crimes organisés en France".
06:02 Est-ce que Redouane Faïd est le dernier grand gangster français
06:06 ou est-ce qu'on est dans l'ère du banditisme ?
06:08 Alors non, on a un peu quitté l'ère des grands voyous,
06:11 comme des grands flics d'ailleurs, des années 70, 80,
06:14 enfin voilà, où il y avait des figures un peu emblématiques.
06:16 Lui, effectivement, il s'inscrit dans cette espèce de tradition
06:19 du voyou médiatisé, un peu à la Jacques Méring, comme on dit.
06:24 Voilà, donc il est un peu l'héritier, en tout cas médiatique et célèbre,
06:28 dans cette spécialité.
06:30 Merci beaucoup Jérôme Pira, d'avoir été avec nous.
06:33 Merci à vous Redouane Faïd,
06:35 charismatique sous certains aspects,
06:36 mais qui est aussi considéré comme le cerveau de l'attaque
06:38 du fourgon blindé de Villiers-sur-Marne,
06:40 Elle avait une policière municipale, elle s'appelait Aurélie Fouquet, elle avait 26 ans.