33 organisations, dont l'Observatoire international des prisons, la Ligue des droits de l'Homme ainsi que le Secours catholique expriment "leur profonde indignation". En cause, la décision du ministre de la Justice Gérald Darmanin d'arrêter toutes les activités en prison dites "ludiques", hors soutien scolaire et sport. Une mesure prise après une polémique autour de soins du visage prodigués à des détenus à la maison d'arrêt de Toulouse-Seysses, une semaine après des cours de danse country. Écoutez la réaction de Prune Missoffe, responsable du plaidoyer à l'Observatoire international des prisons.
Regardez L'invité de Yves Calvi du 19 février 2025.
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00:00RTL Soir, Yves Calvi et Agnès Bouffillon.
00:03Il est 18h20, bonsoir Prunemissov, vous êtes responsable du plaidoyer à l'Observatoire International des Prisons, merci d'être avec nous.
00:10Ce soir sur RTL, 33 organisations dont la vôtre, la Ligue des Droits de l'Homme ainsi que le Secours Catholique expriment, je cite, leur profonde indignation en cause de la décision du ministre de la Justice Gérald Darmanin d'arrêter toutes les activités en prison dites « ludiques » hors soutien scolaire et sport.
00:26Une mesure prise après une polémique autour du soin du visage prodigué à des détenus à la maison d'arrêt de Toulouse-Seysse, une semaine après des cours de « Dance Country ».
00:36Vous dénoncez un acte de pure démagogie de la part du garde des Sceaux qui, je cite, « nourrit la désinformation ». Expliquez-nous.
00:42Alors peut-être qu'il faut recontextualiser aussi la prison dont on parle, la maison d'arrêt de Toulouse-Seysse, où on a plus de 1000 personnes détenues.
00:51Là, on parle d'une activité qui va concerner une vingtaine de personnes détenues. Et ça, c'est très représentatif de la disproportion et du manque d'activités qui sont proposées aux personnes détenues.
01:01Le vrai problème à Toulouse-Seysse, ce n'est pas cette activité en particulier, c'est qu'on est à un taux de surpopulation carcérale qui est à 214% au 1er janvier.
01:11Le vrai scandale, il n'est pas dans une activité qui a été proposée aux personnes détenues. Et après, on pourra revenir sur le fait aussi qu'il s'agit quand même d'un droit fondamental.
01:19L'accès à la culture, le lien avec des êtres humains fait quand même partie d'un point essentiel dans la réinsertion.
01:26Mais le vrai scandale, il n'est pas là. Il est sur le fait que ces plus de 1000 personnes à Toulouse-Seysse sont enfermées dans des conditions indignes, à 2, 3, dans des cellules de 9 mètres carrés, insalubres, etc.
01:38Ce que vous nous dites sur l'état de nos prisons est une réalité, on en parle régulièrement sur RTL, mais est-ce que vous ne comprenez que des soins du visage de la danse country ?
01:45Quel est l'objectif et peut-on parler de réinsertion avec de telles activités ?
01:50Est-ce que vous les défendez ? Est-ce que vous dites au sens où vous dites bah oui, on a aussi besoin de ça en prison, quitte à ce que ça défrise un certain nombre de ceux qui nous écoutent ce soir ?
01:59Alors je pense que le premier point, vous y avez répondu dans votre introduction, c'est-à-dire que ce matin il y a eu un communiqué de presse publié par plus d'une trentaine d'organisations,
02:08qui sont des organisations professionnelles du milieu prison-justice, ou qui sont des associations dont les membres interviennent en prison.
02:15Et ces personnes-là, c'est vraiment quasi unanime dans ce milieu que ces activités sont essentielles pour les personnes détenues.
02:24Alors d'abord parce que ce sont des êtres humains, tout simplement. Mais ensuite aussi parce que ce sont des sujets de droit qui ont été enfermés,
02:32et en étant enfermés entre quatre murs, ils ont été privés de la liberté d'aller et de venir. Point.
02:37Et je dis, on pourrait parler même de punition, il faut quand même se souvenir qu'une personne sur quatre en prison, sont en détention provisoire.
02:45Donc ça veut dire qu'ils ne sont pas condamnés, ils sont présumés innocents à ce stade-là.
02:49L'accès à la culture, c'est un droit fondamental qui est reconnu dans nos textes. La déclaration universelle des droits de l'homme, dans les règles pénitentiaires européennes.
02:58Il est demandé à ce que les prisons ne soient pas des lieux d'ennuis et de monotonie.
03:03J'ai repris juste un petit extrait quand même que je voudrais vous lire pour vous montrer en quoi on n'est pas hors sol sur ce positionnement.
03:11Donc les règles pénitentiaires européennes du Conseil de l'Europe nous dit, des activités récréatives, comprenant notamment du sport, des jeux, des activités culturelles, des passe-temps,
03:21et la pratique de loisirs actifs, doivent être proposées aux détenus, et ces derniers doivent autant que possible être autorisés à les organiser.
03:28Et donc, soin du visage, et dans ce country, vous semble être à leur place en prison au moment où nous parlons.
03:34Mais bien sûr, parce qu'en réalité ce sont des moments...
03:36C'est pas avec ça qu'ils vont préparer leur sortie pour ceux qui sortiront un jour.
03:38Mais la préparation à la sortie, c'est d'être au plus proche d'une vie normale.
03:44C'est ça la préparation à la sortie, et plus on essaiera de diminuer les effets profondément désocialisants et déshumanisants de la prison, et plus on accompagnera les gens vers la sortie.
03:55Dans sa circulaire, Gérald Darmanin rappelle que ces activités doivent prendre en compte le sens de la peine et le respect des victimes.
04:02Est-ce que vous êtes d'accord avec ce propos, et est-ce que vous estimez que les activités qu'on vient d'évoquer répondent à ce cadre ?
04:12Alors, moi d'abord je suis un peu étonnée qu'on puisse s'interroger sur le sens de la peine quand on est garde des Sceaux,
04:18et que depuis qu'on est garde des Sceaux, on n'a jamais parlé des conditions indignes de détention dans les prisons françaises,
04:23pour lesquelles on a été condamné par la Cour Européenne des Droits de l'Homme.
04:26Le 30 janvier, ça faisait 5 ans qu'on a été condamné, depuis la situation ne fait que s'aggraver, et on nous parle d'une activité ludique pour 20 personnes détenues.
04:35Et lorsqu'il vous demande, enfin lorsqu'il réclame, lui, l'adéquation totale entre l'objectif de réinsertion et l'activité proposée, ces activités vous semblent répondre à cela ?
04:45Mais en fait, ce qui est absolument fou, c'est que depuis cette annonce de Gérald Darmanin, on voit fleurir ces questionnements,
04:51mais alors le yoga, est-ce que c'est une activité pédagogique ? Est-ce que c'est du sport ?
04:55Mais en fait, évidemment, appartement où vous faites une activité.
05:00Parce qu'encore une fois, il faut reconstitualiser, on parle de personnes qui sont enfermées 22 heures, voire 23 heures sur 24 dans une cellule de 9 mètres carrés.
05:07Le temps de la prison, c'est un temps mort.
05:10Donc, quand on va favoriser le contact humain avec des personnes de l'extérieur,
05:16quand on va favoriser l'estime de soi, le rapport au corps, c'est très important.
05:21Et juste, je rajoute que plus on va aller là-dessus, et en fait, plus on va limiter la récidive.
05:28Donc en réalité, faire droit à ces activités, et je le répète quand même, qui sont vraiment marginales aujourd'hui en détention,
05:35c'est en réalité par ça qu'on pourra protéger la société.
05:40Est-ce qu'on a des chiffrages intéressants ? Est-ce qu'on a des études sur les résultats, notamment à la sortie de prison, de ces activités, si elles sont suivies par les détenus ?
05:48Si elles sont suivies par les détenus après être sorties de prison ?
05:51En termes de récidive, notamment ?
05:53Alors, on a des chiffres sur la récidive. On n'a pas des chiffres sur le fait, est-ce qu'ils continuent une activité qu'ils auraient initiée en prison.
05:58Non, non, mais ce n'est pas ce que je me demandais.
06:00Pardon. Alors, sur la récidive, oui, on a aujourd'hui 6 personnes sur 10 récidives dans les 5 ans.
06:05Et ça, c'est le résultat, c'est pour ça aussi qu'on dirait clairement...
06:08Est-ce que ces activités ont un rôle ? Vous comprenez que c'est ça qui préoccupe certainement la plupart de ceux qui nous écoutent ce soir,
06:14qui imaginent sans doute des activités qui leur permettent tout simplement de se réinsérer dans la vie sociale, notamment en matière de boulot.
06:21Alors, moi je vais poser la question peut-être différemment, mais c'est à quel moment peut-on imaginer que proposer un temps à des personnes qui sont enfermées dans les conditions que j'ai décrites,
06:32un temps qui va leur permettre de renouer avec un semblant de normalité dans leur vie, avec d'autres êtres humains,
06:40à quel moment peut-on penser que ça ne va pas les accompagner pour se réinsérer à la sortie ?
06:46Et ce sera la dernière intervention de cette émission. Merci beaucoup de nous avoir...
06:49Merci à vous.
06:50d'avoir pris la parole ce soir sur RTL Prudmissov. Vous êtes responsable du plaidoyer à l'Observatoire international des prisons.
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