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Aujourd'hui, dans « Les 4 V », Julien Arnaud revient sur les questions qui font l’actualité avec Patrick Martin, président du Medef.

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Transcription
00:00Bonjour à Patrick Martin, merci d'être là en pleine discussion sur le budget,
00:08qui est évidemment une discussion que vous suivez de très près en tant que chef d'entreprise
00:11et en tant que président du MEDEF.
00:13Alors, on a appris que le Parti Socialiste n'allait pas censurer le budget,
00:17le texte devrait donc passer.
00:18Est-ce que vous êtes soulagé ?
00:20Oui, ça n'enlève rien au fait que ce n'est pas un bon budget.
00:23Non, mais qu'est-ce qui prime ?
00:24Est-ce que c'est le soulagement ou bien la colère de voir un mauvais budget de votre point de vue ?
00:29La colère, c'est excessif, même si elle monte un peu dans nos rangs,
00:32c'est la déception surtout, et puis l'interrogation sur ce qui se passera après,
00:36parce que c'est un mauvais budget.
00:3713 milliards de charges en plus pour les entreprises françaises
00:40qui sont déjà les plus chargées au monde.
00:42Ça ne va pas encourager l'investissement, ça ne va pas encourager l'emploi.
00:45Mais est-ce que ce n'est pas le prix de la stabilité à laquelle aspirent avant tout les chefs d'entreprise ?
00:50C'est un dilemme, et je sais que ce budget a été fait dans l'urgence
00:53et dans un contexte politique incroyablement instable.
00:56Mais ça reste, pour les entreprises, pour l'économie, pour l'emploi, un mauvais budget.
00:59Il y a eu des concessions qui ont été faites justement par les socialistes,
01:02des concessions qui leur ont été faites.
01:04Est-ce que vous voulez regretter ces concessions sur un certain nombre de sujets ?
01:06Moi, ce que je relève, c'est que la dépense publique va continuer à augmenter,
01:09alors qu'on est déjà un record mondial.
01:11Ce n'est pas ça qui va résorber l'endettement.
01:13Et la variable d'ajustement, ce sont les entreprises.
01:15On nous dit que l'instabilité politique coûte 12 milliards.
01:19Moi, j'observe que les entreprises vont payer 13 milliards.
01:21Donc, c'est un peu la double peine pour les chefs d'entreprise ?
01:24La double peine, mais à nouveau, nous, ce qui nous intéresse,
01:26c'est de se projeter dans l'avenir.
01:27Donc, on attend très, très vite des mesures plus positives pour l'économie.
01:30Alors, justement, le ministre de l'Économie, Eric Lombard, a dit « c'est vrai,
01:34ils ont raison, les chefs d'entreprise, ils ont raison, les contribuables,
01:36il n'y a pas d'économie ».
01:37Mais rassurez-vous, vous allez voir ce que vous allez voir l'année prochaine.
01:39Est-ce que vous y croyez ou pas ?
01:42Écoutez, le chef d'entreprise est par nature optimiste.
01:44Donc, c'est un acte de foi.
01:46On parle de conclave, j'y crois.
01:48Mais il va falloir nous administrer des preuves très rapidement.
01:51Pour nous, on sera contributeurs, on sera constructifs.
01:53Mais en l'État, on s'inquiète quand même qu'aucune mesure d'économie
01:58n'ayant été prise, eh bien 2026 soit pire encore.
02:00Quelles sont les principales mesures d'économie que vous appelez de vos voeux ?
02:03Déjà, il y a beaucoup trop d'improductifs dans les fonctions publiques.
02:07L'État fait des gros efforts, mais il y a les collectivités locales,
02:09il y a le secteur hospitalier.
02:10Je ne parle pas des gens qui sont en première ligne et dont on a besoin,
02:13des enseignants, des forces de l'ordre, des soignants.
02:16Mais derrière, il y a toute cette administration qui coûte très cher,
02:19qui empoisonne la vie de tout le monde, dont des fonctionnaires de première ligne.
02:23Là, il y a des économies à faire.
02:24Et puis, par ailleurs...
02:25Vous croyez vraiment que le Parti socialiste va être d'accord
02:27pour qu'on supprime des postes dans la fonction publique ?
02:29Écoutez, il y a Parti socialiste et Parti socialiste.
02:31Moi, je regarde ce que proposent les socialistes allemands
02:33pour les prochaines législatives.
02:35C'est compétitivité de l'économie, c'est attractivité du territoire.
02:38Je pense que ça pourrait, pardon d'être un peu outrecunant,
02:41mais ça pourrait inspirer les socialistes français.
02:43Mais ça n'est pas du tout la situation politique telle qu'elle est en France.
02:46Vous le voyez bien.
02:46Mais je le vois bien.
02:47Et nous, ce qui nous intéresse, c'est la réussite du pays.
02:49Le MEDEF, c'est 200 000 entreprises, plus de 10 millions de salariés.
02:52On est un peu concernés.
02:53Je pense qu'on est très contributeurs, très contributeurs à la bonne marge du pays.
02:57300 milliards d'impôts et de taxes tous les ans.
02:59Donc, on a voix au chapitre.
03:00On aimerait bien être entendus un peu plus.
03:02Ils ne sont pas du tout entendus, les chefs d'entreprise, aujourd'hui.
03:04Vous avez l'impression de prêcher dans le désert, dans le vide ?
03:06Il y a ce contexte politique qui est assez infernal.
03:08On ne peut pas en faire abstraction.
03:10Mais oui, on a l'impression de parler pour ne rien dire.
03:13Et ça, ce n'est pas notre genre.
03:15Il y a des chefs d'entreprise, d'ailleurs, qui parlent fort
03:19et qui, normalement, ne prennent pas vraiment la parole publiquement
03:21et qui se font entendre.
03:22Vous avez notamment soutenu Bernard Arnault
03:24quand il a poussé un coup de gueule la semaine dernière
03:25contre la surtaxe de l'impôt sur les sociétés.
03:28Vous ne croyez pas, François Bayrou, quand il dit
03:30« ce n'est que pour un an, promis, ça devait être deux ans,
03:33et là, ce n'est que pour un an ».
03:34Ça renvoie à ce que je viens de vous dire.
03:36On veut d'urgence, maintenant, des mesures positives
03:39pour la croissance, pour l'innovation, pour l'emploi.
03:41Pour l'instant, il n'y a rien dans ce budget qui aille dans ce sens.
03:44Donc, évidemment que, par principe, on fait confiance au Premier ministre,
03:47mais il va falloir qu'avec son gouvernement,
03:49très rapidement, il nous envoie des signaux positifs
03:50parce que le reste du monde va complètement à l'inverse
03:53de ce que fait la France.
03:54J'évoquais les socialistes allemands, mais prenez l'Espagne,
03:56prenez la Pologne, prenez le Portugal,
03:58prenez, bien sûr, les États-Unis.
04:00On n'est pas dans un monde à part et si on veut affaiblir l'économie,
04:03on affaiblira l'emploi.
04:04Est-ce que les chefs d'entreprise sont tous alignés ?
04:06Parce qu'on a vu le coup de gueule de Bernard Arnault
04:08et Michel-Édouard Leclerc a commenté, il a dit
04:10ça n'est pas positivement impactant d'avoir un des hommes les plus riches de France
04:14qui dit, si ça ne le fait pas, je quitte le pays.
04:16Et Bernard Arnault lui répond,
04:18puisque M. Leclerc semble vouloir défendre les PME français,
04:20je lui conseille d'arrêter de pressurer les fournisseurs français.
04:23Est-ce qu'il y a du rififi dans vos rangs, Patrick Martin ?
04:25Non, il y a des postures.
04:26Moi, j'ai du respect pour l'un et pour l'autre.
04:28Je ne rentre pas dans ce débat.
04:30Ce qui m'intéresse, c'est la réussite économique du pays
04:32et donc la réussite du pays.
04:33Alors, vous avez critiqué les socialistes français.
04:35Est-ce que vous critiquez aussi la CGT ?
04:37Quand sur ce sujet, Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT,
04:40dit les rats quittent le navire.
04:42C'est très excessif, c'est très excessif.
04:44Et puis alors, c'est particulièrement inapproprié
04:46quand vous avez une entreprise qui paye plus de 2,5 milliards d'euros d'impôts
04:50chaque année en France, qui emploie directement et indirectement 200 000 salariés.
04:54LVMH ?
04:55LVMH, l'entreprise de Bernard Arnault,
04:57avec des salaires qui sont très au-dessus de la moyenne des autres entreprises.
05:01Donc, je pense que Sophie Binet était mal renseignée sur le cas de Bernard Arnault.
05:05Et l'expression les rats, elle vous a choqué ou pas ?
05:06Bien sûr qu'elle m'a choqué.
05:08Non, puis si vous voulez, le pays souffre d'excès de langage.
05:10On le voit à l'Assemblée nationale, là, c'est particulièrement choquant.
05:13Donc oui, Sophie Binet aurait pu être beaucoup plus modérée dans ses appréciations.
05:17Elle dit aussi que jamais en France, les entreprises n'ont payé aussi peu d'impôts.
05:21Jamais les aides aux entreprises n'ont été aussi élevées.
05:24Vous qui êtes dans le business depuis longtemps, vous le confirmez ou pas ?
05:27Oui, puisque je suis entrepreneur avant toute chose, vous l'avez rappelé.
05:29Oui, enfin, il n'en demeure pas moins que les entreprises françaises
05:32sont les plus taxées au monde.
05:33net des aides dont elles bénéficient ici et là pour corriger des excès de législation inappropriée.
05:38Mais ça n'a jamais été aussi bas, ça vous dit que c'est vrai ?
05:40Mais ça n'a jamais été aussi haut par rapport au reste du monde.
05:44Il faut se comparer dans le temps.
05:45C'est vrai que les impôts ont baissé.
05:47Il faut se comparer dans l'espace.
05:48Regardez ce qui se passe dans les autres pays.
05:50Pour les grandes entreprises, 35,5% de taux d'impôt sur les sociétés en 2025.
05:55Aux États-Unis, au Portugal, 15%.
05:57Que voulez-vous ?
05:58À un moment donné, il y a une rationalité économique.
06:00Et l'économie française, elle souffre.
06:02Au quatrième trimestre 2024, l'économie française a connu une récession
06:07et on a vu que le chômage avait fortement augmenté.
06:09Est-ce que 2025 part sur les mêmes bases ou pas ?
06:11Alors d'abord, je signale que j'avais tiré le signal d'alarme dès l'été.
06:14Vous avez dit, on est déjà en récession.
06:16Et c'est vrai que les chiffres du quatrième trimestre vous ont donné raison.
06:19Oui, avec une forme d'indifférence ou même de moquerie de la part de certains politiques.
06:24Mais je suis désolé d'avoir eu raison.
06:262025 démarre mollement.
06:29Raison de plus pour que très vite les pouvoirs publics
06:31envoient des signaux positifs aux investisseurs, aux entreprises.
06:35Parce que sinon, on va rester sur cette tendance.
06:36Et à la fin, ça veut dire quoi ?
06:38Plus de chômage, moins de croissance, moins de rentrées d'impôts,
06:41moins de rentrées de charges sociales.
06:42Donc, c'est la triple peine.
06:44On a vu qu'il y avait des tensions avec les syndicats.
06:46On a vu les déclarations de Sophie Binet.
06:48Pourtant, vous discutez en ce moment avec eux sur plein de sujets,
06:51notamment les retraites.
06:52Dites-nous où en sont les discussions dans le fameux conclave
06:55qu'a souhaité mettre en place François Bayon.
06:57Elles n'ont pas commencé en attendant le diagnostic de la Cour des comptes.
07:00Notre position est très claire.
07:01C'est une erreur d'avoir ouvert, en tout cas de cette manière,
07:04ce chantier des retraites.
07:05La France est sous surveillance.
07:07La dette française est énorme et détenue par des étrangers.
07:10On ne doit pas jouer avec cet enjeu essentiel qu'est la retraite.
07:13Et d'une manière générale, ça fait plaisir ou pas, il faut travailler plus.
07:17La porte-parole du gouvernement était à votre place hier.
07:19Elle nous a dit aussi qu'une conférence sociale allait se tenir
07:21et que le sujet d'une hausse du SMIC allait arriver sur la table.
07:24Quelle est votre position là-dessus ?
07:25Est-ce que vous y êtes fermement opposé ?
07:27Comme de tout temps, on dit qu'on est OK pour qu'il y ait des augmentations de salaires.
07:31Très bien, mais il faut que le coût du travail pour l'entreprise
07:34et pour les salariés eux-mêmes baisse.
07:35On paye trop de charges sociales.
07:37Prenons le cas des retraites.
07:38Les entreprises payent 60% des cotisations de retraite,
07:41les salariés 40%.
07:43Donc qu'à la fin, le net soit faible, ça s'explique.
07:46Le modèle social français est à bout de souffle et il est mal financé.
07:49Il pèse trop sur le travail, il pèse trop sur l'entreprise.
07:52Augmentons le SMIC, mais dans ces conditions.
07:54Autre sujet polémique du moment, l'immigration.
07:56Éric Lombard souhaite une immigration du travail.
07:59Bruno Rotailleau souhaite limiter au maximum l'immigration.
08:01En tant que chef d'entreprise, quelle est votre position là-dessus ?
08:03Ma position, je l'ai déjà énoncée, c'est qu'à un moment donné,
08:06il faut qu'on objective ce débat qui est devenu totalement passionnel,
08:09totalement politisé, totalement instrumentalisé.
08:11La démographie est une science exacte.
08:13Si on veut préserver notre croissance, si on veut préserver notre modèle social,
08:17aura-t-on besoin ou pas d'immigration économique choisie ?
08:20Posons le débat comme ça.
08:21Et votre réponse, c'est quoi ?
08:22Ce n'est pas le Medef qui décidera à la fin.
08:23Ça sera un choix démocratique.
08:25Mais votre avis personnel, oui ou non ?
08:26En l'état, il faut d'abord faire revenir à l'emploi ceux qui en sont éloignés,
08:30mieux former, mieux orienter nos jeunes.
08:32Et si à un moment donné, dans certains métiers,
08:34y compris à de hauts niveaux de qualification,
08:36on a besoin d'immigration économique choisie,
08:38eh bien faisons comme d'autres pays, mais faisons-le de manière pacifiée.
08:41Plutôt oui, mais dans un second temps et dans un climat pacifié.
08:45On a entendu Patrick Martin en colère ce matin quand même
08:49sur le budget qui sera bientôt adopté à l'Assemblée,
08:53qui passera par 49,3% plus tôt.
08:54Merci beaucoup Patrick Martin pour être venu ce matin dans les 4V.
08:57Merci.